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Ce livre est le fruit de la thèse qu’Étienne Grenet a menée sous la direction de Philippe Lefebvre à l’Université de Fribourg (Suisse). L’auteur enseigne à la Faculté Notre-Dame ainsi qu’au Collège des Bernardins. L’originalité de ce livre réside dans une question : Qui parle ? L’auteur s’appuie sur l’interprétation prosopologique (prosôpon) des Pères de l’Église telle que décrite par Marie-Josèphe Rondeau[1] pour explorer comment cette question peut trouver une résonance féconde dans l’étude des Psaumes. La première partie du livre est banalement intitulée « Première approche », elle explique la méthode proposée. Puis la deuxième partie consiste en un commentaire prosopologique des deux premiers livres du Psautier (1-72).

L’étude commence par décrire l’usage du pronom personnel, sa déclinaison, les formes verbales à la première personne, mais aussi les substituts lexicaux tels que ma ruah ou « ma nephèsh » dans le texte hébreu des Psaumes. L’enquête sur ces formes lexicales montre que les Psaumes sont les textes bibliques qui utilisent le plus ces éléments.

Le « je » psalmique est à la fois anonyme, placé en rapport avec David, parole dite par Jésus, par l’Esprit ou par le Père, Parole de Dieu et prière humaine. Ce « je » réfère aux personnes qui ont composé, transmis oralement, mis à l’écrit, chanté, lu, entendu ces Psaumes. Pourtant, devant ces multiples « je », É. Grenet propose un regard marqué par l’unité. Il entre d’ailleurs dans le courant d’études sur le Psautier comme livre. Malgré la discontinuité des Psaumes, cette étude du « je » psalmique permet à la fois de distinguer des voix qui dialoguent.

L’auteur porte attention à la transformation du lecteur et dans quelle mesure il peut s’identifier au « je » des Psaumes en reprenant l’histoire de leur interprétation dans divers milieux. En effet, cette approche exégétique montre les limites des méthodes plus « objectivantes » et invite à travailler à partir d’une subjectivité assumée dans l’interprétation biblique. Il y a un intéressant rapport entre le travail sur la rhétorique ancienne et l’intérêt pour le lecteur dans la littérature contemporaine.

Une proposition intéressante est de formuler la question de l’attribution davidique autrement, en présentant David comme un possible lecteur du Psaume. Au lieu d’être présenté comme l’auteur, David est mis comme un lecteur modèle qui, le premier dans une longue liste de lecteurs, s’approprie le Psaume, il dit ce « je » (p. 229-231).

Seul bémol, même si une note indique qu’il s’agit d’une simplification de sa thèse, l’ouvrage de 686 pages aurait gagné à être encore plus concis. À certains moments, j’ai eu l’impression que l’auteur se plaisait à allonger un discours un peu redondant.

En définitive, le « je » psalmique est une réalité complexe qui continue à travailler lecteurs et interprètes. Cette méthode d’analyse pourrait avantageusement être transférée sur les textes prophétiques comme Isaïe ainsi que pour le texte poétique du Cantique des cantiques.