Recensions

Cory Andrew Labrecque, dir., « Parle à la terre et elle t’instruira ». Les religions et l’écologie. Québec, Presses de l’Université Laval, 2022, 200 p.[Notice]

  • Sébastien Doane

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  • Sébastien Doane
    Université Laval, Québec

Le rapport entre les traditions religieuses et l’environnement est un sujet aussi fascinant qu’important. La quatrième de couverture de ce collectif tempère les attentes en indiquant que ce volume ne fait que « gratter la surface ». La préface d’André Beauchamp indique qu’il s’agit d’un premier ouvrage en français au Québec sur le rapport religions et écologie. Les neuf chapitres proposent une réflexion sur le jaïnisme, l’hindouisme, le sikhisme, la cosmologie innue, le judaïsme et le christianisme. Le premier chapitre écrit par Marie Hélène Gorisse présente les conceptions du monde dans le jaïnisme par le concept de co-responsabilité des âmes. Elle expose l’organisation du monde jaïn par les catégories du réel et une taxonomie des êtres vivants dans lequel « toute plante vivante et dans tout animal vivant, il y a forcément une ou plusieurs âmes » (p. 15). Le jaïnisme accorde une grande importance aux nombres de sens possédés pour classifier le vivant. Ainsi, il ne donne pas une place centrale à l’être humain puisque plusieurs autres animaux, dieux et démons ont l’usage de cinq sens et l’usage de l’intellect. Cette tradition invite à repenser la « nature » qui n’est pas quelque chose d’extérieur aux humains. Philippe Cadène, dans le deuxième chapitre, investigue le rapport entre l’hindouisme et l’écologie par un regard sociologique sur l’Inde et ses rapports conflictuels à l’environnement. Les textes sacrés de l’hindouisme « prônent l’inclusion des hommes et des femmes dans la nature et valorisent l’harmonie entre êtres vivants, humains, animaux, plantes » (p. 32). Cadène indique que le système des castes délimite les humains, mais aussi les animaux dans une grille hiérarchique établie selon la pureté spirituelle. L’intérêt est mis sur la société indienne et les luttes pour la défense de l’environnement. Divers acteurs sont présentés, comme Vandana Shiva, militante écologique et féministe qui invoque le principe de Prakriti, qui considère la nature comme une force vivante et indépendante. Le troisième chapitre composé par Julie Vig décrit la démarche spirituelle et l’engagement éthique des Sikhs. Elle raconte l’événement fondateur du sikhisme qui commence par une plongée dans l’eau de Guru Nanak. Elle décrit quelques concepts sikhs dont le pouvoir créateur (kudarati) de l’Un qui s’étend à tout l’univers. Ainsi, le divin se retrouve partout. Vig souligne l’engagement social sikh ainsi que la démarche spirituelle par laquelle on ne peut s’approcher du divin qu’en devenant en harmonie avec la nature. Émile Duschesne propose un chapitre fascinant (et illustré !) sur la fluidité des catégories humaines et animales dans la cosmologie innue. Pour situer les études autochtones, il introduit aux théories anthropologiques qui ont marqué le domaine (structuralisme, matérialiste et ontologique). Duschesne transmet les récits des temps primordiaux (atanukana) qu’il a entendus lors d’un voyage de chasse qu’il a entrepris avec un aîné et un groupe de jeunes. Dans ces récits, les personnages sont généralement en partie animaux et humains. Ils montrent la frontière fragile entre l’humanité et l’animalité et permettent aux auditeurs de prendre la perspective d’un animal. Le rapport à l’environnement des Innus se comprend par une hiérarchie des puissances dans laquelle humains et animaux doivent composer avec des entités qui sont en quelque sorte les gardiens des animaux et qui imposent normes et sanctions. Deux chapitres sont consacrés au judaïsme. Jonathan Aikhenbaum, directeur de Greenpeace Israël, propose une refonte de l’éthique juive à partir de ce qu’il nomme « urgence climatique » et « effondrement majeur ». Il présente un principe de responsabilité appliquée appelé Bal Tashrit (tu ne dégraderas pas), qui provient de la volonté divine de préserver des arbres fruitiers lors de la destruction …

Parties annexes