Corps de l’article

Introduction

Au sein de l’Union européenne, même si cette proportion diminue régulièrement, la part des jeunes de 18 à 24 ans ayant quitté prématurément l’éducation et la formation est encore de 11 % en 2015 (Eurostat, 2016). Les pays de l’Union européenne considèrent les processus d’orientation comme une compétence clé à acquérir et à maîtriser durant la scolarité obligatoire de manière à éviter, notamment, les sorties précoces (Institut national de recherche pédagogique [INRP], 2008). En conséquence, les lignes directrices de l’éducation tout au long de la vie s’inscrivent dans les textes législatifs de l’Union européenne depuis de nombreuses années (Conseil Éducation, jeunesse et culture, 2008) et dans les programmes éducatifs français (Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2008), avec en particulier le parcours Avenir. En parallèle et dans la lignée de ces changements, les instances européennes sont également influencées par un mouvement québécois : l’approche orientante (INRP, 2008 ; Meunier, 2009 ; Canzittu & Demeuse, à paraître).

Originaire du Québec et développée à partir des années 1990, l’approche orientante relève de l’éducation à l’orientation. Quiesse, Ferré et Rufino (2007) la considèrent comme « un nouveau paradigme en phase avec l’époque et le monde d’aujourd’hui » (p. 10). Le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) l’a officiellement définie comme :

Une démarche concertée entre une équipe-école et ses partenaires, dans le cadre de laquelle on fixe des objectifs et met en place des services (individuels et collectifs), des outils et des activités pédagogiques visant à accompagner l’élève dans le développement de son identité et dans son cheminement vocationnel. Il s’agit donc d’activités et de services intégrés au plan de réussite et au projet éducatif d’un établissement et non d’un simple cumul d’actions isolées engageant peu l’équipe-école

MEQ, 2002, p. 18

L’approche orientante est considérée comme une « conception de l’éducation » (Gingras, 2008) qui veut rapprocher les apprentissages de l’orientation. Une de ses particularités est d’être fondamentalement mobilisatrice. Elle engage aussi bien l’ensemble des équipes éducatives et pédagogiques (ou équipe-école pour nos collègues québécois) que les entreprises et sociétés extérieures, tout comme les élèves et leurs parents. L’objectif est de réunir les conditions optimales afin que les jeunes deviennent acteurs de leur parcours de vie. Ainsi, l’approche orientante tente d’aider les élèves à mieux se connaître et à s’ouvrir sur le monde afin de donner du sens à leurs apprentissages et afin de les aider dans leurs prises de décision. Elle veut notamment limiter les abandons scolaires, faire prendre davantage conscience aux élèves de leurs qualités entrepreneuriales (telles que la confiance en soi, l’esprit d’équipe et l’initiative) et favoriser l’acquisition de compétences disciplinaires et transversales (Camiré & Gingras, 2007 ; Dupont, Gingras & Marceau, 2002).

Afin d’aider les différents acteurs concernés à mettre en pratique l’approche orientante, de nombreux outils pédagogiques sont conçus par divers acteurs pédagogiques[1]. Ces outils peuvent prendre de multiples formes et concerner (ou non) une, voire plusieurs disciplines. Par exemple, cela peut consister en la venue d’un professionnel en classe ou encore en un fascicule à destination du cours de français afin d’aborder les compétences disciplinaires et d’amener les élèves à découvrir l’évolution des professions en fonction de la société et de la mondialisation (Canzittu, 2010).

Le jeu de société VIP[2] est l’un de ces nombreux outils permettant de soutenir le processus d’orientation. Il a été présenté lors du Colloque sur l’approche orientante de 2011 organisé par l’Association québécoise d’information scolaire et professionnelle (AQISEP, 2011). Hormis l’information fournie sur cet outil lors de ce colloque[3], peu d’éléments concernant son élaboration et les éventuelles études qui auraient été menées au Québec sont disponibles. Conçu par les conseillères pédagogiques Marie Beaufort, Julie Pellerin et Dominique Leblanc, le jeu VIP veut initier des élèves de 13 à 16 ans à la connaissance de soi à partir de la typologie de Holland. Il se propose de déterminer les intérêts professionnels du jeune. De plus, ses conceptrices ont voulu créer un outil qui permette de mobiliser les élèves les moins enclins à s’investir, dans l’élaboration de leur projet professionnel. Il n’a cependant pas la prétention de remplacer ni d’égaler un questionnaire d’investigation des intérêts professionnels utilisé par un professionnel de l’orientation.

Ancrage théorique de l’outil VIP

Afin de définir les finalités, les compétences à développer et les stratégies éducatives à utiliser avec les élèves, l’approche orientante s’appuie sur des théories et des études reliées au choix professionnel et au développement de carrière. Celles-ci comprennent entre autres le concept d’éducation à la carrière de Hoyt, la théorie des intelligences multiples de Gardner et la typologie des intérêts professionnels de Holland (Dupont, Gingras & Marceau 2002). La théorie du choix vocationnel de Holland (1997) constitue l’ancrage théorique du jeu VIP et sert de base à de nombreux outils psychométriques, dont le questionnaire d’investigation des intérêts professionnels français Hexa 3D. Bien que datant du milieu des années 1960, cette théorie est encore largement mobilisée (Nauta, 2010) et fait l’objet de nombreuses études (Du Toit & De Bruin, 2002 ; Guglielmi, Fraccaroli & Pombeni, 2004 ; Toomey, Levinson & Palmer, 2009 ; Vrignaud, 1996), même si elle semble aujourd’hui de plus en plus supplantée par le modèle développé par Bandura (Mosconi & Stevanovic, 2007). Pour exposer très brièvement sa théorie, Holland (1997) formule plusieurs hypothèses, dont celle selon laquelle les intérêts professionnels sont un mode d’expression de la personnalité. Il considère donc les choix d’orientation comme un mode d’expression de cette personnalité et distingue six types de personnalité (RIASEC), selon des aptitudes, des traits de personnalité, des valeurs et des croyances. Très succinctement, la personne de type Réaliste (R) a un esprit pratique et aime travailler de ses mains. L’Investigateur (I) est doté d’une certaine curiosité intellectuelle et d’un goût pour la recherche. Le type Artistique (A) est décrit comme créatif, imaginatif et original. La personne de type Social (S) aime les activités reliées au contact avec d’autres personnes et dans le secteur des services. L’Entrepreneur (E) est un meneur, déterminé et convaincant. Enfin, le Conventionnel (C) est consciencieux, ordonné et réservé. Il ne s’agit pas de « types purs », car plusieurs types peuvent partager certaines caractéristiques. Holland les représente d’ailleurs selon un modèle hexagonal illustré à la figure 1, où plus la distance entre deux types est importante, plus ces types sont dissemblables.

Figure 1

Modèle hexagonal de Holland

Modèle hexagonal de Holland
Vrignaud & Bernaud, 2005, p. 55

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De tous les modèles ayant trait au développement de carrière, celui de Holland a fait l’objet du plus grand nombre d’analyses et d’études (Spokane, Luchetta & Richwine, 2002). Parmi celles menées sur la structure des intérêts à travers le genre et les populations ethniques, un certain nombre démontre la consistance de la disposition des types et de leur proximité sur un modèle hexagonal ou, plus approximativement, sphérique (Guglielmi, Fraccaroli & Pombeni, 2004 ; Spokane & Cruza-Guet, 2005 ; Tétreau, 2005). Le débat se centre davantage sur la régularité géométrique de l’hexagone et sur la correspondance des distances entre les différents types. Vrignaud et Bernaud (1994) ont validé, entre autres, la structure du modèle de Holland en France.

Objectifs du jeu VIP

Un des principaux objectifs du jeu VIP est de sensibiliser les adolescents au sujet de leur projet et de leur devenir professionnels, tout en apprenant à se connaître. Pour cela, il détermine le type de personnalité dominant du jeune parmi une typologie à sept composantes : la typologie de Holland (RIASEC) et le type « Éveilleur » (Z), tiré de l’inventaire d’intérêts et de personnalité québécois du Guide de recherche d’une orientation professionnelle (GROP-3), qui s’appuie également sur la typologie de Holland et à l’intérieur duquel les concepteurs ont ajouté le type « Éveilleur ». Ce dernier type lui est d’ailleurs exclusif (Psymétrik, s. d., b) et ne s’intègre pas au modèle hexagonal. L’individu défini par ce type de personnalité est décrit comme un humaniste et un idéaliste ainsi qu’une personne engagée, passionnée et visionnaire ayant des valeurs telles que la solidarité, la politique et la justice, et souhaitant s’impliquer dans des actions communautaires (Psymétrik, s. d., a).

Le jeu VIP veut également créer et accroître l’engagement des élèves à s’investir dans leur projet professionnel, et ce, en les enthousiasmant. Les conceptrices visent surtout les garçons, car elles ont constaté, à travers leurs interventions, que ces derniers sont généralement moins impliqués que les filles dans l’élaboration de leur avenir professionnel. Castellan et Riard (2005) ont pu constater un phénomène similaire chez des adolescents français de 11 à 17 ans. Il apparaît en effet que le projet professionnel est d’autant plus ancré que l’âge est avancé, et ce, pour les deux sexes, mais que ce projet est plus présent chez les filles que chez les garçons. C’est afin de susciter cet enthousiasme que les conceptrices ont choisi de présenter leur outil sous forme de jeu de société. De même, des pistes sont proposées aux professionnels afin de développer et d’étendre le travail initial effectué grâce à cet outil, et afin de travailler particulièrement l’engagement des élèves. Cela consiste notamment à amener chaque élève à constituer un dossier ou un portfolio (Duroisin, 2011), à partir de ses résultats au jeu VIP, concernant son projet et son orientation professionnels, en lui assurant du suivi tout au long de sa scolarité. Cela peut également consister en la mise en place de tout un travail sur le plan de l’estime de soi et du sentiment d’efficacité personnelle, notamment en mettant en avant les compétences du jeune à partir des discussions entretenues avec lui et de ses résultats au jeu VIP.

Description du matériel

Une table de jeu est composée de trois ou quatre joueurs, ce qui nécessite un jeu complet. Chaque participant se munit d’un « carnet d’invitation » et de deux planches représentant respectivement son « personnage VIP » et sa « loge ».

Chaque joueur incarne une personnalité VIP. Sous le prétexte d’une soirée qui s’annonce, il doit amasser des « accessoires ». Ces derniers sont représentés sous forme de cartes de couleurs différentes associées à divers objets tels qu’un sac, une ceinture, un chapeau, etc., que l’on appelle « cartes accessoires ». Afin de les amasser, chaque élève est successivement soumis à des questions (cartes « questions-clés »), pour lesquelles il indique si la proposition lui correspond ou non. Selon sa réponse, il choisit une « carte accessoire », qu’il place soit sur son « personnage VIP » (réponse « oui »), soit sur sa « loge » (réponse « non »). Chaque question est distinguée par une couleur selon le type de personnalité auquel elle réfère. L’« accessoire » choisi est de la même couleur que la question traitée. À titre d’exemple, un élève piochant et obtenant la question « Es-tu original ? » est soumis à l’échelle « Artistique », distinguée par la couleur bleu ciel. Il pose donc une « carte accessoire » de cette couleur, peu importe l’accessoire représenté, sur sa planche « personnage VIP » s’il répond par l’affirmative, ce qui ajoute une unité à l’échelle « Artistique ». Si l’élève répond « non », il dépose cette « carte accessoire » sur sa planche « ma loge ».

Certaines questions (« cartes étoiles ») se démarquent des autres. La question s’adresse à tous les participants. Chacun choisit sa réponse parmi sept réponses proposées, chacune correspondant à un type de personnalité. Par exemple, pour la question « Que fais-tu lorsque tu as une journée de congé ? », autant de réponses que d’échelles sont proposées : « Pratiquer un sport ou réaliser une activité manuelle » (R), « Évaluer les possibilités d’activités intellectuelles (lire, faire des devoirs, etc.) » (I), « Improviser selon ma créativité » (A), « Appeler mes amis et organiser une activité ensemble » (S), « Organiser une activité et convaincre mes amis d’y participer » (E), « Planifier, en début de journée, les activités que j’aimerais faire » (C) et « Peut-être en profiter pour aller faire un peu de bénévolat » (Z). Chaque joueur prend alors un « accessoire » de la couleur indiquée à côté de sa réponse et le dépose sur son « personnage VIP », ce qui ajoute une unité à l’échelle choisie.

La photographie présentée en figure 2 montre le jeu VIP installé pour une partie.

Pour accroître l’aspect ludique, un lancer de dés détermine à chaque tour si le joueur peut piocher et obtenir une carte « question-clé ». La partie se termine lorsque chaque participant a répondu à au moins 15 questions ou si le temps de jeu excède une heure. Dès lors, chacun compte le nombre d’unités de même couleur qu’il a respectivement sur son « personnage VIP » et sur sa « loge », puis reporte les résultats dans son « carnet d’invitation ». Le type de personnalité dominant de l’élève correspond à la couleur pour laquelle il totalise le plus de « cartes accessoires » sur son « personnage VIP », c’est-à-dire au type pour lequel il a le plus souvent répondu par l’affirmative. Le « corrigé », remis sous enveloppe, permet à chaque joueur de découvrir à quel type de personnalité sa couleur dominante correspond (RIASEC-Z) et comprend une description de ce type selon les intérêts, les traits de personnalité et les valeurs qui lui sont associés. Les élèves sont alors invités à partager leur réaction sur la découverte de leurs résultats.

Figure 2

Jeu VIP

Jeu VIP

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Sur la base du rapport fait par ses conceptrices, le jeu VIP apparaît comme un outil particulièrement innovant et prometteur, tant pour l’ensemble des professionnels concernés par l’orientation que pour les adolescents. Il contribuerait à l’engouement et donc à l’implication des élèves. En France, cet outil québécois a fait l’objet d’une seule étude, qui concerne la validité de l’outil (Bréhaut, 2012). Dans le cadre de cet article, l’intérêt et les limites de cet outil sont testés. Nous avons choisi d’évaluer la qualité de l’information obtenue et l’engouement qu’il peut ou non susciter à travers les représentations qu’en ont les élèves avant de s’en servir directement dans les classes.

Concernant la validité concourante de l’outil, nous examinerons si les résultats du jeu VIP sont identiques à ceux obtenus au questionnaire Hexa 3D (Vrignaud & Cuvillier, 2006). Ce questionnaire d’investigation des intérêts professionnels a été choisi comme référence, car il est explicitement conçu selon le modèle de Holland, tout comme le jeu VIP, et car il a été entièrement construit et étalonné dans le contexte culturel français, population étudiée dans cette expérimentation. De plus, l’Hexa 3D est un outil de référence relativement récent, reconnu et utilisé par les conseillers d’orientation psychologues. Enfin, sa forme papier-crayon permet une passation collective. Les caractéristiques de l’Hexa 3D qui viennent d’être présentées constituent des avantages non négligeables qui justifient le choix de ce questionnaire pour cette expérimentation. Au cours de cet article, la distribution aléatoire des questions est également étudiée. Les élèves obtiennent-ils systématiquement des questions relatives à chacun des types de personnalité et de manière équivalente ? Aussi, l’opinion des élèves utilisant ce nouvel outil est analysée à travers les représentations qu’ils en ont. Que pensent-ils du jeu VIP ? Plus précisément, cet outil leur plaît-il davantage que la forme plus « classique » du questionnaire d’investigation des intérêts professionnels ? Des représentations positives seraient un indicateur en faveur de l’objectif des conceptrices du jeu VIP de susciter de l’engouement.

Lors d’une expérimentation, des élèves ont donc été soumis au jeu VIP, au questionnaire Hexa 3D ainsi qu’à un questionnaire autoadministré (voir Annexe) construit pour l’expérimentation afin de récolter leur opinion sur la passation des deux outils.

Méthode

Participants

Au total, 207 élèves de seconde générale et technologique provenant de quatre lycées du nord de la France et répartis en huit groupes de passation ont été soumis à l’expérimentation. Parmi eux, six élèves ont été exclus de l’échantillon expérimental, car ils avaient plus de 16 ans, âge maximal auquel s’adresse le jeu VIP. Ainsi, l’échantillon expérimental est composé de 201 participants. Chaque groupe de passation est constitué d’une classe. L’échantillon est composé en majeure partie de filles (57,7 %). Cette distribution est supérieure de 3 points à celle rapportée pour la rentrée 2010 à l’échelle nationale (54,1 % de filles) par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (2011), dernières données disponibles avant l’expérimentation.

Instruments

Initialement élaborées pour une population de lycéens, les expérimentations ainsi que les études de validation antérieures ont démontré que l’Hexa 3D peut être soumis à des personnes de 14 à 25 ans. Il permet d’évaluer les intérêts professionnels en abordant les représentations des individus à travers trois domaines : leurs activités préférées, leurs qualités et les professions. Tout comme le jeu orientant VIP, l’Hexa 3D ne fait donc pas uniquement appel aux représentations des métiers afin de mesurer les intérêts professionnels. Chaque domaine comprend des séries de six éléments. L’individu indique pour chacun des éléments s’il lui déplaît, s’il lui est indifférent ou s’il l’intéresse, sachant qu’il peut choisir au maximum trois fois la réponse « ça m’intéresse » par série. L’Hexa 3D permet d’obtenir un profil pour chacun des domaines ainsi que pour les intérêts généraux. Ces profils se basent sur la typologie de Holland (RIASEC).

L’objectif général du questionnaire autoadministré (voir Annexe) est de recueillir l’opinion des participants concernant le jeu VIP par rapport à l’Hexa 3D. Les objectifs spécifiques consistent à récolter des renseignements signalétiques, la profession et la série de baccalauréats envisagés afin d’estimer si le projet professionnel est construit. Pour cette étude, un projet professionnel est estimé comme élaboré si le jeune a déjà choisi son type de bac et s’il sait quelle profession il souhaite exercer. Si tel n’est pas le cas, son projet professionnel est estimé comme en cours d’élaboration. Les autres renseignements signalétiques nécessaires, soit l’âge et le sexe, sont demandés lors de la passation de l’Hexa 3D, donc ils ne sont pas repris dans le questionnaire autoadministré. Les questions concernant les renseignements signalétiques sont posées en premier afin de servir d’introduction. Pour interroger les élèves sur leur opinion par rapport au jeu VIP et à l’Hexa 3D, le choix s’est porté vers une question à choix multiple, vers une question à choix forcé afin d’éviter une réponse de convenance ou d’acceptation et vers une question ouverte afin de justifier ce choix.

Procédure et méthode d’analyse des données

Les passations ont été menées de mars à mai 2012 par une étudiante en psychologie (master 2) accompagnée du conseiller d’orientation psychologue de la classe concernée. Les classes ont été sélectionnées en fonction de leur horaire, la passation nécessitant deux heures consécutives. Chaque classe a été soumise de manière collective au jeu VIP, au questionnaire Hexa 3D et au questionnaire autoadministré construit pour l’expérimentation. Un contrebalancement entre le jeu VIP et le questionnaire d’investigation des intérêts professionnels a été effectué entre les groupes de passation afin de contrôler tout effet d’un instrument de mesure sur l’autre. Chaque élève a reçu de la rétroaction individuelle écrite sur ses résultats à l’Hexa 3D dans les semaines suivant la passation. Les résultats au jeu VIP sont obtenus durant la passation.

Afin de tester la validité concourante du jeu VIP sur cet échantillon, la cooccurrence des résultats du jeu VIP et de l’Hexa 3D, et plus particulièrement du type défini comme dominant, est étudiée. Pour cela, une analyse descriptive permet de comparer le type de personnalité défini au premier rang des profils de chacun des outils. Un tableau croisé est réalisé afin d’obtenir des taux de concordance. Une seconde analyse descriptive permet d’évaluer si les participants ont obtenu des questions relatives à chacune des échelles du jeu VIP et en quel nombre. La distribution des effectifs et des fréquences du nombre total de « cartes accessoires » obtenues pour chaque échelle, selon le type dominant du participant, est étudiée. L’opinion des participants concernant leur préférence entre les deux outils est étudiée grâce aux réponses du questionnaire autoadministré. La variable « sexe du participant » permet d’évaluer si le jeu VIP suscite un engouement des garçons au moins aussi fort que celui des filles. Deux autres facteurs sont également pris en compte, soit le niveau d’élaboration du projet professionnel et la validité apparente du jeu VIP, c’est-à-dire la valeur accordée par les participants à leurs résultats. L’analyse de la question ouverte du questionnaire autoadministré mobilise une analyse thématique afin de dégager un portrait d’ensemble des différents commentaires émis par les participants. La démarche de thématisation en continu est préférée à la thématisation séquenciée, car elle offre une analyse plus fine et plus riche du corpus tel qu’il a été constitué (Paillé & Mucchielli, 2008). Ces analyses descriptive et qualitative sont respectivement effectuées à l’aide des logiciels SPSS Statistics 20.0 et QSR NVivo 9.2 (voir, par exemple, Derobertmasure et Demeuse, 2011, pour le choix des logiciels).

Résultats

Validité concourante du jeu VIP

La principale difficulté éprouvée est le nombre de modalités ex aequo enregistré par le jeu VIP et par l’Hexa 3D au premier rang du profil. Ainsi, au lieu de déterminer un type d’intérêt dominant, l’outil obtient chez certains participants une combinaison de plusieurs types d’intérêts également dominants en raison d’un nombre égal de cartes obtenues pour ces différents types d’intérêts. Cette difficulté apparaît principalement pour le jeu VIP ; elle est beaucoup moins fréquente avec le questionnaire Hexa 3D. Les résultats obtenus au premier rang des profils distingués selon chacun des outils (VIP1 et HXG1) sont repris dans le tableau 1.

Tableau 1

Tableau de concordance VIP1-HXG1

Tableau de concordance VIP1-HXG1

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Étant donné que les combinaisons obtenues par le jeu VIP (telles que RA, AI, etc.) sont nombreuses (n=30) et que chacune ne représente qu’une faible proportion de participants (de 0,5 % à 3,5 %), nous avons choisi de nous attarder au sous-échantillon composé des participants obtenant une unique modalité au premier rang du jeu VIP (n=147), soit près des trois quarts (73 %) de l’échantillon expérimental. Une synthèse des résultats est reprise dans le tableau 2. De manière générale, le type dominant défini par le jeu VIP est identique à celui déterminé par l’Hexa 3D dans 41 % des cas.

Une certaine disparité entre les taux de concordance propres à chaque type peut être constatée. L’échelle « Social » se démarque des autres par son meilleur taux de concordance (voir Tableau 1). Un participant défini par cette dernière au jeu VIP l’est également à l’Hexa 3D dans près de 67 % des cas. Son effectif est plus important (n=39) que celui des autres échelles (n=10 pour « Conventionnel » et n=28 pour « Artistique »). À l’inverse, les échelles « Conventionnel » et « Investigateur » sont celles dont les résultats coïncident le moins avec ceux de l’Hexa 3D (respectivement 10 % et 15 %). Or, ce sont également les échelles les moins bien représentées en matière d’effectif (respectivement n=10 et 13). Néanmoins, à effectifs strictement égaux (n=25), il existe une différence non négligeable entre les taux de correspondance des échelles « Réaliste » (20 %) et « Entrepreneur » (40 %). Enfin, la moitié des participants définis par le type « Artistique » au jeu VIP obtiennent également ce résultat à l’Hexa 3D.

Tableau 2

Tableau de concordance entre l’échelle dominante du VIP et les trois premiers rangs de l’Hexa 3D pour le sous-échantillon à unique modalité

Tableau de concordance entre l’échelle dominante du VIP et les trois premiers rangs de l’Hexa 3D pour le sous-échantillon à unique modalité

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Distribution des échelles

Afin d’intégrer la totalité de l’échantillon expérimental, et donc toutes les modalités ex aequo, des descriptions d’effectifs ont été portées sur l’ensemble des participants obtenant l’échelle « Réaliste » au premier rang de leur profil VIP, puis sur ceux obtenant l’échelle « Artistique » à ce même rang, et ainsi de suite pour chacune des échelles. Puis, la distribution des effectifs et des fréquences du nombre total de « cartes accessoires » pour chaque échelle a été étudiée selon le type dominant du participant.

Chaque élève a répondu au minimum à deux questions concernant son échelle prépondérante. Parmi l’échantillon, de 90 % à 98 % ont obtenu au moins trois questions relatives à leur type dominant, cette étendue concernant respectivement les types « Réaliste » et « Entrepreneur ».

À l’inverse, presque toutes les échelles, autres que la dominante, recensent des participants n’y ayant pas ou peu (à hauteur d’une question) été soumis. Le taux maximal observé concerne les participants définis par le type « Conventionnel » (n=24). Près d’un cinquième (21 %) d’entre eux n’a été soumis à aucune question concernant le type « Investigateur ». Seuls les participants obtenant l’échelle « Éveilleur » (Z) comme prépondérante (et uniquement disponible dans le jeu VIP) ont été soumis à au moins une question pour chaque échelle.

De même, une proportion non négligeable de participants n’a pas été soumise à plus de deux questions concernant les échelles autres que la dominante. Ainsi, au minimum, un tiers des participants (30 %) définis par le type « Social » n’a pas été soumis à plus de deux questions concernant le type « Réaliste ». Les taux maximaux observés concernent les participants obtenant un profil « Conventionnel » ou « Artistique ». Presque les trois quarts d’entre eux (71 %) n’ont pas été soumis à plus de deux questions concernant respectivement les types « Entrepreneur » et « Investigateur ».

Avis des participants

Plus de la moitié (63 %) des participants déclarent se reconnaître « en partie », voire « en majeure partie » dans la description de leur type dominant déterminé par le jeu VIP. Seul un cinquième (20 %) affirme s’y reconnaître « tout à fait ». À l’inverse, un peu moins d’un cinquième (17 %) atteste s’y reconnaître « très peu », voire « pas du tout ».

Lorsque les participants doivent choisir entre les deux outils dans le questionnaire autoadministré, plus de la moitié (62 %) déclare préférer le jeu VIP à l’Hexa 3D. Il n’existe pas de préférence plus marquée envers l’un des deux outils selon le sexe du participant. Seuls 4 points séparent les taux respectifs de filles (64 %) et de garçons (60 %) choisissant le jeu VIP. Il ne semble pas non plus exister d’effet du degré d’élaboration du projet professionnel du participant sur sa préférence. Les répartitions sont proches selon que les participants ont un projet professionnel déjà construit (61 %) ou que ce dernier est en cours d’élaboration (64 %). Ces derniers représentent 40 % de l’échantillon.

La validité apparente du jeu VIP a, par contre, un effet sur la préférence des participants (voir Tableau 3). Les participants affirmant se reconnaître en « majeure partie » ou « tout à fait » dans leur type dominant préfèrent nettement le jeu VIP à l’Hexa 3D (respectivement 70,8 % et 78,9 %). Toutefois, lorsque l’élève ne s’y reconnaît que « très peu » ou même « pas du tout », sa préférence n’est pas tranchée en faveur de l’Hexa 3D. Son avis est plus mitigé, ce qui laisse supposer que les résultats influencent seulement en partie la préférence des participants pour un outil plutôt qu’un autre et que la forme du jeu plaît particulièrement à une majorité d’élèves.

Tableau 3

Outil préféré selon le niveau de reconnaissance de soi dans le profil dominant

Outil préféré selon le niveau de reconnaissance de soi dans le profil dominant

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Le corpus de l’analyse thématique comprend les réponses de 191 participants. Lors de la thématisation continue, c’est-à-dire lors de l’attribution des thèmes et de la construction simultanée de l’arbre thématique, deux rubriques sont distinguées, selon que les contenus réfèrent au jeu VIP ou au questionnaire Hexa 3D. Les sous-rubriques sont constituées selon que l’élément évoqué concerne la forme, les questions, la passation ou les objectifs de chacun des instruments. Une sous-rubrique particulière concerne les résultats obtenus au jeu VIP, ceux du questionnaire Hexa 3D n’étant pas encore connus des participants lors de la rédaction de leur réponse. Ainsi, 32 thèmes sont repérés dans l’ensemble du corpus (voir Tableau 4).

L’observation du nombre d’occurrences de chaque thème dans l’ensemble du corpus révèle que les thèmes les plus fréquemment référencés ont rapport au jeu VIP, tout particulièrement à l’ambiance « convivial[e] » et « amusant[e] » inhérente à sa passation (90 références). Outre ce thème, les participants mettent principalement en avant l’objectif principal du jeu, à savoir la connaissance de soi, soulignant que cela leur permet de « se poser des questions [qu’ils] ne se [seraient] jamais posées [seuls] », ainsi que le fait que la passation se fasse en groupe et soit dynamique, « stimulant[e] » (respectivement 39, 36 et 28 références). Le manque de validité du résultat fait également partie des thèmes les plus énoncés par les participants afin de justifier leur préférence (22 références). Les thèmes relatifs à la communication possible et nécessaire lors de la passation, tout comme ceux liés à la connaissance des autres, sont référencés dans une proportion moyenne (respectivement 17 et 15 références). Dans le même ordre de proportion, des participants soulignent le manque de rigueur et la distribution aléatoire des questions (« Je pense que les réponses au jeu se font par pur hasard. Tout dépend de la couleur que l’on pioche. Si je rejouais, c’est possible que je tombe sur l’inverse » ; respectivement 13 et 12 références), bien que certains mettent tout autant en avant la forme originale du jeu VIP (10 références) et que d’autres estiment la passation « trop long[ue] » (9 références).

Les avis relatifs aux questions du jeu VIP ne sont pas unanimes. En effet, les justifications s’y rapportant sont représentées en quantités presque égales. Certains participants estiment qu’il est facile d’y répondre, entre autres parce qu’elles font appel à des « situations concrètes », alors que d’autres considèrent que les questions sont « trop générales » ou qu’elles « se rejoignent ». Un troisième groupe de participants les trouve précises (respectivement 6, 8 et 6 références). Enfin, les autres thèmes portant sur le jeu VIP sont très peu répertoriés. Ces thèmes concernent le manque de validité des résultats, la forme attrayante du jeu, le mode de réponse dichotomique qui ne leur laisse « pas beaucoup de choix », ainsi qu’une incompréhension de son objectif et la composante bruyante de la passation.

Concernant le questionnaire Hexa 3D, les participants font référence le plus souvent à sa forme concrète (« plus clair ») et rigoureuse (respectivement 19 et 16 références). De ce fait, ces participants lui accordent « plus de valeur », l’estimant « plus fiable » et « plus sérieux ». Tout comme pour le jeu VIP, la connaissance de soi est un des thèmes les plus énoncés (15 références). Il est intéressant de constater que la rubrique consacrée aux noms de métiers dans le questionnaire Hexa 3D est également un des thèmes les plus cités (12 références). Certains répondants expriment avoir apprécié cette section, car elle leur permet de « découvrir des métiers ». Toutefois, pour d’autres participants, cette section est source de difficulté, car « les métiers proposés ne sont pas très connus » (malgré la validation de cet outil dans le contexte français et pour une population équivalente à celle dont notre échantillon est issu, notamment Vrignaud & Cuvillier, 2014).

Tableau 4

Arbre thématique

Arbre thématique

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La forme complète du questionnaire Hexa 3D ainsi que sa passation individuelle sont également mises en avant (respectivement 12 et 10 références). Certains participants expliquent en effet ne « pas [être] influencé[s] par les autres » grâce à ce mode de passation.

Les références de moindre ampleur aux autres thèmes répertoriés se présentent comme suit : la difficulté à répondre aux questions (5), la forme intéressante de l’Hexa 3D (4), sa rapidité (4), sa longueur de passation (3), l’ennui qui peut l’accompagner (3), la précision des questions (3) et la facilité d’y répondre (1). La moindre fréquence de ces thèmes ne permet pas pour autant de les considérer comme non significatifs et non représentatifs de l’avis de l’ensemble des participants.

Discussion

Il est manifeste que l’opinion des participants concernant le jeu VIP est enthousiaste. La majorité apprécie davantage sa forme ludique que celle du questionnaire d’investigation des intérêts professionnels, principalement en raison de l’ambiance « amusant[e] » et « convivial[e] » inhérente à sa passation. Bien sûr, cet engouement, sollicité grâce à une activité ludique, ne peut suffire pour les engager davantage dans leurs projets scolaires et professionnels. Cette visée nécessite notamment, comme l’approche orientante le souligne, tout un travail collaboratif entre les professionnels, les élèves et les parents ainsi qu’un travail permettant de revenir sur l’activité. En cela, l’engouement produit peut être considéré comme un bon « levier » à cette démarche.

La préférence que les participants indiquent pour l’un des deux outils utilisés ne dépend ni de leur sexe ni du niveau d’élaboration de leur projet professionnel. Par contre, certains supposent et mettent en avant un manque de rigueur du jeu VIP concernant particulièrement la confrontation aux échelles, qui leur paraît aléatoire. Cette situation ne semble influencer qu’en partie leur choix, car, même s’ils ne se reconnaissent pas ou très peu dans le type de personnalité défini par le jeu VIP, leur préférence ne se porte pas davantage vers le questionnaire Hexa 3D. Une étude de Bernaud et Caron (2004) permet de comprendre ce phénomène. Ils ont étudié les préférences de lycéens en classe de première concernant la relation d’aide en orientation professionnelle et les ont exprimées selon trois dimensions : professionnelle-scolaire, formelle-informelle et récréative-appliquée. Cette dernière dimension discrimine des méthodes d’aide perçues comme récréatives, telles qu’échanger avec des amis ou visionner une vidéo, ainsi que des méthodes dites plus « sérieuses » et « appliquées », comme aller à une journée portes ouvertes. Le jeu VIP correspond bien à la définition donnée des méthodes d’aide perçues comme récréatives et peut, en cela, changer des outils utilisés jusqu’alors en orientation pour initier les élèves à la connaissance de soi.

De nombreux auteurs soulignent les contributions « indéniables » (Nauta, 2010, p. 11) de la théorie de Holland, sur laquelle est fondé le jeu VIP, à la psychologie de l’orientation, notamment du fait de ses aspects conviviaux et facilement accessibles, tant pour le professionnel que pour l’individu conseillé. Vrignaud et Cuvillier (2006) comparent d’ailleurs l’approche de Holland à un « pont » (p. 4) entre les approches éducative et évaluative, qui permet aux professionnels d’accompagner les individus dans la construction de leurs projets (professionnel, de formation) avec la rigueur de la psychométrie. De ce fait, le choix de cette base théorique dans la construction du jeu VIP apparaît comme tout à fait pertinent et adapté, d’autant plus que les conceptrices ciblent en particulier des adolescents peu enclins à se projeter et à construire leur projet professionnel. Il est possible que ce facteur contribue, en plus de l’aspect ludique, aux représentations positives et favorables du jeu VIP par une majorité de participants à notre étude.

La minorité de participants préférant le questionnaire d’investigation des intérêts professionnels invoque différentes raisons. Certains privilégient la passation individuelle de cet outil. De façon plus fréquente, ces participants déclarent l’estimer comme plus concret et rigoureux, et précisent avoir apprécié la rubrique consacrée à des noms de métiers (« J’ai préféré le questionnaire [Hexa 3D], car c’était personnel, et qu’il y avait une partie sur les métiers qu’on aimait ou pas. »). Nous sommes d’ailleurs interpelés par le fait que certains d’entre eux affirment que l’utilisation seule de noms de professions, sans aucune explication les concernant, les a aidés à découvrir des fonctions qu’ils aimeraient exercer (« Le questionnaire [Hexa 3D] m’a aidé à découvrir plusieurs métiers que j’aimerais faire plus tard. »). Néanmoins, l’étude des métiers, incluant leur découverte, fait partie des attentes des élèves lors de la consultation d’orientation professionnelle. Au cours d’une étude menée sur ces attentes, Galassi, Crace, Martin, James et Wallace (1992) ont mis en évidence que les élèves considèrent comme nécessaire l’investigation de soi, notamment par l’utilisation d’instruments de mesure, mais qu’en plus de cela ils accordent beaucoup d’importance aux échanges avec les conseillers, à l’aide à la prise de décision et à l’étude des métiers.

Le manque de rigueur psychométrique du jeu VIP, supposé et souligné par certains participants, est confirmé par notre étude. Les résultats de la recherche présentée dans cet article ne permettent pas d’avancer d’arguments suffisamment solides pour attester de la validité concourante du jeu VIP en considérant les réponses fournies par les participants de notre échantillon, même si, pour rendre tout à fait justice à cet outil québécois, il n’a pas cette prétention. L’engouement que permet le jeu VIP semble un atout particulièrement important afin d’amener les élèves à réfléchir sur eux-mêmes et sur les professions ainsi qu’à développer leur connaissance de soi et des métiers, tout en soulignant l’importance de considérer l’orientation comme un processus évoluant tout au long de la vie, en particulier lors de cette période qu’est l’adolescence.

Afin de pousser plus avant notre analyse, il serait intéressant d’étudier à quels types RIASEC du questionnaire Hexa 3D correspondent les résultats erronés du jeu VIP. L’intérêt serait d’évaluer dans quelle mesure les résultats du jeu VIP qui ne concordent pas à ceux du questionnaire Hexa 3D coïncident avec un type adjacent selon le modèle hexagonal de Holland. En effet, un profil dominant défini comme « Réaliste » par le jeu VIP et correspondant au type « Investigateur » selon le questionnaire Hexa 3D a une marge d’erreur moins importante que s’il s’agissait par exemple du type « Social ». Le type « Investigateur » étant adjacent au type « Réaliste », il partage donc des similitudes avec lui, à l’inverse du type « Social », qui se situe à un pôle opposé (voir Figure 1).

Une explication peut être avancée par rapport à ce manque de rigueur psychométrique du jeu VIP. Ainsi, les règles ne permettent pas à l’ensemble des élèves d’être soumis à chacun des types de personnalité et encore moins de l’être dans des proportions équivalentes. Les profils obtenus dépendent donc en partie de cette distribution aléatoire des questions. De plus, il semble que les règles à suivre expliquent en partie une difficulté éprouvée lors de l’analyse des résultats. Il s’avère en effet que le jeu VIP n’est pas suffisamment sensible, car plus d’un quart des participants (27 %) a obtenu plusieurs types dominants (de 2 à 5). Ce phénomène peut s’expliquer par le nombre de réponses (n=15) requises afin de terminer la partie, ce qui s’avère insuffisant au vu du nombre d’échelles (n=7) et du mode de réponse dichotomique. Par exemple, au cours de notre expérimentation, le jeu VIP a répertorié 37 types de personnalité dominants au lieu des sept attendus (RIASEC-Z). L’analyse des cartes placées dans la « loge » (c.-à-d. celles qui ne correspondent pas aux élèves) permettrait d’affiner le diagnostic.

En conclusion, l’ensemble de la recherche exposée ici suscite plus de questions que les parties de réponses qu’elle a pu apporter. Le jeu VIP nécessiterait une étude plus approfondie des données récoltées ainsi que l’élaboration d’études plus poussées afin de compléter l’analyse de sa validité sur un échantillon français et de ses perspectives pour la pratique en orientation.

Il serait notamment intéressant de reproduire la présente expérimentation en modifiant les consignes du jeu VIP afin de soumettre tous les participants de manière équivalente à chacune des échelles et afin d’observer si cette manière de procéder permet une amélioration des taux de concordance avec les résultats au questionnaire Hexa 3D. Pour cela, la fin de partie pourrait être fixée selon le temps de jeu (1 heure), et non selon le nombre de 15 « cartes accessoires » totalisées, nombre a priori insuffisant au vu des sept échelles évaluées et du mode de réponse dichotomique. Dans le même temps, une autre règle pourrait être modifiée afin de soumettre les participants à davantage de questions. Tous les participants pourraient en effet répondre individuellement à chaque question obtenue en piochant. L’objectif serait alors d’améliorer la rigueur psychométrique du jeu, tout en conservant son aspect ludique, qui plaît particulièrement aux élèves.

Une étude approfondie de la consistance interne et de la validité de contenu de chaque échelle serait également intéressante. En effet, les taux de concordance observés dans cette étude et propres à chaque échelle (type) sont fort variables. Les échelles « Social », « Artistique » et « Entrepreneur » apparaissent comme celles dont les résultats concordent le mieux avec celles du questionnaire d’investigation des intérêts professionnels. Dès lors, il serait peut-être nécessaire de retravailler chaque échelle, tant sur le plan des questions que des propositions faites dans les questions à choix multiple (« cartes étoiles »), puisqu’un biais culturel pourrait exister dans leur formulation.