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Introduction

« Travaille fort à l’école, c’est important. Ça te servira plus tard ! » « Pense à ton avenir. » « Étudie bien. » Comme en témoignent ces exemples de commentaires régulièrement émis à l’égard des étudiants, le parcours scolaire et éducatif des jeunes est généralement situé en référence à l’avenir. Le travail et les apprentissages scolaires que doivent réaliser les étudiants pendant un programme de formation sont donc des activités qui sont définies ou qui sont perçues en fonction de leur utilité dans l’avenir. En conformité avec ces constats, les travaux de recherche menés sur la motivation instrumentale et sur la perception de l’utilité (Husman & Hilpert, 2007 ; Lens, Bouffard, & Vansteenkiste, 2006 ; Malka & Covington, 2005 ; Miller, Debacker, & Greene, 1999 ; Tabachnick, Miller, & Relyea, 2008) ont montré que plusieurs jeunes, en particulier issus de l’enseignement secondaire et postsecondaire, sont motivés à suivre leur formation non pas pour l’intérêt qu’ils ont envers les matières scolaires, mais plutôt parce que ces activités les préparent pour leur vie professionnelle ou leur avenir en général. En effet, ces apprenants sont orientés vers des buts qui se rapportent à l’école (par ex., accéder à l’université) ou à la carrière (par ex., obtenir un emploi), soit des buts qui se situent dans un avenir proche ou plus ou moins éloigné (Dubeau & Frenay, 2013 ; Dubeau & Van Der Maren, 2012 ; Fernandez, 2010 ; Frenay, Boudrenghien, Dayez, & Paul, 2007 ; Lens, 2002). Ainsi, pour mieux comprendre la motivation scolaire des étudiants, les raisons qui les poussent à choisir de s’engager dans un programme de formation ou de l’abandonner, de même que leur perception de l’utilité de leur formation, il convient d’examiner comment ces étudiants conceptualisent leur avenir (Thiébaut, 1998). Pour ce faire, une mesure de la perception d’avenir des étudiants est nécessaire. Malheureusement, les instruments de mesure de la perception d’avenir destinés spécifiquement à une clientèle d’étudiants francophones et focalisés sur l’approche motivationnelle demeurent, à notre connaissance, inexistants. Afin de combler ce manque, la présente étude fait l’adaptation française de la Future Time Perspective Student Scale (Husman & Shell, 2008), un instrument de mesure de la perspective d’avenir initialement destiné à l’intention d’étudiants anglophones engagés dans l’enseignement postsecondaire, et elle étudie les qualités psychométriques de l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants, la version française adaptée de l’échelle.

Contexte théorique

Afin de mieux comprendre la manière dont les étudiants de l’enseignement postsecondaire conceptualisent l’avenir, la notion de la perspective d’avenir est particulièrement pertinente : elle définit la représentation de l’avenir d’un individu. Or, comme il sera démontré, celle-ci peut être source de motivation scolaire des étudiants. Il est donc important de s’intéresser à la conceptualisation de cette notion et à la mesure de cette perspective d’avenir afin de dégager les fondements et la pertinence théoriques de l’échelle retenue pour en faire une adaptation française.

La perspective d’avenir

La notion de la perspective d’avenir (future time perspective) est une notion qui est étudiée selon diverses approches théoriques. Seginer (2009) rapporte quatre principales approches pour aborder cette notion : l’approche centrée sur le concept de soi, l’approche orientée sur les buts personnels, l’approche des dispositions personnelles et l’approche motivationnelle. Deux de ces approches, soit l’approche centrée sur les dispositions personnelles (Zimbardo & Boyd, 1999) et l’approche motivationnelle (Nuttin & Lens, 1985), sont dominantes dans le domaine de la psychologie et des sciences de l’éducation.

L’approche focalisée sur les dispositions personnelles se concentre sur la personne. Selon Zimbardo et Boyd (1999), la représentation de l’avenir y est définie comme étant une caractéristique personnelle stable qui facilite la planification, encourage la performance scolaire et protège contre l’adoption de comportements à risque. Ces auteurs situent la perspective d’avenir dans la notion plus large du rapport au temps composé du temps passé, présent et futur. La recherche menée selon cette approche a permis de circonscrire la définition de la perspective temporelle des individus et de développer, pour mesurer cette notion, des questionnaires fiables adaptés et validés dans plusieurs langues, dont le français (Apostolidis & Fieulaine, 2004 ; D’Alessio, Guarino, de Pascalis, & Zimbardo, 2003 ; Zimbardo & Boyd, 1999). L’approche centrée sur les dispositions personnelles offre des possibilités sur le plan des interventions individuelles auprès des étudiants (par ex., la consultation psychologique ou en orientation scolaire et professionnelle pour déterminer la perspective d’avenir personnelle des étudiants).

Pour ce qui est de l’approche motivationnelle, elle constitue une clé précieuse pour les enseignants afin d’alimenter leurs interventions auprès de leurs élèves en vue de soutenir leur motivation scolaire. La motivation scolaire est définie comme un état dynamique qui pousse l’élève à s’engager et à persévérer dans les tâches scolaires (Viau, 2009). Il s’agit d’un des facteurs clés de la réussite des étudiants (Galand & Bourgeois, 2006). Selon l’approche motivationnelle, la représentation de l’avenir n’est pas considérée comme une caractéristique stable de la personnalité de l’étudiant, mais bien comme une perception construite à partir de jugements à propos de soi et du contexte dans lequel l’étudiant évolue. Selon cette approche, la notion de perspective d’avenir réfère à la perception psychologique du temps, plutôt qu’au temps physique qui s’écoule et qui est enregistré dans le calendrier ou sur l’horloge. Elle correspond aux représentations cognitives et motivationnelles qui permettent aux individus d’anticiper les conséquences à long terme des actions qu’ils mènent dans le moment présent (par ex., s’engager dans des tâches scolaires) (Husman & Lens, 1999 ; Husman & Shell, 2008 ; Leondari, 2007 ; Nuttin, 1980 ; Nuttin & Lens, 1985 ; Simons, Vansteenkiste, Lens, & Lacante, 2004). C’est à partir de ces représentations cognitives et motivationnelles que les besoins des individus se transforment en buts, en plans ou en projets d’action. L’avenir est considéré comme une zone temporelle à l’intérieur de laquelle sont situés les buts, les plans, les attentes (expectancies) des personnes. Ces projets d’action constituent les formes concrètes de la motivation humaine et amènent la personne à s’engager dans des activités et à les mener à terme (Nuttin, 1980). Cette approche motivationnelle ouvre la voie à l’étude des effets d’indicateurs du contexte scolaire, notamment les activités proposées aux étudiants (par ex., des projets professionnels) et la structure des buts propre à l’environnement particulier d’une classe (Murayama & Elliot, 2009), susceptibles d’influencer positivement ou négativement la représentation de l’avenir des étudiants.

Selon cette approche, la perspective d’avenir est composée de quatre dimensions : l’intégration (connectedness), la valeur (value), l’extension (extension) et la vitesse (speed) (Husman & Shell, 2008). La première dimension, l’intégration, réfère à la tendance de la personne à lier le présent et l’avenir. Ainsi, l’intégration temporelle (Lens & Bouffard, 1993) permet à l’individu de vivre dans le moment présent, tout en tirant profit de son passé et en orientant ses actions vers l’avenir. Cette dimension permet à l’individu de percevoir que ses actions immédiates constituent une étape pour atteindre un but. La deuxième dimension, la valeur, correspond à la volonté de sacrifier le présent au profit du futur (De Volder & Lens, 1982). En accordant de l’importance au temps qui s’écoule, la personne manifeste une forme d’affectivité envers ce que l’avenir peut lui apporter (Thiébaut, 1998). En d’autres termes, elle est optimiste envers l’avenir. Cette confiance lui permet de valoriser des buts qui sont distants (c’est-à-dire des buts situés à long terme). L’extension constitue la troisième dimension de la perspective d’avenir. Cette dimension correspond à l’étendue de l’espace temporel (Nuttin, 1980). L’extension de l’horizon temporel (time bubble) de la personne varie selon les individus (Husman & Shell, 2008). Dans l’horizon temporel personnel, les buts rapprochés (en matière d’échéance) sont davantage valorisés que les buts éloignés. Les personnes dotées d’une représentation étendue de l’avenir sont en mesure de percevoir des buts éloignés dans le temps comme étant rapprochés dans le temps. Ce faisant, certains individus sont plus aptes que d’autres à valoriser les buts à long terme et donc à anticiper plus facilement les conséquences à long terme des actions immédiates (Tucker, Vuchinich, & Rippens, 2002, cités dans Husman & Shell, 2008). Enfin, la quatrième et dernière dimension concerne la vitesse. Elle représente la perception subjective du temps. Il ne s’agit pas seulement de la perception des durées, mais plus globalement de la compréhension de l’écoulement du temps, de la perception de l’allure à laquelle le temps défile (Gjesme, 1983, cité dans Husman & Shell, 2008). Ainsi, chaque personne perçoit des durées variables. Une personne qui n’est pas orientée vers l’avenir parvient difficilement à organiser des activités futures puisque, pour elle, le temps s’écoule trop vite. À l’inverse, un individu orienté vers l’avenir perçoit généralement que le temps s’écoule lentement, si bien qu’il lui paraît pertinent de prévoir des activités qui seront réalisées à plus long terme.

Le rôle de la perception d’avenir dans la motivation scolaire des étudiants

Les recherches menées dans le domaine ont permis d’établir que la perspective d’avenir est un important prédicteur de la motivation scolaire d’un étudiant. En particulier, les données empiriques sur le sujet ont révélé que la perspective d’avenir d’un étudiant est particulièrement associée à l’utilité perçue des activités scolaires qui lui sont proposées (Husman & Lens, 1999 ; Husman & Shell, 2008 ; Leondari, 2007 ; Nuttin, 1980 ; Simons et al., 2004). L’utilité perçue, une variable motivationnelle importante, concerne le degré auquel la tâche est considérée comme utile pour l’avenir de la personne (Berger, 2012 ; Lens et al., 2006). Ainsi, l’étudiant qui entretient une attitude positive par rapport à son avenir est susceptible d’être plus motivé à s’engager dans sa formation et de percevoir davantage l’utilité des apprentissages qui lui sont proposés en salle de classe. À l’inverse, l’étudiant qui entretient une attitude négative à propos de son avenir est susceptible de se désengager de sa formation et de moins bien percevoir l’utilité des apprentissages qui lui sont proposés en classe.

Dans le système scolaire, de nombreux étudiants de l’enseignement postsecondaire trouvent leur motivation à s’engager et à persévérer dans leur programme d’études principalement à travers l’utilité perçue de leur formation (Dubeau & Frenay, 2013 ; Fernandez, 2010 ; Frenay et al., 2007 ; Lens, 2002). C’est le cas notamment des étudiants de la formation professionnelle du secondaire, des étudiants de la formation collégiale technique et des étudiants engagés dans une formation de premier cycle universitaire professionnalisant (par ex., les programmes de génie ou d’enseignement). La motivation de ces étudiants est davantage soutenue par la valeur accordée à leur formation et particulièrement par les perceptions de l’utilité (Berger, 2012 ; Dubeau & Frenay, 2013 ; Fernandez, 2010 ; Frenay et al., 2007 ; Lens, 2002). Ainsi, ces étudiants entretiennent généralement des perceptions plutôt défavorables en ce qui concerne les notions de culture générale ou les matières scolaires de base (p. ex., les cours de formation générale ou communs à plusieurs programmes). À l’inverse, leurs perceptions sont généralement plus positives à l’égard des cours directement liés à la profession qu’ils apprennent ou à laquelle ils se destinent (Creten, Lens, & Simons, 2001 ; Gurtner, Monnard, & Gorga, 2002 ; Prenzel, Kramer, & Drechsel, 2002). En tant que variable prédictive de l’utilité perçue, la perspective d’avenir constitue donc un facteur important de la dynamique motivationnelle des étudiants de l’enseignement postsecondaire. En raison de l’importance de la perception d’avenir dans le développement et le maintien de la motivation scolaire des étudiants, une mesure adéquate de la perspective d’avenir est hautement souhaitable.

La mesure de la perspective d’avenir

La notion de la perspective d’avenir a fait l’objet de nombreuses études par les chercheurs préoccupés de la motivation (Husman & Lens, 1999 ; Husman & Shell, 2008 ; Leondari, 2007 ; Nuttin, 1980 ; Simons et al., 2004). Ces recherches ont notamment permis de produire et de valider des instruments fiables pour mesurer la perspective d’avenir en tant que dimension motivationnelle, particulièrement auprès d’étudiants anglophones (Greene, Miller, Crowson, Duke, & Akey, 2004 ; Husman, Derryberry, Crowson, & Lomax, 2004). Parmi les instruments de mesure disponibles, la Future Time Perspective Student Scale, développée par Husman et Shell (2008), est particulièrement pertinente et complète, si bien qu’elle a été retenue pour en faire une adaptation française dans le cadre de la présente étude. Plusieurs raisons justifient le choix de retenir cette échelle. D’abord, cet instrument est fondé sur une longue tradition de recherches en ce qui concerne la perspective d’avenir d’une personne (Atkinson, 1964 ; De Volder & Lens, 1982 ; Gjesme, 1979 ; Husman & Lens, 1999 ; Nuttin, 1980 ; Shell, 1985 ; Shell & Husman, 2001). De plus, il s’agit d’un instrument représentatif des diverses mesures employées dans la majorité des études qui évaluent la perspective d’avenir à l’aide de mesures autorapportées (Daltrey & Langer, 1984 ; Lennings & Burns, 1998 ; Stouthard & Peetsma, 1999 ; Vázquez & Rapetti, 2006).

Par ailleurs, conformément à la définition de la perspective d’avenir des chercheurs en motivation (par ex., Gjesme, 1979 ; Lens & Bouffard, 1983 ; Nuttin, 1980), l’échelle développée par Husman et Shell (2008) comprend quatre sous-échelles qui correspondent aux quatre dimensions de la perspective d’avenir : l’intégration, la valeur, l’extension et la vitesse. En outre, les auteurs de l’instrument ont montré que les sous-échelles élaborées fournissaient une bonne consistance interne, en procurant des coefficients alpha de Cronbach satisfaisants. En effet, les résultats issus de la validation de la version originale anglaise de l’échelle ont révélé des valeurs alpha de 0,82 pour la sous-échelle d’intégration, de 0,74 pour la sous-échelle de valeur, de 0,72 pour la sous-échelle d’extension et de 0,72 pour la sous-échelle de vitesse (Husman & Shell, 2008). Dans l’ensemble, la pertinence théorique de la Future Time Perspective Student Scale (Husman & Shell, 2008) ainsi que les indicateurs de sa fidélité justifient le choix d’en développer une version française et d’en faire la validation auprès d’étudiants francophones.

Étude

La présente étude a pour objectif principal de valider, auprès d’étudiants francophones de l’enseignement postsecondaire, la conceptualisation de la perspective d’avenir en quatre dimensions, telle qu’elle a été opérationnalisée par Husman et Shell (2008). Pour ce faire, l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants, qui consiste en une adaptation française de la Future Time Perspective Student Scale (Husman & Shell, 2008), a été développé. Puis, les qualités psychométriques des quatre sous-échelles (c’est-à-dire intégration, valeur, extension et vitesse) issues de l’échelle élaborée ont été examinées. Ainsi, par le recours à un vaste échantillon d’étudiants francophones poursuivant une formation collégiale préuniversitaire ou technique, la consistance interne des quatre sous-échelles adaptées a été évaluée. Sur la base de ces résultats, des analyses exploratoire et confirmatoire de la structure factorielle des sous-échelles retenues ont été effectuées.

Méthode

Les participants

À l’automne 2011 et à l’hiver 2012, 857 étudiants francophones de la formation collégiale préuniversitaire ou technique (femmes=606 ; hommes =251 ; âge moyen=20,5 ans) ont rempli un questionnaire incluant notamment l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants. Parmi ces 857 participants, 693 étudiants ont procuré des données pour les quatre sous-échelles relatives à la perspective d’avenir. Plutôt que de procéder au traitement des données manquantes, les données incomplètes des 164 répondants ont été retirées de l’échantillon initial. Ainsi, les analyses ont été réalisées en retenant uniquement les observations où il y a une réponse à tous les items (listwise deletion). L’échantillon retenu pour mener chacune des analyses rapportées dans cet article comporte donc 693 participants (506 femmes et 187 hommes). En conformité avec les normes d’éthique de la recherche avec des êtres humains établies par l’Université du Québec à Trois-Rivières, seuls les participants volontaires ayant signé le formulaire de consentement ont pris part à cette étude.

La procédure

La chercheuse principale a sollicité chacun des groupes d’étudiants dans leur local d’enseignement respectif afin qu’ils prennent part à l’étude. Après avoir reçu les explications relatives à l’étude et rempli le formulaire de consentement pour prendre part à l’étude, les étudiants ont rempli individuellement un questionnaire informatisé à l’aide d’une minitablette numérique ou d’un ordinateur formaté à cet effet. La durée pour remplir le questionnaire n’a pas excédé 20 minutes. Au besoin, la chercheuse principale a répondu aux questions des étudiants pour assurer le bon déroulement de la collecte de données. Peu d’étudiants lui ont posé des questions. Leurs questions ont porté uniquement sur l’utilisation de la minitablette numérique.

L’instrumentation

Le questionnaire utilisé, soit l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants, comporte 27 items répartis en quatre sous-échelles : intégration, valeur, extension et vitesse. Ces items consistent en une traduction française de ceux provenant de la Future Time Perspective Student Scale, un instrument initialement élaboré et validé en anglais par Husman et Shell (2008).

L’approche méthodologique de validation suivie repose sur les directives de l’International Test Commission (Hambleton, 2001), qui comporte trois étapes : 1) le développement et l’adaptation de l’instrument de mesure, qui visent à traduire la version originale anglaise en français, 2) l’administration de l’instrument de mesure, qui vise à examiner si la version française présente de bonnes qualités psychométriques ; et 3) la documentation des changements et l’interprétation des scores, qui visent à interpréter les résultats obtenus à l’étape de l’administration et à documenter les conditions de validation de la version adaptée (par ex., conditions dans lesquelles l’instrument a été validé, auprès de qui, dans quel contexte). À l’étape du développement et de l’adaptation de l’échelle, les items issus de la Future Time Perspective Student Scale ont été soumis à une traduction inversée (back-forward), comme suggéré par Vallerand (1989), permettant ainsi de préserver le sens et l’équivalence conceptuelle de chaque item. En conformité avec cette méthode, les items ont été traduits de l’anglais au français par un chercheur spécialiste dans le domaine. Une fois terminée, la traduction en français des items a été remise à un traducteur professionnel afin qu’il traduise la version française des items en anglais sans l’aide de la version originale. La version préliminaire a ensuite été évaluée par un comité. Ainsi, comme l’ont proposé Sumathipala et Murray (2000), les items issus de la traduction inversée (du français vers l’anglais) ont été comparés aux items de la version originale anglaise par trois chercheurs bilingues familiers avec le sujet. Des changements mineurs dans la formulation de certains items de la version française ont été effectués à la suite de ce processus de comparaison des versions.

Conformément à la version originale anglaise du questionnaire, les items de l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants prennent la forme d’affirmations qui doivent être évaluées à l’aide d’une échelle de Likert en 7 points allant de 1 (fortement en désaccord) à 7 (fortement en accord). Le tableau 1 présente une description de chacune des sous-échelles, le nombre d’items inclus dans les sous-échelles ainsi qu’un exemple d’item.

Tableau 1

Caractéristiques des sous-échelles incluses dans l’instrument de mesure de la perspective d’avenir d’étudiants

Caractéristiques des sous-échelles incluses dans l’instrument de mesure de la perspective d’avenir d’étudiants

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Résultats

Les résultats des analyses descriptives

La moyenne et l’écart-type de chacun des items ont d’abord été examinés. Ces résultats sont exposés dans le tableau 2.

Tableau 2

Moyenne et écart-type de chacun des 27 items de l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants

Moyenne et écart-type de chacun des 27 items de l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants

*Les items suivis d’un astérisque sont inversés.

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La cohérence interne

La cohérence interne de chacune des sous-échelles a ensuite été examinée à l’aide d’analyses de fiabilité. Bien qu’il n’existe pas vraiment de seuil de fiabilité permettant objectivement de rejeter ou de retenir une sous-échelle (Huart, 2006), Nunally (1978) propose un seuil de 0,70 qui est souvent retenu. D’autres chercheurs (Field, 2005 ; Kline, 1999) avancent qu’un alpha supérieur ou égal à 0,80 révèle une bonne consistance interne, alors que des valeurs supérieures à 0,85 reflètent une excellente consistance interne. Les résultats des analyses de fiabilité, qui prennent la forme d’alphas de Cronbach pour chacune des sous-échelles incluses dans l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants, se trouvent dans le tableau 3. Ce tableau présente la solution initiale ainsi que la solution finale modifiée excluant certains items qui diminuaient la valeur des coefficients obtenus, le cas échéant.

Tableau 3

Résultats des analyses de fiabilité (alphas de Cronbach) pour chacune des sous-échelles de l’instrument de mesure de la perspective d’avenir d’étudiants

Résultats des analyses de fiabilité (alphas de Cronbach) pour chacune des sous-échelles de l’instrument de mesure de la perspective d’avenir d’étudiants

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L’examen des résultats a révélé que, pour les sous-échelles d’intégration et d’extension, les coefficients alpha de Cronbach obtenus atteignent le seuil minimal fixé à 0,70 (Nunally, 1978) avec des valeurs de 0,85 pour la sous-échelle d’intégration (12 items) et de 0,72 pour celle d’extension (5 items). Cependant, la sous-échelle de valeur (7 items) n’a procuré qu’un coefficient de 0,65. À la suite de l’analyse des items, cinq des sept items initiaux ont été retenus pour cette sous-échelle, augmentant ainsi le coefficient alpha de Cronbach à 0,69, avoisinant ainsi le seuil minimal requis. Cette solution a donc été retenue et les items « Va-2. Le plaisir immédiat est plus important que ce qui peut arriver à l’avenir » et « Va-4. Le plus important dans la vie, c’est la façon dont on se sent à long terme » n’ont pas été conservés pour les analyses exploratoire et confirmatoire de la structure factorielle. Enfin, le coefficient alpha de Cronbach obtenu pour la sous-échelle de vitesse est de 0,53 (3 items), une valeur qui se situe sous la norme établie. En outre, le retrait d’aucun des items ne permettait d’augmenter la valeur du coefficient alpha de Cronbach, ce qui suggère une cohérence interne insuffisante. Compte tenu de ces résultats insatisfaisants, cette sous-échelle n’a pas été retenue pour les analyses subséquentes.

La matrice de corrélation

Les corrélations entre les différentes sous-échelles ont été calculées à partir de la matrice de corrélation de Pearson entre les 22 items des trois sous-échelles de l’instrument de mesure de la perspective d’avenir d’étudiants qui ont été conservées pour les analyses sur la base des analyses de cohérence interne. Dans la matrice présentée au tableau 4, les corrélations entre les items d’une même sous-échelle sont accentuées en gris. Comme attendu, l’examen de la matrice de corrélation révèle que les items qui composent les sous-échelles d’intégration et de valeur sont tous corrélés positivement et significativement les uns aux autres. Seuls les items « Ex-1. En général, six mois me paraissent comme une très courte période de temps » et « Ex-4. Le mois d’avril me semble encore loin » de la sous-échelle d’extension ne sont pas significativement corrélés.

Les items qui constituent les trois sous-échelles d’intégration, de valeur et d’extension sont donc reliés de façon conforme à la conceptualisation proposée par Husman et Shell (2008).

La structure factorielle

L’examen de la structure factorielle a été réalisé en deux étapes. Dans un premier temps, une analyse factorielle exploratoire a été menée. Dans un second temps, une analyse factorielle confirmatoire a été réalisée pour évaluer les indices d’ajustement aux données d’un modèle représentant les sous-échelles proposées.

Étape 1 : analyse factorielle exploratoire

Afin d’examiner si les trois sous-échelles retenues, soit intégration, valeur et extension, consistent en des concepts distincts, une analyse en composantes principales avec rotations oblimin des facteurs a été réalisée. Les rotations oblimin sont suggérées lorsque les facteurs sont corrélés entre eux (Field, 2005 ; Tabachnick & Fidell, 2007). Dans le cas présent, le recours aux rotations oblimin est justifié par le fait que les sous-échelles examinées constituent différentes dimensions du construit de perspective d’avenir. Conformément à la procédure employée par Husman et Shell (2008), le nombre de facteurs à extraire a été fixé en fonction du nombre de sous-échelles attendues, correspondant ici à trois.

Les résultats de l’analyse en composantes principales ont montré que les facteurs extraits, qui sont conformes aux sous-échelles d’intégration, de valeur et d’extension, procurent des valeurs propres de 5,05 ; 2,45 et 2,14. Ces facteurs expliquent respectivement un pourcentage de variance de 22,95 % ; 10,21 % et 9,71 %. Les coefficients de saturation (factor loadings) des items relativement à chacun des trois facteurs sont rapportés dans le tableau 5. Comme suggéré par Stevens (1992), seuls les coefficients de saturation supérieurs à 0,40 ont été retenus.

Tableau 4

Matrice de corrélation de Pearson entre les items des sous-échelles de l’instrument de mesure de la perspective d’avenir d’étudiants

Matrice de corrélation de Pearson entre les items des sous-échelles de l’instrument de mesure de la perspective d’avenir d’étudiants

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Tableau 5

Matrice des composantes après rotation(a)

Matrice des composantes après rotation(a)

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Tous les items procurent des coefficients de saturation supérieurs à 0,40 dans la composante attendue, alors qu’un seul item est associé à plus d’un facteur extrait. Ce résultat suggère que cet item reflète moins bien que les autres le contenu de la sous-échelle évaluée. Par conséquent, cet item de la sous-échelle d’intégration (In-9) a été retiré et n’a pas été retenu pour l’analyse subséquente.

Étape 2 : analyse factorielle confirmatoire

Une analyse confirmatoire a été menée à l’aide du logiciel Amos version 20.0 (Arbuckle, 2011). Sur la base des résultats issus de l’analyse factorielle exploratoire, les 21 items des sous-échelles retenues ont été inclus dans une analyse factorielle confirmatoire. Afin d’évaluer si une structure à trois facteurs correspondait adéquatement aux données, un modèle à trois facteurs covariés représentant les sous-échelles d’intégration, de valeur et d’extension a été évalué. Comme le suggèrent les experts de ce type d’analyse (par ex., Hoyle, 1995 ; Hu & Bentler, 1999), plusieurs indices d’adéquation ont été examinés. Ainsi, le test du khi carré (𝜒2) et son ratio avec le nombre de degrés de liberté (𝜒2/dl), le Goodness of Fit Index (GFI) et la Root Mean Square Error of Approximation (RMSEA) (Jöreskog & Sörbom, 1993) ont été considérés.

Un test du khi carré non significatif révèle un modèle adéquat. Cependant, ce test est fortement sensible à la taille de l’échantillon, si bien que d’autres indicateurs sont généralement examinés lors de l’estimation d’un modèle (Bollen, 1990). Ainsi, des auteurs suggèrent qu’un ratio c2/dl inférieur à 5 (Schumacker & Lomax, 2004) et que des valeurs du GFI supérieures à 0,90 (Byrne, 1994) révèlent un modèle adéquat. De plus, des valeurs de la RMSEA entre 0,05 et 0,08 signifient un ajustement acceptable du modèle aux données (Browne & Cudeck, 1993). Si le modèle proposé n’atteint pas les normes d’adéquation suggérées, des indices de modification décrits par Jöreskog et Sörbom (1984) sont fournis. La décision d’inclure des modifications au modèle doit cependant être effectuée avec précaution et prendre appui sur des fondements théoriques (Silvia & MacCallum, 1988). 

Les résultats du modèle initial n’ont pas permis de conclure qu’il représentait adéquatement les données puisque les indices d’adéquation ne correspondaient pas aux normes fixées (𝜒2(186)=957,02 ; p<0,001 ; 𝜒2/dl=5,14 ; GFI=0,87 ; RMSEA=0,08). Conséquemment, des indices de modification ont été suggérés, dont le fait d’ajouter des termes de covariance entre le terme d’erreur de certains items issus d’une même sous-échelle qui mesurent un même construit. Comme le suggèrent Silvia et MacCallum (1988), la décision d’inclure des modifications au modèle a été effectuée avec précaution en prenant appui sur des fondements théoriques. Parmi les modifications suggérées par Jöreskog et Sörbom (1984), neuf visaient à ajouter des termes de covariance entre le terme d’erreur des items d’une même sous-échelle. Ces modifications sont théoriquement justifiées par le fait que les items des sous-échelles élaborées par Husman et Shell (2008) sont liés entre eux. Ainsi, l’ajout de neuf termes de covariance entre les termes d’erreur de certains items inclus dans une même sous-échelle a révélé que le modèle suggéré à trois facteurs procurait des indices d’ajustement aux données satisfaisants (𝜒2(177)=773,37 ; p=ns ; 𝜒2/dl=4,37 ; GFI=0,90 ; RMSEA=0,07).

Ces modifications ont également procuré une amélioration significative de l’ajustement des données au modèle théorique évalué (∆𝜒2(9)=183,65 ; p<0,001). Tous les coefficients du modèle ainsi que les termes de covariance entre les coefficients d’erreur et entre les construits du modèle se sont révélés significatifs (p<0,001), à l’exception de la covariance entre les sous-échelles d’extension et de valeur. Le modèle final est présenté dans la figure 1.

Les résultats obtenus à l’analyse factorielle confirmatoire montrent des liens positifs entre la sous-échelle d’intégration et les 11 items du questionnaire qui conceptualisent cette dimension de la perspective d’avenir. La force des liens entre cette dimension et les items varie de forte à modérée (de 0,68 à 0,44). Les liens entre les cinq items de l’instrument de mesure et la sous-échelle de valeur sont également tous positifs, et la force de ces liens varie également de forte à modérée (de 0,79 à 0,30). Enfin, les cinq items du questionnaire qui opérationnalisent la dimension d’extension sont tous liés positivement à cette dimension. La force des liens entre cette dimension et les items varie de forte à modérée (de 0,74 à 0,34)

Bref, l’analyse confirmatoire du modèle proposé présente des statistiques d’ajustement adéquates. Elle révèle ainsi qu’un modèle à trois facteurs corrélés représentant trois sous-échelles de la perspective d’avenir opérationnalisées par Husman et Shell (2008) reflète adéquatement les données.

Figure 1

Modèle factoriel confirmatoire final retenu. Les estimations des paramètres sont standardisées. Tous les paramètres et termes d’erreur sont significatifs à p < 0,001 à l’exception de la covariance entre l’échelle d’extension et de valeur

Modèle factoriel confirmatoire final retenu. Les estimations des paramètres sont standardisées. Tous les paramètres et termes d’erreur sont significatifs à p < 0,001 à l’exception de la covariance entre l’échelle d’extension et de valeur

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Discussion

Compte tenu du manque d’instruments en langue française permettant la mesure de la perspective d’avenir dans une approche motivationnelle, l’étude réalisée avait pour objectif de valider, auprès d’étudiants francophones engagés dans un programme d’études postsecondaires, la conceptualisation de la perspective d’avenir opérationnalisée par Husman et Shell (2008). Pour ce faire, l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants a été développé, lequel consiste en une adaptation française de la Future Time Perspective Student Scale (Husman & Shell, 2008). Afin d’évaluer ses qualités psychométriques, la cohérence des quatre sous-échelles composant ce questionnaire a été examinée et la structure factorielle de l’instrument a été évaluée.

Les résultats de l’étude révèlent d’abord que la cohérence interne des sous-échelles traduites et validées est satisfaisante pour trois des quatre sous-échelles adaptées en langue française. En effet, les coefficients de cohérence interne pour les sous-échelles d’intégration et d’extension sont élevés et similaires à ceux obtenus à l’issue de la validation de la version originale anglaise de l’instrument. Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que la version française développée des sous-échelles d’intégration et d’extension est adéquate pour la mesure de ces construits auprès d’étudiants francophones inscrits dans un programme de formation collégiale préuniversitaire ou technique.

Pour la sous-échelle de valeur, deux items ont dû être retirés pour obtenir un coefficient acceptable. Ainsi, les deux items retirés semblent avoir été interprétés différemment par les participants de l’échantillon de la présente étude, comparativement aux participants de l’étude originale anglaise de Husman et Shell (2008) ayant servi à adapter la version française de l’instrument de mesure. Bien que les raisons expliquant ce décalage dans l’interprétation de ces items demeurent incertaines, la solution finale retenue a procuré un indice de cohérence interne satisfaisant, suggérant ainsi que la sous-échelle de valeur mesure adéquatement le construit évalué auprès d’une population d’étudiants québécois. En somme, les résultats issus des analyses de fiabilité suggèrent que les sous-échelles d’intégration, d’extension et de valeur procurent une bonne cohérence interne, justifiant ainsi leur emploi pour des études ultérieures dans le domaine.

La sous-échelle de vitesse a, quant à elle, produit des résultats insatisfaisants, avec un indice de cohérence interne largement sous le seuil établi à 0,70 (Nunally, 1978). Diverses pistes peuvent être avancées pour expliquer de tels résultats. D’abord, la version originale elle-même comportait, dans les deux premières études rapportées par Husman et Shell (2008), un coefficient sous le seuil établi (α=0,64 et 0,66) suggérant que ce construit est sujet à des interprétations multiples. Les auteurs de la version originale de cette sous-échelle avaient également dû supprimer trois items, parmi les six items initialement développés, pour parvenir à augmenter le coefficient alpha à 0,72. Les trois items finalement retenus par Husman et Shell (2008) abordent cette dimension d’écoulement du temps dans une formulation supposant que le temps s’écoule rapidement. Or, cette formulation – toujours sur le versant rapide – devrait également faire l’objet d’une attention particulière. Ainsi, les résultats de la présente étude semblent relativement cohérents avec ceux de l’étude initiale. Cela dit, l’écart entre le coefficient obtenu par Husman et Shell (2008) et celui de la présente étude suggère, en outre, des différences propres aux échantillons en matière de représentation de la durée temporelle et de la compréhension de l’écoulement du temps. En effet, la version originale de la sous-échelle de vitesse a été validée auprès d’étudiants ayant déjà entamé leur parcours de formation universitaire. Ces étudiants étaient donc susceptibles de se représenter l’avenir sur une plus longue perspective. Or, l’échantillon d’étudiants québécois retenu pour la présente recherche effectuait plutôt un parcours de formation dont la durée était plus brève. En particulier, les étudiants de la formation collégiale préuniversitaire suivaient un parcours de formation d’une durée de deux ans, tandis que ceux de la formation collégiale technique un parcours de trois ans. En somme, les différences dans le parcours scolaire des deux échantillons retenus pour valider la version anglaise et la version française du questionnaire pourraient être à l’origine des différences de résultats observés (Filer & Meals, 1949 ; Janssen, Naka, & Friedman, 2013). En conséquence, des efforts supplémentaires devront être déployés pour développer une mesure plus sensible du construit de vitesse, qui semble manifestement difficile à capter. Sur la base de ces travaux, une sous-échelle offrant une meilleure cohérence interne pourra être développée.

Par ailleurs, les analyses exploratoire et confirmatoire suggèrent que les sous-échelles d’intégration, d’extension et de valeur constituent des dimensions distinctes de la perspective d’avenir. Ces résultats corroborent ceux obtenus par Husman et Shell (2008) et procurent ainsi une indication des qualités psychométriques de la version française de l’instrument de mesure développé. De surcroît, une analyse confirmatoire a montré qu’un modèle à trois facteurs représentant les trois sous-échelles de l’échelle adaptée en français reflétait adéquatement les données. Or, il importe de rappeler que Husman et Shell (2008) ont proposé une conceptualisation de la perspective d’avenir en quatre facteurs et que la dimension de vitesse est exclue du modèle proposé dans cette étude. C’est pourquoi des modifications devraient être apportées à la sous-échelle de vitesse. La structure factorielle devrait alors être réexaminée afin de respecter la validité du construit proposé par ces auteurs.

En dépit des bonnes qualités psychométriques de l’instrument de mesure évalué, cette étude comporte certaines limites qu’il convient ici de souligner. L’approche méthodologique adoptée dans le cadre de cette démarche de validation s’appuie sur les directives de l’International Test Commission (Hambleton, 2001). L’application de la démarche méthodologique proposée par Vallerand (1989) aurait permis d’obtenir d’autres données concernant les qualités psychométriques de l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants. Ainsi, la réalisation d’un prétest avec un petit nombre d’étudiants aurait permis de vérifier la clarté des énoncés et aurait pu conduire à des changements dans la formulation des items, notamment ceux concernant la sous-échelle de vitesse. C’est pourquoi une étude et une opération de reformulation en comité d’experts des items de la sous-échelle de vitesse sont requises afin d’assurer la validité de construit du concept de perspective d’avenir, c’est-à-dire que l’opérationnalisation du concept représente tous ses aspects et que le concept de perspective d’avenir respecte la conceptualisation en quatre facteurs proposée par Husman et Shell (2008). De plus, l’absence de mesures subséquentes des sous-échelles a rendu impossible l’examen de la fidélité test-retest. L’étude de la validité prédictive de l’instrument de mesure, en lien avec des indicateurs motivationnels tels que l’utilité perçue, l’orientation des buts ou l’engagement de l’étudiant dans ses études, n’a donc pas pu être réalisée et devra faire l’objet de recherches ultérieures. Par ailleurs, la perspective d’avenir des étudiants a été mesurée à l’aide d’un seul instrument de mesure ayant servi à la présente validation. En dépit de la pertinence de l’instrument retenu, il aurait été intéressant de mesurer ce construit avec un instrument de mesure analogue afin de vérifier la stabilité des sous-échelles obtenues, même lorsque des items issus d’autres instruments sont inclus dans les analyses. Par ailleurs, dans l’analyse en composantes principales, le nombre de facteurs à extraire a été fixé en fonction du nombre de sous-échelles attendues dans la conceptualisation proposée par Husman et Shell (2008). Or, selon Bourque, Poulin et Cleaver (2006), diverses solutions factorielles auraient pu être explorées en lien avec le nombre de facteurs déterminés à l’analyse de dimensionnalité telles que le test de l’éboulis de Cattell (1966), basé sur l’interprétation du graphique de la progression des valeurs propres ; le critère de Kayser-Guttman, en conservant les facteurs qui présentent une valeur propre (eigenvalue) supérieure à 1 (Kayser, 1960) ; ou l’analyse parallèle, qui consiste à comparer la progression des valeurs propres de l’échantillon empirique avec celle d’un échantillon aléatoire simulé comptant le même nombre de répondants et d’items (Horn, 1965 ; Raîche & Magis, 2010). Finalement, les sous-échelles présentées et validées devront être confirmées auprès d’autres échantillons afin d’augmenter la justesse des inférences pouvant être posées avec cet instrument de mesure.

En dépit de ces limites, la présente étude procure une contribution originale en ce qui a trait à la mesure de la perspective d’avenir et, plus globalement, à l’égard de la motivation scolaire. En effet, cette recherche est parmi les premières à procurer un instrument évaluant la perspective d’avenir spécifiquement destiné à des étudiants francophones de l’enseignement postsecondaire. La validation de l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants auprès d’un vaste échantillon d’étudiants suivant une formation collégiale préuniversitaire ou technique a permis de soutenir empiriquement la validité de l’opérationnalisation de trois dimensions inhérentes au construit de perspective d’avenir : l’intégration, l’extension et la valeur. Sur cette base, les chercheurs pourront identifier avec plus de précision le rôle de la conception de l’intégration, de l’extension et de la valeur de l’avenir dans la motivation et dans l’engagement scolaires des étudiants. Ultimement, des pistes d’intervention pour accroître la persévérance et la réussite scolaires des étudiants inscrits dans un programme d’études postsecondaires pourront être élaborées, ce qui est éminemment souhaitable.

Conclusion

Cette étude a permis de développer un instrument de mesure et de procurer des données concernant la validation conceptuelle de la perspective d’avenir auprès d’étudiants francophones de l’enseignement postsecondaire. En raison à la fois du manque d’instruments en français qui évaluent la perspective d’avenir et de l’importance de la représentation de l’avenir pour les étudiants engagés dans une formation postsecondaire (Atkinson, 1964 ; De Volder & Lens, 1982 ; Gjesme, 1979 ; Husman & Lens, 1999 ; Nuttin, 1980 ; Shell, 1985 ; Shell & Husman, 2001), une mesure adéquate de ce construit paraît essentielle. Ainsi, l’instrument de mesure de la perspective d’avenir des étudiants, développé aux fins de cette étude à partir de la Future Time Perspective Student Scale (Husman & Shell, 2008), semble constituer une opérationnalisation valide de la perspective d’avenir chez les étudiants francophones issus de la formation collégiale préuniversitaire ou technique, bien que d’autres solutions factorielles demeurent envisageables. Les résultats obtenus à l’issue de cette étude indiquent que trois des quatre sous-échelles adaptées en français, soit celles d’intégration, d’extension et de valeur, offrent une bonne consistance interne. De surcroît, l’analyse factorielle exploratoire a révélé une structure reflétant les trois sous-échelles adaptées, tandis que l’analyse factorielle confirmatoire a révélé qu’un modèle reflétant les trois sous-échelles procurait de bons indices d’ajustement aux données. En somme, les résultats suggèrent que l’instrument de mesure de langue française proposé présente des qualités psychométriques satisfaisantes, ce qui constitue un argument en faveur de son emploi pour des études ultérieures dans le domaine.