Le livre dans le livre : représentations, figurations, significations[Notice]

  • Anthony Glinoer et
  • Caroline Paquette

…plus d’informations

  • Anthony Glinoer
    Université de Sherbrooke

  • Caroline Paquette
    Université de Sherbrooke

Dans City of Glass, Paul Auster entrelace jusqu’à former un noeud serré les représentations incarnées de quatre hommes du livre : Daniel Quinn, auteur de romans policiers et protagoniste; William Wilson, son double de plume qui signe ses romans; Max Work, narrateur et héros de ces mêmes livres dont Quinn voit, au cours de son périple new-yorkais, un exemplaire dans les mains d’une lectrice; Paul Auster, enfin, homonyme de l’auteur et détective privé dont l’identité est, bon gré mal gré, usurpée par Quinn. Autre genre, autre pays, même mise en abyme à l’exposant de l’écrivain, de ses doubles fictifs, du livre et des hommes qui le font ou le passent : dans la série Les Incidents de la nuit de David B., le héros narrateur explore les dédales d’une librairie sans limites à la recherche d’un exemplaire des Incidents de la nuit, recueil fictif d’histoires fantastiques datant de 1829, vu en rêve. Le héros et ses doubles (une ombre, un squelette, un être de papier) se perdent dans un univers de rêve éveillé (ou de réalité rêvée) et y retrouvent Émile Travers, directeur des Incidents de la nuit, mort écrasé par une pile de livres. Ces intrications d’identités fictives et de représentations de l’objet-livre, qui sont autant de réflexions sur l’effet de réel produit par l’oeuvre narrative et sur les limites du système littéraire, Paul Auster et David B. les poussent jusqu’à l’étourdissement. Elles sont cependant présentes, à des degrés divers, dans un nombre incalculable d’oeuvres narratives, qu’il s’agisse de romans, de bandes dessinées ou encore de films. Le procédé de la mise en abyme de la littérature dans le texte littéraire a été bien balisé, dans une perspective narratologique, par Lucien Dällenbach. Les représentations littéraires du livre et de la lecture ont aussi fait l’objet d’études thématiques fouillées. André Belleau a quant à lui inauguré, sur un corpus de romans québécois, une riche réflexion sociocritique sur la mise en récit de l’écrivain fictif. Tout en tirant profit de ces acquis, le présent dossier voudrait lancer de nouvelles pistes de recherche et étendre la réflexion à de nouveaux corpus. Observer les présences, dans le livre, du livre, de l’auteur et des métiers du livre permet d’ouvrir la focale et, ce faisant, de rendre visibles des particularités dans les procédés de référentialité que mettent en jeu de nombreux textes littéraires. En effet, ce n’est pas à la création et aux textes littéraires tels qu’ils apparaissent dans l’oeuvre que les sept contributions de ce dossier s’intéressent, mais plutôt aux représentations littéraires du livre et de la « production du littéraire » – entendons par là sa production technique (sa fabrication), économique (sa mise en marché) et symbolique (l’attribution de sa « valeur » sur le marché des biens culturels). Qu’en est-il des représentations des médiateurs – critique, éditeur, traducteur, libraire, agent, illustrateur, pour n’en nommer que quelques-uns – qui contribuent à mettre au monde, à faire passer et à légitimer le livre? Pour le dire autrement, comment s’organise, dans l’économie même de l’oeuvre, la référence aux acteurs du « petit monde du livre », tel que le nomment Lucien Febvre et Henri-Jean Martin dans L’apparition du livre? Et que dire de l’objet-livre lui-même, dont les multiples occurrences dans la fiction témoignent du rôle qu’il joue dans l’univers social, réel ou fictif? Ces questions se révèleront d’autant plus pertinentes ici que la représentation littéraire du littéraire n’est pas sans effet sur la littérature elle-même et sur le système qui la prend en charge. Il y a deux raisons à cela, d’ordre fort différent. D’abord, la pratique (auto)référentielle bouscule « …

Parties annexes