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La notion de « savoir » ici annoncée ne renverra pas, d’emblée, à un critère de validité épistémique qui permettrait d’isoler, sous cette catégorie, un secteur privilégié de la production discursive. Elle ne désignera pas, le long d’une échelle graduée allant de la vérité à l’illusion, le prédicat que pourrait seule revendiquer une « connaissance », passé le seuil irréversible à partir duquel, fondant en droit son statut de « science », elle s’arracherait aux fictions de la « croyance » avec la garantie de l’objectivité. Autrement dit, l’épistémologie dont j’esquisserai brièvement les contours ne recouvre pas, à strictement parler, le domaine d’une théorie de la connaissance, ni ne relève de celui d’une épistémologie normative; il me paraît plutôt nécessaire, en prospectant certaines voies ouvertes par l’analyse du discours, de déplacer la question et d’interroger ce qui, du « savoir », relève des « multiples dimensions de la discursivité[1] ». Il ne s’agit donc pas d’essayer de rendre compte de l’histoire matérielle et sociale de Voix et images, mais d’éclairer celle-ci, pour ainsi dire latéralement, en faisant passer l’une dans l’autre l’analyse du discours et l’épistémologie.

J’aimerais me demander, en examinant certains procédés de construction de l’histoire littéraire mis de l’avant dans Voix et images, selon quelles modalités énonciatives un discours a pu se constituer comme « savoir » légitime sur cette « littérature inventée[2] » que forme la « littérature québécoise »; en fonction de quelles pratiques discursives et à travers quelles prises de position ont pu s’instituer, d’un seul tenant, cette littérature et le discours critique qui en a fabriqué le concept et façonné la représentation, liant ainsi sa voix à des enjeux idéologiques qui l’excèdent. Tout comme la revue n’a pu bâtir sa spécificité qu’en définissant l’espace national de la « littérature québécoise » comme son unique domaine d’intervention[3], le discours critique qu’elle porte n’a pu produire sa validité épistémique qu’en instituant comme objet, à l’aide de connaissances historiques et d’instruments théoriques, cette même littérature. Dès lors, devant le jeu de cette interaction constante — on pourrait parler de déterminations réciproques — que le discours de savoir noue avec son objet littéraire, il convient en effet « de considérer le métadiscours et le texte (dont il parle) comme un tout, comme un seul champ ou système textuel[4] ».

L’usage qui sera donc proposé ici de la notion de « savoir » se rapproche, mais sans s’y superposer tout à fait, du sens que lui donne Michel Foucault dans L’archéologie du savoir. Pour réduire à l’extrême, on peut dire que le savoir est, dans le discours, un certain rapport entre l’énoncé et l’énonciation. Le savoir est, à la fois, un ensemble corrélé d’éléments et les règles de corrélation elles-mêmes de ces éléments (concepts, présupposés, objets, types de formulation, modes d’intégration ou de convocation d’autres discours par le recours à la citation, etc.). Cet ensemble est ce qui permet, dans un domaine d’activité spécifié, qu’une certaine formation discursive puisse être reçue comme découpant l’espace de la connaissance légitime; ou à l’inverse qu’une autre, codifiée différemment ou issue d’un autre contexte, puisse être reconnue comme participant de l’aire plus ou moins délimitée de l’erreur, de l’illusion, de l’inexactitude, etc. Il faut donc faire l’analyse — mais cet article n’en sera que l’esquisse — de la mise en place, avec l’émergence d’une critique littéraire universitaire au Québec à la fin des années soixante, d’une nouvelle forme de savoir dont l’élaboration et la légitimation ont rendu nécessaire la fondation de Voix et images du pays, à proportion du fait que le format même de la revue les a lui-même rendues possibles. À cet effet, on peut rappeler ce qu’écrit significativement Jacques Allard dans la rétrospective qu’il consacre au parcours de Voix et images, où il met en lumière notamment les enjeux de la fondation, entre l’ébranlement de l’idéologie « canadienne » et une nouvelle manière de concevoir l’analyse du texte littéraire : « Où publier nos analyses? Parti pris est d’abord politique, et il faut y justifier ce type de travail […]. [Ces] canaux ne nous offrent pas souvent l’espace suffisant ou approprié. Il faut créer par nous-mêmes autre chose. Trouver un autre lieu[5]. »

Comme on vient de le faire pour la notion de « savoir », et afin de mieux situer l’analyse en fixant d’abord certains de ses paramètres théoriques, il faut maintenant préciser l’usage particulier qui sera fait de la notion d’« institution », en insistant brièvement sur ce qui le distingue d’autres acceptions plus courantes et, aussi, plus traditionnelles.

Une « institution discursive »

Dans la tradition durkheimienne, la sociologie positive se constitue en délimitant un niveau précis de manifestation des phénomènes. C’est ce plan de réalité distinctif qui autorise Durkheim à caractériser son discours et à en valider la pertinence épistémologique : il cherche à poser les conditions qui permettent de décrire un phénomène comme spécifiquement « social », et donc de délimiter une certaine classe de faits qui formera, dans le feuilleté du réel, l’échelle de manifestation propre des « faits sociaux ». Ceux-ci ont une « réalité en dehors des individus ». Le fait social, dès lors, se spécifie par son autonomie relative et par l’effet de contrainte qu’il produit. Par extension, la « société », quant à elle, devient une sorte de tiers absent : la socialité en tant que telle étant précisément extérieure et supérieure aux manifestations individuelles, elle définit le niveau d’existence des « institutions », et la sociologie comme « science des institutions, de leur genèse et de leur fonctionnement[6] ». L’institution a donc là « pour effet de fixer, d’instituer hors de nous de certaines façons d’agir et de certains jugements qui ne dépendent pas de chaque volonté particulière prise à part[7] ». De là deux conséquences épistémologiques significatives : la notion d’institution a pu, d’une part, être uniformément rapportée à des réseaux organisés d’infrastructures, de codes et de représentations métasubjectives; en écrivant, d’autre part, que la socialité d’un fait « se reconnaît au pouvoir de coercition externe qu’il exerce ou est susceptible d’exercer sur les individus[8] », Durkheim tend à réduire l’application de la « méthode sociologique » à l’étude des déterminations.

Cette remarque n’est pas sans importance : en effet, dans le cadre d’une sociologie des médiations littéraires, le concept d’« institution » tend à fonctionner d’une manière analogue. On sait comment Jacques Dubois, défendant la pertinence de la notion pour l’analyse de l’insertion sociale de la littérature, définit le rôle structurant de l’institution dans les termes d’un pouvoir distribué sur trois niveaux. Recouvrant un domaine spécifique de pratiques et d’activités qu’elle régule et systématise « selon un mode particulier », l’institution se manifeste d’abord sur un premier plan, celui d’une « base matérielle qui lui permet de durer[9] »; cette présence tangible devient alors ce qui lui permet aussi d’organiser, au moyen de la production et de la diffusion de normes, de valeurs et de règles, la socialisation et, pour ainsi dire, la formation des individus en sujets; enfin, si dans cette perspective l’institution littéraire est associée à une reproduction des rapports sociaux, c’est qu’elle correspond assez à un « appareil idéologique d’État » au sens d’Althusser. En ce sens, l’institution ne peut donc se manifester que sur le mode de l’imposition ou de la contrainte intériorisée. Elle se reconnaît à son « mode de découpage de la réalité des pratiques sociales » et à la « manière dont [elle fixe], sur le terrain d’une légitimité, les conditions de possibilité et d’exercice de ces pratiques[10] ». Certes, par le recours au concept d’institution, Dubois s’efforçait de tenir compte, en considérant les fonctions équivoques du texte littéraire, des forces contre-institutionnelles et parasitaires, là où la notion de « champ » tend plutôt à réduire les forces de négation en les inscrivant dans le cadre plus global d’une relation structuralement homologue entre les positions sociales occupées et les prises de positions esthétiques[11]; mais il reste que la théorie présentée dans L’institution de la littérature se montre relativement peu perméable à une démarche qui souhaiterait analyser non plus seulement l’effet de la structure sur les sujets mais celui des sujets sur la structure.

Rabattue sur un pouvoir centralisé, « idéologique » au sens où Althusser le distingue du mode répressif[12], l’institution peut alors se définir, suivant cette logique, comme une structure établie, relativement fixe et travaillant dans le sens de la reproduction : elle permet de construire de l’unité avec de la dispersion, c’est-à-dire d’adopter une certaine posture épistémologique qui consiste à ramener la pluralité des pratiques et des objets à un centre où tout se croise, tout converge, tout se détermine. On sait pourtant que, dans la chaîne qui lie indissolublement la pratique d’écrire, le message textuel et sa réception subjective, trop de prismes[13], de médiations et de négociations font exister le texte littéraire dans trop d’espaces pour qu’une « institution », définie en termes d’uniformité idéologique, puisse épuiser et clore sur lui-même le fonctionnement multiplex de la littérature.

Or, Lucie Robert a montré, dans L’institution du littéraire au Québec, que le concept d’institution tel que défini par la théorie française se montrait inefficace devant les particularités de l’histoire littéraire québécoise. En situant son analyse le long d’un axe diachronique, elle fait apparaître l’institution comme l’effet de plusieurs processus historiques croisés, parmi lesquels la division du travail, la séparation des sphères d’activité et des métiers liés à l’écriture, la formation de marchés distincts et de lectorats spécialisés, la cristallisation de certains statuts juridiques comme le droit d’auteur. L’institution, au sens défini plus haut, s’efface dès lors derrière le procès même d’institutionnalisation, qui n’est jamais clos, ni fixe, ni stable. En effet, « l’institution est apparue non comme une chose, mais comme un lent processus de revendication et de compromis qui prennent la forme d’organisations ponctuelles ou de normes contraignantes sans cesse remises en question et sans cesse transformées[14] ». Dans cette perspective, l’institution n’est plus seulement un corps d’infrastructures et de règles exerçant un pouvoir à sens unique; elle se trouve plutôt constamment reconfigurée par un travail discursif continuel. Celui-ci, en fait, ne cesse jamais de produire de nouveaux contextes pour de nouveaux discours, de nouvelles options, de nouvelles possibilités. L’« institution » n’est plus une structure mais une action, un procès sans fin. Les discours en sont à la fois le produit et l’une des principales forces de transformation. Ainsi définie, l’institution littéraire me paraît recouvrir ce que Maingueneau désigne comme une « institution discursive » : si le discours ne peut advenir que sur la base d’un ensemble de conditions de possibilité, à la fois matérielles et sociales, « de son côté, l’institution littéraire elle-même est sans cesse reconfigurée par les discours qu’elle rend possible[15] ».

On peut maintenant revenir, sur cette base, à l’analyse du discours critique de Voix et images. L’étude proposée est relativement restreinte : de toute cette nouvelle critique universitaire qui se consolide vers le milieu des années 1960, je n’examinerai, à partir de quelques exemples révélateurs, que les modes de construction de l’histoire littéraire québécoise dans Voix et images, et plus précisément encore, dans les numéros qui appartiennent, pour fixer des repères approximatifs, à la première décennie de la revue, donc s’étendant de 1967 à la seconde moitié des années 1970[16]. Par « histoire littéraire québécoise », j’entendrai un discours de savoir procédant d’un rapport au passé littéraire qu’il vise à représenter, discours nécessairement informé par la situation de son énonciation, c’est-à-dire par l’horizon de son présent. L’enjeu épistémologique d’une telle analyse me paraît significatif : il s’agit d’étudier, prenant le cas de Voix et images, le rôle qu’a pu jouer dans l’histoire l’élaboration de l’histoire littéraire elle-même, entendue comme institution discursive. On ne pourra donc, en ce sens, « dissocier les opérations énonciatives par lesquelles s’institue le discours, qui construit ainsi la légitimité de son positionnement, et le mode d’organisation institutionnel que le discours tout à la fois présuppose et structure[17] ». Quelles peuvent être, dans le cadre d’une dynamique semblable, les règles énonciatives qui président à la qualification d’un savoir — l’histoire littéraire, en l’occurrence — comme savoir légitime?

Le support matériel, avec ses conditions de publication et la politique éditoriale qui l’accompagne[18], agit lui-même comme garant d’une qualification épistémique. En fixant des règles d’énonçabilité, au moyen de critères de sélection des textes critiques qu’elle sanctionne et choisit de publier en fonction de sa position culturelle légitimée, la revue universitaire garantit en quelque sorte le mouvement circulaire par lequel elle assure la production et la diffusion d’énoncés qu’elle qualifie elle-même officiellement en les reconnaissant comme qualifiés. Ce rituel de légitimation épistémique a donc nécessairement des effets sociaux instituants, difficilement quantifiables mais qui influencent et transforment vraisemblablement les programmes éditoriaux et les protocoles d’enseignement de la littérature, les pratiques d’écriture tout autant que les compétences de lecture. Comme l’a bien montré Nicole Fortin, l’enjeu cardinal de Voix et images a été l’invention de la « littérature québécoise », c’est-à-dire à la fois la construction et la délimitation d’un corpus d’oeuvres significatives, la recension ou la consécration de figures et d’auteurs et l’assignation aux textes, enfin, d’une valeur spéciale et d’une « lisibilité » propre à assurer l’identité d’un espace national englobant; en un mot, la formation d’une archive et d’une histoire littéraires et, par là même, le déploiement d’une représentativité nationale spécifique. Le « savoir » est indissociable de la chaîne où il prend forme et où il exerce son pouvoir. Il est un discours qui s’institue comme tel au croisement d’un lieu social d’où il émerge[19], d’une opération d’écriture qui se met en scène comme légitime et de la reconnaissance que cette écriture se montre capable de susciter. Un savoir légitime ne désigne donc pas le miroitement de l’objet à l’intérieur du discours; il est d’abord la mise en scène, pour un énonciateur, de sa propre compétence à constituer cet objet. En ce sens, le savoir est un genre de discours, et ceci est valable pour l’histoire littéraire québécoise telle qu’elle s’élabore dans Voix et images.

Voix et images. Rhétorique et scénographie du savoir

Instituée en 1975, la revue de critique universitaire Voix et images — elle se dote d’un comité de rédaction universitaire et d’un groupe de correspondants en 1973[20] — est directement issue de Voix et images du pays, elle-même dérivée des Cahiers de Sainte-Marie lancés par Robert Lahaise en 1966 : elle se donne comme le « champ d’études privilégié du discours national[21] ». Voix et images du pays trouvera son appellation et son statut officiel en 1970, alors qu’elle intègre rétrospectivement, sous son titre, les numéros précédents de 1967 et de 1969 parus d’abord sous le signe des Cahiers. Sa fondation, liée à la mise sur pieds de l’Université du Québec à Montréal en 1969, représente une prise de position à la fois esthétique et idéologique dans l’espace littéraire, et de façon d’autant plus significative que la revue peut être considérée comme une réponse à Études françaises, instituée pour sa part en 1965 sous l’égide de l’Université de Montréal et privilégiant, comme l’atteste son intitulation même, le parcours d’un espace linguistique plutôt que l’exploration systématique d’un territoire national. Historiquement, la mise en circulation de Voix et images du pays peut donc valoir à la fois comme reconnaissance et revendication d’une catégorie de classement du fait littéraire, qui va contribuer à produire ce qu’elle nomme : en effet, le syntagme « littérature québécoise »[22] n’a pas seulement permis de subsumer l’ancien et le nouveau sous une nouvelle acception; l’essentiel de sa fonction épistémologique est ailleurs. Avec son émergence dans le discours, on voit s’instituer de nouveaux critères de valorisation et d’interprétation, de nouvelles façons de rendre aux textes leur intelligibilité. On voit se dessiner la possibilité de parcourir autrement l’histoire littéraire et de réinterpréter, en fonction du présent des années 1960 et 1970, les connexions et les relations intertextuelles qui font d’elle, précisément, une « histoire ».

Jacques Allard témoigne, dans son ouvrage sur la critique littéraire au Québec, de cet enjeu essentiellement taxinomique : Voix et images

a choisi d’entrée de jeu l’écoute et l’observation du littéraire d’ici; elle a pris parti pour l’expression nationale des Québécois. Elle a gardé ce préjugé favorable d’une certaine militance, en se donnant toutefois les moyens d’un examen scientifique. […] Nous discourons sans complexe sur cette littérature que nous nommons « québécoise » à l’encontre de la plupart de nos professeurs qui parlent toujours de la « canadienne ». […] Et dans ce département d’Études françaises, nous militons pour la « québécité » […]. Nous sommes dans la mouvance nouvelle, socialo-indépendantiste, qui ébranle l’idéologie « canadienne »[23].

Cette nouvelle valeur accordée aux textes, dans laquelle parfois vont tendre à se confondre valeur littéraire et valeur nationale, est le produit d’un travail de prédication qui passe par une (re)lecture continue du passé littéraire. Elle est elle-même, en tant que valeur, la relation discursive qui croise dans un même espace « québécois » le texte littéraire et le discours critique de Voix et images. La « littérature québécoise » implique, selon l’expression de Rénald Bérubé, un « devoir de parole » : système général, elle va permettre de recouvrir d’un seul nom l’infini d’une histoire et la disparité des langages qu’elle déroule, fabriquant ainsi de l’unité à partir de la dispersion de ces « voix et images du pays que nous avons voulu suivre à notre tour[24] » en jetant « un regard neuf sur des oeuvres qui jalonnent plus d’un siècle de notre existence collective[25] ».

Or, cette assignation d’une valeur ne peut tirer son efficacité, voire sa possibilité, que d’un pouvoir d’assignation, qui se trouve continuellement mis en scène dans le discours critique lui-même : en présentant et en valorisant ce qu’il définit, il représente en même temps son propre pouvoir de définition et de valorisation, s’instituant comme discours qualifié à produire sur son objet des énoncés valables. En effet, on peut dire que l’institution par le discours critique d’un objet propre, la « littérature québécoise », s’accompagne d’une légitimation du discours instituant comme ayant la compétence requise pour parler légitimement de l’objet institué. Il faut donc dire que la double valorisation/prédication des textes à la fois littéraires et québécois « implique une distinction qui ne peut être réalisée que par un acte distingué; la valeur d’un texte littéraire ne peut résulter que d’une valeur accordée par un discours lui-même valorisé[26] ». C’est dire que ce double statut des textes, littéraires et québécois, ne peut se jouer et se rejouer que dans la mesure où il s’élabore à travers un éthos rhétorique, construit dans et par l’énonciation elle-même du locuteur critique de Voix et images[27].

Ainsi, par exemple, dans un article sur l’écriture de Jean-Aubert Loranger, la distance que prend le discours critique vis-à-vis d’une lecture qu’il discrédite n’est en fait que la délimitation d’un lieu discursif spécifique et d’une compétence lecturale sui generis. Si les « lecteurs des années 20 n’ont pas su comprendre Loranger[28] », il faut dès lors en compenser l’inaptitude avec un discours critique « québécois » qui, replaçant les textes dans le parcours d’une histoire, sait se rendre compréhensif devant l’objet qu’il dévoile et fait parler.

Signalons tout de suite que la thématique que nous avons réussi à circonscrire n’est pas uniquement une construction de sens déterminée par notre (despotique) discours critique. Notre analyse suit de très près la succession des textes de Loranger et l’échafaudage critique qui en est résulté obéit à la cohérence même du discours poétique, et s’en trouve par le fait même validé[29].

Cette validation se trouve ici ramenée à un rapport de transparence entretenu à l’égard du texte; elle est produite sur la scène d’une écoute non « despotique » de l’écriture littéraire, selon laquelle le savoir s’effacerait comme discursivité propre pour apparaître, sans épaisseur, ajusté à son objet, dans lequel il serait presque contenu d’avance. Ici, c’est cette autolégitimation du discours critique qui autorise la recatégorisation historique du texte de Loranger, en rupture avec une vieille critique canadienne-française dévaluée dans ses modes d’appréhension… mais qui en fait n’était qu’un autre circuit de légitimation des énoncés critiques : « les texte de Loranger demandent à être lus non pas à la lumière de l’École littéraire de Montréal, mais à celle projetée par la production moderne des Saint-Denys Garneau, Anne Hébert, Alain Grandbois[30]. » Destituée de son pouvoir, invalidée en même temps que ses critères et que ses référents, la critique des années 1920 s’épuiserait à dire le retard qu’elle accuse sur une conscience collective dont elle se montre incapable de lire les traces dans la production littéraire de son temps. « Il aura fallu attendre cinquante ans pour qu’on sache apprécier l’originalité et, en même temps, l’appartenance à une conscience collective toujours en retard sur la clairvoyance profonde des vrais poètes[31]. » Ici se marque l’une des opérations essentielles sur lesquelles repose toute réinterprétation historique, qui laisse les « signes d’un tri entre ce qui est exclu comme périmé et ce qui est posé comme homogène au présent ou “fondamental”, c’est-à-dire entre ce qui est devenu impensable et ce qui est devenu pensable[32] ».

Ce qui généralement est reconnu comme « savoir » ne se découvre pas uniquement dans le contenu d’un énoncé; il est le produit d’une énonciation qui a ses règles. Le savoir est moins un dit que le rapport qui lie un sujet à son dire. Et ce rapport est consolidé, notamment, par un ensemble de stratégies rhétoriques qui se rapportent à ce que Maingueneau appelle la « scénographie[33] » discursive, par laquelle un discours met en scène son propre dispositif d’énonciation en légitimant le lieu d’où il émerge[34], autant social (une revue, Voix et images) que discursif (un genre de discours, la critique littéraire universitaire). Une relecture du passé littéraire, de façon à instituer l’histoire, est donc toujours en même temps l’énonciation d’une compétence de lecture en démonstration, d’où le critique tire une part de sa légitimité herméneutique. À cet effet, l’accréditation du discours critique de Voix et images présente une particularité : il y a deux scénographies qui se croisent sans s’exclure. C’est-à-dire que le discours s’inscrit dans deux espaces discursifs simultanés : d’une part, dans un espace critique « tourné vers l’expression d’une parole critique et sur ses modes d’interprétation de la littérature[35] » et, d’autre part, dans un espace national où, en sens inverse, la séparation entre le discours littéraire et le métadiscours critique tend à s’effacer sous le signe d’une communauté de référents, du partage d’une même ligne historique et d’un même champ intertextuel que Voix et images produit en même temps qu’elle s’y inscrit.

« Découvrir, percevoir une identité culturelle au Québec, à travers ces oeuvres, demeure la tâche que doivent accomplir les Québécois eux-mêmes[36] »; c’est-à-dire que doivent accomplir les lecteurs critiques disposant du capital nécessaire, à la fois un accès aux lieux de légitimation du discours et une maîtrise des codes énonciatifs qui tiennent lieu de qualification épistémique. Le sujet de l’énonciation est toujours à la fois critique et québécois, doit être à la fois l’un et l’autre. C’est cette conjonction particulière qui attribue au discours critique de Voix et images sa légitimité. Et c’est au croisement de ces deux fonctions, qui se confondent au sein d’un même « rôle » intellectuel, que le critique littéraire de Voix et images trouve une part importante des conditions de sa prise de position. Il s’agit moins, au sens strict, d’une position esthétique que de ce qu’on pourrait appeler une « posture[37] » critique spécifiée : l’énonciation d’un savoir légitime se donne ici comme un acte qui « représente » et institue une critique littéraire québécoise en (re)produisant, dans le discours, la légitimité déjà associée à son statut universitaire.

Une poétique de la corrélation. La construction de l’histoire littéraire

En tant qu’elle suppose un travail historio-graphique[38], donc une opération d’écriture supposant une part de narrativité, l’histoire littéraire a elle aussi sa poétique. Comme on vient de le voir à partir d’un exemple symptomatique, elle s’élabore suivant la capacité du discours critique à mettre en scène le savoir qu’il déploie comme savoir légitime. En elle-même, l’histoire littéraire n’est pas un objet; elle apparaît plutôt, en tant que représentation de la « littérature québécoise », comme le produit d’une mise en corrélation des objets particuliers que sont les textes. D’un point de vue historio-graphique, ceux-ci tirent leur singularité du général et leur particularité du fait de pouvoir s’insérer, selon des modalités variables, dans un système cohérent de relations qui forment l’« histoire littéraire ». Le découpage de ce système procède toujours, ainsi, par la mise en rapport d’écritures singulières en fonction de l’exigence d’une histoire partagée. Ce type de découpage postule qu’il existe une trame continue qui, derrière les discontinuités et les ruptures historiques elles-mêmes, traverse le temps et assure l’unité nationale d’un régime de sens auquel il est dès lors possible de rapporter une diversité d’éléments isolés. Sous chaque texte analysé, il y a une part d’inchangé que voile, en apparence, l’infiniment variable.

Cette « systématique », dans Voix et images, implique souvent la surimpression de deux principes de construction de la valeur : il faut assurer que le texte « québécois » soit en même temps texte « littéraire ». Ici, les régimes de singularité et de communauté, que définissait Nathalie Heinich[39], ne figurent pas comme les deux termes irréductibles d’une alternative. Ils travaillent conjointement à produire un mode de valorisation des oeuvres dans le cadre duquel, par exemple, l’analyse de la structure singulière du texte poétique permettra de dégager à la fois sa valeur littéraire et son mode d’appartenance à une collectivité d’oeuvres québécoises[40].

Point de syntaxe élaborée, mais une organisation de type primitif, fondée sur la parataxe et la juxtaposition de phrases nominales. […] En 1960, Paul-Marie Lapointe publie « Arbres », un grand poème qui fait date et où il exorcise la peur ancestrale des forêts primitives qui pesait sur l’imaginaire québécois. Il appelle chaque arbre par son nom et la forêt anonyme, terrifiante, se laisse pénétrer, devient accueillante et familière[41].

Entre le singulier et le général, la différence et l’identité, il n’y a ici aucun rapport d’exclusion. Il ne peut y avoir, pour le discours critique de Voix et images, d’altérité radicale, irréductible et close sur elle-même dès lors que tout texte littéraire fonctionne dans un système de relations, de distinctions et de proximités. La dissimilitude a aussi sa régularité : à côté des oeuvres réputées régulières, conformes et homogènes, qui forment la part d’ombre sur le fond de laquelle l’histoire littéraire dégage et discute les « oeuvres-phares », la différence qui spécifie les « grands » textes ne fait pas moins corps avec cet ensemble historique qui compose le corpus national. Dans ce cadre, l’unicité même d’un texte littéraire ne se définit comme telle que dans et par le rapport qu’il entretient à un système d’éléments plus large dont il participe. L’histoire littéraire québécoise ne recouvre donc pas une grande unité indivise; elle permet plutôt de rassembler les différences, de contrôler les dispersions. Elle s’assure qu’entre les textes distincts eux-mêmes, il y ait des rapports définissables, une lisibilité qui soit possible. Sa poétique est une poétique de la corrélation. En termes foucaldiens, on peut dire que l’histoire littéraire fonctionne comme une mise en « ordre du discours[42] ».

Cette logique interprétative rend possible une série de lectures. Ainsi par exemple l’écriture de Réjean Ducharme pourra-t-elle être analysée du point de vue d’un « biblio-texte » : par rapport à lui, elle s’affirme comme une force de négation, elle manifeste toute la distance qui sépare la nouvelle littérature québécoise de l’ancienne littérature canadienne. De cette façon, Les enfantômes reprennent, pour Susanna Finnell, le mythe cosmogonique qui structure, un siècle plus tôt, l’univers de Jean Rivard :

Ducharme, dans Les enfantômes, reprend ce mythe à son propre compte. […] Mais si Ducharme évoque une géographie fictive, parallèle au roman de la terre, ce redoublement se fait au moyen d’une négation radicale. […] Ce récit présente un miroir déformant des valeurs chrétiennes, du progrès, du nationalisme et du savoir[43].

Cette négation n’est pas l’absence de rapport entre deux textes opposés; elle est une des modalités d’un rapport toujours historique entre des textes relevant d’une même filiation. À travers la pluralité des écritures doit s’étendre une continuité, et entre les sujets qui écrivent, une même histoire; entre elles et entre eux Voix et images vient établir le partage de référents communs, la permanence de certains codes, des liaisons explicites. De là aussi, dans un autre article, la possibilité d’une comparaison entre Réjean Ducharme et Louis Fréchette, qui marque à la fois la rupture esthétique et la continuité historique.

La littérature québécoise du xixe siècle a bien connu le phénomène de l’imitation : Louis Fréchette, par exemple, se voulait une sorte de copie conforme de son maître, Victor Hugo. […] Les choses ont certes changé depuis, les créateurs québécois ayant graduellement acquis des certitudes et une autonomie qui ne pouvaient pas être les leurs au milieu du siècle dernier. Quand Robert Gurik et Réjean Ducharme nous proposent un Hamlet et un Cid en 1968, ils ne sont pas à la remorque des oeuvres dont ils s’inspirent. Ils nous en proposent une lecture personnelle qui n’est pas sans soulever de multiples points d’interrogation[44].

Cette lecture a beau être « personnelle »; elle est néanmoins rapportée par la critique au système référentiel d’une histoire littéraire dans laquelle, par sa singularité même, elle s’insère et signifie : « L’étranger dont parle Hamlet-Québec, c’est bien sûr celui de Patrice Lacombe (La terre paternelle) et de Félix-Antoine Savard (Menaud, maître-draveur)[45]. » Il semble y avoir un besoin de dire la rupture tout en attestant d’une continuité : dans ce discours sur l’histoire nationale, la mise à distance d’un passé semble valoir à la fois comme célébration d’un changement et mémoire de ce qu’il ne faut plus être. On peut noter, à cet effet, que les contraintes éditoriales liées à la longueur limitée des articles qui paraissent dans Voix et images commandent en quelque sorte, dans certains cas, ce type de savoir historique globalisant, forcé de retracer en bloc les grandes césures et les longues continuités que, faute d’espace, il ne peut décortiquer davantage. On citera par exemple :

La guerre, bouleversant le monde, avait bouleversé aussi le giron calme du Québec. Tout annonçait l’avènement d’un monde nouveau où plus jamais ne reviendrait le confort des serres surchauffées. Définitivement exclue de sa quiétude passée, la société québécoise, malgré quelques efforts tenaces pour l’en empêcher, allait entrer dans un monde nouveau[46].

Il doit donc demeurer du même dans la différence, de l’inchangé dans le variable, et cette invariance même qui permet de subsumer sous le nouveau registre « québécois » l’éparpillement et la diversité est toujours pour une part l’effet du mode de lecture mis de l’avant par le discours critique. C’est ce mode de lecture qui permet d’écrire, sur le roman Charles Guérin :

Malgré ses maladresses, Charles Guérin demeure la première oeuvre valable de la littérature québécoise. […] Le refus inconscient de la Conquête et les revanches symboliques qui se retrouveront dans la plupart des romans de la fin du siècle sont déjà exprimés dans l’oeuvre de Chauveau[47].

C’est encore ce même mode d’élaboration d’un savoir qui rend nécessaire, dans un article sur La terre paternelle, une conclusion « sur la façon dont ce texte pourrait fournir la matrice du roman paysan québécois[48] » : le genre se trouve ainsi objectivé, et cette mise à distance du passé confirme en quelque sorte que le roman québécois du présent, ayant changé, n’est plus inféodé à « l’appréciation moraliste[49] ». Ce mode de lecture recoupe assez ce que Nicole Fortin propose d’appeler, avec justesse, l’« interlisibilité », notion à bien des égards préférable à celle d’intertextualité : elle présente l’avantage de mettre en évidence le fait, fondamental du point de vue épistémologique, que plusieurs corrélations intertextuelles n’existent qu’en tant qu’elles sont dites, produites et inférées par une interprétation critique consistant à rapprocher plusieurs textes pour les « lire ensemble ». L’interlisibilité assure ainsi l’inscription des écritures variées dans une histoire nationale commune. Et si, entre les textes, peuvent s’établir des corrélations et s’étendre des traits constants, ceux-ci demeurent souvent implicites et doivent être relevés par une compétence critique mise en scène à laquelle ne saurait accéder une lecture « ordinaire », un simple regard sur l’explicite, l’apparent, le déjà-formulé. Tout se passe comme si, en décelant toujours dans la singularité littéraire les traces de la généralité québécoise, le discours critique opérait « le passage d’un imaginaire individuel vers un imaginaire collectif[50] ». En dégageant toujours, au-delà des singularités, un registre général et fédérateur à l’intérieur duquel circulent des thèmes et des figures, le discours critique regroupe « une succession d’événements dispersés » et tend à « découvrir, déjà à l’oeuvre dans chaque commencement, un principe de cohérence et l’esquisse d’une unité future[51] ».

On pourrait relever de nombreux autres exemples de ce mode de construction du savoir. Tel qu’il s’est manifesté dans Voix et images, il est sans doute la manifestation, comme l’explique Fernand Roy, d’une croyance dans l’écriture et d’une sorte de volonté, ancrée dans une tradition qu’elle réanime et dépasse tout à la fois, de faire de la littérature le véhicule et le lieu de construction d’une identité collective, précisément nationale.

Depuis 1960, s’est élaborée au Québec une idéologie laïque d’un pays à construire d’abord dans les mots. À mon sens, cette croyance dans l’écriture est un équivalent laïque de la foi chrétienne dans l’idéologie cléricalo-religieuse que les romans historiques de Laure Conan ont, en leur temps, contribué à rendre opératoire. De la littérature canadienne-française comme constitution du patrimoine sacré de la langue française à la littérature québécoise comme subversion libératrice des forces vives de la collectivité, ce qui aurait changé ne serait pas l’écriture littéraire mais bien le rapport à l’histoire de cette écriture[52].

Rupture dans la continuité : le discours sur le « pays à inventer », cristallisé dans les années soixante, peut ainsi apparaître comme une nouvelle « prise de conscience de ce que l’histoire est à faire — et affaire d’écriture[53] ». Cette écriture de l’histoire, que la présente étude avait pour objet de mettre en lumière, a pour principe une mise en relation entre les textes. Elle n’a pas pour visée, toutefois, de constituer l’ensemble hétérogène formé par leur simple addition; elle trouve son origine, comme on vient de le voir, dans un idéologème[54] qui permet de les unir, de les lier et de les lire ensemble au sein d’une même histoire.

Sans doute serait-il hasardeux de décrire le discours critique de Voix et images comme ayant permis l’aménagement d’un espace discursif où, à la mesure même du projet partagé d’invention d’une « littérature québécoise », l’identité nationale aurait trouvé le lieu d’une relative présence à soi; en revanche il apparaît maintenant, au terme de cette analyse, que l’un des rôles fondamentaux de ce discours critique a été de développer, dans la représentation qu’il a donnée de l’histoire littéraire québécoise, un certain rapport au temps ou, pour mieux dire, un « régime d’historicité », que François Hartog définit comme l’une des « conditions de possibilité de la production d’histoires : selon les rapports respectifs du présent, du passé et du futur, certains types d’histoires sont possibles et d’autres non[55] ». Sur le terrain d’une définition de la littérature québécoise, le discours critique de Voix et images, tel qu’étudié plus haut, cherchait à s’inscrire dans un rapport au passé tout en marquant la césure qui le séparait irréductiblement du présent, l’acte de mémoire valant toujours aussi comme acte de distinction. Dans le tracé d’une généalogie littéraire nationale, il fallait superposer la trame d’une histoire continue et la discontinuité des événements singuliers, renvoyer dos à dos, comme les deux faces d’une même médaille, littérature canadienne et littérature québécoise.

Il resterait à voir, dans la perspective plus large d’une histoire à la fois épistémologique et sociologique, comment et à quel degré ce régime d’historicité, analysé ici tel qu’il s’instaure dans le discours critique de Voix et images, a pu se disséminer à la même époque à travers d’autres lieux institutionnels; comment il a pu se retraduire, et le cas échéant selon quelles modalités variables, dans d’autres discours instituants (diverses revues, discours éditoriaux, travaux de recherche, programmes d’enseignement, Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, etc.). À plus grande échelle, enfin, il faudrait analyser les rapports entre ce régime d’historicité et la notion de « littérature québécoise », qui semble lui avoir survécu. En effet, plusieurs signes tendent à signaler l’évanouissement graduel de ce régime d’historicité, qu’il est aujourd’hui possible de mettre à distance et d’objectiver. Comme on vient de le voir, c’est précisément ce que fait Fernand Roy lorsque, refusant de reconduire la césure discutée plus haut entre littérature canadienne et littérature québécoise, il propose plutôt une historicisation de cette césure, à travers laquelle il constate la survie et le renouvellement d’une vieille croyance dans le pouvoir presque territorial de l’écriture littéraire. Un autre indice atteste d’un déplacement considérable, au sein même du discours critique de Voix et images, dans la manière de concevoir et de traiter la littérature québécoise : vers le milieu des années 1980, le discours critique vise de plus en plus à insérer la littérature québécoise dans un circuit comparatif tenant compte des littératures américaines et européennes, des phénomènes d’hybridité et de migration ainsi que des intertextes transculturels. Bernard Andrès écrivait, en 1987 : « en dépit des aléas du nationalisme ou, qui sait?, grâce au désenchantement de l’après-référendum, une nouvelle vision du pays, plus continentale, mieux ouverte à l’hybridisation des discours et des cultures, est peut-être en train de se forger[56]. » Sans doute peut-on voir, dans l’émergence de ces nouvelles préoccupations pour le métissage et le rapport à l’Autre, le signe d’un éclatement des corpus nationaux au profit d’un univers transfrontalier. Cette effraction des limites nationales marque peut-être une transformation fondamentale, où dans le projet même de définir et de penser la littérature québécoise, le rapport au temps « endogène » semble perdre de son importance au profit d’une mise en relation avec les espaces exogènes.