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Si, du point de vue politique et intellectuelle, Cité libre fut la revue emblématique des années cinquante et Parti pris la publication phare de la décennie suivante, on peut avancer que Mainmise exprima le mieux quelques-unes des aspirations les plus caractéristiques des années 1970[2]. « Mainmise est née en 1970. Au fil des ans la revue est devenue une sorte de symbole et 1970 est une date remarquable[3]. » Cette revue était alors le seul magazine parallèle d’envergure du Québec, se distinguant tant par la qualité des textes publiés que par son tirage et son rayonnement dans la province et dans le reste de la francophonie[4]. Plus de quarante ans après sa fondation, elle vaut certainement la peine que l’historien s’y attarde.

Il est facile d’imaginer les thèmes ressassés dans Mainmise. La revue se voulait une sorte d’almanach du village global dans les pages duquel les lecteurs trouveraient des renseignements sur une variété de sujets, dont l’incontournable trilogie du rock, de la sexualité et de la drogue. Les fidèles de la revue se recrutaient parmi les adeptes de la contre-culture et, plus largement, parmi les étudiants et les marginaux qui cherchaient une façon différente de vivre que celle proposée par la société de masse.

À temps, votre revue est venue, confiait une lectrice en 1971. Elle a été un point, un lien, un joint. Elle a jeté bas les distances et les frontières pour venir me dire que je ne suis pas seule, qu’il y a des tas d’autres jeunes un peu partout engagés dans les mêmes recherches et les mêmes espérances que moi. Pour nous tous, elle est une nécessité[5]

Mainmise occupait ainsi une niche. Elle relayait une information qui ne trouvait pas de place ailleurs, dans les quotidiens dominants comme La Presse ou Le Devoir ou les magazines à grands tirages.

Cependant, plutôt que de s’intéresser au contenu idéologique de la revue, le présent article cherche à définir le contexte d’apparition de Mainmise et ses conditions de production. Dans un premier temps, il s’agit de retracer les origines de cette publication contre-culturelle montréalaise dans des expériences de publication antérieures d’ici et d’ailleurs (dont Georgia Straight, Logos, Le Voyage) et ainsi replacer Mainmise dans un vaste courant nord-américain. La fondation Mainmise correspond en effet à l’apogée des « années 68 » qui marquent au Québec une rupture plus ou moins radicale avec l’ordre hérité des années 1950 mais aussi la Révolution tranquille[6]. Dans un deuxième temps, cet article s’attache à décrire les défis que les collaborateurs de Mainmise devaient relever pour assurer la continuité concrète de leur projet. Aussi « cool » et « freaks » se voulaient-ils, selon leurs propres termes, ils devaient composer avec des exigences de production et de rentabilité auxquelles ils n’étaient pas vraiment préparés et qui risquaient sans cesse de conduire leur entreprise à la faillite. Ces deux dimensions permettent de mieux comprendre les conditions qui, à la fois, favorisèrent et précarisèrent Mainmise pendant les huit ans de son existence (1970-1978).

Les premières revues underground au Québec

La progression des médias écrits contre-culturels dans les « années 68 » s’explique en partie non seulement par des bouleversements idéologiques et le relèvement du niveau de vie mais également par la scolarisation accrue de la population nord-américaine, une forte proportion de ces publications s’adressant aux étudiants[7]. Ce n’est pas un hasard si à peu près tous les grands journaux underground nord-américains des années 1960 furent basés dans les quartiers universitaires des centres urbains, que ce soit Greenwich Village à New York, North Beach ou Haight-Ashbury à San Francisco, Venice à Los Angeles ou le ghetto McGill à Montréal. Le lectorat de Mainmise était lui aussi en grande partie celui des universités et des cégeps. Un sondage mené un an après la fondation de la revue nous apprend à ce sujet qu’environ la moitié des lecteurs masculins (les chiffres ne sont pas disponibles pour les femmes) avaient moins de 24 ans et qu’une même portion habitaient encore chez leurs parents[8].

Facilitée par le perfectionnement des techniques d’impression offset qui remplaçaient les machines dispendieuses de naguère par des modèles faciles d’utilisation, beaucoup plus petits et peu coûteux (ces nouvelles machines permettant de photographier les montages, les dessins et les pages artistiques et de transférer ensuite les photos sur une plaque d’impression[9]), des pionniers voulurent créer en Amérique du nord des publications qui puissent s’adresser à une nouvelle génération qui contestait la morale puritaine de ses aînés. C’est ainsi qu’entre 1965 et 1970, plus de 4 000 journaux apparurent sur la scène culturelle et l’on prétend qu’ils furent lus par 15 millions d’Américains[10]. Le quotidien Los Angeles Free Press, fondé en mai 1964 et souvent célébré comme le premier périodique underground contre-culturel d’Amérique du nord, tirait en 1971 à 90 000 exemplaires et le Realist de Paul Krassner à 100 000 exemplaires. Le Rolling Stone Magazine tirait, quant à lui, à 300 000 exemplaires. La première revue contre-culturelle canadienne est apparue sur la côte ouest, dans l’orbite directe de San Francisco, avant même la fondation du Harbinger à Toronto ou de l’Octopus à Ottawa. Créé en mai 1967 sur le modèle du Los Angeles Free Press, le Georgia Straight souhaitait prolonger la tradition beatnik, celle de Jack Kerouac et Allen Ginsberg[11]. Dès les premiers numéros, son tirage dépassait 60 000 exemplaires et des centaines de copies se retrouvaient chaque mois dans les mains de lecteurs montréalais.

Initialement, la montée d’une presse libre, indépendante des grands consortiums, se fit davantage sentir au Québec dans le milieu anglophone. Logos représente ainsi le premier essai québécois d’établissement d’une presse underground contre-culturelle[12].

Le premier Logos a pris naissance dans un taudis de la rue St-Laurent, tout en haut d’un escalier croche menant à une piaule où se mourraient une table bancale, des vieilles chaises, sans oublier les paperasses et des tas de photos de filles nues. Cette première équipe était dirigée par Paul Kirby, Robert Kelder, Laniel Drake, Chandra Prakash et John Wagner. Ces freaks hirsutes ont donc été les premiers à Montréal à expérimenter une presse de type locale mais intégrée à tout cosmique[13]

Lancé avec un investissement d’à peine 250 $ en octobre 1967, Logos sera publié mensuellement jusqu’en décembre 1967, puis irrégulièrement jusqu’en février 1973.

En mai 1968, paraissait Le Voyage. Parfois présentée comme l’ancêtre des publications contre-culturelles québécoises de langue française[14], cette revue était en fait beaucoup plus politique que psychédélique et ce, même si le premier numéro indiquait en page couverture que cet « organe d’information de l’homme nouveau » serait une sorte de « Logos français ». Une autre revue qui annonce les thèmes alternatifs des années 1970 est La Claque, une publication qui ne connut cependant qu’un seul numéro.

En mai 1970, lorsque s’est réunie pour la première fois la petite gang qui a fondé la claque, il n’existait aucune publication « underground » de langue française au Québec. L’expérience américaine (seed, rolling stone, rat, black panther, berkeley wire, etc.), à laquelle s’assimilait le logos des anglais (sic) de Montréal, prouvait cependant que de telles publications conçues pour un public clairement délimité pouvaient être sinon rentables, pour le moins viables[15]

La Claque fut par conséquent fondée avec l’intention de combler un vide, même si le contenu reflétait, comme pour Le Voyage, davantage des considérations politiques (avec des textes de Pierre Vallières et de Pierre-Paul Geoffroy[16]) que contre-culturelles.

Dans cette montée d’une presse contre-culturelle, il ne faudrait pas oublier de souligner le rôle joué par Le Quartier latin. À l’été 1969, ce périodique réalisait une mue sous l’impulsion, entre autres, de Roméo Bouchard et Jean Gladu[17]. Les dossiers préparés reflétaient la philosophie subversive de la nouvelle équipe éditoriale, avec notamment un numéro « Être bien dans sa peau ». La présentation visuelle devenait plus vivante, plus « cool », adoptant une couverture couleur et passant d’une parution bihebdomadaire à une parution bimensuelle. La forme du journal reflétait un continu plus contre-culturel, avec des graphiques suggestifs, des graffitis, des bandes dessinées. « Grâce au développement des techniques audiovisuelles, l’écrit perd sa force de persuasion et s’avère inadapté à une participation étudiante qu’on voudrait massive. Le journal devient un placard, un poster, une affiche où la phrase-choc ou la phrase-symbole devient un élément indispensable[18]. » On mettait l’accent sur le vécu plus que sur l’analyse rationnelle. On faisait place à l’argot sexuel, au sacre et au joual, lequel dénotait, pensait-on, une expression plus spontanée et viscérale[19].

Ces quelques exemples indiquent une demande croissante pour une information contre-culturelle qui puisse relayer au Québec certaines des thématiques alors en vogue dans l’univers alternatif nord-américain. À côté des bars à la mode (dont le New Penelope, le Chat noir, La Paloma, le Yellow Door et la Hutte Suisse), des spectacles rock (dont ceux de Frank Zappa and the Mothers of Invention), des centres de rencontre, des coopératives d’alimentation et des cafés communautaires, les revues contre-culturelles permettaient aux marginaux francophones de commuer à de nouvelles valeurs. Ainsi, dans la revue Le Village, sous la direction de Jean Roy, Robert Myre et Pierre Cadieux, le lecteur pouvait découvrir des créations littéraires, des collages, des dessins, de la poésie, des photos de nus, des informations pratiques, des hymnes à l’amour, des annonces de livres (celui de Jerry Rubin, par exemple), des annonces de boutiques d’aliments naturels, des encarts sur le Front de libération homosexuelle, des annonces de head shops (boutiques vendant des articles pour les consommateurs de drogue, dont des pipes à haschisch, de l’encens et du papier à rouler, mais aussi des revues, de la musique, des robes longues), des articles sur la légalisation de la marijuana et sur la macrobiotique, le tout présenté sur fond de calligraphie psychédélique. Le Village incarnait bien le style « cool » désormais privilégié par les chantres de la contre-culture, mais dans un format modeste, sans couleur, et de surcroît mal distribué[20]

Les artisans de Mainmise

À l’été 1970, des gens sont de plus en plus nombreux à souhaiter la fondation, sur des bases solides, d’une revue contre-culturelle québécoise à grand tirage. Parmi eux, on retrouvait Jean Basile Bezroudnoff, un Parisien d’origine russe ayant quitté son pays pour s’installer à Montréal en 1964. Cet homme avait laissé tombé cinq ans plus tard l’habillement veston cravate du parfait petit bourgeois pour devenir une « espèce de pope russe à barbe et aux cheveux longs, à chemise rouge, cravate fleurie et larges bretelles », que l’on pouvait le plus souvent surprendre « un gros joint à la bouche[21] ». Sous le pseudonyme de Pénélope, Basile allait rapidement devenir une icône de la contre-culture. Cette étiquette le gênait. « Quelques journalistes facétieux se sont amusés me traiter de gourou, écrivait-il. Je n’en suis pas un et ne souhaite pas en être un. Je suis un freak bien ordinaire qui désire, comme tout un chacun, trouver sa part de paix et d’illumination[22]. » Tout hippie qu’il était devenu, Basile n’en conservait pas moins de ses expériences passées (entre autres au cahier culturel du Devoir où il couvrait la section musique) une connaissance fine et précieuse du milieu journalistique. Il savait en particulier comment gérer un calendrier de production serré.

Il y avait aussi Georges Khal (qui dirigera la revue au départ de Jean Basile, de 1973 à 1976). Né en Palestine en 1945 d’une mère bulgare, il avait complété son cours classique à Montréal avant de devenir la « voix de la nuit » à la station de radio CKGM dans les années soixante. En 1966, imbu de littérature anglaise, il avait passé trois mois à New York dans le East Village et y avait découvert the Grateful Dead, Jefferson Airplane, le cannabis, les écrits de Herbert Marcuse, Norman O. Brown, lectures qui seront suivies de celles de Timothy Leary, Buckminster Fuller et Norman Mailer. À l’automne 1968, ayant totalement embrassé la mouvance hippie, il était devenu pusher et avait fait l’expérience du LSD. C’est à ce moment qu’il fit la connaissance de Jean Basile qui lui avait téléphoné pour lui acheter de l’herbe. Ce fut le début d’une longue amitié, entrecoupé d’un séjour en prison pour trafic, où se mêlaient l’encens de la marijuana, les couleurs de l’acide, les rythmes de la musique rock et les mots de la nouvelle pensée. En janvier 1970, ils faisaient le projet d’écrire à deux un livre sur la marijuana, projet qui débouchera finalement sur l’idée de lancer une revue[23]. Un des amis torontois de Basile prêtera les 5 000 $ nécessaires au financement initial de ce qui deviendra Mainmise[24].

En plus de ces deux personnages, la future revue pouvait compter sur la contribution de Kenneth Chalk, professeur à Sir George Williams, de Linda Gaboriau, animatrice d’une émission à CKGM-FM, de Christian Allègre et de Denis Vanier. Plus tard, il y aura aussi Michel Bélair, Liliane Lemaître-Auger, Rolland Vallée, un ancien militant ayant participé aux grèves étudiantes des « années 1968 », Guy Latulipe, Daniel Vincent, Merrily Paskal, Gérard Lambert et Michel Bogos (qui fut de l’aventure du Village). Pendant huit années (1970-1978), tout ce beau monde allait faire des locaux de la revue (installée dans les premiers temps au 351, rue Émery, une chambre d’appartement bien modeste, avant de déménager en mai 1972 dans de nouveaux locaux situés au 1589, rue Saint-Denis) le lieu de rendez-vous obligé de la bohème québécoise.

Le lancement de la revue fut en effet reçu comme un vent d’air frais par la communauté des marginaux qui formait désormais un groupe plus nombreux et confiant dans le Québec de l’après-Révolution tranquille. Le premier numéro de Mainmise, un « livre format de poche » de 224 pages, sortit des presses en octobre 1970, le jour de la première de Tommy de The Who à la Place des Arts — puisque ce numéro devait aussi servir de livret pour le spectacle et ainsi assurer un revenu initial substantiel à la revue[25]. Le bimensuel devint mensuel à partir du numéro six. Tirée d’abord à 5 000 exemplaires, la revue franchit le cap des 10 000 exemplaires dès le cinquième numéro. « Il y a quatre mois, personne ne pouvait croire qu’un magazine du type de Mainmise pouvait vivre; à la veille de notre numéro 4, nous nous trouvons être en excellente position parmi les diffuseurs[26]. » À son sommet, le tirage dépassa les 26 000 copies imprimées, bien que les ventes réelles aient été en deçà de ce chiffre[27].

Disons-le, les abonnements ont toujours été principalement concentrés dans la région de Montréal, même si Mainmise était distribuée dans près de 3 000 points de vente répartis partout au Québec grâce au service de la Messagerie du Jour et aux contacts de Mainmise dans les head shops et les disquaires spécialisés[28]. En 1973, les abonnements (1 886 en tout) provenaient toujours majoritairement de la métropole (53 % du total[29]), et les animateurs de la revue y habitaient. Mainmise ne fait pas exception à cet égard; historiquement, les publications underground québécoises ont presque exclusivement été une affaire montréalaise. Des lecteurs de Mainmise se plaignaient d’ailleurs du caractère à leurs yeux trop métropolitain du contenu de la revue et exprimaient le voeu qu’on puisse la « sortir » de Montréal. Conscients de ce défi, les rédacteurs parleront eux-mêmes de fonder un deuxième Mainmise en milieu rural pour mieux rejoindre les gens des régions, mais ce projet ne verra jamais le jour[30].

On reprochait aussi à Mainmise un certain américanisme, pour ne pas dire un américanisme certain. Comme membre associé de l’Underground Press Syndicate (UPS), Mainmise avait accès à un fonds incroyablement riche d’images et de textes et ne se gênait pas pour y puiser abondemment. Ce syndicat international fondé à New York par John Wilcock en 1966 lui permettait de s’alimenter à environ 200 journaux dans le monde entier. Pour la modique somme annuelle de 25 $, n’importe quelle publication pouvait joindre l’UPS et recevoir les copies de l’ensemble des autres périodiques qui en étaient membres. Ces échanges donnaient le droit de piller à volonté dans la banque de textes, de montages visuels et de photographies formée par ce réseau d’imprimés[31]. La quantité importante de traductions en français de textes ayant déjà parus dans des organes étatsuniens découlait donc en partie d’un fait banal : l’accès facile et gratuit à une banque de textes, punchés et forts, que les mainmisiens (nom que les artisans de la revue se donnaient à eux-mêmes) n’avaient qu’à traduire. Le titre même de la revue prend sens dans ce contexte : Georges Khal et Christian Allègre assuraient que Mainmise devait son nom au fait qu’elle faisait « main mise » sur des textes étrangers libres de droits d’auteur[32]. Le dessinateur américain Crumb est ainsi devenu une référence obligée — outre son talent propre — en France et au Québec pour cette raison. On peut citer aussi la chronique du « Dr. Hip Pocrates », pseudonyme du docteur Eugene Schoenfield. Publiée d’abord dans les pages du Berkeley Barb, cette chronique consacrée principalement à la sexualité et à la drogue fit le tour du monde. En fait, dans les 42 premiers numéros de la revue, les textes d’origines étrangères comptaient pour la moitié des articles thématiques et spécialisés (la proportion étant plus réduite en ce qui concerne les éditoriaux, les chroniques et les oeuvres de création[33]).

C’est ainsi que Mainmise s’appropriait une sensibilité qui, issue d’abord des États-Unis, était en train de conquérir une partie de la jeunesse mondiale. Que ce soit sur le nouveau ou le vieux continent, les thèmes privilégiés dans leurs pages étaient ceux de la jeunesse rebelle : la drogue, l’amour libre, l’école alternative, le féminisme, le syndicalisme, l’écologie, la défense des minorités, l’autogestion.

Par exemple, le premier numéro de la revue française Actuel (1970-1974 et 1979-1994) dressait un programme qui ressemblait étrangement à celui de la presse underground un peu partout dans le monde : « Information sur les mouvements parallèles français et anglo-saxons, sur une vie et une colère que l’autre presse oublie, un délire graphique, la bande dessinée underground, le rock music, un appel constant aux lecteurs, la multiplication des rubriques d’agitation et de combines, les petites annonces gratuites[34]... » Tirée à 50 000 copies en 1970, Actuel se voulait un organe d’information relativement grand public, avec des reportages sur la drogue, la sexualité et la musique qui ne versaient guère dans la provocation gratuite, le tout agrémenté de bandes dessinées de ZAP et Crumb. Très proche par le format, les thèmes et les rubriques d’Actuel et d’autres publications semblables inspirées par les initiatives pionnières des États-Unis, Mainmise (1970-1978) a ainsi elle aussi, à sa façon, représenté une plaque tournante pour des idées et des valeurs contre-culturelles de plus en plus populaires.

Faire vivre Mainmise

Le relatif succès de librairie de Mainmise ne veut pas dire que la publication d’une telle revue parallèle québécoise ait été sans difficulté. En particulier, le maintien à flot des finances de la revue représentait pour les collaborateurs un casse-tête continuel. Ceux-ci étaient conscients que leur entreprise ne pouvait durer sans l’atteinte d’un chiffre minimal de ventes mensuelles. La rédaction des chroniques, la réalisation des illustrations et les traductions (principalement des textes américains) coûtaient chers. On peut même dire que les « freaks » de Mainmise étaient obsédés par la question des sous. On trouve ainsi pas moins de quatre bilans financiers publiés dans les pages de la revue. On y apprend que la production d’un numéro coûtait, la première année, 3 200 $ et que les ventes rapportaient 3 750 $. La rentabilité ne pouvait donc être au rendez-vous une fois déduits, outre les frais de fabrication, le loyer, le téléphone, les taxes municipales, le papier, les timbres et le maigre salaire de l’équipe[35]. L’augmentation des frais d’opération allait bientôt rendre la revue largement déficitaire. Ce qui n’aidait pas les choses, le Conseil des arts du Canada, qui avait accepté de verser un montant de 6 000 $ à la revue la première année, s’était ravisé ensuite et, après trois longs mois de réflexion, avait refusé de prolonger la subvention à partir de janvier 1972.

L’arrivée dans les locaux de la revue des agents du ministère du Revenu fédéral en décembre 1972 n’allait pas arranger les choses. Ceux-ci réclamaient 580 $ que la revue devait à l’impôt. Cette simple demande de versement faillit causer sa fermeture. Mais les choses finirent par s’arranger. « On a pris une bonne bière et on a fumé un bon joint. On a un peu rogné sur les salaires[36]. » La rétribution des collaborateurs à temps plein avait pourtant déjà été fixée à montant ridicule, soit entre 25 $ à 45 $ par semaine[37]. Il n’est guère étonnant, dans ces conditions, que la réunion d’une équipe fut un exploit renouvelé à chaque numéro. En particulier, Mainmise a toujours eu un mal fou à recruter des administrateurs, des agents de promotion et des responsables de la publicité. Même à la rédaction, les bénévoles faisaient souvent des erreurs coûteuses, ignorants qu’ils étaient des principes élémentaires de l’édition professionnelle. De là les mises en page réalisées à la hâte et les nombreux retards de production. Le troisième numéro indiquait à la blague, à la page des informations générales, un responsable des « coups de pied au cul » (c’est Pénélope)[38]! Cela n’empêcha pas qu’en 1971, la revue ne fit paraître que 10 numéros au lieu des 12 promis…

Les rédacteurs de Mainmise étaient convaincus que la majeure partie de leurs problèmes découlaient de la faible rémunération de leurs collaborateurs. Les huit permanents de Mainmise n’avaient pas de compte en banque et ne possédaient pas de voiture. Ils n’avaient aucun fonds de pension. Ils devaient beaucoup sacrifier pour maintenir à flot leur petite entreprise.

Ceci peut paraître grossier comme raisonnement, mais nous pensons que beaucoup [des défauts de la presse underground] sont dus à un manque de fonds. Les journaux parallèles sont largement tributaires d’une main d’oeuvre bénévole, ce qui est avantageux jusqu’à un certain point. On ne peut indéfiniment produire un journal avec des grands sentiments[39]

Il est remarquable à cet égard de retrouver souvent les mêmes gens comme collaborateurs de la presse underground au Québec. Un petit monde s’animait autour de ces publications qui demandaient beaucoup de sacrifice et d’abnégation. Robert Myre, par exemple, ancien élève de l’École des métiers de l’imprimerie, puis brièvement journaliste au Soleil et à La Patrie, fut l’éditeur de Jusquau cou, du Voyage, du Village et de Participation, la revue des animateurs sociaux. Il édita des livres pour les Éditions K, Parti pris et La Barre du jour. Exiger de tous ces bénévoles ou ces sous-payés qu’ils adoptent la discipline exigeante que requiert la publication régulière d’un périodique ne semblait pas raisonnable. Il fallait donc augmenter les revenus de manière décente afin de ne pas condamner la revue à un « joyeux amateurisme ».

Or, pour cela, il fallait choisir soit de publier de la publicité payante, soit d’augmenter le prix de l’abonnement. Il ne semblait pas possible de tirer de gros revenus des annonces puisque les seules compagnies prêtes à annoncer à prix fort leurs produits étaient violemment critiquées par Mainmise qui s’opposait frontalement à la société de consommation. Les coopératives, les boutiques alternatives, les petits magasins de disques rock ne pouvaient donner plus que quelques dollars pour un encart dans la revue. Augmenter le prix du numéro ne semblait pas davantage une avenue possible. Au contraire, des plaintes quant au coût trop élevé de Mainmise ne cessaient d’arriver au bureau de la rue Saint-Denis. « Un des reproches les plus répétés que l’on nous a adressés, c’est le prix de Mainmise. On comprend parfaitement ça[40]. » Pour des jeunes marginaux, des gens au chômage, des étudiants et des travailleurs précaires, la contribution mensuelle de deux dollars semblait déjà au-dessus de leurs moyens.

À l’hiver 1973, la revue française Actuel avait changé son format pour adopter celui de Paris Match. Mainmise décidait de l’imiter afin, entre autres, de réduire ses coûts (en simplifiant les normes de fabrication) et de favoriser une meilleure distribution, le petit format livresque ne cadrant ni avec ce que les acheteurs s’attendaient d’une revue ni avec une présentation attrayante sur les rayons[41]. Espérant augmenter considérablement les ventes, l’équipe faisait le pari de réduire le prix au numéro de moitié. À un dollar, la revue avait maintenant besoin de vendre 25 000 copies pour équilibrer son budget, elle qui n’avait pas fait mieux que 8 000 copies jusque-là. « Mettre en place 25 000 copies, c’est un travail de chien que vous n’imaginez même pas. On va le faire avec la plus grande joie parce que l’on croit que le Québec a besoin d’un magazine comme Mainmise[42]. »

Les résultats ne furent toutefois pas au rendez-vous. Il faut dire que la concurrence était vive. Un des membres de l’équipe de Mainmise s’était amusé en décembre 1973 à aller faire un tour à la librairie Hachette, sur la rue Sainte-Catherine, afin de potasser les périodiques qui se retrouvaient sur ses rayons. Il avait dénombré 107 magazines d’expression française. De ce total, seulement 21 revues (ou 18 %) étaient produites au Québec. C’était sans compter les nombreuses revues de langue anglaise qui pouvaient rejoindre le public de Mainmise, dont le Rolling Stone Magazine. Se tailler une place dans ce marché saturé, où les publications commerciales imprimaient de belles photos sur papier glacé et commandaient des reportages percutants, n’était pas chose facile.

À l’été 1973, Rolland Vallée tentait de mousser les ventes de la revue en France et en Suisse. L’opération permettait d’envoyer 5 000 copies outre-mer à chaque mois. « Le Québec, affirmait-on avec confiance, n’est plus seulement représenté par Anne Hébert et l’Ambassade du Canada[43]. » Les espoirs tournèrent toutefois au cauchemar avec la faillite du distributeur français. « Ta plutôt l’èr kave dansetanlà. Notre gérant de banque a trouvé ça suprêmement drôle pas du tout[44]. » En octobre 1974, la revue recevait un maigre chèque de 1 000 $ d’un libraire parisien. La distribution en France sera finalement assurée par les Librairies Parallèles, mais les ventes ne seront jamais à la hauteur des espoirs des rédacteurs.

Depuis le passage au numéro à un dollar, les ventes avaient certes progressé, mais pas suffisamment pour couvrir l’entièreté des frais de production. La dette globale de Mainmise ne cessait d’augmenter et s’élevait maintenant à 30 000 $[45]. La situation était grave. « Après le numéro 24, le moment de vérité est venu. Nous devons penser sérieusement à arrêter notre publication[46]. » Les animateurs de la revue lançaient un appel au secours à leurs lecteurs. Il leur fallait au plus vite engranger des dons et des abonnements pour que l’aventure se poursuive. Il leur fallait aussi convaincre le Conseil des arts de revenir sur sa décision et d’accepter d’aider financièrement la revue. Mainmise insérait à cette fin dans ses pages une pétition que les lecteurs étaient invités à signer et envoyer à Ottawa. C’est à ce moment critique, en juillet 1973, que Jean Basile décidait de quitter la revue. Georges Khal, revenu d’un voyage d’un an aux États-Unis, prenait la relève en compagnie de Michel Bélair et Rolland Vallée.

Par bonheur, grâce au coup de barre donné par les organisateurs, les abonnements grimpaient en flèche et passaient de 467 à plus de 1 800 en août 1973. La centaine de signatures de la pétition adressée au Conseil des arts portait également fruit. L’organisme fédéral envoyait un chèque de 6 000 $. Quant à Pierre Léger, il léguait les droits d’auteur d’Embarke mon amour cest pas une joke (près de 4 000 $) à la revue, laquelle avait accepté d’éditer son livre. Notons que le Conseil des arts, les Projets d’initiatives locales et le Bureau de l’usage non médical des drogues du ministère fédéral de la Santé étendront leur générosité à la réalisation du Répertoire québécois des outils planétaires et verseront, en 1974 et 1975, la somme totale de 38 000 $ pour soutenir la parution du premier tome (le deuxième ne verra jamais le jour), ce qui permit de faire vivre quelques collaborateurs de Mainmise.

La campagne de souscriptions, de pétitions et d’abonnements avait soulevé un vent d’enthousiasme chez les lecteurs. La chronique « Lettres d’amour et autres petites folies » triplait de volume tellement le courrier affluait au bureau de la rue Saint-Denis.

On vous l’a déjà dit au dernier numéro, Mainmise est devenu une sorte de plaque tournante; c’est plein de gens qui viennent nous voir, nous apporter des textes, des dessins... à un tel point qu’on n’arrive plus à passer les textes qu’on voudrait faire passer. Qui l’aurait cru il y a à peine trois mois; c’est rendu qu’on n’a plus assez de place[47]

C’était en quelque sorte un nouveau départ pour la jeune revue. « Au cours des dernières semaines, on s’est littéralement senti soulevés, emportés, inspirés par un souffle venu de tous les horizons du Kébec[48]. » Le numéro 32 sera d’ailleurs un « Spécial lecteurs », composé à partir des textes et dessins reçus au 1589, rue Saint-Denis.

De Hull à Gaspé, de l’Estrie à l’Abitibi, ça bouge, ça pense, ça trippe, ça rêve, ça bâtit, ça grouille, ça travaille, ça dépogne, ça pogne, ça nettoie, ça programme, ça reprogramme, ça invente, ça lit, ça médite, ça fait l’amour, ça danse, ça regarde la lune, ça se bâtit un soleil intérieur, ça cristallise, ça mute, ça flye[49]

Les membres de l’équipe de la revue n’étaient pas pour autant au bout de leurs peines. À partir de 1973, le prix en kiosque était fixé à 1,25 $ pour s’ajuster à la hausse du prix du papier et de l’impression. Puis, en février 1974, on annonçait que la revue devait réduire son contenu et passer de 96 à 72 pages[50], avant de l’amincir encore à 64 pages un an plus tard. Les retards s’accumulaient. Quand un collaborateur n’avait pas oublié de se réveiller pour écrire son texte, c’en est un autre qui n’avait pas réussi à terminer une traduction à temps. « Quant à nous, à Mainmise, ne pas couler demeure le problème permanent par excellence[51]. » À la fin de l’été 1974, les abonnés étaient à nouveau sollicités par lettre personnelle pour aider à sortir la revue du « trou » et la mettre à l’abri de ses créanciers les plus impatients. La campagne permettait d’amasser 4 000 $[52].

À l’automne 1975, la revue changeait une troisième fois de format et adoptait le style tabloïde sur papier journal au lieu du grand format 8 x 11 pouces sur papier glacé. Les problèmes d’argent étaient toujours aussi criants. À la mi-juin 1976, un concert-bénéfice était organisé au profit de Mainmise. Le théâtre Saint-Denis accueillait des vedettes de la chanson, entre autres Jim Corcoran, Bertrand Gosselin, Marie-Claire et Richard Séguin, Raoul Duguay, Serge Fiori, Michel Rivard, Marie-Michèle Desrosiers. Deux mille spectateurs leur faisaient la fête. Pour les rédacteurs de Mainmise, la soirée fut un « mind-blower total[53] ». Mais les revenus demeuraient tout aussi précaires, soirée bénéfice ou non. En juin 1977, Mainmise annonçait que le numéro 71 serait son dernier. « L’hiver a été long et dur... les dettes qui s’accumulent, les gens qu’on ne peut plus payer, ceux qui ne nous paient pas, on en est là... à ne plus pouvoir faire imprimer Mainmise et à devoir quitter les lieux (la maison de la rue St-Denis). Nos créanciers sont tannés[54]! » Notons qu’il n’y avait pas que l’argent qui posait problème; l’enthousiasme des premier temps s’était aussi émoussé et la routine d’une production éprouvante avait lentement refroidi la fièvre initiale. « Dans l’équipe, la santé s’est usée, les nerfs aussi, les relations en ont souffert, on s’est tout remis en question[55]. » Certains s’étaient établis à la campagne, d’autres faisaient des expériences ésotériques, d’autres enfin étaient partis à la recherche d’un emploi payant.

Néanmoins, comme la réputation générale de la revue restait bonne et que de nombreux lecteurs pressaient les rédacteurs de continuer l’expérience, huit personnes décidèrent tout de même de lui accorder une dernière chance[56]. Les bureaux déménagèrent dans une école située au coin des rues Marie-Anne et Lanaudière. Malgré tous ses efforts, la nouvelle équipe n’arriva pas plus que la précédente à produire la revue. La volonté de faire paraître un bon numéro aux deux mois se butait sur les sempiternelles contraintes financières. Un numéro coûtait à ce moment environ 3 500 $ à produire — soit 2 500 $ en frais d’imprimerie, 375 $ en frais de composition et 500 $ en matériaux divers (lettraset, photographies, etc.). « Là-dessus, on n’a pas payé un seul salaire (comme on est tous plus ou moins mazo, on a son compte)[57]. » On notait des retards dans la préparation des numéros, des retards dans la livraison des exemplaires, des retards dans l’envoi des livres commandés par la poste, etc. « Lecteurs compréhensifs de Mainmise, c’est vrai, depuis quelques mois, on vous a maltraités[58]. » Les abonnements diminuaient à environ 450. La dette d’imprimerie s’élevait à 7 500 $.

Les démissions se succédèrent pendant l’été 1978, dont celle de Pierre Bédard. Paule Lebrun, à qui Michèle Favreau avait transmis la direction, s’exaspérait de ne pas recevoir sa paye mensuel de 450 $ et décidait d’aller se chercher un emploi ailleurs[59]. Il n’y avait pas seulement l’argent en cause. Lebrun quittait surtout Mainmise parce qu’elle ne sentait pas les membres de l’équipe assez soudés. « À Mainmise, depuis six mois, l’équipe s’épuise en luttes de territoires à travers deux deadlines. Des neuf personnes qui constituaient le noyau de départ du nouveau Rézo en novembre dernier, il n’en reste plus que trois[60]. » Les collaborateurs bénévoles entraient et sortaient « comme dans un moulin[61] ».

La fin était proche. En juillet, on promettait que l’automne serait rempli de nouveaux projets, que la revue allait changer de format, que des sources nouvelles de financement allaient être trouvées, mais ces voeux abstraits n’étaient que du rêve. Il n’y aura pas de numéro 79.

La fin d’une aventure

Pour les mainmisiens, l’horizon de la révolution semblait être l’an 2000[62]. « Que l’on fume ou que l’on ne fume pas. Que l’on drope ou que l’on ne drope pas, l’an 2000 arrive et “we gonna have a party[63]”. » Déjà au mitan de la décennie 1970, pourtant, les numéros de Mainmise nous parlent de la faillite, du moins sous sa forme utopique, du projet alternatif porté par la revue. L’essoufflement du courant contre-culturel était palpable. « Le rêve de la contre-culture des années ‘60 est mort[64] », assurait en 1978 Roch Fortin, un ancien des luttes des « années 68 ».

Dans son éditorial de fondation, le collectif de la nouvelle revue Temps fou refaisait l’histoire des 20 dernières années au Québec, depuis l’effervescence de la Révolution tranquille jusqu’à la normalisation politique et la résignation collective de la société québécoise de la fin des années 1970. Les membres du comité éditorial s’entendaient sur « l’échec de la contre-culture à modeler une alternative véritable[65] ».

Après plus de dix ans de pratique, l’aspect collectif du changement amorcé par les individus qui décidèrent de « changer la vie » demeure bien mince. Les réalisations s’appellent principalement coopératives d’alimentation naturelle, restaurants végétariens et librairies coopératives. Les seuls outils politiques qu’on pourrait associer à ce mouvement social sont les divers groupes écologiques qui demeurent très faibles et le plus souvent privés d’une vision politique de la lutte entreprise[66]

Les errements et les erreurs avaient rendues caduques les belles grilles d’analyses qui permettaient naguère d’interpréter le monde et de le refaire autour d’une bière. « Il est devenu évident que la contestation sociale en 1978 ne peut plus exister sur les bases d’autrefois. Certains auront payé très cher — en années de leur vie — pour en avoir fait la démonstration historique en allant jusqu’au bout de leur conscience et de leur générosité[67]. »

Pourtant, Temps fou, dont le premier numéro paraît justement en 1978, au moment où Mainmise s’éteint, reprend et prolonge un grand nombre des préoccupations de la publication fondée par Jean Basile. Le style de la revue trimestrielle se voulait lui aussi humoristique sans être léger, près du vécu sans rompre avec les débats politiques et intellectuels, et capable d’aborder autant la question de l’autogestion que celle de l’homosexualité ou du socialisme. « Jusqu’à aujourd’hui je mangeais “Mainmise”, confiait un étudiant du module d’urbanisme de l’Université du Québec à Montréal, mais maintenant je dévore “Le Temps Fou”. Ce que j’y trouve de plus c’est le (sujet du sérieux) sérieux dans l’ensemble, la dialectique, tout en étant aussi “fou”[68]. » La volonté de créer des correspondances ouvertes entre des gens partageant une même sensibilité mainmisienne n’avait par conséquent pas complètement disparu du Québec de la fin des années 1970. À sa deuxième année, Temps fou n’écoulait-il pas ses numéros à 3 500 exemplaires[69]? Par-delà l’échec de leur entreprise, les anciens collaborateurs de Mainmise pouvaient au moins se réjouir d’avoir fait des petits.