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Ce nouveau volume de la collection Cahiers Champollion, dirigée par Marianne Lederer, recueille une sélection de dix-huit interventions prononcées, en français et en anglais, au cours du colloque Profession : traducteur, tenu à l’ESIT les 9 et 10 novembre 2007.

L’ouvrage est structuré en trois parties et offre une grande variété de contributions en rapport avec la pratique, l’enseignement et la théorie de la traduction et de l’interprétation.

La première partie, intitulée Regards croisés sur la pratique professionnelle, comprend quatre chapitres de diverses thématiques en rapport avec la pratique professionnelle de la traduction et de l’interprétation. En dépit de leur diversité, comme le signale Colette Laplace dans la préface, ces chapitres mettent en relief « l’importance récurrente de certaines problématiques : la mondialisation, les flux migratoires, le brassage culturel, les impératifs des organisations européennes ou internationales, l’importance particulière de l’anglais ».

« Le traducteur dans l’édition mondialisée » de Mila Dragovic-Drouet traite la question de la traduction éditoriale et des traducteurs d’édition : l’auteure y décrit le rôle de l’éditeur ainsi que le statut du traducteur dans la situation actuelle de l’édition mondialisée. Gertrud Hofer analyse dans « Interpreters’ and clients’ perspectives on interpreting services in legal and medical settings in Switzerland » les résultats d’un questionnaire adressé aux interprètes et aux usagers, afin de déterminer, dans la situation actuelle d’émigration généralisée, le rôle ainsi que les tâches requises des interprètes des services publics dans le domaine légal et de la médecine en Suisse. « Simultaneous Interpreting from One’s Native Language : The Case for Polish » de Magdalena Bartlmiejczyk ouvre le débat sur la directionnalité (l’interprétation de A à B, comme une nécessité de certains marchés) et présente les résultats d’une étude empirique sur l’interprétation A-B (polonais-anglais) avec des étudiants avancés d’interprétation, réalisée au moyen de protocoles verbaux rétrospectifs. Enfin, Clare Donovan dans « A Study of Changing Patterns of Language Use in International Conferences » examine l’idée que l’on se fait des différentes langues et de l’attitude adoptée à leur égard dans les conférences internationales à partir d’un questionnaire proposé à des interprètes travaillant en Europe ; les résultats confirment le rôle capital de l’anglais mais montrent que la situation est complexe et absolument pas uniforme, et que la demande d’interprètes continue à croître.

La deuxième partie, « Horizons traductologiques », est composée de sept chapitres qui offrent, avec différentes orientations théoriques, un regard pluriel sur divers aspects de la traductologie.

Les trois premiers chapitres sont centrés sur des questions en rapport avec le processus traducteur. Daniel Gile, dans « Le modèle IDRC de la traduction. ‘Interprétation – Décisions – Ressources – Contraintes’ », présente un modèle descriptif du processus traducteur, de caractère intégrateur et ancré dans la réalité, qui montre qu’aussi bien dans la phase de compréhension que dans celle de réexpression du processus de traduction des décisions sont prises en fonction des ressources et des contraintes. « Sense and stylistic sensitivity in translation process » de Gyde Hansen montre la nécessité de compléter la « déverbalisation » du sens par des aspects pragmatiques, linguistiques et stylistiques. Antine Fougner Rydning, dans « La traduction d’expressions métaphoriques », présente quelques résultats d’une étude réalisée auprès de traducteurs professionnels sur la traduction d’expressions métaphoriques de l’anglais au norvégien.

Trois chapitres de la deuxième partie de l’ouvrage portent sur des questions de type culturel. Le chapitre « Traduire les différences. Réflexion sur les enjeux linguistiques et culturels que représente la traduction des différences : exemple de L’Immeuble Yacoubian » de Fayza El Qasem étudie la manière d’aborder la traduction des différences culturelles, en se basant sur les traductions anglaise et française d’un roman égyptien et montre comment les traducteurs adoptent deux approches différentes pour la résolution de ces différences culturelles. Lamis Azab dans « Le traducteur-médiateur culturel et les normes socioculturelles dans un contexte mondialisé » aborde la question de la médiation culturelle du traducteur en se centrant sur le cas de la traduction vers la langue et la culture arabes, dans des sociétés majoritairement musulmanes, dans le contexte actuel de mondialisation. Dima El Husseini dans « Retour aux sources et recréation de l’effet » analyse un cas spécial de la traduction littéraire : la traduction en arabe d’un roman d’une auteure égyptienne d’expression française ; sa particularité réside dans le fait qu’il s’agit d’une traduction qui ramène l’oeuvre à sa culture d’origine.

Cette deuxième partie s’achève avec « Pour une sémiotique de la traduction » de Sündüz Öztürk Kasar, qui envisage l’intérêt d’appliquer la méthode sémiotique, et plus concrètement la sémiotique littéraire, à l’étude de la traduction ; elle propose ainsi une sémio-analytique de la traduction, un modèle de lecture et d’analyse applicable à trois étapes de la traduction : le discours (le texte littéraire), l’interdiscours (la révision) et le métadiscours (la critique ou l’analyse du texte traduit).

La troisième partie, « Enseignement de la traduction et de l’interprétation », recueille sept contributions d’orientation pédagogique, les unes d’ordre plus général sur les bases théoriques et l’orientation de la formation, d’autres en rapport avec l’enseignement de matières spécifiques (la traduction spécialisée, l’interprétation).

Don Kiraly dans « Acknowledging Learning as Enaction Moving beyond Social Constructivism towards Empowerment in Translator Education » passe en revue un ensemble de concepts pédagogiques-clés et complémentaires pour une nouvelle pédagogie de la traduction : l’apprentissage comme acquisition (approche acquisitive/transmissive de l’enseignement), l’apprentissage comme processus réflexif sociocognitif (apprentissage coopératif), l’apprentissage comme processus basé sur la pratique de participation à des communautés, et l’apprentissage comme co-émergence. Dans « La traductologie et le cours de traduction », Christian Balliu présente le rôle de la traductologie dans les cours de traduction, propose un enseignement de la traductologie appliquée et expose les raisons de l’« exil théorique » qui se produit parfois dans les cours de traduction. « Translation Training in Italy. An Analysis of Students’ Perceptions » de Sabrina Fusari présente les résultats d’un questionnaire destiné à des étudiants sur les objectifs professionnels poursuivis et la perception de l’offre éducative en traduction et interprétation.

Nicolas Froeliger dans « À quoi bon enseigner la traduction technique » se demande comment délimiter et définir le domaine de la traduction technique et comment structurer son enseignement. « Animer un atelier de traduction spécialisée. Une expérience en chantier » de Freddie Plassard présente l’expérience d’un atelier de traduction spécialisée en salle d’informatique multiposte et expose le cadre pédagogique (compétence de traduction, exercices, évaluation, etc.) ainsi que les écueils auxquels il faut faire face (choix des textes, assimilation des connaissances notionnelles, etc.). « Les phases critiques de la formation en interprétation. Approches didactiques » de Karla Déjean Le Féal met l’accent sur l’importance de la progression dans la formation des interprètes ; de ce point de vue, l’auteure part de la conception de quatre phases-clés dans l’apprentissage de l’interprétation et propose une approche pour chacune d’elles : le tout début de la formation, le début de la prise de notes, la préparation du passage à l’interprétation simultanée (la traduction à vue) et l’initiation à l’interprétation simultanée. Enfin, « L’enseignement de l’interprétation. Principe universel et connaissances spécifiques » de Hiromi Ito-Bergerot analyse les caractéristiques spécifiques de l’apprentissage de l’interprétation consécutive japonais-français à partir de l’enregistrement des cours et des notes des étudiants pendant une année universitaire ; les résultats le mènent à conclure que l’acquisition de la méthode interprétative peut s’accompagner d’un approfondissement des connaissances linguistiques propres à chaque combinaison linguistique.

La diversité des thèmes exposés et des points de vue rend compte du grand nombre d’objets d’étude ainsi que de la richesse théorique dont jouit actuellement la traductologie, de même que des perspectives de recherches qui s’ouvrent, ce que reflète très bien le titre de la deuxième partie de l’ouvrage, Horizons traductologiques.