Comptes rendus

Farina, A. (2001) : Dictionnaires de langue française du Canada : Lexicographie et société au Québec, préface de Claude Poirier, Paris, Honoré Champion, coll. « LEXICA, Mots et Dictionnaires », 445 p.[Notice]

  • Éric Poirier

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  • Éric Poirier
    Université de Montréal, Montréal, Canada

Il est plutôt rare qu’une thèse de doctorat en linguistique soit publiée quasi intégralement, ce qui est pourtant le cas ici et cet exploit mérite d’être signalé. Outre l’originalité de l’étude qui repose sur le portrait global de la lexicographie québécoise et canadienne-française, deux qualités de l’ouvrage expliquent certainement ce choix de la part de la maison d’édition Honoré Champion : le caractère exhaustif de la recension des dictionnaires étudiés ainsi que l’intérêt ethnologique indéniable de l’étude de la société québécoise entreprise sous l’angle de ses productions lexicographiques et des objectifs sous-jacents poursuivis par les lexicographes. Mais avant d’aller plus loin, voici par ordre inverse de présentation, peut-être parce qu’ils retracent ainsi l’ordre chronologique du travail de l’auteure, les principaux éléments de cette riche étude qui nous est proposée. Signalons tout d’abord les données essentielles de cette étude qui a consisté à dépouiller dans la plupart des dictionnaires publiés au Québec le traitement lexicographique intégral accordé à une quarantaine de mots-clés comme québécisme, bean, bleuet et myrtille, fitter, magasiner, poutine, tsé, week-end et à élaborer pour chacun d’entre eux une fiche historique. Soigneusement choisis pour leur représentativité des différents registres et des caractéristiques lexicales du français d’ici, ces mots-clés et leur traitement lexicographique constituent les assises de l’étude d’Annick Farina. Malheureusement pour le lecteur, on ne trouve en annexe de l’ouvrage que la recension de onze de ces fiches historiques. Il aurait été intéressant (mais peut-être trop lourd – les recensions pour la fiche historique du mot-clé char s’étendent sur 17 pages) de publier toutes les fiches historiques qui constituent les éléments de base sur lesquels repose l’analyse de l’auteure. Les fiches font ressortir, ce qui n’est pas rien, toute l’originalité de la contribution de certaines pratiques lexicographiques au fil du temps et des usages de la langue. En plus de permettre de remonter à la source de quelques descriptions curieusement similaires, les fiches illustrent magnifiquement les tribulations du jugement et des partis pris des lexicographes, avec pour toile de fond l’évolution des usages du français québécois depuis 1752 ou quelques décennies plus tard. En vérifiant le traitement de ces mots-clés dans les dictionnaires de la langue québécoise et en recensant toutes les productions lexicographiques parues au Québec, Annick Farina a entrepris un très imposant chantier bibliographique qui n’est pas sans rappeler celui qu’a réalisé Bernard Quemada sur les dictionnaires français. L’auteure nous propose ainsi une bibliographie chronologique et analytique de tous les dictionnaires québécois, depuis le document manuscrit de 1752 du père Potier jusqu’à la plus récente édition du Dictionnaire des canadianismes de Gaston Dulong, parue en 1999. En outre, comme pour bien souligner le caractère hautement polémique de ces publications et de tout ce qui concerne la description de la langue française au Québec, l’auteure a ajouté une bibliographie portant exclusivement sur les comptes rendus des dictionnaires parus dans la presse québécoise. Un complément d’information utile pour qui s’intéresse, par exemple, à l’accueil réservé aux dictionnaires publiés ici. Le reste de l’ouvrage se présente sous la forme d’un essai visant à décrire, à partir de l’analyse du traitement des mots-clés choisis, les particularités des dictionnaires québécois en regard des courants idéologiques auxquels Annick Farina les associe. Dans sa présentation méthodologique, l’auteure définit quatre intentions dans la production des dictionnaires de langue québécoise : la curiosité, la protection, le combat et la législation qu’elle associe à trois lexicographes types et à trois démarches : le curieux, à la recherche d’un savoir, le puriste, à la recherche d’une pureté, et le lexicographe, à la recherche d’une nationalité. Annick Farina consacre ainsi dans le …