Magris, M., M. T. Musacchio, L. Rega et F. Scarpa (Dir.) (2002) : Manuale di Terminologia. Aspetti teorici, metodologici e applicativi, Milan, Ulrico Hoepli Editore.[Notice]

  • Christian Balliu

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  • Christian Balliu
    Haute École de Bruxelles, Bruxelles, Belgique

Cet ouvrage qui, comme son titre l’indique, entend concilier les approches théorique et pratique, rassemble les contributions de onze enseignants et chercheurs issus d’Italie et d’autres pays. Le livre s’ouvre sur un chapitre consacré aux relations qu’entretiennent terminologie, traduction et culture, ce qui me semble être un bon choix. Effectivement, la terminologie est peu souvent envisagée dans son rapport avec la traduction sui generis, c’est-à-dire dans son lien indissociable à la culture. Franco Crevatin y souligne avec pertinence que la langue n’est pas une nomenclature et renvoie à une réalité sociologique. L’analyse diachronique y acquiert toute son importance en greffant le mot dans son histoire et en dépassant le carcan traditionnel de la biunivocité entre terme et notion. C’est en effet en réhabilitant l’histoire des mots que les termes reprendront vie et sortiront du cadre figé de la définition synchronique ; la conception terminologique lexicalise à outrance la vision du mot en le privant de son passé, de son vécu, pour le désambiguïser. Ce faisant, la terminologie devient un appauvrissement justifié par le rejet du malentendu et de la synonymie. Faire de l’usager des termes de spécialité un spécialiste stricto sensu revient à déshumaniser ce dernier et à lui ôter, dans son domaine de spécialité, l’usage de la langue commune. Le deuxième chapitre traite des origines et de l’évolution de la terminologie moderne. Il illustre parfaitement les prémisses du chapitre précédent en montrant que le principe de synchronie empêche de suivre l’évolution des termes qui sont cependant étroitement liés à l’histoire de la discipline scientifique à laquelle ils renvoient. D’autre part, ce chapitre essaie de classer les différentes écoles selon trois tendances : la fréquence des thèmes abordés, le choix d’une certaine approche conceptuelle et les affinités méthodologiques. Sont ainsi passées en revue les écoles de Vienne, de Prague, de Moscou et du Québec. S’ensuit une critique de la standardisation qui ne devrait pas être acceptée inconditionnellement, mais faire l’objet d’une analyse socio-historique avant d’être adoptée. Le troisième chapitre s’intitule « Terminologie et langues de spécialité ». L’économie linguistique qui préside à la dénomination univoque est l’un des plus beaux exemples du tribut particulièrement lourd que la terminologie paye à la linguistique. La monosémie et la monoréférentialité qui la sous-tend coupent nécessairement le terme de son environnement textuel et découpent dans la réalité linguistique, à des fins de commodité définitoire, un isolat lexical. À mon sens, les langues de spécialité n’existent pas, il n’y a que la seule langue commune. Existent par contre des discours de spécialité, marqués par une fréquence anormale de certains termes pourtant issus du stock général de la langue et qui voisinent avec des mots tout à fait communs, indépendants du domaine dont il est question. Les termes eux-mêmes sont, dans un nombre non négligeable de cas, des mots courants auxquels l’auteur assigne, pour la circonstance, un sens particulier. Il ne s’agit dès lors plus de termes de spécialité, mais de sens spécialisés qui viennent se greffer sur une dénomination intacte. Ce troisième chapitre aurait gagné à développer cet aspect qui me semble essentiel. Il se termine sur la tension continue qui divise l’activité terminologique entre prescription (principe de normalisation) et communication (principe de description). Le chapitre 4 envisage l’optique plurilingue et s’étend donc naturellement aux problèmes de traduction. Le passage d’une langue à l’autre est aussi le passage d’un émetteur à un récepteur et se doit par conséquent de prendre en compte la problématique de la réception. En d’autres termes, à « l’insurmontable difficulté d’identifier les concepts » (p. 51) vient s’en ajouter une autre, celle du passage d’un univers culturel à un autre. …