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Gaudin, F. (2003) : Socioterminologie, une approche sociolinguistique de la terminologie, Bruxelles, Duculot De Boeck, 286 p.[Notice]

  • Henri Béjoint

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  • Henri Béjoint
    Université Lumière Lyon 2, Lyon, France

Le nouveau livre de François Gaudin est la suite de l’ouvrage qu’il a publié en 1993, Pour une socioterminologie : des problèmes sémantiques aux pratiques institutionnelles. Il y a donc dix ans déjà que l’auteur proposait de créer une nouvelle branche de la terminologie, la socioterminologie, qu’il définit ici comme une « conception sociolinguistique » (p. 154) de la discipline, orientée vers l’étude des rapports entretenus par le terme avec les contextes dans lesquels il apparaît, contexte linguistique, contexte pragmatique et contexte social en synchronie, et aussi contexte historique. François Gaudin, dix ans après, continue donc de creuser son sillon et entre ainsi dans le cercle de ceux qui auront marqué leur période par un apport personnel au développement de la terminologie. Le présent ouvrage se présente sous forme de sept chapitres précédés d’une introduction qui décrit la genèse et les grandes lignes de la socioterminologie. Celle-ci doit en effet être comprise dans le contexte de la terminologie traditionnelle, que l’on appelle souvent wüsterienne du nom d’Eugen Wüster, le fondateur de la terminologie moderne. Sous le nouvel éclairage, les principes wüsteriens perdent de leur pertinence, en partie ou en totalité. Par exemple, une terminologie qui s’intéresse au terme dans le discours ne peut plus feindre de croire que le terme est définitivement bi-univoque, c’est-à-dire qu’il entretient avec le concept qu’il désigne une relation de monopole réciproque, selon la formule « une forme → un sens » et « un sens → une forme ». François Gaudin insiste à de nombreuses reprises sur le fait que le sens du terme est « fabriqué » dans le discours par l’émetteur et par le récepteur de ce discours, et qu’il donne lieu à une « renégociation » de son sens à chacune de ses utilisations. Le discours est pour l’auteur le berceau du terme naissant et le lieu où il revient toujours puiser de l’énergie pour de nouvelles aventures. Dans le premier chapitre, « Approche critique et historique de la terminologie », l’auteur rappelle les conditions historiques d’apparition de la terminologie en tant que discipline. Il y souligne d’abord la filiation entre les conceptions d’Eugen Wüster et certaines écoles philosophiques, en particulier les idées de Leibniz, Carnap, etc., qui ont évoqué l’idéal d’une langue universelle. Puis François Gaudin présente certains des concepts fondamentaux de la discipline, qu’il place résolument dans le champ de la linguistique : la référence, l’univocité, le domaine, le concept. Il y ajoute, pour faire bonne mesure, des notions qu’il juge utiles pour circonscrire le champ de la socioterminologie : les épistémés de Michel Foucault et l’éditologie. Ces pages seront précieuses pour quiconque veut comprendre la terminologie moderne en allant au-delà de sa version wüsterienne traditionnelle encore très présente dans les esprits et dans les écrits. Le deuxième chapitre, « Outils méthodologiques et d’analyse inspirés de la sociolinguistique », présente les notions de la sociolinguistique, particulièrement l’interaction, l’insécurité linguistique (à laquelle l’auteur ajoute judicieusement l’insécurité cognitive) et introduit la praxématique dans la mesure où celle-ci peut lui être utile dans sa vision de la socioterminologie. Les troisième et quatrième chapitres (« Les problèmes linguistiques de la vulgarisation » et « Imaginaire ou savoir ? La vulgarisation comme genre littéraire ») sont très intéressants : ils abordent la question de la vulgarisation, qui est centrale dans une approche sociolinguistique de la terminologie et qui est globalement négligée par les terminologues traditionnels. François Gaudin y montre que les problèmes de la vulgarisation se posent depuis longtemps, et souligne différentes étapes historiques de son évolution, parmi lesquelles on me permettra de distinguer la lexicographie socialement engagée de Pierre Larousse, qui avait pour …

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