Introduction[Notice]

  • Georges L. Bastin

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  • Georges L. Bastin
    Université de Montréal, Montréal, Canada

L’histoire, l’histoire, toujours l’histoire ; il semblerait qu’il n’y en a plus que pour l’histoire… C’est que si la traductologie est devenue ce qu’elle est, c’est grâce au retour sur les pratiques traduisantes et sur les positions théoriques de toutes les époques et de tous les milieux. En effet, l’histoire est responsable du virage culturel de la traductologie au cours des dernières années ; c’est à elle que l’on doit le passage de l’invisibilité à la visibilité, des approches fondées sur les textes à celles fondées sur les sujets traduisants. Plutôt que déformant, il faut voir le prisme de l’histoire comme multiplicateur de points de vue ; ses innombrables facettes sont autant de fenêtres ouvertes sur les réalités – et aussi les rêves – d’une profession, d’un art et d’une herméneutique. Ce numéro anniversaire de META réunit quelques « grosses pointures » du domaine, d’autres auteurs aussi, moins connus certes, mais dont les recherches marquent déjà le champ de l’histoire de la traduction. Ce numéro célèbre l’universalité de META et de la traductologie. Les sujets couverts ressortissent à l’Amérique du Nord et à l’Europe, mais laisse une place significative à l’Amérique latine, à l’Afrique, à la Chine, au Moyen-Orient et aux zones d’influence soviétique et ottomane. Il célèbre également l’interdisciplinarité : la littérature, la Bible, le colonialisme, la science et la technologie. L’ouvrage s’ouvre sur un essai stimulant de Lawrence Venuti à propos de l’historicité des traductions. Il examine les diverses interprétations des cultures en interrogeant la temporalité, les stratégies discursives et les changements linguistiques pour cerner les formes narratives de la traduction. L’intérêt de l’approche historique réside, pour Venuti, dans la contextualisation des pratiques traductives compte tenu d’une claire distinction entre les universaux et les normes présentes et passées. Puis, Mirella Agorni aborde la traduction littéraire féminine comme une forme alternative de pouvoir et une remarquable contribution à l’examen historique des pratiques traduisantes. Elle s’attarde sur la traduction coopérative de Elizabeth Carter et Catherine Talbot au xviiie siècle. Jean Delisle, lui, s’attaque, si l’on peut dire, au saint des saints : le Vatican. Il étudie les principaux documents émanant du Vatican depuis 1943 afin de dégager la conception de l’Église à l’égard de la traduction. Si « Rome réaffirme haut et fort les vertus du littéralisme », Jean Delisle, à l’instar d’Érasme de Rotterdam, porte un jugement critique : « Bon nombre de ces présupposés sont des dogmes (ou croyances institutionnalisées non fondées), des préjugés à l’égard des traducteurs, des idées reçues (fausses) sur la nature de la traduction, ou des mythes. » Christiane Nord prolonge le thème de la religion par un essai qui surprendra plus d’un détracteur du fonctionnalisme. C’est de l’accès à l’Étrangeté dans la traduction du Nouveau Testament dont traite Nord pour montrer que le fonctionnalisme réunit les deux extrêmes du continuum traductif : la source et la cible. Le sujet des autotraductions reste une énigme pour bien d’entre nous. C’est pourquoi Julio César Santoyo en fait l’archéologie et la réhabilitation. Il nous démontre avec éloquence que les traductions d’auteur constituent l’un des phénomènes culturel, linguistique et littéraire les plus fréquents de notre village planétaire. Lia Wyler, quant à elle, nous fait découvrir un univers qui recèle une richesse insoupçonnée. Le Brésil, en effet, en une vingtaine d’années, a progressé à pas de géant et offre aujourd’hui une bibliographie de qualité en matière de traductologie et d’histoire de la traduction. Retour au xixe siècle en Europe avec Gabriel Moyal, qui nous présente la déclaration de principe ou le programme François Guizot : « Tout se tient dans la nature. » …