Comptes rendus

Willson, P. (2004) : La Constelación Sur. Traductores y traducciones en la literatura argentina del siglo XX, Buenos Aires, Siglo veintiuno editores, 293 p.[Notice]

  • Georges L. Bastin

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  • Georges L. Bastin
    Université de Montréal, Montréal, Canada

L’auteure détient un doctorat en littérature de l’Universidad de Buenos Aires ; à la Faculté de philosophie et lettres de cette université, elle enseigne la littérature argentine, et la traduction littéraire et la théorie de la traduction à l’Instituto Superior en Lenguas Vivas « Juan R. Fernández ». En 2003, elle est lauréate du prix du meilleur essai du Fondo Nacional de las Artes. Elle a notamment traduit Paul Ricoeur, Jean Starobinski, Luce Irigaray, Slavoj Zizek et Roland Barthes. Dans une introduction dense mais solidement argumentée, elle démystifie d’abord « la bonne manière de traduire », question qui selon l’auteure ne suscite que des débats byzantins. Elle démystifie ensuite la notion de « littérature nationale, tributaire de conceptions romantiques – voire ingénues – de ‘génie artistique’, ‘créativité’, ‘originalité’… » (p. 20). C’est pourquoi elle cherche sa voie interprétative dans la théorie des polisystèmes et l’école de la manipulation. Des trois instances qui coexistent dans tout système littéraire, la production, la tradition et l’importation, elle s’arrêtera à la dernière : la littérature traduite. Willson toutefois ne se réclame d’aucune théorie de la traduction, mais adhère plutôt au courant de la critique littéraire. Elle met donc les outils de la recherche traductologique au service d’une perspective critique. C’est ainsi qu’elle accorde une grande importance aux stratégies de traduction et, pour les décrire, ne répugne pas à procéder à l’analyse comparative sans toutefois l’utiliser à des fins prescriptives. Patricia Willson, dont l’objectif est d’étudier l’impact de la traduction dans la production littéraire et dans l’industrie de l’édition de l’Argentine de la moitié du xxe siècle et dans l’échange symbolique entre cultures différentes, se constitue un corpus : la maison d’édition et revue Sur ainsi que d’autres éditeurs étroitement associés d’une part, et de l’autre trois grands noms de la traduction hispano-américaine : Ocampo, Borges et Bianco. Dans la plus pure tradition moderne de la critique littéraire et de la sociologie latino-américaine représentée notamment par l’« hybridité culturelle » de Nestor García Canclini, la « totalité contradictoire » de Antonio Cornejo Polar et l’anthropophagie de Oswald de Andrade, Patricia Willson choisit délibérément de travailler trois traducteurs, prolifiques, de classiques du xxe siècle qui, en outre, se sont exprimés à propos de leur pratique et de leur vision de la traduction. Mais surtout trois traducteurs qui se situent inégalement sur le continuum de la littéralité à la liberté et qui font partie de cette « hétérogénéité non dialectique » de Cornejo Polar. Victoria Ocampo, traductrice romantique, conçoit la traduction comme un art mimétique. Ocampo, qui se considérait la traductrice « bon marché » de Sur, traduit surtout du théâtre (Graham Greene, Camus, Osborne, Dylan Thomas, entre autres), soit des textes écrits à la première personne. Elle croit que les traductions sont des gants qui s’interposent dans le rapport à l’original et choisit ces textes qui ne s’éloignent pas trop de la façon dont elle-même établit le rapport avec le lecteur (p. 98). À l’inverse de Borges qui, lui, s’attaque à des auteurs (Joyce, Faulkner) qui contredisent sa propre conception de la littérature. Ses stratégies d’adhérence au texte étranger : la non-traduction des noms propres, la conservation des références géographiques, les emprunts et les notes de bas de page. Ces stratégies exotisantes, Ocampo les relativise par des expressions courantes qui n’émanent pas d’elle mais « de tous » afin de garantir la lisibilité. Pour Jorge Luis Borges, la traduction est consubstantielle à la littérature et à son modeste mystère ; tout est traduction : lecture, écriture, relecture et réécriture. Une conception vaste et inclusive. Willson commente ainsi nombre d’ouvrages consacrés à Borges avant …

Parties annexes