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Cormier, Monique C. et Boulanger, Jean-Claude, dir. (2008) : Les dictionnaires de la langue française au Québec : de la Nouvelle-France à aujourd’hui. Montréal : Presses de l’Université de Montréal, 440 pages[Notice]

  • Philippe Thoiron

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  • Philippe Thoiron
    Université Lumière Lyon 2, Lyon, France

Ce volume, qui rassemble quinze contributions, est une émanation directe de la 3e Journée québécoise des dictionnaires tenue le 4 avril 2008 à Québec sur le même thème. Six de ces contributions ont fait l’objet de communications à cette occasion alors que neuf autres ont été ajoutées pour le présent ouvrage. Le lecteur trouvera ici une grande abondance d’informations et une variété d’approches liée sans doute à la diversité des auteurs : diversité de fonctions et d’objectifs ([méta]lexicographes et/ou universitaires) et diversité d’origine géographique (québécois et européens). On peut distinguer les contributions qui, fidèles au titre général, sont directement consacrées aux dictionnaires de la langue française au Québec de celles qui concernent aussi la langue française mais dans un cadre différent, éventuellement élargi. Le premier ensemble est naturellement et largement le plus nombreux et il peut être lui-même subdivisé : quatre articles s’intéressent à un dictionnaire spécifiquement, six articles sont consacrés à la comparaison, le plus souvent avec des aspects diachroniques. La ligne directrice de tout cet ensemble est tracée d’emblée par le titre de la contribution introductive et synthétique due à Monique Cormier. La responsable de la Journée québécoise des dictionnaires, en traitant de fidélité et d’autonomie, présente la tension caractéristique de la lexicographie québécoise et annonce, sans les mentionner alors, les luttes entre endogénistes et exogénistes. C’est à Claude Poirier qu’on doit la première longue contribution (47 p.). On parle cette fois de dépendance et d’affirmation pour présenter le parcours historique des lexicographes québécois. Pour l’auteur, les conceptions qui ont orienté les productions lexicographiques sont mieux comprises si on les observe à la lumière des relations entre Québécois et Français. La période 1760-1840 est marquée par l’émergence du français canadien mais à partir de 1860, avec la campagne puriste de Jules Fabien Gingras, la vague idéologique est en faveur du français de France, qui est l’idéal à atteindre. Les lexicographes d’alors sont puristes, ou pédagogues ou glossairistes. Le projet de dictionnaire du français à l’usage des Canadiens, évoqué dès le début du xxe siècle, sera reporté à diverses reprises jusqu’aux années 1950. C’est après la Révolution tranquille que la lexicographie, favorisée par la prise de distance des Québécois vis-à-vis des Français dans le domaine des arts, pourra s’affranchir en dépit de quelques poches de résistance. Selon Claude Poirier, la réalisation d’un dictionnaire de français québécois demeure un défi, qui ne pourra être relevé que lorsque les Québécois « auront fait la lumière sur l’origine de chacun de [leurs] mots » (p. 52). C’est encore la visée historique et comparative qui caractérise la contribution de Louis Mercier qui s’intéresse aux particularismes canadiens et à leur origine en étudiant la lexicographie québécoise à l’époque des glossaires (1880-1930). Après le mouvement de rectification langagière de la première moitié du xixe siècle qui cherchait l’alignement sur le français de France, les glossairistes tels que Oscar Dunn, Sylva Clapin, ou Narcisse-Eutrope Dionne se proposent d’inventorier, et non plus seulement de corriger, les particularismes canadiens. Ils démontreront, en favorisant les recherches historiques avec l’appui des glossaires patois français, qu’un grand nombre d’entre eux sont d’origine française. Après un examen détaillé du Glossaire du parler français au Canada l’auteur conclut en relevant, parmi les bienfaits des glossairistes, la revalorisation du français canadien par l’explication historique, la mise en place d’une approche descriptive et la rupture avec l’amateurisme lexicographique. Gabrielle Saint-Yves nous maintient dans l’univers glossairiste et l’approche demeure comparatiste. Elle s’applique à la question de l’identité féminine par l’analyse des stéréotypes féminins dans les glossaires parus entre 1880 et 1957. Il s’agit de construire une mémoire féminine et on voit bien …

Parties annexes