DocumentationComptes rendus

Shlesinger, Miriam et Pöchhacker, Franz, dir. (2010) : Doing Justice to Court Interpreting. Amsterdam/Philadelphie : John Benjamins, 246 p.[Notice]

  • Jean-Claude Gémar

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  • Jean-Claude Gémar
    Université de Montréal, Montréal, Canada

Dans l’univers de la traductologie, le corpus de l’interprétation judiciaire n’occupe encore qu’un espace limité. Or, à l’ère de la mondialisation et du « village global », en croissance rapide, l’importance de cette activité traduisante ne fera bientôt plus de doute. La création, sous l’égide des Nations unies, de tribunaux internationaux (la Cour pénale internationale [CPI], par exemple), les mouvements migratoires des pays du sud vers ceux du nord, les conflits qui ne cessent d’éclater aux quatre coins du monde, la montée en puissance du droit pénal international et humanitaire (avec son corollaire : les crimes contre l’humanité), entre autres facteurs, rendent la fonction de l’interprète judiciaire et son travail toujours plus nécessaires et souhaitables. Cette forme d’interprétation devient même indispensable si l’on veut que la justice soit rendue de façon juste et équitable, en particulier lorsqu’une des parties, voire les deux, ne parlent ni ne comprennent la langue du tribunal. On mesure alors la difficulté de la tâche de l’interprète. Il lui faut peser soigneusement chaque mot prononcé avant de lui trouver un équivalent satisfaisant à la fois pour le droit du for, la langue de la justice et les cultures en présence, tout en s’efforçant de placer la personne dépendant de l’interprétation sur un pied d’égalité avec l’entourage judiciaire. Le prétoire est ce lieu où, nous préviennent en exergue les coauteurs dans l’Introduction, l’enjeu consiste à « comprendre » (understanding) au cours d’échanges « often fraught by explicitly contradictory and competing interests » (p. xx). Il n’est pas rare que l’issue d’un procès en dépende. D’où l’intérêt d’un tel ouvrage collectif pour mettre à la disposition des interprètes les réflexions, travaux et expériences de spécialistes du domaine venant de divers horizons linguistiques et culturels, afin de comparer les pratiques et les manières de faire d’ici et de là-bas, les difficultés, les problèmes rencontrés et les solutions éventuelles apportées ou envisagées. Le titre est éloquent : il faut rendre justice à l’interprétation judiciaire, cette mal connue. Les huit auteurs des articles que compte cet ouvrage, sous la codirection de deux éminents spécialistes du domaine, s’y sont employés. La maison Benjamins a jugé que leurs contributions, précédemment parues dans la revue Interpreting qu’elle publie – six en 2008 (10[1]) et les deux autres en 2010 (12[2]) –, méritaient d’être reprises dans ce collectif afin de leur donner une plus grande visibilité. Trois recensions consacrées à quatre ouvrages (dont trois collectifs) complètent le tableau. Ils tournent autour de la triple problématique sur laquelle repose l’ouvrage collectif recensé, soit le discours dans la salle d’audience, l’accès à la justice et la qualité de la prestation. C’est le fil conducteur qui, tout au long de ce collectif, lui assure cohérence et rigueur thématiques. Le premier article, Interpreting at the Tokyo War Crimes Tribunal (p. 9-27), est signé par Kayoko Takeda, qui enseigne l’interprétation et la traduction de l’anglais au japonais au Monterey Institute of International Studies, en Californie. Elle traite de l’interprétation devant le tribunal (militaire) de Tokyo mis en place en 1946 pour juger les crimes de guerre commis durant la Deuxième Guerre mondiale. Son étude n’est pas une analyse linguistique de l’interprétation, mais porte plus particulièrement sur les aspects sociopolitiques de l’interprétation judiciaire dans un tel contexte (en période de guerre), analysant leurs incidences sur la façon dont les parties organisèrent l’interprétation, ses normes et ses règles, et le rôle des différents groupes de « linguistes » (« Nisei linguists » et « Kibei ») chargés de remplir des fonctions différentes dans ce processus. Les conclusions que l’auteure tire de son étude renforcent l’idée que l’interprétation est une …

Parties annexes