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Ng, Eva N. S. (2018) : Common Law in an Uncommon Courtroom. Judicial interpreting in Hong Kong. Amsterdam/Philadelphie : John Benjamins, 226 p.[Notice]

  • Jean-Claude Gémar

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  • Jean-Claude Gémar
    Université de Montréal, Montréal, Canada

Parmi les nombreuses formes que peut prendre l’interprétation, l’interprétation judiciaire occupe une place doublement critique. D’une part, dans un monde en transformation soumis à de grands bouleversements, les interprètes se heurtent à des difficultés et des situations, linguistiques notamment, inédites et problématiques ; d’autre part, étant donné que la communication entre l’interprète, les parties et la justice – jury inclus –, censée se dérouler harmonieusement en salle d’audience, est soumise aux aléas de la traduction inter et intralinguistique causés par une connaissance limitée, faible ou insuffisante des langues et dialectes parlés durant un procès. Dans ces cas de figure, c’est la justice qui en pâtit, au détriment des prévenus ou accusés, dont le sort dépend parfois d’une interprétation correcte ou déformée de leurs propos, de ceux des témoins et du ou des juges. De nombreuses études savantes ont été publiées sur la plupart de ces situations, courantes dans nombre de pays où s’entrechoquent, en salle d’audience, langues et dialectes locaux, avec, parfois, la concurrence d’une langue étrangère. En revanche, peu d’études portent de façon quasi exhaustive sur la situation particulière d’un État donné. Celle de Hong Kong suscite un intérêt croissant, surtout depuis le retrait du Royaume-Uni du territoire loué à la Chine en 1898 et retourné dans son giron en 1997. Les conditions singulières dans lesquelles se déroule l’interprétation judiciaire devant les tribunaux de Hong Kong, où la langue anglaise a longtemps dominé les débats, fait l’objet d’une analyse approfondie effectuée par une interprète chevronnée, enseignante à l’Université de Hong Kong, à qui l’on doit travaux et recherches portant sur l’interprétation judiciaire. Le titre d’un de ses articles, paru en 2016, donne le ton de l’ouvrage recensé : « Do they understand ? English Trials Heard by Chinese Jurors in the Hong Kong Courtroom » (Ng 2016 : 172-191). On voit d’emblée où se nichent les difficultés et les problèmes affectant la bonne exécution du rôle d’intermédiaire (conduit role) de l’interprète : l’entrechoc des langues. L’ouvrage qui fait l’objet de la présente recension fait le tour de la question en dix chapitres, dont l’introduction et la conclusion, de longueur variable. Il est préfacé par Holly Mikkelson, elle-même interprète émérite et enseignante, entre autres, en interprétation judiciaire, et comprend plusieurs listes de tableaux et schémas, outre une copieuse bibliographie (p. 191-203) et des annexes où les lecteurs trouveront des données, notamment sur l’emploi du chinois en cour (p. 205), la transcription verbatim d’échanges entre un juge et le porte-parole du jury (p. 211), etc. Un index des sujets traités (p. 221) complète l’ouvrage. Ce qui distingue la monographie d’Eva Ng ne tient pas tant au fait que les procès se tenant à Hong Kong se déroulent en deux langues, l’anglais et le cantonais, situation de bilinguisme judiciaire plutôt fréquente à l’échelle mondiale ; ce qui fait de cet ouvrage un cas exemplaire, c’est la mise au jour de la faiblesse de la connaissance, voire de la compréhension de ces langues, l’anglais en particulier, par les acteurs d’un procès civil ou pénal et les nombreux obstacles que doit franchir l’interprète. Le premier, qui n’est pas le moindre, réside dans le fait qu’à Hong Kong, la langue de la cour est l’anglais, alors que celle de la population est le cantonais, d’où le rôle crucial de l’interprétation. Aussi, devant cette dichotomie, le rôle d’intermédiaire de l’interprète, souvent la seule personne bilingue dans la salle d’audience, est-il compliqué, jalonné d’embûches lors de la traduction en consécutive (anglais-cantonais/cantonais-anglais) ou en simultanée par « chuchotage », au risque de priver les personnes unilingues du bénéfice de la communication. Un rapport de force linguistique …

Parties annexes