Entrevue d’Alfred Chaouat, Senior Vice-Président de Technicolor en charge des activités de licensing, Président du L.E.S – France[Notice]

  • Liliana Mitkova et
  • Pascal Corbel

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  • Liliana Mitkova
    Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, France

  • Pascal Corbel
    Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, France

La propriété intellectuelle est de plus gérée au niveau central, « Corporate ». Bien que nous ayons des équipes un peu partout dans le monde, le fait que ce soit géré en « Corporate » signifie l’utilisation du même système d’information au sein de Thomson pour gérer les brevets et les contrats de licences. La décision de déposer ou pas un brevet est prise également au niveau « Corporate », elle n’est pas laissée au niveau des business units. Les coûts sont également supportés au niveau Corporate. Dans un grand nombre d’entreprises, la propriété intellectuelle reste encore gérée de façon complètement décentralisée au niveau des business units. Les entreprises se rendent de plus en plus compte que cela pose des problèmes, parce que notamment chaque business unit utilise des systèmes d’information différents et définit sa propre politique de licensing de façon indépendante. Cette dernière est en général plutôt conservatrice, c’est-à-dire qu’elle préfère ne pas donner de licence et plutôt utiliser le brevet pour interdire que pour générer des revenus. C’est aussi très difficile d’avoir une vision globale du portefeuille de brevets et de définir une politique de licensing au niveau « Corporate ». Quelques entreprises française ont crée récemment le poste de responsable IP&Licensing au niveau corporate pour mieux coordonner la polique brevets / licence au niveau groupe. Prenons l’exemple des entreprises américaines. Compte tenu des montants engagés dans les procès de propriété intellectuelle, les aspects IP sont en général suivis au plus haut niveau. Prenons en particulier le cas d’Apple : la société Creative, de Singapour a lancé un procès contre Apple pour contrefaçon de brevets audio. Apple a finalement fait un settlement avec Creative dont le montant de mémoire, était de l’ordre d’environ une centaine de millions de dollars. Ce qui est intéressant, c’est que le communiqué de presse annonçant le settlement était signé directement de Steve Jobs, le CEO de Apple; il avait été lui-même impliqué dans la résolution de ce settlement. Cet exemple est aussi intéressant pour l’une des raisons invoquées dans le communiqué de presse : il était dit que le settlement avait le mérite entre autres de mettre fin à « une distraction », au sens anglais du terme, pour le CEO et son équipe de management. En effet, pendant que Steve Jobs s’occupe de régler un procès de propriété intellectuelle, il ne fait pas des choses faisant plus partie de ses activités normales de CEO. On peut citer un autre exemple plus récent concernant Apple : avec la sortie de l’I-Phone, Apple est rentré dans un domaine où il n’était pas présent. Un certain nombre de sociétés possèdent des brevets dans le domaine de la communication téléphonique (GSM, 3G), des interfaces utilisateurs, des connections sans fil, etc.. Vous savez sans doute que Nokia, qui voit ses parts de marché menacées par l’I-phone, a lancé un procès en propriété intellectuelle contre Apple. Apple a répliqué en lançant à son tour un procès contre Nokia. Donc, il existe aujourd’hui une guerre au niveau de la propriété intellectuelle autour de l’I-Phone, et je suis persuadé que cette affaire est suivie directement par Steve Jobs, même si ce n’est pas au jour le jour, en raison des montants importants en jeu. Donc oui, pour les sociétés américaines, le management de la propriété intellectuelle est au niveau de la direction générale depuis maintenant quelques années. Et en Europe, cela devient de plus en plus le cas également. Je pense qu’une P.M.E américaine va être beaucoup plus sensibilisée à l’aspect propriété intellectuelle parce qu’elle sait que si elle a un très bon brevet, elle pourra également trouver des avocats …

Parties annexes