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Du 21 au 23 mai 2012, se sont tenues à HEC Montréal les 7ième journées de la proximité, sur le thème « créativité, innovation et proximités ». À l’heure du global, du virtuel et de la distance, ces journées, initiées au tournant des années 2000 par quelques chercheurs éclairés, visent à réintroduire dans la réflexion les dynamiques du proche, de la rencontre, du contact et du lien. Où de plus en plus, dans les logiques économiques comme dans celles du social, on envisage les forces et les vertus de la diversité, sources de la créativité indispensable à l’évolution et à l’innovation, il nous faut aussi reconnaître qu’elles ne peuvent s’exprimer qu’en lien, et donc en lieux. Ces lieux physiques, géographiques, sociaux, cognitifs, symboliques, voire imaginaires parfois, reviennent ces dernières années au coeur des recherches économiques et organisationnelles. Car les organisations, les institutions, les firmes, sont avant tout des lieux et des espaces artificiellement créés, mais aussi des frontières érigées par souci d’efficacité (Williamson), dont il revient de questionner la perméabilité et la porosité relative. La question se pose aujourd’hui des formes d’aménagement et d’accompagnement des dynamiques locales et territoriales qui favorisent ce plein jeu de la diversité et ses expressions créatives pour l’amélioration des pratiques de l’innovation pour la compétitivité. Face à ces enjeux, les politiques publiques et les expérimentations institutionnelles se multiplient avec des résultats mitigés et des niveaux de performances variés qui appellent des évaluations et des recherches en forme de premiers bilans, abordés en particulier lors des Journées de la proximité. Ce dossier court se veut un écho de ces journées, en privilégiant ici deux initiatives institutionnelles majeures de pilotage du territoire, abordées dans trois articles qui se font écho et se complètent en alimentant la réflexion sur les dynamiques locales d’agglomération pour l’innovation qui supportent des stratégies globales de positionnement.

Dans un premier article, Hussler, Muller et Rondé proposent une réflexion sur la nature et l’évaluation la performance des pôles de compétitivité français. Dispositif public de gestion territoriale implanté par vague de 2005 à 2010, les pôles visent la mise en réseau d’organisations sur le mode de la triple hélice (université, industries et acteurs publics) autour d’une thématique innovante. Les auteurs questionnent les limites opérationnelles d’un dispositif générique, dont chaque incarnation est par ailleurs soumise à des critères de performance multidimensionnels auxquels il apparait difficile de répondre également. À travers un exercice de typologie qui révèle la variété des expériences, des orientations et des pôles, les auteurs visent à « identifier et comprendre les formes organisationnelles les plus favorables à l’innovation et à la compétitivité ». Ils interrogent aussi les modes d’évaluation de la performance autour des axes de l’entrepreneurship, de la compétitivité/attractivité ou de l’activité innovante. Leurs analyses plaident pour une gestion différenciée de ces pôles, qui tienne compte de leur configuration structurelle, de leur morphologie et de leur singularité, et pour une appréciation pragmatique de leur performance plus sensible à leurs caractéristiques propres, marquées par le local.

Dans un second article, Colovic aborde la dynamique interne des mêmes pôles de compétitivité français, considérés comme un cas particulier de cluster innovant, et mettant l’accent sur leur rôle de tremplin pour l’internationalisation des PME. Si l’engagement dans un pôle – « réseau territorial formel » - apporte à la PME des ressources cognitives et relationnelles, sur le mode classique des externalités d’agglomération, les effets sur son internationalisation dépendront aussi et surtout de son entrée en relations avec des partenaires étrangers via le jeu d’alliances inter-clusters, nous montre l’auteur. Un tel constat met en évidence le rôle stratégique des animateurs des pôles, et de leur propension à assurer leur inscription dans les réseaux internationaux pouvant bénéficier aux membres du pôle. Il porte aussi un éclairage sur le nécessaire dialogue entre les PME membres du pôle, son conseil d’administration et ses animateurs, pour assurer un alignement stratégique entre les intérêts des firmes membres et les alliances privilégiées par le CA et négociées par les animateurs.

Dans une autre perspective, le troisième article réinterprète et réinterroge l’élaboration du positionnement de l’écosystème d’innovation d’Aalto, en Finlande, au tournant des années 2000, qui a conduit à sa reconnaissance internationale. Animés par une politique volontariste de différenciation et par une forte ambition de favoriser l’interdisciplinarité pour réinscrire utilement l’action de l’université dans le milieu socio-économique local, certains acteurs locaux mobilisent le Design Thinking comme un objet fédérateur et réconciliateur pour différentes facultés (sciences, génie, business school…). L’analyse des auteurs révèle un effort socio-institutionnel intense et réfléchi de tissages de liens entre acteurs locaux par le maillage global avec les grands acteurs de référence du Design Thinking. Le double pilotage du réseau local et du réseau global assura à la fois le démarrage de projets interdisciplinaires autour de l’objet commun, l’attraction d’expertises internationales contribuant à la consolidation des projets, et l’élaboration rapide d’une identité à la fois singulière et légitime.

À travers ces analyses, les trois articles contribuent à illustrer la diversité des dynamiques d’agglomération socio-économique locales engagées dans des stratégies globales d’innovation et de positionnement. Ils incitent aussi à nuancer et relativiser les approches unidimensionnelles qui pourraient inspirer les politiques publiques. En particulier, ils soulignent, s’il était nécessaire, la force de la singularité des synergies locales (Hussler et al), l’importance centrale de l’engagement et de la proactivité des acteurs économique dans leurs écosystèmes locaux (Colovic), mais aussi le rôle déterminant des efforts des porteurs de projets locaux dans l’élaboration socio-institutionnelle couplant local et global, ainsi que dans la construction et l’animation symbolique de ces pôles (Barès & Froelicher).

From May 21 to 23, 2012, HEC Montréal hosted the 7th edition of Proximity Days, on the theme “Creativity, Innovation and Proximity.” In the present global, virtual and distance era, this event, begun in the early 2000s by a few informed researchers, aims to reintroduce into the reflection the dynamics of nearness, meeting, contact and connection. Whereas increasingly, in economic and social logics, we see the strengths and virtues of diversity, a source of creativity indispensable to development and innovation, we must also recognize that the strengths and virtues of creativity can only be expressed in connection, and therefore in location. These physical, geographical, social, cognitive, symbolic, and at times even imaginary spaces have in recent years resumed their place at the heart of economic and organizational research. Organizations, institutions, firms are mainly artificially created spaces, but also boundaries erected for the sake of efficacy (Williamson), and we must question their relative permeability and porosity. The question arises today of the forms of arrangement and support of local and territorial dynamics that promote the full play of diversity and its creative expressions to improve innovation practices for competitiveness. Given these issues, public policies and institutional experiments are multiplying with mitigated results and varied performance levels that require evaluation and research in the form of initial assessments, explored in particular during the Proximity Days. This brief record is illustrative of this event as it focuses on two major institutional initiatives of territorial management discussed in three articles that echo and complement one another while adding to the reflection on local agglomeration innovation dynamics that support global positioning strategies.

In the first article, Hussler, Muller and Rondé offer a reflection on the nature and evaluation of the performance of French competitiveness clusters. These clusters are part of a government framework for territorial management introduced progressively between 2005 and 2010, with the objective to network organizations in a triple helix model (university, industries and public actors) around an innovating theme. The authors question the operational limits of a generic framework, each incarnation of which is subject to multidimensional performance criteria that the clusters have difficulty meeting uniformly. Through a typology that reveals the variety of experiences, directions taken and clusters, the authors aim to identify and understand the organizational forms most favourable to innovation and competitiveness. They also examine the methods used to evaluate performance around the axes of entrepreneurship, competitiveness/attraction or innovating activity. Their analyses argue for a differentiated management of these clusters, that takes into account their structural configuration, their morphology and their uniqueness, and for a pragmatic assessment of their performance that is more sensitive to their specific, locally influenced characteristics.

In the second article, Colovic looks at the internal dynamic of the same French competitiveness clusters, considered as a particular case of innovating cluster and stressing their role as springboard for the internationalization of SMEs. The author shows us that while joining a cluster – a formal territorial network - brings the SME cognitive and relational resources, on the traditional model of agglomeration externalities, the effects on its internationalization will also and chiefly depend on its entering into relations with foreign partners via the inter-clusters alliances game. This observation highlights the strategic role of the cluster facilitators, and their propensity to ensure their enrolment in international networks that can benefit the members of the cluster. It also sheds light on the need for dialogue between the SME members of the cluster, its board of directors and its facilitators, to ensure a strategic alignment between the interests of member firms and the alliances favoured by the BD and negotiated by the facilitators.

In another perspective, the third article reinterprets and re-examines the innovation ecosystem development of Finland’s Aalto University, in the early 2000s, which led to its international recognition. Driven by a proactive policy of differentiation and by a strong ambition to foster interdisciplinarity in order to intelligently reinsert university action in the local socio-economic milieu, some local actors drew upon Design Thinking as a unifying and reconciling element for various faculties (science, engineering, business school, etc.). The authors’ analysis reveals an intense and thoughtful socio-institutional effort to weave connections between local actors through global networking with key players from Design Thinking. The dual management of the local network and the global network will ensure the launch of interdisciplinary projects with a common goal, the attraction of international expertise contributing to the consolidation of the projects, and the rapid development of an identity that is both unique and legitimate.

Through these analyses, the three articles help to illustrate the diversity of local socio-economic dynamics of agglomerations engaged in global innovation and positioning strategies. They also require that the one-dimensional approaches that might inspire public policies be qualified and put into perspective. In particular, they emphasize, if necessary, the strength of the singularity of local synergies l (Hussler et al.), the central importance of the commitment and proactiveness of economic actors in their local ecosystems (Colovic), but also the decisive role of local project leaders’ efforts in the socio-institutional development connecting local and global, as well as the construction and the symbolic facilitation of these clusters (Barès & Froelicher).


Del 21 al 23 de mayo 2012, en HEC Montreal, tuvieron lugar las 7as Jornadas de la proximidad, sobre el tema « creatividad, innovación y proximidad ». A la hora de lo global, de lo virtual y de la distancia, estas Jornadas -iniciadas alrededor del año 2000 por algunos brillantes investigadores- apuntan a reintroducir en la reflexión las dinámicas de lo cercano, del encuentro, del contacto y del nexo. Allí donde, cada vez más, en las lógicas económicas como en las de lo social se contemplan las fuerzas y las virtudes de la diversidad, fuentes de la creatividad indispensable para la evolución y la innovación, se debe reconocer también que ellas no pueden expresarse que en contactos y, por ende, en lugares. Estos lugares físicos, geográficos, sociales, cognitivos, simbólicos y, a veces, hasta imaginarios, vuelven ahora al centro de las investigaciones económicas y organizacionales. Porque las organizaciones, las instituciones, las firmas son, ante todo, espacios creados artificialmente, pero también son fronteras que se erigen por razones de eficacia (Williamson), y así se plantea cuestionar su permeabilidad y su porosidad. Actualmente, surge la cuestión sobre las formas de acondicionamiento y de acompañamiento de las dinámicas locales y territoriales que favorecen el juego de la diversidad y sus expresiones creativas para mejorar las prácticas de la innovación para una mayor competitividad. Frente a estas problemáticas, las políticas públicas y las experimentaciones institucionales se multiplican con resultados más bien modestos y niveles de desempeño variados, los cuales exigen evaluaciones e investigaciones que sirven de balances, abordados de manera especial en esas Jornadas de la proximidad. Este dossier breve es un eco de esas jornadas; en él se privilegian dos iniciativas institucionales mayores de dirección del territorio, tratadas en tres artículos que abordan y complementan la reflexión acerca de las dinámicas locales de aglomeración para la innovación que soportan las estrategias globales de posicionamiento.

En el primer artículo, Hussler, Muller y Rondé proponen una reflexión sobre la naturaleza y la evaluación del desempeño de los polos de competitividad franceses. Dispositivo público de gestión territorial implantado por etapas desde 2005 hasta 2010, los polos apuntan a crear una red de organizaciones con el modo triple hélice (universidad, industria y actores públicos) alrededor de una temática innovadora. Los autores cuestionan los límites operacionales de un dispositivo genérico, del cual cada concretización está sujeta a criterios de desempeño multidimensionales a los cuales es difícil responder. Por medio de un ejercicio de tipología que revela la variedad de las experiencias, de las orientaciones y de los polos, los autores apuntan a « identificar y comprender las formas organizacionales más favorables a la innovación y a la competitividad ». Ellos se interrogan, además, sobre los modos de evaluación del desempeño alrededor de los ejes de empresariado, de competitividad/atracción o de la actividad innovadora. Sus análisis se inclinan por una gestión diferenciada de esos polos, la cual tiene en cuenta la configuración estructural, la morfología y la singularidad de los mismos, y por una apreciación pragmática del desempeño más sensible a sus características, marcadas por lo local.

En el segundo artículo, Colovic trata la dinámica interna de esos mismos polos de competitividad franceses, considerándolos como un caso particular de reagrupamiento innovador (clusters de innovación), poniendo el acento en su rol de trampolín para la internacionalización de la PyME. El autor nos muestra que si la implicación de las PyME en un polo – « red territorial formal » - les aporta recursos cognitivos y relacionales sobre el modo clásico de las externalidades de aglomeración , los efectos sobre su internalización dependerán también, y sobre todo, de su entrada en relación con asociados extranjeros mediante un juego de alianzas inter-clusters. Esta constatación pone en evidencia el rol estratégico de los animadores de los polos y de su tendencia a asegurar la participación en aquellas redes internacionales que puedieran ser beneficiosas para los miembros del polo. El autor saca a la luz el diálogo necesario entre las PyME miembros del polo, su consejo de administración y sus animadores, para asegurar un alineamiento estratégico entre los intereses de las firmas miembros y las alianzas privilegiadas por los CA y negociadas por los animadores.

Desde otra perspectiva, el tercer artículo vuelve a interpretar e interrogar la elaboración del posicionamiento del ecosistema de innovación de Aalto, en Finlandia, alrededor del 2000, el cual condujo a su reconocimiento internacional. Animados por una política voluntarista de diferenciación y por una gran ambición de favorecer la interdisciplinaridad con el fin de inscribir de manera útil la acción de la universidad en el medio socio económico local, algunos actores locales movilizaron el Design Thinking como un objeto consensual y conciliador de las diferentes facultades (ciencias, ingeniería, comercio…). El análisis de los autores revela un esfuerzo socio institucional intenso y bien pensado que entreteje nexos entre actores locales y relaciones globales con los grandes actores de referencia del Design Thinking. Una doble dirección de red local y de red global asegura al mismo tiempo la iniciación de proyectos interdisciplinarios alrededor de un objeto común, la atracción de pericias internacionales que contribuyen a la consolidación de los proyectos, y la elaboración rápida de una identidad que es, a la vez, singular y legítima.

A través de estos análisis, los tres artículos contribuyen a ilustrar la diversidad de las dinámicas de aglomeración socio económica locales implicadas en estrategias globales de innovación y de posicionamiento. También invitan a relativizar y a matizar los enfoques unidimensionales que pudieran inspirar las políticas públicas. En particular, ellos destacan la fuerza de la singularidad de las sinergías locales (Hussler y otros), la importancia central del compromiso y de la proactividad de los actores económicos en sus ecosistemas locales (Colovic), así como también el papel determinante que juegan los esfuerzos de quienes llevan los proyectos locales en la elaboración socio institucional que reúne local y global, y en la construcción y la animación simbólicas de estos polos (Barès y Froelicher).