Corps de l’article

Les fédérations sportives s’inscrivent désormais dans une logique de communication digitale. Le développement populaire d’outils de communication tels que Facebook, MySpace ou Tweeter a fait l’objet d’études dans les domaines des sciences humaines (Kaplan, 2011; Mlaiki et al., 2012). Les récentes recherches en sciences de gestion ont notamment mis en lumière l’importance des réseaux sociaux numériques (ou média sociaux) dans le succès du développement d’une marque (Kaplan, Haenlein, 2010), non seulement dans l’entreprise, mais aussi pour les institutions gouvernementales et le secteur du non profit. Grâce à Facebook, les fédérations sportives ont la possibilité de promouvoir leur activité aux yeux des publicitaires. C’est également un outil efficace pour recruter des adhérents, mobiliser des supporters et décupler l’audience des médias traditionnels. Concernant les médias sociaux, les notions d’ « ami » et de « fan » sont venues supplanter la traditionnelle relation entre l’offreur et le demandeur. Sur Facebook, les personnes morales n’ayant pas la possibilité juridique de détenir un profil, orientent leur communication vers la création d’une page. Si la notion d’ « ami » y est exclue, la dimension relationnelle propre aux médias sociaux se traduit par une participation de l’utilisateur.

La modification de la nature de la relation entre acteurs n’est pas anodine. Elle traduit la volonté d’introduire une confiance issue d’un autre type de relation. Le glissement progressif vers un marketing relationnel s’explique historiquement par des innovations technologiques permettant une meilleure connaissance du consommateur. L’approche relationnelle est abordée diversement par les auteurs, notamment par la richesse de la relation consommateur-marque (Fournier, 1998; Chaudhuri, Holbrook, 2001), et par le caractère affectif et cognitif de la relation (Blackston, 1992). La confiance implicite ou explicite est une condition à l’engagement (Garbarino, Johnson, 1999), pouvant se traduire sur les médias sociaux par une adhésion aux publications (« likes », commentaires, partages, etc.).

Si les médias sociaux répondent aux caractéristiques du marketing relationnel, ils sont également confrontés à une évolution de leur perception par les utilisateurs. La détérioration de la confiance dans les sites marchands (Schlosser et al., 2006) ou sur les médias sociaux (Moraes et al., 2014) s’explique par le risque encouru par les consommateurs (Hérault, Belvaux, 2014). A priori, les Fédérations sont moins exposées à ce type de risque. Pour autant, la perception du caractère intrusif de la publicité (Algersheim et al., 2005) peut biaiser la relation. En effet, une trop forte présence de la marque peut impliquer des réactions négatives de la part des utilisateurs. Pour autant, les caractéristiques relationnelles des pages Facebook semblent permettre de dépasser ce caractère intrusif en créant une passerelle de flux d’informations entre le fil d’actualité de l’utilisateur et la fédération sportive (« likes »).

Cet article a pour objet d’étudier les déterminants de la confiance entre une fédération sportive et les utilisateurs de sa page Facebook. Pour ce faire, les modèles de confiance permettent d’identifier les marqueurs susceptibles de favoriser ces relations. Chouk et Perrien (2004) ont retenu trois dimensions pour mesurer cette confiance dans le cadre du e-marketing : la crédibilité, l’intégrité et la bienveillance. A cet effet, le modèle de Gurviez et Korchia (2002) a été mobilisé. Une première partie sera consacrée au rôle complexe de la confiance dans la relation entre les fédérations et les utilisateurs de leur page Facebook. Dans la mesure où le modèle de Gurviez et Korchia ne concernait pas à l’époque les relations de confiance sur Internet, cette recherche a utilisé des travaux relatifs à l’ « attitude à l’égard de la publicité sur Facebook ». Ainsi, le modèle de Ladwein (2014), permettra de comprendre la perception par les utilisateurs de la relation à la marque fédérale et la nature de l’influence de cette dernière. Sur la base d’une étude quantitative effectuée auprès d’un échantillon de 124 licenciés sportifs, cette recherche présentera dans une deuxième partie la méthode des équations structurelles, choisie pour analyser les données. Les résultats seront ensuite successivement présentés et discutés dans les deux parties suivantes.

Revue de littérature et hypothèses de recherche

La confiance en marketing est un thème récurrent. Dès les années 1960-1970, la confiance était déjà incluse dans les modèles de compréhension du consommateur (Howard, Sheth, 1969), avec un lien affirmé entre compréhension de la marque et confiance. Dans leur modèle, les auteurs considèrent que la confiance intervient dans le cadre d’un construit d’apprentissage entre l’attitude du consommateur et son intention. Les années 1990 ont vu les travaux sur la confiance se focaliser sur le marketing relationnel (Morgan, Hunt, 1994). Dans le modèle développé par ces auteurs, la confiance aurait notamment une influence sur l’engagement, sur la coopération et sur la fonctionnalité des conflits. Certains modèles développés ultérieurement reprennent le lien entre confiance et engagement de la relation (Aurier, N’Goala, 2010), tout en faisant apparaître la satisfaction en amont de la confiance. A l’engagement, concept multidimensionnel qui peut concerner les éléments cognitifs affectifs et comportementaux (Yoshida et al., 2014), Aurier et N’Goala y ajoutent un contrat relationnel, base de la confiance. Certains travaux étudient la confiance dans le cadre des réseaux sociaux numériques (Ladwein, 2014).

La confiance digitale sur les réseaux sociaux numériques

En premier lieu l’étude des réseaux sociaux numériques met en lumière l’intérêt des marques, donc des fédérations sportives, pour ce média. Pour Filo et al. (2015), l’interactivité est facilitée par les nouvelles technologies médias. Les médias sociaux permettent notamment d’avoir une meilleure connaissance des consommateurs (pratiquants et supporters), d’avertir des consommateurs par une communication interactive et à jour et de pousser les consommateurs à s’engager (en leur donnant un rôle). Ils offrent également la possibilité d’utiliser efficacement les ressources (temps et moyens) et d’évaluer plus rapidement le statut du consommateur afin de mieux le prendre en compte (Abeza et al., 2013; Brodie et al., 2011). Ces atouts s’inscrivent dans une posture tournée vers le marketing relationnel. Ainsi certains auteurs avancent que le développement de la relation et de la promotion sont favorisés par l’affichage et le partage de contenu avec les consommateurs ainsi que par l’échange et l’interaction facilitée par les réseaux sociaux numériques (Eagleman, 2013; Pronschinske et al., 2012). Ces derniers sont utilisés pour un certain nombre de motifs, tels que la collecte d’information, le divertissement, le « fandom » (terme anglo-saxon désignant le fan par domaine d’intérêt), ou l'interactivité. Celle-ci amène à s’interroger sur les éléments à l’origine de l’implication des acteurs, notamment la confiance. Les travaux de Sabate et al. (2014) démontrent que plus la richesse de contenu (incluant images et vidéos) augmente, plus l’activité en termes de « likes » et de « posts » sera développée. Cette activité relationnelle n’est possible que si un lien de confiance accompagne la richesse de contenu. De même, Belvaux (2011), souligne que les consommateurs attendent qu’il y ait une activité suffisamment importante avant d’interagir. La confiance se retrouve ici associée à la densité d’activité sur les médias sociaux.

En deuxième lieu, la confiance sur les médias sociaux peut être illustrée par un certain nombre de qualités propres à la nature des informations échangées et à la perception de l’émetteur de l’information par les utilisateurs. Dans cette logique, la probité, la sincérité et la pertinence des informations perçues sont particulièrement appréciées, notamment dans le cadre d’une personnalisation de la relation sur Facebook. Un certain nombre de contributions ont souligné que les types de contenus partagés et affichés par les marques étaient de nature à amener de la confiance dans le sens où l’information obtenue n’est accessible nulle part ailleurs. En plus de l’exclusivité de l’information, les relations avec les fans, les informations non officielles ou de coulisses ainsi que les mises à jour constituent autant d’atouts qui amènent de la crédibilité à la marque fédération. Le partage de l’envers du décor avec le public (Frederick et al., 2012; Hull, 2014) reflète les efforts de la marque (Vivek et al., 2012) pour cultiver les relations privilégiées avec les utilisateurs. L’utilisation des médias sociaux par les fédérations pour faire état de leur engagement relatif à l’intérêt général a également un impact positif sur la propension accordée par l’utilisateur à leur faire confiance (Warren et al., 2014). Ainsi, l’affichage de l’engagement d’une fédération dans une démarche de développement durable ou de sport-santé, traduction de la mise en place d’une politique RSE s’inscrit en ce sens.

Par ailleurs, les réseaux sociaux numériques constituent d’abord un moyen d’auto-expression permettant de s’affirmer. Cette constante concerne à la fois les individus et les organisations ayant développé une page sur Facebook. Fondée sur la théorie de l’identité et de la performance sociale de Goffman (1959), cette auto-présentation vise à ce que la cible visée s’identifie à la marque. L’idée sous-jacente est que l’utilisateur du réseau social numérique s’identifie à une marque via le « like » à partir de l’adéquation entre sa propre personnalité et celle qu’il attribue à la marque (Aaker, 1997). En se fondant sur cette relation, la notion de confiance permet d’exploiter le potentiel de commercialisation d’objets ou de marques auprès d’individus qui au départ n’attendaient pas cela d’un média social. Ce processus trouve du sens par l’intermédiaire des algorithmes du système d’information de la plateforme Facebook. Ce système d’information semble permettre de créer une nouvelle relation sur le fil d’actualité des utilisateurs, entre le réseau d’amis et les informations transmises par les marques. Grâce aux repères émis par l’attitude de ces dernières, les fans bénéficient d’un nouveau prisme identitaire en se substituant symboliquement aux liens interpersonnels (Fournier, 1998). Cette approche repose notamment sur une capacité de l’utilisateur à rapprocher la marque de critères englobant la connexion à soi, notamment l’identification, la correspondance et l’image de soi. Cet aspect de la relation reflète le degré avec lequel la fédération entre en résonance identitaire avec l’utilisateur en lui permettant de révéler des éléments significatifs de son identité. Les fortes connectivités avec la marque via les réseaux sociaux numériques contribuent au maintien de cette relation.

En dernier lieu, une rupture d’analyse peut être observée entre les tenants du marketing relationnel prenant en compte la relation entre offreurs et demandeurs et les chercheurs considérants que le réseau social numérique constitue un lieu de rencontre entre acteurs (Vargo, Lush, 2004; Kotler et al., 2010). Ces rencontres se matérialisent par des flux différenciés entre les acteurs où la dimension humaine est mise en avant, notamment par des contenus et artefacts adaptés (Toufaily et al., 2010). Quels qu’ils soient, les acteurs ont une posture d’influence sur les médias sociaux. En effet, ils possèdent le pouvoir d’informer, le pouvoir d’interagir et le pouvoir d’inspirer (Korzynski, Paniagua, 2016). Chaque client, fan, membre, sympathisant ou licencié sportif a la possibilité d’exercer une influence sur les avis, et choix des individus de même rang, quel que soit son niveau d’expertise (Ardelet, Brial, 2011). Cette influence peut être matérialisée par les dimensions interpersonnelles et de leadership, variables selon les individus et les groupes d’intérêt auxquels ils appartiennent. Certains travaux soulignent que plus l’intensité des suiveurs d’une marque est forte, plus ces individus sont conditionnés à dépenser plus d’argent pour acheter les produits de cette marque (Beukeboom et al., 2015). Ces propos sont à nuancer en fonction de la nature de l’organisation en présence. Une fédération, n’a a priori pas pour vocation première de commercialiser des produits. Néanmoins l’observation des pages Facebook de fédérations sportives soulignent que ces dernières vont au-delà de la simple promotion de l’image de marque positive (présence de sponsors, opérations promotionnelles, etc.). Pour accompagner cette posture, la confiance est facilitée par le positionnement institutionnel de la marque fédérale sur ce support numérique.

Construction d’un modèle fondé sur la confiance pour analyser la relation entre utilisateurs et fédérations sportives sur Facebook

Les communautés construites sur la base des réseaux sociaux numériques et fondées sur les marques encouragent les consommateurs à entrer en interaction sociale en commentant, « likant » ou partageant du contenu avec leurs propres réseaux. Ces interactions jouent un rôle essentiel au niveau du bouche à oreille parce que les utilisateurs des réseaux sociaux numériques recherchent activement des contenus publicitaires et disséminent souvent des informations sur les produits et les marques à leurs réseaux sociaux (Taylor et al., 2011). Ce constat renvoie notamment aux concepts d’identification ou d’image de soi. Les travaux de Ladwein (2014) portant sur la connexion de soi à la marque permettent de comprendre la relation entre l’utilisateur et la marque sur Facebook. Pour bâtir son modèle (Figure 1), l’auteur s’est inspiré de modèles préexistants (Leary et al., 2013; Reynolds, Darden, 1971; Escalas, Bettman, 2005; Taylor et al., 2011; Flynn et al., 1996). Les composantes telles que le leadership d’opinion, la susceptibilité à l’influence interpersonnelle, et la connexion à la marque sont des variables permettant de comprendre l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook. Le besoin d’appartenance sociale, composante du modèle de Ladwein, n’est pas retenu dans la construction de notre propre modèle. En effet, le choix de fréquenter la page Facebook d’une marque fédérale n’est lié ni à l’acceptation des autres utilisateurs, ni à la peur du rejet ou de l’exclusion par les autres (éléments constitutifs du besoin d’appartenance sociale dans le modèle de Ladwein).

Figure 1

Modèle de construction de l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook

Modèle de construction de l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook
Source : Adapté de Ladwein, 2014

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Comme évoqué plus haut, les définitions de la confiance sont multiples dans le champ du marketing. Chérif-Benmiled (2011) identifie deux conceptions de la confiance. L’une est axée sur les dimensions conatives où la variable comportementale est prioritaire (Smith, Barclay, 1997; Mayer et al., 1995). L’autre est fondée sur les dimensions cognitives et affectives où la variable psychologique est prépondérante (Morgan, Hunt, 1994; Bidault, Jarillo, 1995; Sirdeshmukh et al., 2002). Puisque les médias sociaux s’inscrivent dans une logique relationnelle, ce sont les dimensions cognitive et affective qui seront privilégiées ici, notamment en se focalisant sur les attitudes et non sur les comportements. Le modèle de Gurviez et Korchia a été choisi pour deux raisons. Il permet d’abord d’inclure les différentes conceptions de la confiance en marketing. Il est par ailleurs compatible avec la plupart des auteurs ayant écrit sur le sujet, dans la mesure où ceux-ci ont participé à son évolution ou à sa construction. Pour exemple, Kumar (1996) définit la confiance en introduisant de nouvelles dimensions : le concept d’honnêteté (croyance qu’un partenaire tiendra parole et sera sincère) et celui de bienveillance. En réaction, Ganesan (1994) propose de substituer l’honnêteté par la crédibilité (la croyance dans la capacité du partenaire de réaliser son travail efficacement et sérieusement). Dans leur modèle sur la structure formative de la confiance (figure 2), Gurviez et Korchia (2002) appréhendent la confiance sous trois caractéristiques. Reprenant la bienveillance et la crédibilité des modèles évoqués précédemment, ils y ajoutent l’intégrité définie comme « l’attribution de motivations loyales à la marque quant au respect de ses promesses concernant les termes de l’échange, autrement dit de l’honnêteté de son « discours pris au sens large » (p.47).

Figure 2

Structure formative de la confiance et son effet sur l’engagement

Structure formative de la confiance et son effet sur l’engagement
Source : Gurviez, Korchia, 2002

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Le modèle proposé dans le cadre de cet article est fondé sur l’introduction des caractéristiques de la confiance dans le modèle de construction de l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook. Il existe deux raisons à ce choix. Il s’explique d’abord par le fait qu’un des objets de la présence d’une marque sur les réseaux sociaux numériques est de créer de la valeur en promouvant ses activités et ses produits. Pour autant, les médias sociaux ont pour objet premier de faciliter l’échange sur un mode relationnel et non transactionnel. La confiance est donc un élément primordial à intégrer pour faire le lien entre la marque et l’utilisateur d’une page Facebook et ce quel que soit son rôle par rapport à la fédération. Elle se légitime ensuite par le fait que la marque étudiée ne s’inscrit pas a priori dans une logique marchande. Les fédérations sportives sont des représentations institutionnelles de l’organisation du sport. Cette caractéristique de « non profit » implique donc un positionnement non transactionnel vis-à-vis du public où la relation de confiance joue un rôle essentiel. Si la plupart des références académiques traitant de la présence sur les réseaux sociaux numériques, concernent la sphère privée, force est de constater que le secteur du non profit ou de la sphère publique sont confrontés aux mêmes problématiques relationnelles. Le questionnement se situe au niveau de la révélation de l’objet et donc de la perception par l’utilisateur des contenus et objectifs de la marque, en l’occurrence ici des fédérations sportives. Le modèle développé dans le cadre de cette étude est fondé sur les trois composantes de la confiance issues du modèle de Gurviez et Korchia (2002) : la bienveillance, l’intégrité et la crédibilité. L’objet de l’étude est de mesurer l’influence de ces trois variables sur l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook. A ces fins, trois autres variables intermédiaires issues du modèle de Ladwein (2014) seront mobilisées : le leadership d’opinion, la susceptibilité à l’influence interpersonnelle et la connexion de soi à la marque.

Compte tenu du modèle (figure 3), les hypothèses de recherche s’articulent autour des variables de la confiance pour analyser la relation entre la fédération sportive et les utilisateurs de sa page Facebook. Les hypothèses H1 portent sur la crédibilité, H2 sont relatives à l’intégrité et H3 concernent la bienveillance. Le corpus d’hypothèse se présente comme suit :

H1a : La perception de la crédibilité de la fédération sportive (CRE) améliore l’attitude des utilisateurs à l’égard de la publicité sur Facebook (AEP). Les fédérations sont perçues comme des organisations officielles. Les informations qui sont diffusées par ces dernières sur les médias sociaux, sont présentées comme sérieuses afin de donner à la marque fédérale une crédibilité (Inoue, Kent, 2012). Ces informations ne sont légitimes que parce que leur provenance est garantie. Avec une confiance ainsi établie, les fédérations sportives peuvent envisager de nouvelles formes de relations partenariales avec les utilisateurs des pages Facebook. Ainsi, des liens marchands directs ou indirects peuvent apparaître via des partenaires présentés sur leurs propres pages. La fédération sportive sort alors de son rôle traditionnel en jouant un rôle prescriptif.

H1b : La perception de la crédibilité de la fédération sportive (CRE) influe sur le leadership d’opinion des utilisateurs (LOP). La légitimité de la page Facebook de la fédération issue de son statut officiel peut provoquer dans le cadre d’une relation interactive avec les utilisateurs, une réaction fondée sur l’estime de soi (Mc Alexander et al., 2002; Iyengar et al., 2011). La dimension institutionnelle de la fédération sportive, apporte une fiabilité des informations qu’elle véhicule et dote les acteurs qui interagissent avec cette information d’une qualité de « spécialiste » (même autoproclamée). Le caractère officiel véhiculé par la page Facebook des fédérations sportives constitue un leitmotiv supplémentaire pour les utilisateurs actifs. Ces leaders d’opinion supposés partagent leurs commentaires et augmentent le périmètre d’influence de la fédération sportive (par le partage de contenus sur leur propre page Facebook).

H1c : La perception de la crédibilité de la fédération sportive (CRE) influence la connexion de soi à la marque fédérale pour les utilisateurs (CSM). Le sérieux présupposé des pages Facebook de la fédération peut amener un utilisateur (fan de l’équipe nationale ou licencié sportif) à s’identifier à cette institution via les activités qu’elle propose et plus généralement sa proposition sur Facebook. Les concepts de passion, de croyance, d’estime et de camaraderie sont mobilisés pour entretenir le lien entre utilisateurs et marque fédérale (Stavros et al., 2014). La connexion à soi se traduit par l’identification à la marque fédérale, la compatibilité de l’image de la fédération avec l’image de soi ainsi que la correspondance de la marque à soi-même et à ses propres attentes.

H1d : La perception de la crédibilité de la fédération sportive (CRE) augmente la susceptibilité à l’influence interpersonnelle des utilisateurs (INF). Le partage avec les autres utilisateurs peut être recherché dans le cadre d’une connexion sur la page Facebook de la fédération. Cette hypothèse est fondée sur les travaux de Kotler et al. (2010) portant sur l’influence de l’expérience des autres dans l’acte de consommation, ce dernier étant ici assimilable à l’offre de la fédération sportive. Cette hypothèse est à lier aux travaux portant sur la qualité des relations interpersonnelles et l’utilisation de Facebook (Camirand, Poulin, 2016; Zemborain, Johar, 2007).

H2a : La perception de l’intégrité de la fédération sportive (INT) améliore l’attitude des utilisateurs à l’égard de la publicité sur Facebook (AEP). La perception de la sincérité, de l’honnêteté et de l’intérêt porté par la fédération à ses utilisateurs peut influer favorablement sur l’attitude de ces derniers par rapport à la marque fédérale. L’attitude peut être assimilée à un sentiment positif ou non, préalable à l’interaction. Pour ce faire, les fédérations travaillent leur positionnement éthique à quatre niveaux (Bayle, Mercier, 2008) : axiologique (valeurs fédérales), déontologique (règles), ontologique (mission de la fédération) et téléologique (orientations et finalités). La rencontre des utilisateurs et de la marque fédérale se traduit par des likes ou des commentaires pouvant in fine déboucher sur un comportement ad hoc (adhésion, achats, etc.).

H2b : La perception de l’intégrité de la fédération sportive (INT) influe sur le leadership d’opinion des utilisateurs (LOP). La perception de la capacité de la fédération à promettre ce qui sera tenu, peut favoriser chez les utilisateurs une volonté d’interférer dans le processus relationnel (Popp, Woratschek, 2016). Ainsi, l’enrichissement de la page Facebook de la fédération par les fans ou les licenciés sportifs traduirait ce besoin d’être considéré comme un véritable partenaire, tantôt relai d’opinion, tantôt interlocuteur de la fédération.

H2c : La perception de l’intégrité de la fédération sportive (INT) influence la connexion de soi à la marque fédérale pour les utilisateurs (CSM). Derrière la perception de l’intégrité de la fédération, son authenticité (Pronschinske et al., 2012) permet de faire le lien avec le sentiment d’appartenance à la marque. Cette hypothèse met davantage en évidence un prisme identitaire du fan ou du licencié sportif, bâti sur de nouveaux fondements définis par la marque fédérale (Fournier, 1998).

H2d : La perception de l’intégrité de la fédération sportive (INT) augmente la susceptibilité à l’influence interpersonnelle des utilisateurs (INF). La perception de la sincérité, de l’honnêteté et de l’intérêt porté par la fédération à ses utilisateurs peut favoriser la participation de ces derniers sur les pages Facebook. Cela se traduit par la recherche de l’opinion des autres utilisateurs (Kai-Chieh et al., 2017) ou par une évolution du comportement vers plus de participation en apportant notamment du contenu comme des photos ou des vidéos. Cette situation se comprend dans la mesure où Facebook est orienté à la fois vers l’amitié et vers soi-même (Stenger, Coutant, 2013).

H3a : La perception de la bienveillance de la fédération sportive (BIE) améliore l’attitude des utilisateurs à l’égard de la publicité sur Facebook (AEP). L’attention des utilisateurs aux informations délivrées sur les pages Facebook de la fédération peut engendrer une attitude positive à l’égard de la publicité. Cette dernière peut être motivée par la diffusion d’informations impliquant notamment un bénéfice personnel (Sabate et al., 2014). Dans le cas d’une fédération sportive, ce bénéfice peut être selon les cas, matériel (promotions, offres, etc.) ou immatériel (comptes rendus, photos, vidéos, etc.).

H3b : La perception de la bienveillance de la fédération sportive (BIE) influe sur le leadership d’opinion des utilisateurs (LOP). La perception par les utilisateurs des réponses à leurs attentes peut accélérer leur motivation à vouloir interférer sur les pages Facebook de la fédération. Cette hypothèse relie l’attitude positive de la marque fédérale à la capacité des fans ou licenciés sportifs à vouloir détenir une influence, cette dernière pouvant prendre la forme de l’expertise sur le média social. Ce rôle des intervenants participe à la co-construction de contenu développée par Brodie et al. (2011). Il s’agit ici de mettre en lumière une posture relationnelle où la marque fédérale se servirait de l’expertise de ses utilisateurs pour améliorer sa popularité.

H3c : La perception de la bienveillance de la fédération sportive (BIE) influence la connexion de soi à la marque fédérale pour les utilisateurs (CSM). La perception d’une attitude apportant des solutions aux utilisateurs peut pousser ces derniers à s’identifier à la fédération via les activités qu’elle propose et plus généralement par sa proposition d’informations et de services sur Facebook. Pour ce faire, la fédération sportive aspire à mieux connaître les utilisateurs (Abeza et al., 2013), afin de proposer des informations continuellement à jour sur les médias sociaux et tout faire pour répondre aux attentes des utilisateurs.

H3d : La perception de la bienveillance de la fédération sportive (BIE) augmente la susceptibilité à l’influence interpersonnelle des utilisateurs (INF). La perception de la bienveillance incite les utilisateurs à partager dans leurs réseaux interpersonnels des informations issues de la page Facebook de la marque fédérale. La dimension virale intervient ici pour expliquer la propagation des informations. Cette hypothèse fait référence aux travaux relatifs à la « viralité » sur les médias sociaux, notamment à la redéfinition du concept de bouche à oreille (e-wom). Celui-ci permet en effet une accélération de la diffusion de l’information et un élargissement de la cible (Shu-Chuan, Kim, 2011; Hennig-Thuriau et al., 2004; Relling et al., 2016).

Afin de comprendre la démarche, il convient de développer les éléments méthodologiques, qui ont permis de construire ce modèle.

Figure 3

Construction d’un modèle fondé sur la confiance pour comprendre la relation entre les utilisateurs et les fédérations sportives sur Facebook

Construction d’un modèle fondé sur la confiance pour comprendre la relation entre les utilisateurs et les fédérations sportives sur Facebook
Source : Les auteurs

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Méthodologie de l’étude

Cette étude est fondée sur une enquête quantitative. Seront abordées successivement, le processus de collecte de données et l’échantillonnage, l’élaboration du questionnaire et la méthode de traitement des résultats.

Collecte de données et échantillonnage

La démarche hypothético-déductive a nécessité de recourir à une enquête par questionnaire. Pour certains auteurs, l’économie de temps et d’efforts de collecte de données est corrélée positivement avec l’administration en ligne des questionnaires (Aragon et al., 2000; Cobanoglu et al., 2001; Ganassali, Moscarola, 2004). En plus de cet argument, le choix de l’auto-administration en ligne des questionnaires se légitime par le nombre conséquent d’enquêté et leur présence éclatée sur le territoire. L’outil d’administration Google Form a été choisi avec pour objectif que le répondant ait une plus grande autonomie tout en évitant les biais de cette méthode d’enquête (peu de variation dans les réponses, lassitude de l’enquêté, etc.).

Qu’ils portent sur leur gouvernance (Zintz, Vailleau, 2008) ou sur leur professionnalisation (Siegfried et al., 2015), les travaux relatifs à l’analyse des fédérations sportives montrent une certaine hétérogénéité des situations. La Fédération Française de Sport Universitaire (FFSU) est une fédération omnisport ciblant les étudiants pratiquant la compétition dans le cadre de leurs études supérieures. Le choix de ce terrain d’étude garantit une certaine homogénéité des répondants dans leurs relations avec les médias sociaux (plutôt jeunes ou en lien avec les jeunes) et avec la marque fédérale. Pour cette étude, la détermination de l’échantillon retenu résulte de la compilation de base de données regroupant des jeunes adultes ayant fréquenté l’université et dont la variable commune est l’appétence pour la pratique sportive (étudiants dans les formations liées au sport, licenciés de fédérations sportives). Sur la base d’un échantillonnage aléatoire, le fichier initial se compose de 1500 licenciés de la FFSU. Ce public, âgé de 18 à 30 ans est réparti sur l’ensemble du territoire français. Chaque individu a reçu un courriel l’invitant à répondre au questionnaire en ligne. Avant d’administrer le questionnaire à l’ensemble de l’échantillon, une phase de pré-test[1] sur 100 individus a été mise en oeuvre afin d’affiner le contenu du questionnaire. Ce pré-test a été adressé à des étudiants, sujets mobilisés le plus souvent pour accéder rapidement et à moindre coût à des échantillons de répondants. Un grand nombre de recherches empiriques ont été réalisées à partir d’échantillonnage d’étudiants, car ils présentent une grande homogénéité sociodémographiques (Peterson, 2001; Butori, Parguel, 2010). Leur mise à contribution autorise donc un meilleur contrôle du bruit induit par un certain nombre de variables exogènes et renforce la validité interne des résultats obtenus (Calder et al., 1981). Néanmoins, les étudiants affichent un certain nombre de spécificités psychologiques et sociales, parmi lesquelles un concept de soi moins bien formulé et des attitudes moins fermes (Sears, 1986). Ce biais a été pris en compte lors de la phase d’administration du questionnaire final[2] par la mobilisation d’un public plus large de licenciés sportifs.

Elaboration du questionnaire

Le questionnaire de cette étude est structuré autour des variables du modèle précédemment décrit. Sont successivement abordés : le leadership d’opinion, la susceptibilité à l’influence interpersonnelle, la connexion de soi à la marque, l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook, la confiance via les items de la crédibilité, de l’intégrité et de la bienveillance. Le questionnaire pour cette étude est principalement construit autour de questions fermées à échelle. Il a été choisi de formuler les réponses possibles autour d’une échelle de jugement (likert en cinq points de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord »).

La définition des éléments de la confiance reprend de manière fidèle les travaux de Gurviez et Korchia (2002) en identifiant trois items pour la crédibilité, trois items pour l’intégrité et deux items pour la bienveillance (annexe 1). L’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook est mesurée par quatre items dont trois proviennent du modèle de Ladwein (2014). Ce modèle étant plus focalisé sur une logique marchande, une adaptation aux fédérations sportives a paru nécessaire. Un item a donc été créé concernant la perception par les utilisateurs des liens existant entre la fédération sportive et ses partenaires commerciaux sur la page Facebook. Le leadership d’opinion (deux items) et la connexion de soi à la marque (quatre items) reprennent à l’identique le modèle de Ladwein. Pour la susceptibilité à l’influence interpersonnelle, les deux items du modèle sont repris (la recherche de l’opinion des autres et la sécurité apportée par celle-ci). Pour autant le modèle ne prend pas en compte les variations de l’intensité de l’activité sur les pages Facebook. Or, cette « connectivité », demeure un facteur important de la participation des usagers sur Facebook (Quan-Haase, Young, 2010, p.355). Ce modèle ajoute donc un item sur l’évolution de son propre comportement sur Facebook.

Méthodologie de traitement des résultats

La méthode des équations structurelles a été retenue pour tester le modèle conceptuel présenté plus haut (Zouabi, Kammoun, 2016). La méthodologie de traitement des résultats suit celle utilisée par Ali et al. (2016). Cette étude, utilisant le logiciel SmartPLS 3, est fondée sur un modèle d’équations structurelles avec l’approche PLS (Partial Least Squares). Cette approche, qui n’est pas fondée sur les covariances, permet de prendre en compte les variables formatrices (Pupion, 2012). Plusieurs raisons ont milité pour ce choix. La principale raison tourne autour de la taille de l’échantillon réduite des répondants (124 individus). Mais d’autres raisons peuvent être évoquées, notamment lorsque les applications ont peu de théorie disponible ou lorsque la spécification du modèle correct ne peut pas être assurée (Kwong, Wong, 2013).

En outre, cette recherche se concentre sur les variables formatrices de l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook, du leadership d’opinion, de la susceptibilité à l’influence interpersonnelle et de la connexion de soi à la marque (Ladwein, 2014) au moyen des dimensions de la confiance (Gurviez, Korchia, 2002). Cette étude appelle à l’utilisation de l’approche PLS d’un modèle d’équation structurelle comme une démarche orientée sur la prédiction (Rigdon, 2012; Tenenhaus, 1998). En effet, Les hypothèses formulées plus haut peuvent être représentées sous la forme de relations de causalité entre des variables, quantifiées par des coefficients. Enfin, il convient de souligner que l’utilisation de l’approche PLS correspond dans cette étude à une analyse pouvant être qualifiée d’exploratoire de par l’échantillon limité, la jeunesse du sujet d’étude, la multiplicité des variables concernées et le caractère inter-organisationnel de la problématique (Fernandes, 2012; Sosik et al., 2009).

Analyse des données et résultats

Les réponses au questionnaire ont fait l’objet d’un traitement statistique. Le tableau 1 présente les résultats par genre et par intérêt à la page Facebook des fédérations. Il est à souligner qu’il ne s’agit en aucune manière d’une assimilation aux licenciés de ces fédérations.

Fiabilité et validité du modèle de mesure

Comme le montre le tableau 2, les résultats soulignent la fiabilité du modèle. La fiabilité et la cohérence interne est assurée par des indices de fiabilité composite (CR : composite reliability) bien supérieurs à 0,7 comme préconisé par Hair et al. (2011). La fiabilité du construit est fondée sur l’examen des corrélations (loadings). Ces dernières doivent également être supérieures à 0,7 (Hair et al., 2011). Dans ce cas précis, seulement deux d’entre elles se situent légèrement en dessous de ce chiffre (CRE1 et CSM2). Ces résultats n’ont pas de conséquence dans la mesure où le calcul de l’alpha de Cronbach (α) et du rhô A (ρA), dépassent tous ce seuil de 0,7 (Dijkstra, Henseler, 2015a; 2015b). La validité convergente est assurée. Elle est mesurée par la variance moyenne extraite (AVE) systématiquement supérieure à 0,5 (Hair et al., 2011).

Tableau 1

Description de l’échantillon

Description de l’échantillon
Source : Les auteurs

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Tableau 2

Modèle de mesure

Modèle de mesure

Note : SL = Standardized Loading; CR= Composite Reliability; α=alpha de Cronbach; ρA = rhô A; AVE= Average Variance Extracted

Source : Les auteurs

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La validité discriminante est vérifiée au moyen de plusieurs outils (tableau 3). La variance moyenne extraite (AVE) d’un construit doit être supérieure au carré des corrélations entre ce construit et toute autre variable latente présente dans le modèle (Fornell, Larker, 1981). C’est le cas ici pour toutes les variables en observant les valeurs diagonales du tableau 2 supérieures aux éléments sous la diagonale représentant les corrélations entre variables latentes. Les ratios hétérotrait-monotrait des corrélations (HTMT) doivent être inférieurs à 0,85 (Henseler et al., 2015). Ce critère est vérifié sauf pour une valeur (le ratio entre BIE et INT). Cette observation n’a pas d’incidence sur la validité du modèle, dans la mesure où ces deux variables sont constitutives de la confiance et incluses initialement dans le modèle développé par Gurviez et Korchia (2002). Elles ne constituent ni une hypothèse, ni une relation essentielle à la compréhension du modèle.

Structure du modèle

La qualité d’ajustement du modèle est appréciée par deux indicateurs : le SRMR et le R² ajusté (Tableau 4). Le SRMR (Standardized Root Mean Square Residual) est un indice d’ajustement absolu, défini comme la différence standardisée entre la matrice de covariance observée et celle prédite par le modèle. Le SRMR est ici proche de la limite acceptable de 0,10 (Hooper et al., 2008). Le pouvoir explicatif du modèle est modéré, comme en atteste le R2 de l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook (R²AEP = 53,2 %). Il l’est également pour la connexion de soi à la marque (R²CSM = 40,3 %). Il est en revanche faible pour les deux autres variables (INF et LOP).

L’hypothèse H1 est totalement validée sur a, b, c et d. La crédibilité est donc un élément majeur de la confiance (figure 4). Sur l’intégrité, seule l’hypothèse H2c est validée. L’intégrité a donc une influence significative sur la connexion de soi à la marque. Cette dernière semble d’ailleurs la seule variable du modèle de Ladwein (2014), à posséder une influence manifeste sur l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook. Enfin, la bienveillance détient également une influence significative sur AEP puisque H3a est validée. Toutes les variables de la confiance sont donc reliées à AEP de manière directe (BIE et CRE) ou de manière indirecte (INT via CSM). La validation de ces hypothèses montre donc bien le lien entre chacun des éléments de la confiance et l’AEP soulignant ainsi le rôle de l’infiltration dans la relation entre la marque et les utilisateurs sur Facebook.

Tableau 3

Eléments de validité discriminante

Eléments de validité discriminante

Source : Les auteurs

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Tableau 4

Résultats des tests

Résultats des tests

Source : Les auteurs

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Figure 4

Résultats confirmatoires de la validité des hypothèses

Résultats confirmatoires de la validité des hypothèses
Source : Les auteurs

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Discussion et voies futures de recherche

L’objectif de cet article est d’apporter une contribution à l’étude des relations entre les utilisateurs et les structures non marchandes (fédérations sportives) sur les médias sociaux. La discussion s’articule autour de trois points principaux : la crédibilité comme élément de confiance, la spécificité de l’influence dans le cadre du non marchand et l’identification à la marque des utilisateurs. Celle-ci sera suivie d’une partie consacrée aux limites, recommandations et perspectives issues de cette étude.

La crédibilité, un déterminant de la confiance essentiel sur les pages Facebook des fédérations sportives

Parmi les éléments de la confiance développés par Gurviez et Korchia (2002), la crédibilité constitue le seul déterminant pour lequel toutes les hypothèses du modèle fondé sur la confiance pour comprendre la relation entre les utilisateurs et les fédérations sportives sur Facebook ont été validées. Ces résultats semblent logiques dans la mesure où la nature des relations existant entre les fédérations et leurs utilisateurs diffère singulièrement de celle observée dans le cadre de la sphère marchande. Sirieix et Dubois identifiaient déjà en 1999, la crédibilité et l’intérêt porté à la satisfaction de la clientèle comme des marqueurs de la croyance vis-à-vis de la marque avant l’intention d’achat. Mais par définition le non profit ne répond pas au fonctionnement de l’économie de marché classique. L’essentiel de l’activité d’une fédération est fondé sur le développement d’une pratique sportive. L’information tient un rôle de premier ordre et le caractère unique d’une fédération sportive implique dans la relation avec sa communauté une dimension de nature institutionnelle.

Le caractère représentatif des fédérations sportives, bénéficiant d’une meilleure confiance (Horne, 2009), milite pour une unicité de relation avec les utilisateurs de la page Facebook fédérale. Les résultats obtenus dans cette étude sont conformes à ceux d’Eisend (2002), qui définit deux dimensions de la crédibilité : la fiabilité et la compétence. La fiabilité, croyance que la marque fournit une information honnête et sincère, semble particulièrement adaptée pour définir la relation entre l’utilisateur et la fédération sportive sur Facebook. La compétence, connaissance et expérience de la source, valide la crédibilité acquise par la marque fédérale. On comprend dès lors la validation du lien avec le leadership d’opinion (où les utilisateurs se transforment en influenceurs), la connexion de soi à la marque (où les utilisateurs s’identifient à la fédération) et l’influence interpersonnelle (où les utilisateurs sont dépendants des autres utilisateurs). De même, le lien entre la crédibilité et l’attitude à l’égard de la publicité est validé dans la mesure où la fédération peut jouer un rôle prescriptif, y compris dans des domaines où cette dernière n’est pas spécialiste, notamment avec des liens orientés vers des partenaires.

Une influence de nature différente sur les pages Facebook d’une organisation non marchande

Comme indiqué plus haut, les relations entre la crédibilité et les variables « leader d’opinion » et « susceptibilité à l’influence interpersonnelle » sont validées. Pour autant ces deux variables ne semblent pas jouer le rôle de variable intermédiaire par rapport à l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook. Il en va naturellement de même pour l’intégrité et la bienveillance. Déjà dans son modèle, Ladwein (2014) soulignait la relation non significative entre le leadership d’opinion et l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook. Avec la même relation pour la susceptibilité à l’influence interpersonnelle, ce constat modère l’idée défendue par Ardelet et Brial (2011) selon laquelle les individus ont une influence les uns sur les autres sur Facebook. Force est de constater que ces influences impactent peu les relations utilisateurs-fédérations sportives. En réalité, il semble que la spécificité du non marchand joue pleinement son rôle.

Les fédérations sportives ont un rôle de représentation et son identifiées comme telles. N’ayant pas d’activité marchande directe, au sens où l’essentiel de leur activité est fondé sur la promotion du sport, elles ne suscitent donc pas d’intervention de la part des utilisateurs sur Facebook, limitant ainsi la dimension co-créative soulignée par Vargo et Lusch (2004). Il convient de souligner à ce niveau d’analyse que les fédérations sportives sont des instances politiques qui par nature, ne laissent que peu d’espace de communication à une potentielle opposition. Comme le soulignent certains travaux (Pronschiske et al., 2012), les marques sportives (incluant les marques fédérales), n’utilisent pas tout le potentiel disponible sur les médias sociaux. Ce comportement des fédérations sportives est à rapprocher du rôle limité des influenceurs souligné plus haut.

Le rôle fondamental de la connexion de soi à la marque dans la relation entre les fédérations sportives et leurs utilisateurs sur Facebook

Comme pour le modèle de Ladwein (2014), la connexion de soi à la marque constitue un élément central dans l’analyse des relations entre les fédérations sportives et les utilisateurs de leurs pages Facebook. Elle constitue une variable intermédiaire de l’intégrité et de la crédibilité sur l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook. L’identification à la marque fédérale y revêt un rôle fondamental, notamment grâce aux équipes sportives nationales très suivies sur les pages des fédérations sportives. Les travaux portant sur une typologie de fans de Helme-Guizon et Magnoni (2013) trouvent ici un écho particulièrement adapté, bien que les utilisateurs de pages Facebook ne soient pas réduits aux fans. Quel que soit le type de fan envisagé, les actions mises en place sur les pages Facebook par les fédérations sportives sont tournées vers cette identification à la marque fédérale. Dans la mesure où les résultats de cette étude montrent une influence significative de la connexion de soi à la marque fédérale sur l’attitude à l’égard de la publicité, il semble que la dimension affective soit très présente. En reprenant la typologie de Helme-Guizon et Magnoni, la recherche de sentiments pour les utilisateurs « passifs », l’offre de bénéfices concrets pour les utilisateurs « intéressés », la proposition de divertissements pour les utilisateurs « fun », l’accès à des privilèges pour les utilisateurs « délaissés » et l’offre de récompenses pour les utilisateurs « modèles » sont autant de moyens permettant aux fédérations sportives d’entretenir leur relation avec les utilisateurs sur Facebook. De même, les travaux de Stavros et al. (2014) portant sur les motivations des fans sur les médias sociaux permettent de préciser la nature de l’identification à la marque. Ainsi, pour ces auteurs, les catégories de motivation mobilisables relèvent de la passion, de l’espoir, de l’estime et de la socialisation.

Recommandations managériales

Les medias sociaux ne sont pas de simples outils de communication au service des organisations non marchandes. L’utilisation d’une page Facebook pour les fédérations sportives constitue une innovation majeure dans la communication d’une organisation institutionnelle non marchande. La discussion du modèle proposé suggère un certain nombre de recommandations managériales.

La page Facebook est un support permettant de diffuser des informations qui présentent les missions de la fédération (intérêt général), et les valeurs de son équipe nationale. Certains services peuvent se « virtualiser », en ce sens que le prestataire fournit une simulation restituant une information conjointement associée à l’utilisation d’un service, et non plus le service lui-même. Il peut par exemple s’agir de l’utilisation de « Facebook Live », qui peut proposer des visites virtuelles en direct des vestiaires avant un match. Ainsi, le renforcement de la communication construite autour des valeurs de l’équipe nationale, légitime son utilité sociale auprès des usagers. Sur cette base, il est recommandé aux fédérations sportives de développer les contenus autour des équipes sportives nationales, base de la connexion à soi dans la relation de confiance avec les utilisateurs.

Par ailleurs, au regard de la faiblesse du lien entre l’intégrité et l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook, les fédérations sportives sont amenées à être plus vigilantes quant au contenu des posts publiés, en privilégiant des informations de nature à renforcer l’identité institutionnelle de la marque et ses valeurs. Il s’agit d’éviter les thèmes polémiques pouvant générer du contenu incohérent (insultes, etc.) avec les objectifs de communication des fédérations sportives. Ce travail nécessite un suivi sur un temps long. Seules les grandes fédérations disposent d’une personne à temps plein pour gérer ces sujets. Il est recommandé aux fédérations sportives qui ne s’en sont pas encore dotées, de recruter un community manager dont l’activité sera consacrée notamment à la veille sur les réseaux de l’image de marque de la fédération.

La plupart des réseaux sociaux sont ouverts et encouragent les commentaires et le partage de connaissance. L’information sur Facebook se diffuse aussi bien horizontalement que verticalement. Cet espace de communication donne lieu au développement de pratiques communicationnelles spécifiques, entre publications et commentaires. La particularité de ces échanges réside dans les interactions instantanées et différées (asynchrones). Ce processus de communication cristallisé par les pages Facebook des fédérations sportives ne concerne plus uniquement des demandes d’information sur les services proposés par ces organisations. C’est la preuve que ces dernières, ont su créer un véritable lien partenarial en se focalisant sur la crédibilité perçue par les utilisateurs. Ce déterminant de la confiance, permet de dépasser le processus classique de communication institutionnelle afin de développer, une activité de promotion et de conseil en mettant en avant ses partenaires (vidéo de l’équipe de France arborant les couleurs d’un nouvel équipementier, etc.). Il est recommandé aux fédérations sportives d’utiliser la crédibilité et l’intégrité qui leur est naturellement associée, pour actionner le levier commercial tout en veillant à ce que cette activité soit toujours perçue comme secondaire aux yeux des utilisateurs de la page Facebook.

La communication interpersonnelle sur les réseaux sociaux permet notamment d’améliorer son efficacité grâce à l’interactivité de l’interface numérique. La fédération sportive sur sa page Facebook s’efforce d’instaurer un climat propice à la discussion. Pour cela, elle est contrainte à une plus grande proximité des utilisateurs fréquentant sa page Facebook et à un contact le plus régulier possible. L’interactivité se crée alors en conseillant les utilisateurs et surtout en les invitant par des questions directes à s’exprimer sur les posts publiés sur la page. Cette communication rend possible la création de contacts plus directs avec les utilisateurs et permet de créer une interaction (feedbacks). Avec ces outils, il ne s’agit pas d’imposer des objectifs prédéterminés, mais de générer des échanges et des débats en vue de déterminer de manière partagée les objectifs de l’activité. La production d’informations n’est pas pensée isolément des acteurs. Différents outils peuvent permettre de redéfinir la relation entre les fédérations et les utilisateurs sur la page Facebook afin de favoriser l’interactivité (story telling, jeux concours, vidéos, etc.). Cette interactivité peut être facilitée par l’originalité et la qualité des contenus (viralité, teasing, etc.) ainsi que par la permanence quotidienne d’activité (présence récurrente sur le fil d’actualité des utilisateurs). Ainsi, l’intérêt majeur des médias sociaux ne réside pas dans la technicité de leurs plateformes, mais plutôt dans les manières créatives qu’ont les usagers de les utiliser (Millerand et al., 2010). Il est ainsi recommandé aux fédérations sportives de mieux utiliser le potentiel disponible sur Facebook afin de diversifier les contenus et les origines des contenus.

Conclusion, limites et voies de recherches

Les recherches en marketing centrées sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont fréquemment analysé les rapports entre l’utilisateur, la machine, et la marque. Face à ce que certains qualifient de déclin des institutions de socialisation et de perte de repères communautaires, l’utilisation massive des réseaux sociaux numériques semble s’expliquer par la connexion de soi à la marque. Ainsi, les opportunités offertes par la modernisation des processus de communication sur Facebook, amènent les institutions fédérales à se questionner sur les déterminants de la confiance et sur leurs applications managériales dans la relation aux utilisateurs. Cet article portant sur les déterminants de la confiance dans la relation entre les fédérations sportives et les utilisateurs de leur page Facebook a montré que la crédibilité était l’élément de la confiance le plus à même à influer sur les variables du modèle de Ladwein. Il a également souligné l’importance de la connexion de soi à la marque dans l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook. Il a enfin montré que les variables d’influence du modèle de Ladwein sont peu significatives dans le lien avec l’attitude à l’égard de la publicité sur Facebook, ce qui peut constituer une spécificité du non marchand.

Cette recherche comporte toutefois quelques limites. Ainsi, le questionnement a été réalisé sur une population ayant pour référence des fédérations sportives différentes. Ces fédérations sont diversement engagées dans la présence sur Facebook. Si les pages existent, les contenus sont plus ou moins développés. Les réponses des utilisateurs ont donc été impactées par la perception de ces pages, même si les recommandations tiennent compte de cette difficulté. Par ailleurs, la perception de la confiance peut être évolutive avec le temps à mesure que les médias sociaux se développent et que le monde fédéral s’empare de ce media.

En dehors de la fonction de médiation et d’information, la page Facebook des fédérations sportives, est dotée d’une légitimité inhérente à son positionnement. Elle est chargée de véhiculer les valeurs ainsi que les objectifs de l’organisation. Elle constitue un pivot de l’organisation dans sa relation avec les utilisateurs. Au vu des résultats de cette étude, il est possible d’évoquer la notion d’infiltration comme une stratégie plausible pour expliquer la volonté d’obtenir des renseignements sur l’attitude des utilisateurs des réseaux sociaux numériques par un comportement partenarial non intrusif de la marque. En effet, le terrain des médias sociaux, mutualisant la vie personnelle des utilisateurs avec des environnements marchands et institutionnels, semble particulièrement bien adapté au développement de cette stratégie. Les capacités de dilution, de diffusion et de rapidité de transmission de l’information alliées aux fonctionnalités de traitement et de réseautage de ces plateformes semblent un terrain d’étude extrêmement porteur pour le développement d’une nouvelle typologie de relation entre les marques et les utilisateurs.