McGill Law Journal Annual Lecture SeriesConférence annuelle de la Revue de droit de McGill

McGill Law Journal Annual Lecture 2011Conférence annuelle de la Revue de droit de McGill 2011[Notice]

  • Carlos Fuentes

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  • Carlos Fuentes
    Professor-at-Large in Hispanic Studies, Brown University

Citation: (2011) 56:4 McGill LJ 1189

Référence : (2011) 56 : 4 RD McGill 1189

This speech was delivered as the McGill Law Journal Annual Lecture at the Faculty of Law, McGill University on 30 March 2011.

Editor’s Note

Much as with the work of Sergei Eisenstein—the famous Soviet filmmaker alluded to below by Carlos Fuentes—this lecture provides us with a montage of Fuentes’ life experiences, with a particular focus on how they may find resonance in the area of transsystemic law, and the non-traditional legal pathways that these studies may lead to. At a young age Fuentes was exposed to both the formal study of law as well as the less formal realms provided by his own undertakings and explorations into literature. The interplay between these two apparent opposites produced a concrete understanding of society, the law, and the world it is applied to.

It is important for students and practitioners of law to understand the global importance and applicability of our field. To that end, it is edifying to hear from a multidisciplinary scholar who has transcended his legal education, while still carrying with him his early formation in law. This lecture can be read as a serious look at the life of a literary genius, or as a postmodern pastiche that seeks to lay a series of questions in front of the reader alongside the responsibility of piecing the answers to such questions together for oneself. In the recent tradition of bringing unorthodox speakers to the McGill Law Journal’s Annual Lecture with something unique to say about the state and culture of law, rather than purely the theory of it, we are pleased to present our transcription of this thoughtful address from Mr. Carlos Fuentes.

Mot de la Rédactrice

À l’image de l’oeuvre de Sergei Eisenstein — le réalisateur de films soviétique dont Carlos Fuentes fait mention ci-dessous — cette conférence nous offre un montage des expériences de vie de Fuentes. Il s’agit d’un amalgame entre ses expériences, l’étude transsystémique du droit et les parcours non traditionnels auxquels des études en droit peuvent mener. Dès un jeune âge, Fuentes fut exposé aux aspects formels et informels de l’étude du droit grâce à ses propres initiatives et explorations littéraires. L’interaction entre ces deux notions, lesquelles peuvent, à première vue, paraître opposées, a résulté en une compréhension concrète de la société, du droit et du monde que celui-ci régit.

Il est important pour les étudiants et pour les praticiens du droit de comprendre l’importance et la pertinence de notre domaine. Il est donc utile de tendre l’oreille aux propos d’un intellectuel multidisciplinaire qui est allé au-delà de sa formation juridique sans pour autant la délaisser. Cette conférence peut être interprétée soit comme un regard sérieux que l’on pose sur la vie d’un génie littéraire, soit comme un pastiche postmoderne qui présente au lecteur une série de questions auxquelles il doit répondre par lui-même. La tradition veut que le Conférencier annuel de la Revue de droit de McGill ait un point de vue unique non seulement sur la théorie du droit, mais aussi sur l’état et la culture de celui-ci. C’est donc avec plaisir que nous vous présentons la transcription de la conférence de M. Carlos Fuentes.

Je remercie Sara Ross, tout d’abord. Señoras y señores, ladies and gentlemen, mesdames et messieurs, bonsoir. Je vais parler en français, et aussi en anglais, eh ? Un peu en espagnol aussi. C’était Don Alfonso Reyes, qui était un grand écrivain, mais aussi avocat. Donc, je suis allé voir Don Alfonso Reyes, qui était considéré par Jorge Luis Borges, comme le plus grand prosateur de la langue espagnole, et je lui ai dit non, non, non, je veux être écrivain pas avocat. Il m’a dit, « Écoute, nous sommes tous des petites tasses de café. Si tu prends la tasse comme ça, tu vas te brûler les doigts. Il faut la prendre par la anse. Alors la anse au Mexique, c’est Señor Licenciado, Monsieur l’avocat. Si tu n’as pas ça, tu es foutu ». Il a cité Goethe, quand il [a] dit ça [...] et [...] j’étais obligé d’étudier le droit contre les désirs de mon coeur. Alors, j’étais inscrit à la Faculté de droit, au centre de la ville de Mexico, San Ildefonso. Je prenais mon temps, j’habitais près de l’Ange de l’Indépendance. Et dans la route, je m’arrêtais à la librairie britannique — il y avait plus de libraries spécialisées à Mexico à ce temps-là — à la librairie britannique, puis je m’arrêtais à la librairie française, puis à la librairie américaine, puis à la librairie espagnole, qui était la seule où on ne pouvait pas toucher les livres. Il y avait des gens presque armés là, qui vous empêchaient si vous achetiez le livre, ou bien, sinon, touchez pas. Et j’arrivais au centre de Mexico — le Zócalo, la Place de la Constitution. Là même, j’avais une sensation étrange. J’étais dans le centre de ce qui a été la ville Aztec, la ville indienne avant la conquête espagnole. Le centre d’une ville fondée en 1325, la ville la plus ancienne — vivante — la plus ancienne du côté nord américain. Là où je voyais la cathédrale catholique, il y avait eu le grand Teocalli de la religion Aztec ; là où il y avait le palais du président, il y avait le palais de Montezuma, l’empereur avec ses nains, ses albinos ; et là où il y avait la mairie de Mexico, il y a eu le Tzompantli avec la tête de mort. Donc, j’avais cette sensation d’être à la fois, dans le présent et dans le passé de ma ville, de mon pays. Mais il y a un certain soulagement de se savoir héritier d’une culture qui avait une vie intense dans le présent. Donc, chargé de mes lectures, mais aussi de la croyance que la littérature n’était que divine inspiration, je n’avais pas besoin du droit, et il fallait s’éteindre, s’asseoir à la table, et attendre l’arrivée de l’ange de la littérature. Ma première leçon a été le droit romain, le droit écrit. J’avais passé mon enfance à Washington, donc on trouvait du monde du droit, du droit anglo-américain, du droit non écrit, du common law. Mais au Mexique, j’étais bien au centre de la tradition romaine et du code Napoléon, du droit écrit. J’étais donc livré à l’inspiration et [...] avec une certaine foi, une croyance à la vertu créative du désordre. Et soudainement, je me trouvais à l’intérieur du droit romain, qui est l’ordre même. Le texte que nous avions à la Faculté de droit à Mexico était le traité d’Eugène Petit, Le traité [élémentaire] de droit romain d’Eugène Petit. Mais j’ai trouvé vite les textes les plus intéressants, qui étaient Les institutions de droit romain de Don Rudolph Sohm et …

Parties annexes