Book ReviewsRecensions comparatives

Simone Glanert, De la traductibilité du droit, Paris, Dalloz, 2011, pp 374. ISBN 978-2-247-10686-8[Notice]

  • Salah Basalamah

Professeur agrégé, École de traduction et d’interprétation, Université d’Ottawa.

Citation: (2012) 57:4 McGill LJ 1003

Référence : (2012) 57 : 4 RD McGill 1003

L’ouvrage de Simone Glanert est particulier à plus d’un titre. D’abord, il symbolise la pluralité et le dialogisme par les profils culturel et disciplinaire de l’auteure elle-même. En accumulant les langues et cultures allemande, française et anglaise ainsi que les expertises en droit, traductologie, littérature et philosophie entre autres, Simone Glanert fait non seulement coexister des connaissances multilingues et multiculturelles, mais elle pratique de manière remarquable l’interdisciplinarité au-delà de tout soupçon de prétention ou d’artifice. Ensuite, ce livre dense et fourmillant d’informations, d’analyses critiques et de références les plus hétérogènes est singulier par la perspective du sujet qu’il aborde. Si la traduction juridique est une thématique bien connue du droit et de la traductologie, bien que plus marginale dans le premier que dans la seconde, il reste qu’il faut souligner la position de l’auteure. Celle-ci s’exprime sur le droit par le détour de la traductologie, tout en se situant dans le droit et en regardant son objet à partir de celui-ci. Enfin, De la traductibilité du droit se distingue par le courage du ton et la portée critique au sein d’une discipline où, de l’aveu même de Pierre Legrand, éminent juriste et préfacier de l’ouvrage, « l’hégémonie de la dogmatique » de « l’orthodoxie juridique » française fait en sorte que « l’au-delà disciplinaire est toujours déjà sanctionné comme un écart, inacceptable, par rapport à ce qui se fait et en tant que mise à l’écart, inadmissible, de ce qui doit se faire ». Divisé en deux grandes parties où la théorisation constitue un préalable à l’application critique qui suivra, cet ouvrage original de contenu et d’approche n’en renonce pas pour autant à la clarté de la méthode d’écriture juridique. La première partie, qui articule quatre moments, commence d’abord par la discussion critique des théories traductologiques qui intéressent la traduction juridique tout en mettant en exergue leurs limites à l’appui notamment de la philosophie, de la linguistique et de la littérature. On y trouvera notamment une critique intéressante de la théorie fonctionnaliste du point de vue de la traduction juridique ainsi qu’une incursion très éclairante dans l’autotraduction littéraire en ce qu’elle constitue la forme de traduction alternative qu’on rencontrera souvent lorsque ce sont les auteurs eux-mêmes qui la font en contexte d’écriture bilingue. Or, si les difficultés de la traduction juridique sont une préoccupation évidemment prioritaire pour cet ouvrage, celle des problèmes qui en impliquent l’interprétation ne l’est pas moins, l’auteure faisant intervenir des penseurs de la traduction comme Walter Benjamin, Eugene Nida, Roman Jakobson, ainsi que ceux de la philosophie et de l’herméneutique comme Friedrich Schleiermacher, Martin Heidegger, Hans-Georg Gadamer, Paul Ricoeur, Wilard V.O. Quine et, surtout, Jacques Derrida. Le troisième chapitre de la première partie, consacré à la mise en évidence de la « singularité du juridique », revient à la fois sur les théories de la traduction et de l’interprétation, en soulignant notamment la particularité de sa terminologie avec ses adages latins et ses archaïsmes ainsi que des caractéristiques fonctionnelles, normatives et performatives de son langage. Il fait également la distinction entre les cultures de common law et de droit romaniste, ce qui ajoute à la complexité de la tâche traductionnelle du droit. Dans ce chapitre, l’auteure tente de relever les spécificités de la langue juridique et par là les « errements » des approches fonctionnalistes dans ce domaine. Le dernier chapitre de cette partie prend le contrepied du troisième chapitre en montrant paradoxalement que le progrès dans la traduction juridique tient dans le dépassement de la littéralité pour l’idiomatisme, à l’instar du juriste et traducteur vers le français du Code civil suisse et de la corédaction …

Parties annexes