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Le GIP (glucose-dependent insulinotropic polypeptide) est un peptide de 42 acides aminés produit par les cellules K du duodénum. Sa sécrétion est stimulée par le glucose et les acides gras. Le GLP-1 (glucagon like peptide-1) est produit, dans les cellules L du jéjunum et de l’iléon, par un mécanisme de clivage protéolytique différentiel de la molécule de pré-pro-glucagon (Figure 1) [1]. La sécrétion de GLP-1 est stimulée principalement par le glucose, grâce à un mécanisme de reconnaissance directe au niveau des cellules L, mais probablement aussi par un mécanisme indirect impliquant le système nerveux entérique. Cela pourrait expliquer la simultanéité de la sécrétion de GIP et de GLP-1 après une prise alimentaire, alors que les cellules qui les produisent sont respectivement localisées dans les régions proximales et distales de l’intestin.

Figure 1

Mécanisme de formation du GLP-1 (glucagon like peptide-1).

Mécanisme de formation du GLP-1 (glucagon like peptide-1).

La molécule de pré-pro-glucagon est exprimée dans les cellules L de l’intestin et les cellules α du pancréas endocrine. Des mécanismes de clivage protéolytique différentiels conduisent, dans les deux types cellulaires, à la production de peptides dont l’activité biologique est différente. Dans les cellules intestinales, le pro-glucagon est clivé pour produire la glicentine et l’oxyntomoduline, dont les rôles physiologiques, aux concentrations circulantes normalement observées, ne sont pas encore identifiés. Le GLP-1, qui peut être sous forme amidée (appelé GLP-1(7-37) ou GLP-1(7-36)amide), et le GLP-2 sont les deux principaux peptides biologiquement actifs. Dans les cellules α du pancréas, le GLP-1 et GLP-2 ne sont pas produits, ou seulement en quantités relativement très faibles, le glucagon étant alors le peptide biologique actif le plus abondant. GRPP: glicentin related polypeptide; MPF: major proglucagon derived peptide; IP2: intervening peptide 2; GLP-1 et -2: glucagon like peptide-1 et -2.

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Actions pancréatiques du GIP et du GLP-1

Au niveau des cellules β pancréatiques, le GIP et le GLP-1 se lient à des récepteurs heptahélicaux spécifiques couplés à l’activation de l’adénylate-cylase et à la production d’AMP cyclique [2, 3]. L’effet insulinotrope de ces hormones n’est observé qu’en présence de concentrations de glucose égales ou supérieures à la normoglycémie [4]. Les gluco-incrétines sont donc des potentialisateurs de l’effet glucose et n’ont pas d’effet sur la sécrétion d’insuline en l’absence de ce nutriment. Les mécanismes moléculaires par lesquels une augmentation d’AMPc intracellulaire stimule la voie de signalisation du glucose ne sont pas encore complètement élucidés. Il apparaît cependant que cette stimulation implique une voie dépendante de l’activation de la protéine kinase A (dépendante de l’AMPc). Une voie indépendante de la protéine kinase A a également été décrite [5]: elle dépend de l’interaction de l’AMPc avec la protéine AMPc-GEF (ou Epac2), qui forme un complexe (AMPc-GEF-Rim1) capable de stimuler l’activité d’une petite protéine G (Rab3) impliquée dans l’exocytose des granules d’insuline.

Des études récentes ont également démontré un effet important du GLP-1 sur l’expansion de la masse des cellules β pancréatiques. Ces études ont été réalisées sur différents modèles expérimentaux, utilisant notamment des injections répétées de GLP-1 ou de l’agoniste exendine-4 chez des rats témoins ou ayant subi une pancréatectomie partielle [6], chez des rats traités par la streptozotocine à la naissance [7], ou encore chez des souris diabétiques ob/ob [8] (() m/s 1996, n°3, p.386 et 392). Dans toutes ces conditions expérimentales, le traitement par le GLP-1 ou l’agoniste était associé à une augmentation de la masse cellulaire β, en raison d’une stimulation de la néogenèse à partir de la région ductale ou d’une prolifération des cellules β des îlots. Une amélioration de la glycémie consécutive à une augmentation de l’insulinémie était également observée chez les animaux diabétiques. Les mécanismes par lesquels l’activation du récepteur du GLP-1 stimule la prolifération des cellules β ou de leurs précurseurs ne sont pas encore élucidés. L’activation par le GLP-1 du facteur de transcription Pdx-1 [8], essentiel au maintien de l’état différencié des cellules β, pourrait être impliqué dans l’un de ces mécanismes. Par ailleurs, plusieurs publications ont récemment démontré que l’activation par le GLP-1 ou le GIP de la voie de l’AMPc dans les cellules β conduisait égalementà l’activation de la voie des MAP-kinases, avec notamment une phosphorylation des kinases Erk1/2 [9, 10] qui pourrait participer au contrôle de la prolifération des cellules β.

Actions extrapancréatiques du GLP-1

Pour mesurer l’intérêt du GLP-1 dans de nouvelles approches thérapeutiques, il faut également comprendre son rôle intégré au niveau de l’organisme. Ainsi, le GLP-1 a également un effet important sur d’autres fonctions physiologiques participant au maintien de l’homéostasie glucidique et énergétique. Une des premières actions extrapancréatiques reconnues du GLP-1 est sa capacité de ralentir la vidange gastrique [11]. Cet effet dépend de l’intégrité du nerf vague, indiquant que le GLP-1 agit probablement grâce à sa reconnaissance par le système nerveux autonome [12]. La conséquence d’un ralentissement de la vidange gastrique est une diminution de la vitesse d’absorption du glucose au niveau de l’épithélium intestinal et donc une réduction des oscillations de la glycémie post-prandiale.

Le GLP-1 peut également avoir un effet sur une diminution de la prise alimentaire, comme cela a été observé lors de l’administration intracérébroventriculaire de GLP-1 chez le rat [13] (() m/s 1997, n°2, p.278). L’administration quotidienne systémique d’exendine-4 chez le rat, pendant une période de plusieurs semaines, conduit également à une diminution de la prise alimentaire et du poids corporel [14]. Ces effets sont probablement secondaires à la réduction de la vidange gastrique, alors que ceux induits par les injections intracérébroventriculaires de GLP-1 sont le résultat d’une modification de l’activité de circuits neuronaux contrôlant la prise alimentaire. La possibilité que le GLP-1 puisse moduler l’activité de ces circuits neuronaux est également soutenue par la présence de récepteurs du GLP-1 dans l’hypothalamus et de neurones producteurs de GLP-1 dans le tronc cérébral (noyau du faisceau solitaire et area postrema), qui projettent des axones dans l’hypothalamus [15].

Le GLP-1 joue également un rôle important dans le fonctionnement du glucodétecteur hépatoportal. Ce glucodétecteur réagit à la présence d’un gradient de glucose entre la veine porte et le sang périphérique [16], comme cela est observé lors d’une absorption de nourriture. Il active le stockage de glucose dans le foie, l’utilisation de glucose par certains muscles et le tissu adipeux brun, supprime la sécrétion de glucagon induite par une hypoglycémie et induit lêt de la prise alimentaire. Dans des travaux récents, nous avons mis en évidence que la capacité de ce détecteur d’être activé par le glucose et de stimuler la clairance du glucose par les tissus périphériques dépendait de la présence d’un récepteur fonctionnel du GLP-1 [17].

Souris nullizygotes pour les récepteurs du GIP et du GLP-1

L’inactivation du gène du récepteur GLP-1 [18] conduit à une intolérance au glucose marquée lors de tests oraux et à une diminution de la sécrétion d’insuline à 30minutes. Lors de tests intrapéritonéaux, en revanche, l’intolérance est très légère et la prise alimentaire est normale.

L’inactivation du récepteur du GIP [19] conduit à un phénotype semblable, qui est toutefois aggravé lors d’un régime hypercalorique, avec apparition d’une intolérance au glucose marquée dans les tests intrapéritonéaux. Cependant, l’absence du récepteur du GIP confère aux souris une résistance au développement de l’obésité lors d’une mise sous régime riche en graisses, alors que les souris témoins deviennent obèses quand elles ont une sécrétion élevée de cette hormone [20]. Cela suggère que le récepteur GIP, qui est aussi présent dans le tissu adipeux, participe au développement de l’obésité en cas de régime alimentaire trop riche en graisses.

GLP-1 et traitement du diabète de type 2

Le GLP-1, contrairement au GIP, préserve une forte action insulinotrope chez les patients diabétiques de type 2. Comme l’effet du GLP-1 est dépendant du glucose, son administration, même à des doses élevées, n’est pas associée à des risques d’hypoglycémie. De plus, par sa capacité de stimuler la synthèse d’insuline, son utilisation permet de maintenir les réserves d’insuline des cellules β. Ces effets ont été démontrés par de nombreuses études réalisées sur des patients diabétiques [21, 22]. Même chez des patients dont la glycémie à jeun est très élevée et qui ne répondent plus aux hypoglycémiants classiques (sulfonylurées), l’administration de GLP-1 permet une normalisation complète de la glycémie grâce à une stimulation de la sécrétion d’insuline qui est transitoire et revient au niveau basal lorsque la normoglycémie est atteinte.

Différents protocoles d’administration du GLP-1, s’étalant sur des périodes de plusieurs semaines, ont confirmé l’efficacité de ce peptide dans le contrôle de l’hyperglycémie diabétique. L’équipe de Holst [23] a récemment démontré qu’une perfusion continue de GLP-1 à des patients obèses et diabétiques, pendant une période de 6 semaines, entraîne une diminution des glycémies à jeun et post-prandiale de 4,3 mM et 5,5 mM, respectivement. L’hémoglobine HbA1C est, quant à elle, réduite de 1,3 %, et les concentrations d’acides gras libres de 23 % à 30 %. Une réduction de la vidange gastrique, du poids et de l’appétit sont observés, de même qu’une amélioration de la sensibilité à l’insuline et de la fonction des cellules β pancréatiques.

L’utilisation du GLP-1 en clinique est un objectif important, puisqu’il pourrait corriger simultanément plusieurs dysfonctionnements métaboliques. Cependant, son utilisation est encore aujourd’hui limitée en raison de sa nature peptidique qui nécessite une injection. Par ailleurs, sa demi-vie in vivo est extrêmement brève (environ 1 à 2 minutes) en raison de sa rapide dégradation par une enzyme ubiquitaire, la dipeptidylpeptidase IV. La création de formes de ce peptide résistantes à la dégradation ou d’inhibiteurs de l’enzyme de dégradation est aujourd’hui un objectif principal de recherche [24].

Conclusions

Les hormones gluco-incrétines GIP et GLP-1 jouent de multiples rôles dans les mécanismes de l’homéostasie glucidique et énergétique, notamment dans la potentialisation de la sécrétion d’insuline induite par le glucose et le maintien de la fonction différenciée des cellules β pancréatiques. D’autres rôles, mieux connus pour le GLP-1, indiquent une participation de ce peptide dans la vidange gastrique, le contrôle de la prise alimentaire et des mécanismes de glucodétection contrôlant l’utilisation de glucose par les tissus périphériques et l’inhibition de la sécrétion de glucagon. Enfin, le GLP-1 a une action antidiabétique extrêmement intéressante puisqu’il agit aussi bien au niveau de la sécrétion d’insuline - mais sans risque d’hypoglycémie - qu’au niveau du contrôle de la prise alimentaire et du poids corporel. Le développement actuel de formes de GLP-1 résistantes à la dégradation devrait permettre, dans un futur relativement proche, de pouvoir utiliser ce peptide comme nouveau médicament antidiabétique.