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Une nouvelle cause de maladie génétique : l’inactivation d’un gène par un transcrit d’ARN antisensA novel mechanism for genetic diseases : transcription of antisense RNA may silence a gene[Notice]

  • Dominique Labie

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  • Dominique Labie
    Département de génétique,
    développement et pathologie moléculaire,
    Institut Cochin,
    24, rue du Faubourg Saint Jacques,
    75014 Paris, France.
    labie@cochin.inserm.fr

Parce que les globules rouges étaient facilement accessibles, les désordres génétiques de l’hémoglobine ont été souvent les modèles exemplaires de mutations, retrouvées ultérieurement dans d’autres gènes. On a ainsi décrit différents types de mutations au niveau des régions codantes ou de leur environnement immédiat, moins fréquemment des délétions impliquant des zones régulatrices majeures situées à distance des gènes qu’elles contrôlent. Quelques cas sont, cependant, toujours restés inexpliqués pour lesquels était formulée l’hypothèse d’un effet de position, l’expression d’un gène pouvant être profondément modifiée par son déplacement dans une configuration chromatinienne « défavorable » [1, 2]. L’existence de séquences modifiées en cis, potentiellement à l’origine de modifications épigénétiques (localisation nucléaire, temps de réplication, profil de méthylation de l’ADN…), et donc de l’inactivation d’un gène, n’avait jusqu’à présent pas été démontrée. L’équipe d’hématologie moléculaire de D.R. Higgs (John Radcliffe Hospital, Oxford, Royaume-Uni) a présenté en 2000 un cas d’α-thalassémie qui ne s’expliquait pas complètement par les mécanismes connus [3]. Chez un sujet d’origine polonaise, les auteurs avaient identifié une délétion d’environ 18 kb, englobant, au niveau du locus α, le gène α1(HBA1) et le gène θ(HBQ1), mais respectant le gène α2 (HBA2) et la zone régulatrice majeure située en amont, délétion qu’ils ont intitulée (α-ZF) d’après les initiales du patient (Figure 1). Le phénotype hématologique αα/α-ZF était cependant nettement plus sévère que ce qu’on attendait d’un sujet exprimant trois gènes α sur quatre. Le chromosome porteur de la délétion a été isolé et analysé en cellules lymphoblastoïdes après hybridation interspécifique avec un chromosome murin. On a alors constaté l’absence complète d’expression d’ARNm humain. Le gène HBA2 intact - dont les séquences régulatrices étaient présentes - n’était pas exprimé. La question posée était donc le mode par lequel la délétion inactivait ce deuxième gène α. On n’a pu mettre en évidence ni la délétion d’un élément de régulation positive, ni en aval un élément de régulation négative qui se trouverait juxtaposé au gène HBA2. Formulant l’hypothèse d’un effet de position, les auteurs ont étudié différents aspects de la régulation chromatinienne. Ils ont constaté une méthylation des îlots CpG du gène éteint, méthylation qui ne diffusait pas au niveau des autres gènes du locus α. Dans cette même région promotrice du gène HBA2, on observait une sensibilité réduite aux endonucléases. L’exploration de la région centromérique située en aval de la délétion la montrait riche en séquences Alu, mais, surtout, identifiait la présence d’un gène fortement exprimé, le gène LUC7L. Ce gène, « hétérochromatique », pourrait coder pour une protéine de liaison à l’ARN [4]. Il est transcrit dans la direction opposée à celle du locus α. Les auteurs ont alors formulé l’hypothèse selon laquelle le transcrit de ce gène, anormalement étendu du fait de la délétion, pouvait être responsable de la méthylation de la région promotrice de HBA2 et de l’extinction subséquente du gène. L’expression d’un transcrit antisens a été observée comme impliquée dans la méthylation des îlots CpG et l’extinction de l’expression génique au cours de l’empreinte parentale [5, 6]. C’est aussi un phénomène classique au cours de l’inactivation de l’X [7]. Il n’avait, cependant, jamais été décrit dans un locus autosomique non soumis à l’empreinte. La même équipe de D.R. Higgs a donc poussé l’exploration de sa première publication afin de confirmer le diagnostic [8]. En précisant les limites de la délétion, on constate qu’elle ampute l’extrémité 3’ du gène LUC7L, dont les trois derniers exons et la zone de polyadénylation sont délétés (Figure 1). Quand le chromosome α-ZF est exprimé en lymphocytes …

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