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Les mouches gardent la ligne : slimfast, le corps gras et le contrôle humoral de la croissanceA nutrient sensor mechanism[Notice]

  • Julien Colombani,
  • Nathalie Arquier et
  • Pierre Léopold

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  • Julien Colombani
    Institut de signalisation,
    Biologie du développement et cancer,
    Cnrs UMR 6543, Parc Valrose,
    06108 Nice Cedex, France.

  • Nathalie Arquier
    Institut de signalisation,
    Biologie du développement et cancer,
    Cnrs UMR 6543, Parc Valrose,
    06108 Nice Cedex, France.

  • Pierre Léopold
    Institut de signalisation,
    Biologie du développement et cancer,
    Cnrs UMR 6543, Parc Valrose,
    06108 Nice Cedex, France.
    leopold@unice.fr

Tous les organismes vivants croissent. Ils trouvent dans leur environnement des substances nutritives, les ingèrent, se développent et prolifèrent. Mais la qualité nutritive de l’environnement peut changer, obligeant les organismes à percevoir ces variations et à y répondre. Ainsi, les levures règlent leur croissance en fonction de la disponibilité en nutriments dans le milieu extracellulaire, via un module de signalisation remarquablement conservé faisant intervenir la protéine kinase TOR (target of rapamycin) [1]. La même kinase TOR est inhibée dans les cellules de mammifères cultivées in vitro lorsqu’elles sont transférées dans un milieu ne contenant pas d’acides aminés, et la synthèse protéique est immédiatement arrêtée [2]. Ces mécanismes de régulation intrinsèques à la cellule sont clairement établis, cependant leur utilisation dans le contexte physiologique de la croissance d’un organisme composé de millions de cellules est encore largement inconnue. Chez les métazoaires, des circuits de régulations humorales, contrôlés par des molécules circulantes comme l’insuline ou les IGF (insulin-like growth factors) permettent d’harmoniser le métabolisme et la croissance des différents organes en fonction des conditions nutritionnelles. Nos travaux récents chez la drosophile font le lien entre ces deux modes de régulation et démontrent que la voie TOR est à l’origine d’un contrôle humoral de la croissance par la nutrition. Chez la drosophile, comme chez la plupart des insectes holométaboles, la taille de l’adulte ne varie pas et est déterminée par une période de croissance spectaculaire qui prend place au cours des stades larvaires. De fait, le développement de la larve de drosophile constitue un excellent modèle d’étude de la croissance [3]. La voie de signalisation de l’unique récepteur de l’insuline (dInR) et de la phosphatidylinositol-3-kinase (PI3K) contrôle la croissance et le métabolisme des deux types tissulaires qui constituent la larve : les tissus «imaginaux» qui prolifèrent, et les tissus endoréplicatifs dont les cellules grossissent sans se diviser [4]. Pendant la métamorphose au stade pupal, la plupart des tissus endoréplicatifs sont «histolysés» au profit des tissus imaginaux qui sont réorganisés pour former les structures de l’adulte. Le corps gras est un tissu endoréplicatif de la larve particulièrement sensible aux variations nutritionnelles [5]. Ce tissu dispersé remplit des fonctions équivalentes à celles du foie des mammifères, comme le stockage des protéines, des glucides et des lipides, mais il a aussi des fonctions endocrines. Nos expériences démontrent que le corps gras agit comme un senseur qui orchestre la croissance des autres tissus en fonction des conditions nutritionnelles [6]. Au cours d’un crible génétique entrepris pour rechercher des facteurs modifiant la croissance, nous avons identifié et caractérisé slimfast, un gène qui code pour un transporteur d’acides aminés. L’utilisation de lignées transgéniques exprimant un ARN interférent (ARNi) de façon inductible nous a permis d’inactiver la fonction de ce transporteur spécifiquement dans les cellules du corps gras, provoquant dans ces cellules un état de carence en acides aminés. De façon spectaculaire, cette carence ciblée entraîne un défaut de croissance de l’ensemble de la larve: la morphologie du corps gras est altérée, et la taille des tissus endoréplicatifs (corps gras inclus) est réduite. La croissance des tissus mitotiques formant les structures adultes est moins affectée, cependant la réduction de taille des adultes qui émergent peut atteindre 50 % (Figure 1). Ces effets sont similaires à ceux que l’on observe lors de carences nutritionnelles fortes ou chez les mutants dTOR [7, 8], et démontrent que le corps gras larvaire est le siège d’un mécanisme senseur de la nutrition. Afin de comprendre comment le corps gras répond aux variations nutritionnelles, nous avons analysé la voie de signalisation TOR, conservée chez la drosophile. L’utilisation de formes dominante-négatives de …

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