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Le strontium est un élément chimique de numéro atomique 38 qui a été originellement découvert en 1808 dans des mines de plomb proches du village écossais de Strontian. Dans les années 1950, des observations thérapeutiques ponctuelles, lors d’essais ouverts[1] évaluant les effets du lactate ou du gluconate de strontium [1], ont suggéré que le strontium pouvait avoir des propriétés anaboliques osseuses, donc une utilité potentielle pour le traitement de l’ostéoporose. Ces observations ont incité les chimistes des Laboratoires Servier à synthétiser une nouvelle molécule organique contenant deux atomes de strontium stable, le ranélate de strontium (RS). Plusieurs études précliniques systématiques des effets osseux du RS ont été conduites in vitro et chez l’animal. Elles ont montré que le RS, après fixation sur le cristal osseux, avait un double effet de stimulation de l’ostéoformation ostéoblastique et d’inhibition de la résorption ostéoclastique, améliorant les propriétés biomécaniques de l’os, sans altérer sa minéralisation [2, 3]. Des études pharmacocinétiques du RS ont montré qu’il contenait 34 % de strontium élément et procurait un taux d’absorption du strontium de 27 %. Une étude dose-réponse de phase 2, conduite chez 353 femmes ostéoporotiques a montré que la dose orale quotidienne de deux grammes de RS représentait la dose optimale en termes d’augmentation en deux ans de la densité minérale osseuse lombaire (+ 7,3 %/ an) et par sa capacité à réduire de 44 % le nombre de patientes présentant un nouveau tassement vertébral pendant la deuxième année de l’étude [4]. On notait parallèlement une augmentation de 11 % du taux sérique de la phosphatase alcaline osseuse et une baisse de 20 % du télopeptide NTX urinaire (voir Encadré), ces variations confirmant la conjonction d’un effet stimulant de l’ostéoformation et d’une réduction de la résorption. Par la suite, de vastes études de phase 3 ont été mises en oeuvre pour évaluer la capacité du RS à prévenir les récidives de fracture vertébrale (étude SOTI) et les fractures non-vertébrales (étude TROPOS) chez des femmes ostéoporotiques traitées pendant trois ans.

Les résultats de l’étude SOTI viennent d’être publiés dans The New England Journal of Medicine [5], l’étude ayant été conduite dans 12 pays (72 centres) avec comme objectif principal l’analyse de l’efficacité d’une dose quotidienne orale de deux grammes de RS pour prévenir les fractures. L’incidence des nouvelles fractures vertébrales pendant les trois ans de l’étude a été évaluée par la méthode radiologique semi-quantitative de Genant[2]. Les critères secondaires d’évaluation étaient l’évolution des densités minérales osseuses lombaire et du col fémoral, du taux des marqueurs biochimiques du remodelage osseux et la tolérance du traitement. Au cours de l’étude, toutes les patientes des groupes placebo ou RS ont reçu un supplément de calcium et de vitamine D, à distance du sachet de RS administré en général au coucher. Une population de 1 649 femmes présentant une ostéoporose avec au moins une fracture vertébrale prévalente ont été incluses, l’analyse statistique principale « en intention de traiter » ayant été effectuée à la fin de la troisième année sur une population de 1 442 patientes, d’un âge moyen de 69,3 ± 7,2 ans. Pendant les trois années de l’étude, 139 patientes dans le groupe RS contre 222 dans le groupe placebo ont présenté une nouvelle fracture vertébrale identifiée radiologiquement. RS a donc permis de réduire significativement le risque de fracture vertébrale de 41 % (p < 0,001). La réduction du risque était déjà de 49 % dès la fin de la première année. Par ailleurs, la réduction du risque de fracture vertébrale ayant une expression clinique a été de 38 % sur l’ensemble des trois années de suivi. La densité minérale osseuse lombaire a augmenté substantiellement dans le groupe RS (+ 11,3 % en trois ans) par rapport au groupe placebo (– 1,3 % ; p < 0,001). La densité minérale osseuse du col fémoral a également augmenté, la différence entre le groupe RS et le groupe placebo atteignant à trois ans + 8,3 %. Biologiquement, comme dans l’étude de phase 2, le RS a induit une augmentation du taux sérique de la phosphatase alcaline osseuse et une réduction du taux du télopeptide CTX sérique, confirmant l’effet « découplant » original du RS. La tolérance du produit au décours de l’étude SOTI a été très satisfaisante, au plan digestif en particulier.

Les résultats de l’étude TROPOS qui seront publiés prochainement confirment l’effet de prévention des fractures vertébrales du RS et apportent la preuve d’une réduction du risque de fractures extra-vertébrales [6] dans le groupe RS.

Au total, l’étude SOTI a montré que le RS représente un nouveau traitement efficace de l’ostéoporose post-ménopausique puisqu’il réduit le risque de nouvelles fractures vertébrales dans la même proportion que les thérapeuti-ques antirésorptives (bisphosphonates, raloxifene…). Son mécanisme d’action mixte est original et le distingue des agents qui n’agissent que sur la résorption et ralentissent globalement le remodelage osseux, et des traitements purement anaboliques, comme la parathormone, qui stimulent électivement les ostéoblastes. Le RS a en outre un profil de tolérance satisfaisant, et peut représenter un traitement de première intention de l‘ostéoporose post-ménopausique.