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La stimulation à haute fréquence de noyaux profonds du cerveau (ou stimulation cérébrale profonde) améliore considérablement les signes moteurs de la maladie de Parkinson sensibles à la dopamine et, en particulier, la lenteur des mouvements (bradykinésie), la rigidité musculaire et le tremblement. Ce traitement, qui peut être pratiqué chez environ 10 % des malades parkinsoniens, consiste à stimuler un des noyaux des ganglions de la base avec une fréquence supérieure à 100 Hz, jour et nuit, sans interruption, pendant toute la vie de l’individu. Testée tout d’abord dans le thalamus (Vim), puis dans le pallidum interne (GPi), la stimulation est maintenant préférentiellement appliquée dans les deux noyaux sous-thalamiques (STN) [1] (Figure 1). Cependant, on peut se demander si le choix du STN se justifie pleinement car cette opération est très délicate du fait de la localisation profonde et de la petite taille de ce noyau. L’article de J. Volkmann et al. fait le bilan clinique des effets de la stimulation dans les GPi de 11 patients suivis pendant cinq ans [2]. Quatre de ces patients ayant été ré-opérés afin d’implanter deux nouvelles électrodes dans les STN, les auteurs peuvent comparer sur ces patients l’efficacité des deux sites de stimulation. L’activité motrice a été évaluée plusieurs fois la première année, puis ensuite chaque année, et dans quatre conditions différentes combinant, chez les mêmes patients, deux à deux, la présence ou non de stimulation et l’administration ou non d’un traitement médical (lévodopa). La stimulation seule améliorait les trois principaux signes moteurs de la maladie de 56 % après un an, puis de 43 % après 3 ans, et seulement de 24 % (non significatif) après 5 ans. Pourtant, ces mêmes patients gardaient une bonne sensibilité à la lévodopa (59 %) après 5 ans. Au total, le seul effet positif stable de la stimulation des GPi est la réduction des mouvements involontaires (dyskinésies) induits par la lévodopa, ce qui a permis d’en augmenter les doses sans avoir d’effets secondaires, de compenser la perte d’efficacité de la stimulation et ainsi de prolonger le confort de vie des patients. La stimulation du STN chez les quatre patients ré-opérés a entraîné une amélioration de 57 % des signes moteurs au bout d’un an, amélioration toujours présente au bout de deux ans. La perte progressive, en trois ans, de l’efficacité de la stimulation pallidale pose des problèmes médicaux, éthiques mais aussi scientifiques, d’autant plus qu’une étude similaire sur la stimulation du STN donne des résultats toujours satisfaisants au bout de 5 ans [3].

Figure 1

Boucle cortico-thalamo-corticale des ganglions de la base.

Boucle cortico-thalamo-corticale des ganglions de la base.

Les ganglions de la base sont inclus dans une boucle cortico-thalamo-corticale. Lorsque les neurones dopaminergiques dégénèrent, le réseau est fortement perturbé. GPe : pallidum externe ; GPi : pallidum interne ; SN : substance noire ; STN : noyau sous-thalamique.

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Pour quelle raison les stimulations à haute fréquence du GPi et du STN donnent-elles des améliorations similaires, mais de durée différente ? En d’autres termes, quel est l’apport de la stimulation du STN ? Les projections des neurones du GPi et du STN diffèrent quant à la nature et au nombre de leurs cibles (Figures 2A, 2B). Si les neurones du STN contrôlent les structures de sortie des ganglions de la base (GPi et substance noire réticulée), le GPi, situé plus en aval dans le réseau, représente l’une de ces issues vers le thalamus moteur. Les effets de la stimulation à haute fréquence du STN se propagent aussi beaucoup plus largement dans le réseau du fait du nombre de noyaux cibles du STN comparé à ceux du GPi. La deuxième hypothèse pencherait en faveur d’un effet spécifique de la stimulation du STN sur les neurones dopaminergiques de la substance noire compacte, ces fameux neurones dont les axones se projettent dans le striatum et dont la dégénérescence est la cause de la maladie de Parkinson. On peut envisager un effet excitateur de la stimulation sur la libération de dopamine et/ou un effet protecteur sur la destruction progressive des neurones dopaminergiques. En effet, à la différence de la stimulation pallidale, la stimulation du STN permet de réduire les doses journalières de lévodopa d’au moins 50 %. Toutes les études faites sur des modèles animaux mettent en évidence une augmentation du contenu en dopamine ou de son métabolisme dans le striatum lors de la stimulation du STN (et non du GPi), bien qu’une partie des neurones dopaminergiques ait déjà dégénéré [4, 5]. Pour l’instant, au moyen de techniques non invasives, ces résultats n’ont pas été retrouvés chez les patients [6, 7]. Quant à l’hypothèse d’un rôle protecteur de la stimulation sur la survie des neurones dopaminergiques, elle n’a été jusqu’à présent démontrée que lorsque la simulation est appliquée avant la lésion [8].

Figure 2

Propagation des effets de la stimulation aux structures cibles.

Propagation des effets de la stimulation aux structures cibles.

Comparaisons des projections (A) des neurones du pallidum interne (GPi) et (B) du noyau sous-thalamique (STN). C. Activité en bouffées de potentiels d’action, engendrée par la stimulation à haute fréquence dans les neurones du STN (calibrage : 20 mV, 5 s) [9].

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En fait, l’enjeu central est de comprendre l’effet local de la stimulation à haute fréquence sur l’activité des neurones du STN. Notre équipe a montré que la stimulation anihile l’activité pathologique de ces neurones et lui substitue une activité dictée par la stimulation [9]. Cette dernière consiste en des bouffées de potentiels d’action de 60 à 80 Hz, séparées par des périodes de silence pendant lesquelles le neurone ne répond pas à la stimulation du fait de ses propriétés de membrane (Figure 2C). Ainsi, une activité intermittente dans les fréquences de type γ (soit 30 à 80 Hz) est transmise vers les noyaux cibles du STN. D’autres auteurs observent uniquement un arrêt de l’activité pathologique du STN. Nous pensons que la stimulation à haute fréquence n’est pas équivalente à une lésion et qu’elle permet d’introduire dans le réseau une activité rythmique d’une fréquence de type γ connue pour être compatible avec la réalisation des mouvements (prokinétique). La question se pose alors de cette façon : dans quel noyau du réseau des ganglions de la base est-il le plus efficace d’introduire une activité prokinétique ? Un noyau de sortie vers les boucles thalamo-corticales (le GPi) ou un noyau qui contrôle toutes les sorties des ganglions de la base (le STN) ?