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Les facteurs de transcription de la famille TCF (ternary complex factor) sont des acteurs majeurs de l’activation rapide du programme transcriptionnel déclenché en réponse à divers signaux physiologiques [1]. L’activité des trois membres de la famille TCF, Elk-1, SAP-1 et SAP-2/NET/ERP, dépend de leur état de phosphorylation, contrôlé par les mitogen activated protein kinases (MAPK) qui, à la suite de leur induction, sont responsables de la transmission du signal au sein de la cellule et, plus particulièrement, vers le noyau. Les TCF fonctionnent principalement dans le contexte d’un complexe ternaire, dans la plupart des cas avec le facteur de réponse au sérum (SRF, serum response factor) et l’élément de réponse au sérum (SRE, serum response element) situés dans les séquences régulatrices des gènes de réponse précoce [1]. Ce complexe semble être présent dans les promoteurs de façon constitutive in vivo, où le composant TCF, directement phosphorylé par une MAPK, est responsable de l’activation transcriptionnelle très rapide de ces gènes [1].

Récemment, Elk-1 a été décrit comme étant soumis à un deuxième type de modification post-traductionnelle : la conjugaison de SUMO (small ubiquitin-like modifier) au domaine de répression transcriptionnelle [2, 3]. La modification des protéines par SUMO semble avoir plusieurs rôles : elle peut régler certaines interactions protéine-protéine, l’import/export nucléaire, la localisation intracellulaire et la transcription [4]. Dans le cas d’Elk-1, une étude a montré que la modification par SUMO semble nécessaire pour le recrutement de l’histone désacétylase HDAC-2, enzyme qui réprimerait l’expression des gènes cibles par la désacétylation de la chromatine associée [5]. La phosphorylation activatrice d’Elk-1 mènerait, d’une part, à sa « déSUMOylation » et donc à la perte de liaison de l’HDAC-2 et, d’autre part, au recrutement du co-activateur CBP ou p300 [6, 7]. Ce mécanisme pourrait expliquer plusieurs cas de répression de facteurs de transcription liés à leur état de « SUMOylation » [4].

En accord avec son rôle de régulateur transcriptionnel, Elk-1 est localisé dans le noyau des cellules en culture. Deux régions de la protéine contrôlent cette localisation : la région comprise entre les acides aminés 55 et 83, dans la partie carboxyterminale du domaine de liaison à l’ADN de la famille ETS, et la région comprise entre les acides aminés 137 et 157 [8, 9]. Récemment, nous avons montré, en exploitant la technique d’hétérocaryon, qu’Elk-1 fait la navette entre le noyau et le cytoplasme. En fusionnant les cellules HeLa exprimant une version d’Elk-1 fluorescente avec des fibroblastes murins, nous avons observé une quantité croissante de GFP-Elk-1 dans les noyaux des cellules murines en fonction du temps après la fusion [3]. Ces observations traduisent le fait que la protéine Elk-1 est exportée du noyau mais est également rapidement ré-importée, soit dans le noyau d’origine, soit dans le noyau résultant de la fusion cellulaire. De façon intéressante, un mutant d’Elk-1, incapable d’être conjugué à SUMO, fait la navette plus rapidement que la forme sauvage d’Elk-1, et la surexpression stable de SUMO dans les cellules HeLa aboutit à une diminution de la cinétique d’import/export d’Elk-1 sauvage, sans avoir d’effet sur celle de la forme mutante d’Elk-1 (Figure 1). Il semble donc que la conjugaison de SUMO à Elk-1 contrôle sa rétention nucléaire et/ou la cinétique de son import/export.

Figure 1

La conjugaison de SUMO empêche Elk-1 de faire la navette entre le noyau et le cytoplasme dans les hétérocaryons HeLa-Balb/C.

La conjugaison de SUMO empêche Elk-1 de faire la navette entre le noyau et le cytoplasme dans les hétérocaryons HeLa-Balb/C.

La lignée cellulaire humaine HeLa co-exprime de façon ectopique SUMO et le facteur de transcription Elk-1 étiqueté avec un marqueur de fluorescence vert (GFP, green fluorescent protein), soit sous sa forme sauvage (wt), soit sous une forme mutée dans les trois sites de conjugaison de SUMO (3R). Les cellules HeLa (en rose) sont ensuite fusionnées avec les cellules Balb/C de souris (en bleu) à l’aide de polyéthylène glycol. Dans les hétérokaryons, la forme sauvage de GFP-Elk-1 est « SUMOylée » et transloquée vers le noyau des cellules Balb/C nettement plus lentement (flèche rouge fine) que le mutant 3R, insensible à l’action de SUMO (flèche rouge épaisse).

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Afin de confirmer l’effet de SUMO sur la localisation d’Elk-1 dans un contexte plus physiologique, nous avons fait appel aux études du groupe de J. Caboche, qui ont montré qu’Elk-1 est localisé à la fois dans le noyau et dans le cytoplasme des neurones du système nerveux central [9, 10]. Cette localisation cytoplasmique est corrélée à la présence d’une isoforme neuronale d’Elk-1 qui résulte d’un démarrage interne de la traduction à partir de la méthionine 55, au milieu du domaine ETS [9]. L’expression de cette isoforme est induite par un traitement des cellules PC12 avec le nerve growth factor (NGF), qui entraîne, d’une part, une relocalisation cytoplasmique d’Elk-1 sauvage et, d’autre part, la croissance neuritique (Figure 2), un effet inhibé par le blocage de l’export nucléaire d’Elk-1 sauvage [9]. La relocalisation cytoplasmique d’Elk-1 semble donc être importante pour le processus de différenciation. Dans ce contexte, nous avons testé l’effet de l’état de SUMOylation d’Elk-1 sur la différenciation des cellules PC12 sans induction par le NGF. L’expression du mutant « non-SUMOylable » d’Elk-1 induit l’extension des neurites plus fortement que la forme sauvage d’Elk-1 [3]. La co-expression de SUMO inhibe la différenciation neuronale induite par la forme sauvage d’Elk-1 mais n’a aucun effet sur la forme « non-SUMOylable » d’Elk-1 (Figure 2). En revanche, en présence d’une forme dominante négative de l’enzyme de conjugaison UBC9, qui bloque le processus de « SUMOylation » endogène, Elk-1 sauvage et mutant induisent la croissance neuritique de façon similaire. En résumé, on peut faire une parfaite corrélation entre la rétention d’Elk-1 dans le noyau contrôlée par SUMO et l’inhibition de la différenciation neuronale. Ces observations renforcent à la fois le modèle de P. Vanhoutte et al. [9] et l’importance de la conjugaison de SUMO à Elk-1 dans sa localisation nucléaire.

Figure 2

Le mutant « non-SUMOylable » d’Elk-1 peut induire la différenciation neuritique des cellules PC12.

Le mutant « non-SUMOylable » d’Elk-1 peut induire la différenciation neuritique des cellules PC12.

Les cellules PC12 en prolifération expriment la forme sauvage d’Elk-1 qui est localisée dans le noyau. Le nerve growth factor (NGF), qui induit la différenciation neuronale des cellules PC12, stimule la synthèse d’une petite isoforme d’Elk-1 (sElk) qui permet la localisation cytoplasmique d’Elk-1 sauvage. La surexpression d’Elk-1 sauvage - étiqueté par l’épitope hémagglutinine (HA-Elk wt) - avec SUMO - étiqueté avec un marqueur de fluorescence vert (GFP, green fluorescent protein) - n’a aucun effet sur la différenciation des cellules PC12. En revanche, la surexpression du mutant 3R d’Elk, qui est insensible à l’action de GFP-SUMO, stimule de façon significative la croissance neuritique des cellules PC12. Ces observations suggèrent que la rétention d’Elk-1 dans le noyau - dépendant de la conjugaison par SUMO - est associée à une inhibition de la croissance neuritique.

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Ces résultats ajoutent Elk-1 à la liste des protéines pour lesquelles la localisation nucléaire est contrôlée par SUMO et également aux protéines nucléaires faisant une navette dynamique entre le noyau et le cytoplasme [4]. Néanmoins, la difficulté de détecter Elk-1 dans le cytoplasme en dehors des neurones indique que cette dynamique penche fortement vers le noyau, permettant à Elk-1 d’effectuer sa fonction de régulateur des gènes de réponse précoce. De plus, la « SUMOylation » d’Elk-1 pourrait avoir un deuxième rôle, celui d’assurer la répression des gènes cibles d’Elk-1 en attendant un signal activateur. Les études à venir devraient permettre d’évaluer l’importance de cette modification vis-à-vis de la phosphorylation dans le fonctionnement d’Elk-1.