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La diversité des cellules de l’épithélium respiratoire bordant les voies aériennes est adaptée à la protection de la muqueuse, grâce à une variété de mécanismes de défense agissant de façon orchestrée pour protéger l’épithélium des facteurs lésionnels. L’épithélium respiratoire de surface, depuis la trachée jusqu’aux bronchioles, est pseudostratifié : toutes les cellules sont ancrées à la lame basale, mais seules certaines d’entre elles s’allongent jusqu’à la lumière bronchique. Cet épithélium est principalement constitué de cellules basales, ciliées, mucosécrétrices, neuroendocrines et intermédiaires, avec un réseau de glandes sous-muqueuses contenant des cellules sécrétrices muqueuses et séreuses. L’épithélium respiratoire bordant les bronchioles les plus proximales est pseudostratifié et comprend quelques rares cellules basales, des cellules ciliées et des cellules sécrétrices non ciliées de Clara, tandis que les bronchioles les plus distales sont bordées par un épithélium monostratifié dépourvu de cellules basales.

Épithélium respiratoire des voies aériennes : de la défense à la lésion

La première ligne de défense des voies aériennes est constituée par le liquide de surface périciliaire et le mucus, qui forment un filtre continu à l’interface épithélium/air et servent de barrière physique vis-à-vis des particules nocives inhalées et des bactéries et virus qui s’y trouvent piégés. Les cellules ciliées, qui contribuent à la régulation du contenu en eau et en ions de ce fluide respiratoire, principalement par l’intermédiaire de canaux ioniques situés au niveau de leur pôle apical [1], participent également à l’épuration mucociliaire en évacuant le mucus grâce au battement actif des cils. Le mucus est synthétisé par les cellules sécrétrices de l’épithélium de surface des voies aériennes et par les cellules sécrétrices glandulaires de la sous-muqueuse bronchique. Outre son rôle de barrière physique, le mucus respiratoire, en raison de sa constitution biochimique, participe à la défense antibactérienne, anti-oxydante et antiprotéasique de l’épithélium des voies aériennes [2]. Les mucines, principales glycoprotéines constituant le mucus, lui confèrent ses propriétés rhéologiques et jouent ainsi un rôle majeur dans l’épuration mucociliaire : l’hétérogénéité de leurs chaînes de glycanes représente un éventail de récepteurs permettant la reconnaissance et l’adhérence bactériennes, empêchant ainsi les bactéries d’atteindre la surface des cellules épithéliales [3]. De plus, le mucus contient de nombreuses molécules protectrices possédant des activités antimicrobiennes : IgA sécrétoires, lactoferrine, lysozyme, bronchotransferrine, phospholipase A2, lactoperoxydase, inhibiteur de leucoprotéase sécrétoire (SLPI) et défensines [4]. Ces dernières peuvent être activées par la matrilysine (MMP-7, métalloprotéinase matricielle 7), une molécule exprimée constitutivement par les cellules épithéliales des voies aériennes [5]. Les collectines, ou protéines associées au surfactant (SP-A, SP-B, SP-D), synthétisées par les cellules épithéliales alvéolaires et les cellules de Clara, assurent une fonction antimicrobienne et sont capables de moduler l’inflammation des voies aériennes. Cette dernière fonction est également assurée par la protéine CC10, produite par les cellules de Clara [6]. Enfin, les cellules épithéliales respiratoires sont capables de se défendre en synthétisant du glutathion en réponse aux stress oxydants induits par l’inhalation de polluants produits par les phagocytes [7] (Figure 1).

Figure 1

Système de défense de l’épithélium respiratoire des voies aériennes.

Système de défense de l’épithélium respiratoire des voies aériennes.

La première ligne de défense des voies aériennes est constituée par le liquide de surface périciliaire et le mucus produits par les cellules sécrétrices de surface et les glandes sous-muqueuses. Ce mucus et tous les aérocontaminants et pathogènes qui y sont piégés sont évacués des voies aériennes grâce au battement actif des cils (épuration mucociliaire). Le mucus contient en outre de nombreuses molécules de défense produites et sécrétées par les cellules de l’épithélium de surface et par les cellules glandulaires séreuses. La seconde ligne de défense des voies aériennes est assurée par les complexes jonctionnels, notamment les jonctions serrées qui assurent l’imperméabilité de l’épithélium vis-à-vis des agents extérieurs (d’après [4]).

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La seconde ligne de défense des voies aériennes est assurée par trois principaux types de complexes jonctionnels intercellulaires responsables de l’étanchéité de l’épithélium : les jonctions serrées, les jonctions intermédiaires et les desmosomes. Les jonctions serrées forment un réseau autour du pôle apicolatéral des cellules épithéliales, rendant ainsi l’épithélium imperméable aux agents extérieurs. Ces complexes sont principalement constitués de protéines telles que les ZO (zonula occludens 1 et 2), les claudines et l’occludine, qui interagissent avec le cytosquelette d’actine des cellules. Les jonctions serrées, dont l’assemblage et la fonction sont régulées par des petites GTPase de la famille Rab, en particulier Rab13 [8], permettent également la polarisation de l’épithélium et régulent la perméabilité transépithéliale en sélectionnant le passage de molécules par la voie paracellulaire. La dégradation des jonctions serrées par les facteurs de virulence bactériens peut rendre le pôle basolatéral des cellules accessible aux agents pathogènes [9]. De même, il a été démontré que l’application d’histamine au pôle basolatéral des cellules épithéliales respiratoires entraîne une augmentation de la perméabilité paracellulaire et de la susceptibilité des cellules à l’infection virale, en modulant l’adhérence cellulaire médiée par la cadhérine E [10].

L’intégrité de la barrière épithéliale peut être plus ou moins sévèrement altérée par divers agents toxiques infectieux ou non : les bactéries peuvent augmenter la sécrétion de mucus et diminuer ou désorganiser l’activité des battements ciliaires, altérant ainsi l’épuration mucociliaire [11] ; de leur côté, divers agents non infectieux, comme les oxydants inhalés, peuvent exercer un effet toxique sur l’épithélium respiratoire. La gravité des lésions dépend des caractéristiques physicochimiques des gaz, de leur concentration, de leur solubilité et de la durée d’exposition. L’inflammation chronique de la muqueuse respiratoire pourrait également être à l’origine de l’altération de la barrière épithéliale [12]. Quelle que soit la source lésionnelle, la réponse de l’épithélium comprend une succession d’événements allant de la perte de l’imperméabilité de la surface épithéliale et la desquamation partielle des cellules de l’épithélium, avec quelques îlots de cellules basales encore présents, à la dénudation totale de la lame basale [13]. Des phénomènes de remodelage sont également observés : les cellules ciliées peuvent se transformer en cellules sécrétrices et les cellules sécrétrices en cellules malpighiennes, ce phénomène étant parfaitement représentatif de la plasticité de l’épithélium de surface des voies aériennes [14].

Épithélium respiratoire des voies aériennes : de la lésion à la régénération

Malgré un système de défense performant, l’épithélium respiratoire des voies aériennes, en contact constant avec l’environnement, subit des lésions fréquentes et doit totalement se régénérer pour restaurer ses fonctions de défense. De nombreux modèles d’étude in vitro et in vivo permettent, à l’heure actuelle, d’appréhender plus ou moins fidèlement ce phénomène.

Modèles in vitro

De nombreux modèles de « lésion et réparation » in vitro de l’épithélium respiratoire utilisant généralement des cellules épithéliales humaines en culture primaire ou des lignées cellulaires ont été décrits [15, 16]. Après une lésion chimique ou mécanique du tapis cellulaire, les cellules entament la réparation de la lésion par une série d‘événements incluant, dans un premier temps, l’étalement et la migration sur la matrice extracellulaire dénudée des cellules bordant la zone lésée. Une prolifération cellulaire est ensuite observée, avec un pic d’activité mitotique qui culmine généralement 48 heures après la lésion et concerne les cellules dans la zone de réparation [17]. Bien que la zone lésée soit réépithélialisée, l’établissement de la jonctionnalité et de l’étanchéité épithéliale n’est restaurée qu’après plusieurs jours [15].

La régénération complète de l’épithélium, avec différenciation de l’ensemble des phénotypes cellulaires, ne peut être obtenue dans des modèles in vitro de culture en deux dimensions qu’en conditions de culture à l’interface air-liquide [18], ce qui suggère que les cellules épithéliales sont capables, dans ces conditions de culture, de produire des facteurs susceptibles de favoriser leur différenciation. Des modèles de régénération en trois dimensions permettent également, à partir de cellules épithéliales dissociées, de reconstituer un épithélium respiratoire de surface polarisé et différencié, caractérisé par une sécrétion de chlore stimulable par les agents pharmacologiques qui augmentent la concentration d’AMPc et l’activité intracellulaire du calcium. L’intérêt majeur de ces structures épithéliales (organoïdes) est lié à leur capacité de maintenir leur différenciation pendant plusieurs mois [19].

Récemment, une nouvelle approche permettant d’obtenir un épithélium respiratoire de voies aériennes en culture in vitro a été décrite à partir des cellules souches embryonnaires (ES). Ces cellules ES, isolées de la masse cellulaire interne du blastocyste pré-implantatoire, ont la caractéristique d’être pluripotentes, c’est-à-dire de produire tous les types cellulaires constituant l’organisme, et de proliférer à l’infini lorsqu’elles sont maintenues dans un état indifférencié. Au niveau de l’épithélium respiratoire, il a été décrit que la différenciation des cellules ES murines pouvait être orientée vers l’obtention de pneumocytes de type II [20] et, plus récemment, nous avons démontré que des cellules ES murines étaient capables de se différencier en cellules épithéliales des voies aériennes et de reconstituer un épithélium respiratoire complet et fonctionnel, parfaitement identique à l’épithélium respiratoire trachéal murin et présentant non seulement des cellules de Clara, mais aussi des cellules basales et ciliées [21].

Modèles in vivo

De nombreux modèles animaux ont été développés afin d’analyser la réponse de l’épithélium bronchique à différentes sources lésionnelles. In vivo, la régénération de l’épithélium trachéal après une lésion mécanique met en jeu une série d’événements : étalement des cellules bordant la lésion, migration des cellules basales pour recouvrir la zone dénudée, réétablissement des jonctions serrées et établissement d’une métaplasie malpighienne, puis prolifération active avec hyperplasie des cellules basales et muqueuses suivie d’une différenciation progressive des cellules muqueuses en cellules préciliées (phénotype cellulaire mixte présentant les caractéristiques de cellules ciliées et de cellules muqueuses). Cette séquence d’événements aboutit à la reconstitution d’un épithélium pseudostratifié cilié dans un délai de quelques jours à quelques semaines, selon l’importance de la lésion [22].

Plus récemment, des modèles chimériques de reconstruction de l’épithélium respiratoire chez des souris xénotolérantes ont été développés. Le modèle de xénogreffe chez la souris SCID a permis de montrer que des cellules de trachée foetale humaine indifférenciée pouvaient reformer un épithélium respiratoire mature et différencié [23]. Dans le modèle de xénogreffe humanisée « ouverte » chez la souris nude, nous avons observé qu’après une étape de dédifférenciation, les cellules épithéliales respiratoires de surface humaines, ensemencées sur une trachée de rat dénudée de son propre épithélium, adhèrent à la lame basale, s’étalent et migrent pour recoloniser la matrice hôte, prolifèrent pour former un épithélium présentant une métaplasie malpighienne, puis adoptent progressivement un phénotype différencié donnant naissance à un épithélium de surface pseudostratifié mature associé à des structures glandulaires [24] (Figure 2). Ce modèle de trachée reconstituée « ouverte », similaire à une trachée humaine, mime la dynamique des événements mis en jeu lors de la régénération : il présente également l’avantage de permettre de recueillir de manière itérative le liquide de sécrétion, d’analyser son contenu et d’étudier la modulation de l’expression des molécules matricielles, des facteurs de croissance et des cytokines au cours de la régénération épithéliale.

Figure 2

Étapes de la régénération de l’épithélium respiratoire des voies aériennes dans le modèle de xénogreffe humanisée dans la souris nude.

Étapes de la régénération de l’épithélium respiratoire des voies aériennes dans le modèle de xénogreffe humanisée dans la souris nude.

Ce modèle permet de mimer la cinétique des événements aboutissant à la régénération complète de l’épithélium respiratoire. L’étape I (A) est caractérisée par une adhérence et une migration cellulaires : l’épithélium en cours de régénération est constitué d’une monocouche de cellules indifférenciées aplaties. L’étape II (B) est caractérisée par une prolifération cellulaire importante : les cellules forment un épithélium pluristratifié recouvert d’une couche de cellules malpighiennes. Au cours de l’étape III (C), l’épithélium se pseudostratifie progressivement. L’étape IV (D) est caractérisée par une pseudostratification et une différenciation mucociliaire complète de l’épithélium : à ce stade, l’épithélium régénéré est parfaitement similaire à un épithélium recouvrant les voies aériennes humaines. Les sections de xénogreffes ont été colorées à l’hématoxyline et l’éosine. Barre : 75 µm (d’après [36]).

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Facteurs cellulaires et moléculaires impliqués dans la réparation et la régénération de l’épithélium respiratoire des voies aériennes

Les facteurs cellulaires et moléculaires impliqués dans la régénération de l’épithélium respiratoire sont multiples et interagissent étroitement (Figure 3). Les principaux mécanismes étudiés concernent la réparation de la lésion, plutôt que la régénération qui implique la différenciation et la polarisation de l’épithélium. Au cours de la phase initiale d’étalement et de migration cellulaire, interviennent de façon majeure les composants de la matrice extracellulaire et les récepteurs de type intégrines, les protéines vésiculaires telles que la cellubrévine, ainsi que les métalloprotéinases matricielles (MMP), leurs inhibiteurs, des cytokines pro-inflammatoires et des facteurs de croissance, dont le rôle spécifique dans la redifférenciation et la reconstitution complète de l’épithélium respiratoire a été peu décrit.

Figure 3

Facteurs cellulaires et moléculaires impliqués dans la réparation et la régénération de l’épithélium respiratoire des voies aériennes.

Facteurs cellulaires et moléculaires impliqués dans la réparation et la régénération de l’épithélium respiratoire des voies aériennes.

Ces facteurs cellulaires et moléculaires sont multiples et interagissent étroitement. Les différents processus cellulaires mis en jeu au cours de la régénération épithéliale (adhérence, migration, prolifération et différenciation) sont modulés par les composants de la matrice extracellulaire, les métalloprotéinases matricielles (MMP), ainsi que par un certain nombre de cytokines et de facteurs de croissance. L’ensemble de ces protéines régulatrices peut être produit par les cellules épithéliales elles-mêmes, ou par les cellules du mésenchyme sous-jacent : fibroblastes, cellules inflammatoires, endothéliales ou cartilagineuses.

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Rôle des composants de la matrice extracellulaire (MEC) dans la régénération

Les composants de la MEC jouent un rôle clé dans la réépithélialisation de l’épithélium respiratoire. Au cours de la migration, les cellules épithéliales adhèrent de façon transitoire à une matrice provisoire qui va subir des modifications dynamiques. La fibronectine et les principaux composants de la membrane basale, comme la laminine et le collagène de type IV, vont alors être utilisés comme support matriciel par l’intermédiaire de récepteurs cellulaires tels que les intégrines, situées au pôle basal des cellules épithéliales. La polymérisation active de la fibronectine, déposée à l’interface matrice/cellule au cours de la réparation, favorise la migration cellulaire ; parallèlement, l’intégrine α5, l’un de ses récepteurs, est hyperexprimée [25]. L’utilisation d’anticorps a montré que si les intégrines β1 sont nécessaires à la migration rapide des cellules épithéliales respiratoires sur le collagène IV et sur les laminines 1 et 2, les intégrines α2, α3 et α6 sont directement impliquées dans la migration cellulaire sur le collagène IV [26]. Les intégrines ayant fixé leur ligand sont capables d’activer la protéine-tyrosine kinase FAK (focal adhesion kinase) qui, par l’intermédiaire d’un complexe formé avec les kinases de la famille Src, les protéines Grb2 et c-Crk, déclenche une réorganisation du cytosquelette d’actine et l’activation de la voie Ras-MAP (mitogen activated protein) kinase. De plus, il a récemment été démontré que la cellubrévine, récepteur vésiculaire endosomique d’attachement appartenant à la famille des SNARE (soluble N-ethylmaleimide-sensitive factor attachment protein [SNAP] receptor), intervient dans la migration cellulaire en modulant l’adhérence cellulaire médiée par les intégrines [27]. Il est à noter que, en plus des protéines de la MEC, le cartilage peut influencer la régénération des cellules épithéliales respiratoires en modulant leur prolifération et leur différenciation. Hicks et al. ont ainsi mis en évidence qu’en présence de cartilage, les cellules épithéliales ne s’étalaient pas et exprimaient des taux réduits de TGF-α et -β (transforming growth factor), molécules régulatrices de la migration et de la prolifération épithéliale [28].

Rôle des métalloprotéinases matricielles dans la régénération

Au cours des phénomènes d’étalement et de migration survenant immédiatement après une lésion de l’épithélium respiratoire, les cellules épithéliales entrent en contact avec les molécules de la MEC au travers de points focaux et de contacts primordiaux transitoires qui permettent leur ancrage et leur traction à partir de la MEC. À ce stade, interviennent les MMP qui éliminent les molécules partiellement dénaturées et remodèlent la matrice nouvellement synthétisée. Au cours de la réépithélialisation de l’épithélium respiratoire lésé, il a été montré que la MMP-9 (gélatinase B) est surexprimée et s’accumule dans les cellules migratoires, tandis que le blocage de la MMP-9 inhibe leur migration [29, 30]. Les stromélysines 1 et 3 (MMP-3 et MMP-11, respectivement) sont exprimées par ces mêmes cellules caractérisées par un phénotype épithélio-mésenchymateux. La stromélysine 3 étant essentiellement produite in vivo par les cellules mésenchymateuses, la présence de stromélysine 3 et de vimentine dans les cellules épithéliales respiratoires migratoires réparant une lésion peut être considérée comme le reflet d’une transition épithéliomésenchymateuse indispensable à la réépithélialisation de la barrière épithéliale [31]. Une dérégulation de cette transition, dans le cas de cellules cancéreuses, par exemple, peut toutefois entraîner l’invasion des tissus par les cellules pathologiques et la formation de tumeurs secondaires [32]. La matrilysine (MMP-7) peut également influencer la réépithélialisation respiratoire : de fait, la matrilysine, exprimée constitutivement par les cellules de l’épithélium respiratoire des voies aériennes, est surexprimée par les cellules migratoires ; inversement, la réépithélialisation de l’épithélium trachéal est bloquée chez des souris déficientes en matrilysine [33]. C’est en clivant l’ectodomaine de la cadhérine E que la MMP-7 induirait la réparation des lésions épithéliales [34]. La MMP-7 interviendrait donc non seulement dans la défense de l’épithélium respiratoire, mais également dans sa réparation [5]. Quelques rares données suggèrent que les MMP pourraient influencer la régénération de l’épithélium respiratoire, en dehors de la phase de migration cellulaire. En effet, il a été rapporté que les MMP-2 et -9, sécrétées par les cellules du cartilage trachéal, pourraient inhiber l’attachement et la prolifération des cellules épithéliales, entraînant des anomalies de réépithélialisation [35]. Les MMP pourraient également faciliter le relargage de facteurs de croissance comme le VEGF (vascular endothelial growth factor), le TGF-β (transforming growth factor β) ou le bFGF (basic fibroblast growth factor), accumulés au niveau des protéoglycanes, ou intervenir en clivant des récepteurs de facteurs de croissance. Enfin, nous avons récemment démontré que les MMP-7 et -9 modulent la différenciation des cellules épithéliales au cours de la régénération de l’épithélium respiratoire des voies aériennes dans un modèle de xénogreffe humanisée chez la souris nude. L’expression et la sécrétion de ces MMP augmentent au cours des différentes étapes de la régénération, ces MMP étant localisées à la surface de l’épithélium parfaitement différencié. L’incubation des cellules épithéliales avec des inhibiteurs de ces MMP au cours de la régénération entraîne des remaniements de l’épithélium qui se traduisent par un défaut de différenciation mucociliaire dans un épithélium présentant une métaplasie malpighienne avec des zones de métaplasie des cellules basales [36].

Rôle des facteurs de croissance dans la régénération de l’épithélium respiratoire

De nombreux facteurs de croissance semblent capables d’accélérer la réparation des lésions de l’épithélium bronchique, principalement en modulant la migration et la prolifération cellulaires. Ces facteurs de croissance sont principalement sécrétés par les cellules présentes dans le mésenchyme, mais peuvent également être produits par les cellules de l’épithélium respiratoire.

L’activation du récepteur EGFR (epidermal growth factor receptor) par différents ligands joue un rôle majeur : en effet, l’EGF accélère la réparation des lésions épithéliales en modulant la migration cellulaire, un inhibiteur de la voie EGFR tyrosine kinase entraînant un blocage de la réépithélialisation [26, 37]. De plus, Barrow et al. ont suggéré que l’EGF et le PDGF (platelet-derived growth factor) favorisent la régénération de l’épithélium respiratoire en stimulant la prolifération et la différenciation des cellules épithéliales respiratoires [38]. L’HGF (hepatocyte growth factor), le KGF (keratinocyte growth factor) et les IL-1α et β régulent la migration cellulaire, mais peuvent également avoir une action mitogénique [39-41].

Il a également été démontré que la lésion de l’épithélium bronchique induit la production de MCP-1 (monocyte chemoattractant protein-1) par les cellules épithéliales respiratoires, une protéine qui favorise la réparation de la lésion en se liant à son récepteur CCR2B [42]. Des peptides trifoliés (TFF), en particulier TFF2, peuvent également, via la voie d’activation de la protéine kinase C et de ERK (extracellular signal-related protein kinase) 1/2, agir en synergie avec l’EGF dans la réparation de l’épithélium respiratoire [43]. Enfin, l’héréguline-α, en raison de sa liaison avec les récepteurs erbB2-4, favorise la réépithélialisation de lésion de l’épithélium respiratoire [44].

Les facteurs de croissance comme l’insuline ou l’HGF interviennent en activant la synthèse de la matrice extracellulaire, comme l’IL-8 en stimulant l’expression des MMP ou comme l’IL-13 en favorisant la sécrétion d’autres facteurs de croissance motogènes et mitogènes. L’augmentation de l’expression de ces facteurs de croissance par les cellules épithéliales respiratoires lésées faciliterait la réépithélialisation par un mécanisme de réparation autocrine. Le rôle spécifique des facteurs de croissance dans la différenciation des cellules épithéliales respiratoires et la régénération complète de l’épithélium des voies aériennes est encore mal connu. Les travaux de Shen et al. suggèrent que l’HGF pourrait non seulement moduler la migration et la prolifération des cellules épithéliales respiratoires, mais également favoriser la différenciation ciliée et la fonction de sécrétion de chlore, probablement via une activation de son récepteur c-met [45]. Par ailleurs, l’EGF, la toxine cholérique et l’IL-13 seraient des inhibiteurs de la différenciation ciliée tandis que l’EGF, comme l’IL-4, l’IL-9, l’IL-13 et l’élastase du neutrophile seraient de puissants inducteurs de la différenciation des cellules muco-sécrétrices [46-48]. On sait également que les défensines du neutrophile, comme l’HNP1-3, peuvent moduler la régénération de l’épithélium respiratoire lésé, non seulement en modulant la migration et la prolifération cellulaire par la voie d’activation MAP-kinase/ERK1/2, mais également en induisant la différenciation des cellules à mucus [49]. Il est maintenant clairement admis que l’acide rétinoïque est essentiel pour la différenciation mucociliaire [18], qui est optimale en conditions de culture à l’interface air-liquide, la culture en immersion des cellules épithéliales respiratoires induisant une réduction drastique du pourcentage de cellules différenciées.

La différenciation des cellules ciliées et le maintien de cet état de différenciation est particulièrement régulé par le facteur de transcription Foxj1 (également nommé HFH-4), un membre de la famille winged-helix/forkhead. Foxj1 est détecté dans les cellules épithéliales avant l’apparition des premiers cils, puis est localisé dans les cellules exprimant la tubuline β4 [50]. Foxj1 régule la localisation apicale de l’ezrine et la formation de l’axonème ciliaire [51] ; la délétion du gène codant Foxj1 entraîne une absence de cils dans l’épithélium respiratoire. Le gène KPL2 semble également jouer un rôle majeur dans la différenciation des cellules ciliées [52]. À l’inverse, les facteurs de transcription HNF (hepatocyte nuclear factor)-3α et -3β semblent être impliqués dans la différenciation des cellules sécrétrices en régulant l’expression de gènes codant les protéines exprimées par les cellules de Clara [53], de même que le facteur de transcription Foxa2 dont la délétion entraîne une hyperplasie des cellules mucosécrétrices et une hypersécrétion de mucines.

Conclusions et perspectives

Le remodelage et les lésions de l’épithélium respiratoire rendent celui-ci particulièrement fragile et susceptible aux infections bactériennes, ce qui peut accélérer les lésions pulmonaires et participer à la chronicité de pathologies obstructives bronchiques et pulmonaires. Dans les maladies chroniques, la régénération épithéliale est parfois anormale, avec des phénomènes de remodelage de la muqueuse ayant des conséquences délétères sur la fonction respiratoire. De même, une dérégulation continuelle du phénomène de réparation de l’épithélium (production anormale de protéines de la matrice extracellulaire, des MMP, des cytokines…) peut entraîner la formation de cancers épithéliaux. Une meilleure connaissance des mécanismes de régénération des épithéliums des voies aériennes devrait permettre d’envisager la possibilité de moduler ce processus de régénération, en l’accélérant ou en le modifiant lorsqu’il risque d’entraîner la formation d’un épithélium anormal. Le développement de thérapeutiques prorégénératrices de l’épithélium respiratoire représente un enjeu majeur dans le traitement de pathologies bronchiques comme l’asthme, les bronchopneumopathies chroniques obstructives, la mucoviscidose ou les bronchiolites oblitérantes.