L’histoire de l’homme, c’est aussi l’histoire des pathogènes qui l’infectent et de leur co-évolution. Les maladies infectieuses ont certainement constitué un facteur de pression de sélection majeur dans le processus d’adaptation de notre espèce aux différents environnements dont font partie les pathogènes. Outre la biologie cellulaire, la génétique classique et l’épidémiologie, la génétique des populations et la biologie évolutive offrent des approches et stratégies alternatives pour mieux comprendre cette étroite relation entre l’homme et les microbes, et permettent d’évaluer les conséquences d’une exposition différentielle de l’homme aux environnements pathogènes sur la variabilité du génome humain. L’adaptation de l’homme aux pathogènes a entraîné des processus biologiques sélectifs qui peuvent avoir laissé des traces sur la répartition de la variabilité génétique dans les populations humaines [1]. En effet, outre les effets de la démographie et l’histoire des populations, la sélection naturelle est une des forces les plus importantes ayant influencé la variabilité du génome [2]. La sélection naturelle peut influencer, par exemple, la fréquence d’un variant génétique qui fait que les individus porteurs de celui-ci sont mieux protégés face à une maladie comme le paludisme. Ce variant aura donc la tendance à augmenter en fréquence dans une population habitant dans une région où le paludisme est endémique. Ainsi, à la différence des effets démographiques qui agissent de la même manière sur la totalité du génome, la sélection naturelle agit de manière ciblée et variable sur certaines parties du génome, selon leur fonction spécifique et leur rôle dans l’adaptation de l’homme à l’environnement. De nombreuses études ont cherché les empreintes génétiques de la sélection naturelle sur des gènes humains impliqués dans l’immunité ou dans les relations hôte/pathogène. Ainsi, la sélection naturelle semble avoir laissé des traces sur des gènes humains comme ceux codant pour le système CMH, la β-globine, G6PD et CCR5, entre autres [3-6]. Cependant, très peu d’études se sont concentrées sur la variabilité génétique de gènes humains impliqués dans la reconnaissance précoce des agents infectieux (ou de leurs produits métaboliques), et encore moins sur l’impact de la sélection naturelle sur le système de la réponse immunitaire innée. En effet, l’immunité innée constitue la première ligne de défense et d’interaction entre l’hôte humain et les pathogènes [7]. Les cellules effectrices de l’immunité innée, comme les macrophages ou les cellules dendritiques, ont pour fonction de détecter les pathogènes en reconnaissant des motifs moléculaires exprimés par ces derniers. Ces cellules effectrices arborent des récepteurs qui reconnaissent comme des « corps étrangers » les motifs moléculaires caractérisant les pathogènes et déclenchent une série de réactions qui aboutissent finalement à une réponse immunitaire plus spécifique, dite réponse adaptative. Parmi ces récepteurs cellulaires, les lectines de type C ainsi que les récepteurs Toll-like ont fait l’objet de nombreuses études au cours des dernières années dans le domaine de l’immunologie, approfondissant nos connaissances sur les interactions précoces entre l’hôte humain et les agents infectieux [8]. Les lectines sont des protéines, membranaires ou solubles, qui reconnaissent des motifs glycosylés. On les dit « de type C » lorsque cette reconnaissance requiert des ions calcium. Plus particulièrement, deux membres de la famille des lectines de type C, DC-SIGN (dendritic cell-specific ICAM-3 grabbing nonintegrin) et L-SIGN (liver/lymph node-specific ICAM-3 grabbing nonintegrin), se sont révélés très intéressants dans le cadre des interactions hôte-pathogène [9]. Ces deux gènes sont localisés sur le bras court du chromosome 19 et résultent d’une duplication (Figure 1). Ils codent des récepteurs des cellules effectrices de l’immunité innée et ils interagissent avec un grand nombre d’agents infectieux dont certains d’une importance capitale en santé publique. Ainsi, DC-SIGN reconnaît des bactéries comme Mycobacterium …
Parties annexes
Références
- 1. Vallender EJ, Lahn BT. Positive selection on the human genome. Hum Mol Genet 2004 ; 13 (n° spécial) : R245-54.
- 2. Bamshad M, Wooding SP. Signatures of natural selection in the human genome. Nat Rev Genet 2003 ; 4 : 99-111.
- 3. Prugnolle F, Manica A, Charpentier M, et al. Pathogen-driven selection and worldwide HLA class I diversity. Curr Biol 2005 ; 15 : 1022-7.
- 4. Flint J, Harding RM, Boyce AJ, Clegg JB. The population genetics of the haemoglobinopathies. Baillieres Clin Haematol 1998 ; 11 : 1-51.
- 5. Sabeti PC, Reich DE, Higgins JM, et al. Detecting recent positive selection in the human genome from haplotype structure. Nature 2002 ; 419 : 832-7.
- 6. Bamshad MJ, Mummidi S, Gonzalez E, et al. A strong signature of balancing selection in the 5’ cis-regulatory region of CCR5. Proc Natl Acad Sci USA 2002 ; 99 : 10539-44.
- 7. Janeway CA Jr, Medzhitov R. Innate immune recognition. Annu Rev Immunol 2002 ; 20 : 197-216.
- 8. Gordon S. Pattern recognition receptors : doubling up for the innate immune response. Cell 2002 ; 111 : 927-30.
- 9. Koppel EA, van Gisbergen KP, Geijtenbeek TB, van Kooyk Y. Distinct functions of DC-SIGN and its homologues L-SIGN (DC-SIGNR) and mSIGNR1 in pathogen recognition and immune regulation. Cell Microbiol 2005 ; 7 : 157-65.
- 10. Barreiro LB, Patin E, Neyrolles O, Cann HM, Gicquel B, Quintana-Murci L. The heritage of pathogen pressures and ancient demography in the human innate-immunity CD209/CD209L region. Am J HumGenet 2005 ; 77 : 869-86.