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Hasard du calendrier. Les articles consacrés au récepteur calcique étaient programmés de longue date dans ce numéro [1, 2] lors de l’annonce du prix Nobel de Physiologie et de Médecine 2004 ((→) m/s 2004, n° 11, p. 1045).

Les récepteurs olfactifs occupent aujour- d’hui le devant de la scène et, sous le feu des projecteurs, laissent dans l’ombre leurs cousins germains, sensibles au calcium. Ces deux sous-groupes de récepteurs membranaires couplés aux protéines G font bien partie de la même famille - la famille C - où leurs places respectives dans l’arbre phylogénique sont très proches. Différence notable toutefois : alors que les isoformes des récepteurs olfactifs, produits de gènes différents, se comptent par centaines - les gènes des récepteurs olfactifs représentent à eux seuls 1 % de nos gènes - on ne connaît aucune isoforme du récepteur calcique. Il est seul, unique, et, contrairement à ses cousins de l’odorat qui élèvent la sélection des ligands à la hauteur d’un art, se laisse lier par de nombreux cations divalents (calcium, baryum, strontium, cadmium et, avec une plus basse affinité, magnésium). Les cations trivalents (lanthane, gadolinium) sont des agonistes encore plus puissants. Le récepteur calcique n’est pas la seule protéine capable de se lier à un ion et de détecter des variations de sa concentration locale. Des récepteurs de protons commencent à être identifiés, des récepteurs de phosphate sont connus, au moins chez la levure. Néanmoins, le récepteur calcique tire sa singularité de l’unique gradient de concentration entre l’intérieur de la cellule et son environnement en ce qui concerne les concentrations de calcium. La gageure est de « sentir » des variations inférieures à 5 % de la calcémie et de les signaler alors même que la concentration cytosolique de calcium est dix mille fois plus faible.

Alors que les récepteurs olfactifs jouent un rôle majeur en induisant des réponses comportementales essentielles à la survie dans de nombreuses espèces animales, le récepteur calcique est le dernier né des chaînons d’une boucle de régulation donnée en exemple à tous les étudiants. La grandeur réglante en est la concentration plasmatique de calcium ionisé ; sa diminution entraîne la libération de l’hormone parathyroïdienne (PTH) - ce que l’on sait depuis qu’il est possible de mesurer la concentration circulante de cette hormone [3] - qui, à son tour, corrige cette diminution en libérant du calcium de l’os.

Il aura fallu trente ans de recherches entre l’avènement du dosage de la PTH et la découverte du récepteur calcique, protéine à sept domaines transmembranaire [4] exprimée à la surface des cellules parathyroïdiennes, qui change de conformation lorsqu’elle lie le calcium et transforme ce signal en activation de phospholipases. Dès lors, les investigations ont été menées dans trois directions principales. D’une part, les sites d’expression du récepteur en dehors des glandes parathyroïdes ont été cherchés et plusieurs ont été trouvés dans de nombreux tissus dont le système nerveux, le rein et l’os, le tube digestif, le poumon ou la peau. L’élucidation de la fonction du récepteur dans ces divers organes est loin d’être achevée. D’autre part, des mutations du récepteur, assorties d’un gain ou d’une perte de fonction ont été découvertes. Leur traduction clinique dépend, dans sa sévérité, du type de mutation. Enfin, l’idée de leurrer le récepteur grâce à des agonistes (calcimimétiques) ou des antagonistes (calcilytiques) de synthèse s’est traduite par la mise au point de nouveaux médicaments. Les calcimimétiques, qui miment l’effet du calcium soit en se liant directement au récepteur soit en exerçant un effet allostérique qui potentialise celui du calcium, freinent la sécrétion de PTH et constituent un traitement prometteur des hyperparathyroïdies telles qu’on les observe au cours de l’insuffisance rénale chronique par exemple. Les calcilytiques, dont le développement est moins avancé, stimulent au contraire la sécrétion de PTH. Ils pourraient donc favoriser les effets stimulants de cette hormone, récemment mis en évidence, sur la formation osseuse et constituer ainsi un traitement de choix de l’ostéoporose.

Ce récepteur calcique, protéine pléiotrope, n’a pas encore, loin s’en faut, raconté toute son histoire. Celle-ci couvre tous les domaines de la biologie et de la médecine. La route est longue jusqu’à Stockholm mais les étapes sont passionnantes.