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Un nouveau traitement de l’obésité : le blocage des récepteurs cannabinoïdes

Le système des endocannabinoïdes, ligands endogènes aux effets voisins de ceux du cannabis, participe à la régulation du bilan énergétique. Ces ligands reconnaissent deux types de récepteurs couplés à des protéines G. Les récepteurs de type 1 (CB1) sont présents dans le cerveau et de nombreux tissus périphériques (dont les adipocytes et le tractus gastro-intestinal). L’absence de ces récepteurs chez les souris invalidées entraîne maigreur et résistance à l’obésité et à la dyslipidémie d’origine alimentaire. L’obésité étant, dans les sociétés des pays occidentaux, un problème majeur de santé publique et de traitement souvent difficile, il était donc logique de rechercher si les inhibiteurs des récepteurs CB1, comme le rimonabant, pouvaient représenter une nouvelle approche thérapeutique. C’est ce que viennent de démontrer L.F. Van Gaal et al. [1] dans une étude multicentrique regroupant 1 507 patients avec une majorité de femmes dont l’indice de masse corporelle égalait ou dépassait 30 kg/m2 ou 27 kg/m2 s’il s’y ajoutait une hypertension artérielle ou une dyslipidémie. Après tirage au sort, les patients reçurent soit un placebo, soit 5 ou 20 mg de rimonabant par jour plus, dans les trois groupes, un régime modérément hypocalorique (déficit de 600 kcal/jour). La perte de poids au bout d’un an était significativement plus élevée dans les deux groupes traités (- 4,8 et - 8,6 kg) que dans le groupe témoin (- 3,6 kg). Il s’y associait une diminution du tour de taille (- 5,3 et - 8,5 cm versus - 1,5 cm), une diminution du LDL-cholestérol avec augmentation du HDL-cholestérol, une diminution des triglycérides et du taux d’insuline plasmatique à jeun. Ces différences étaient significatives uniquement dans le groupe recevant la dose de 20 mg/kg. Le médicament fut, dans l’ensemble, bien toléré, les effets secondaires étant le plus souvent transitoires et de faible intensité (nausées et diarrhée, essentiellement). Le mode d’action du rimonabant consiste en une diminution de l’appétit, d’origine centrale, mais aussi périphérique, par action sur les récepteurs gastro-intestinaux. Il s’y ajoute un effet sur les adipocytes avec augmentation de la sécrétion d’adiponectine, un peptide contrôlant l’oxydation des acides gras et s’opposant à l’hyper-insulinémie. Cette étude montre que le rimonabant est un traitement efficace du syndrome métabolique : la prévalence fut réduite des deux tiers chez les malades recevant 20 mg/jour et allés jusqu’au bout de l’étude.

Pseudo-infarctus du myocarde après stress émotionnel brutal

Une défaillance cardiaque, heureusement en général, réversible, est un phénomène connu, classique dans la littérature. La comtesse de Ségur, dans La fortune de Gaspard, parle de « la joie des cinq millions qui avait tué le père Thomas ». Le mécanisme en demeure cependant mal connu. L’étude de 19 cas de retentissement ventriculaire gauche sévère mais réversible après une émotion violente a fait l’objet d’un travail mené en collaboration par plusieurs équipes du Johns Hopkins Hospital à Baltimore (MD, USA) [2]. Dix-neuf sujets victimes d’un stress ont été comparés à 7 malades qui présentaient, eux, un infarctus du myocarde. Ces patients étaient presque toutes des femmes (95 %) avec un âge moyen de 65 ans (52 à 71 ans). À la suite d’une émotion violente, elles se sont plaint de douleurs thoraciques, avec oedème pulmonaire et manifestations cardiaques. Toutes ont eu une angiographie coronarienne, des échocardiographies en série et, certaines, une biopsie endomyocardique. Ont aussi été pratiqués des dosages de neuropeptides, catécholamine plasmatique, norépinéphrine, dopamine. Des troubles de l’électrocardiogramme ont été constamment observés et montraient une inversion de l’onde T, un intervalle QT prolongé. Le dysfonctionnement ventriculaire était évident à l’admission (fraction médiane d’éjection de 0,20), mais réversible dans tous les cas (0,60 après 4 semaines). La biopsie pouvait révéler une infiltration mononucléaire et des bandes de nécrose. Les catécholamines étaient plus élevées qu’en cas d’infarctus : 1 264 pg/ml en moyenne (916 à 1 374) versus 376 pg/ml (275 à 476). Il existait également une élévation de la norépinéphrine (2 284 pg/ml versus 1 100 pg/ml) et de la dopamine (111 pg/ml versus 61 pg/ml). Dans les cas étudiés, le dysfonctionnement ventriculaire gauche s’est avéré réversible. On a pu vérifier l’absence de lésion coronarienne. L’ensemble des examens a montré, en revanche, une forte exagération de la stimulation sympathique, à l’origine d’un tableau clinique qui simulait un infarctus. Le père Thomas n’a pas eu cette chance !

Manger à sa faim et ne pas grossir, c’est possible, chez la souris

Le syndrome métabolique et son composant principal - l’obésité - étant un problème majeur de santé publique, voici encore une nouvelle étude sur ce sujet. La stéaroyl-CoA-désaturase est l’enzyme limitante convertissant les acides gras saturés à longue chaîne en acides gras mono-insaturés qui sont les composants essentiels des triglycérides, des esters de cholestérol et des phospholipides. L’isoforme 1 (SCD-1) est présente dans un grand nombre de tissus et semble jouer le rôle principal. G. Jiang et al. [3] viennent d’établir que cette enzyme pouvait constituer une cible thérapeutique en montrant que l’inhibition de l’expression de SCD-1 par un oligonucléotide antisens (OAS) prévenait l’obésité d’origine alimentaire chez la souris. Ils ont d’abord utilisé des hépatocytes de souris in vitro qu’ils ont transfectés avec des OAS spécifiques ou brouillés. Les niveaux d’ARNm et de protéine SCD-1 ont considérablement diminué par rapport aux témoins après ce traitement. Il en était de même pour la sécrétion et la synthèse des acides gras alors que leur oxydation était augmentée. Les auteurs ont ensuite étudié des souris soumises à un régime riche en graisses qu’ils ont traitées par des injections bi-hebdomadaires d’OAS pendant 10 semaines. L’appétit ne fut pas modifié. En revanche, le poids diminua et l’analyse de la composition corporelle par résonance magnétique nucléaire montra une augmentation de la masse maigre aux dépens de la graisse. Le traitement augmenta la consommation d’oxygène, l’activité motrice et diminua la concentration post-prandiale d’insuline et la glycémie. En traitant les animaux à doses croissantes et en les sacrifiant au cours du temps, on constata, après 10 semaines de traitement avec 15 mg/kg d’OAS, une réduction de l’ARNm et de l’activité enzymatique de la SCD-1 dans le foie. Ce traitement altéra l’expression de très nombreux gènes, diminuant celle des gènes de la lipogenèse et augmentant celle des gènes de la lipolyse. Il réduisit aussi le degré de stéatose hépatique et la synthèse des acides gras. Outre le foie, les auteurs examinèrent les tissus graisseux blanc et brun, ce dernier jouant un rôle majeur dans la thermogenèse. L’ARNm de SCD-1 était diminué dans les deux tissus tandis que celui des protéines de découplage qui accélèrent le métabolisme était augmenté dans le tissu brun. On peut donc conclure que l’inhibition de SCD-1 protège les souris de l’obésité d’origine alimentaire. Un inhibiteur pharmacologique plus facile à utiliser qu’un OAS représenterait l’idéal puisque les malades, tout en mangeant à leur faim, ne grossiraient plus.

Comment la fourmi s’attaque à beaucoup plus gros qu’elle

Certaines fourmis, dans les arbres, déploient, pour satisfaire leurs besoins en produits azotés, de réelles tactiques d’embuscade. L’observation d’une espèce de fourmi (Allomerus decemarticulatus) par des chercheurs français de Toulouse et Clermont-Ferrand, et américains d’Urbana (Illinois), a révélé qu’elle utilise des plantes velues dont elle coupe, puis colle ensemble les poils pour créer un passage spongieux dans lequel elle ajoute une moisissure et qui s’avère un piège pour de gros insectes [4]. La fourmi, qui est sous cette galerie, perce alors des trous, la proie est immobilisée, tirée, transportée, puis dévorée par toute la colonie. Cette fourmi est spécifiquement associée à une plante de l’Amazonie (Hirtella physophora). Ses feuilles contiennent des poches où vivent les colonies de fourmis. De façon méthodique, les travailleuses percent des trous dans les tiges, leur permettant d’entrer et de sortir, elles utilisent des poils comme piliers, qu’elles lient par un mycélium pour construire des galeries. Aucune moisissure n’était observable sur de jeunes plants avant le développement des poches. On n’en voit pas non plus sur des plants élevés en serre qui forment leurs poches, mais en l’absence de fourmis. La moisissure est apportée par les fourmis qui organisent le mycélium. L’observation attentive a montré que les travailleuses se tiennent dans les galeries voûtées, juste sous les trous qu’elles ont percés, mandibules ouvertes, dans l’attente de l’insecte qui se poserait là. Pour le tuer, elles agrippent une patte libre, une antenne ou une aile, puis tirent l’insecte par un mouvement de va-et-vient dans le trou, jusqu’à ce qu’il soit à la portée de toute la colonie qui l’attaque de toute part. Il est alors lentement tiré vers la poche, où il sera dévoré. Pour satisfaire leurs besoins en azote, qui sont essentiels, les fourmis peuvent soit consommer sur place, soit faire recycler par des micro-organismes symbiotiques ou garder en stock dans une cuticule. On le voit, les besoins contraignants de ces hyménoptères ont abouti à cette triple association entre fourmi, plante et champignon.

Une horloge circadienne conservée est indispensable au maintien de l’équilibre énergétique

Beaucoup des facteurs responsables de l’équilibre énergétique tels que la succession veille-sommeil et l’ingestion de nourriture sont soumis au rythme circadien. L’horloge responsable de ce rythme est située dans le noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus. La découverte récente, par des expériences in vitro, de gènes impliqués dans le rythme circadien et s’exprimant dans d’autres régions du système nerveux central ou dans des tissus périphériques, démontre qu’il existe, à côté de la régulation hypothalamique classique, une régulation locale, véritable horloge moléculaire. Le gène clock joue à cet égard un rôle majeur comme le prouve l’étude de souris mutantes pour ce gène dont le rythme circadien activité-repos est profondément perturbé. F.W. Turek et al. [5] viennent de montrer, par l’étude de ces souris, que le dérèglement de leur horloge les conduisait à l’obésité. Les dépenses énergétiques sont diminuées de 10 % chez les souris mutantes alors que l’ingestion de nourriture est augmentée, ce qui aboutit à une prise de poids de 24 % ou 38 % chez les témoins et de 29 % ou 49 % chez les mutants âgés de 6 semaines, selon qu’ils ingèrent un régime normal ou riche en graisses pendant 10 semaines. Les auteurs ont ensuite montré que la mutation du gène clock affectait le métabolisme des graisses et des glucides. On observe, chez les souris mutantes, hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie, hyperglycémie et hypo-insulinémie. La mutation clock modifie également la concentration sérique (leptine) ou l’expression (orexine, ghréline) des neuropeptides actifs dans la régulation de l’appétit. Ces résultats indiquent que l’horloge circadienne ne contrôle pas seulement la chronologie de la prise de nourriture et de l’activité physique, mais aussi les taux d’expression des transcrits de gènes impliqués dans le métabolisme cellulaire. Lorsqu’on combine mutation et régime riche en graisses, on obtient le surpoids le plus élevé et les modifications les plus sévères des marqueurs plasmatiques. Ce travail élargit considérablement le rôle des gènes du rythme circadien en démontrant qu’ils sont exprimés aussi bien à la périphérie que dans le cerveau, et qu’ils règlent autant la chronologie que le niveau d’activité des processus métaboliques.

Thérapie génique : avec un doigt de zinc, SVP…

L’utilisation de cellules souches autologues, donc sans risque de rejet, élimine le besoin de trouver un donneur tissulaire compatible… à condition d’être capable de corriger efficacement et sans risque le gène malade dans les cellules à greffer. Si les techniques de transfert de gènes par vecteur rétroviral ont montré la faisabilité de cette approche par greffe de cellules souches autologues, l’intégration, au hasard dans le génome, du gène correcteur fait courir des risques de développement de tumeurs [6]. La possibilité de modifier directement le gène muté, sans ajout de matériel génétique étranger, serait donc un réel progrès pour les stratégies de thérapie génique. C’est justement ce que viennent de réaliser deux équipes américaines dans un article paru dans Nature [7]. Les auteurs ont utilisé une technique de recombinaison homologue dirigée, consistant à cibler une séquence spécifique proche de la mutation dans le gène cible, par des protéines à doigts de zinc fusionnées à un domaine endonucléase (ZFN) qui provoquent une cassure double brin de l’ADN que la machinerie cellulaire répare par recombinaison homologue (RH) avec une séquence correctrice donneuse. Les domaines en doigts de zinc représentent les domaines de liaison à l’ADN de nombreux facteurs de transcription. Ils sont constitués par une courte séquence de 25 à 30 acides aminés associant une hélice α et deux feuillets β pour former une structure en doigt coordonnant un atome de zinc. La reconnaissance de la séquence spécifique d’ADN, de 4 bases, est assurée par 6 à 7 acides aminés de l’hélice α, offrant la possibilité, par analyse combinatoire et association de 3 à 4 doigts de zinc, de fabriquer un domaine reconnaissant une séquence d’ADN d’une douzaine de bases qui pourra être unique dans le génome. Ainsi, dans cet article, les auteurs ont pu réaliser des ZFN spécifiques pour l’une des mutations les plus fréquentes du gène IL2RG, responsable d’un déficit immunitaire combiné (X-linked SCID), réalisant la correction par RH dans 18 % des cellules sans sélection (dont 7 % homozygote), à comparer avec environ 10- 6, la fréquence de RH en l’absence de ZFN [8]. Nul doute que de nouvelles stratégies thérapeutiques utiliseront cette technique permettant de modifier le génome sans intégration d’ADN exogène. Par sa haute fréquence et sa précision, la RH dirigée par ZFN constitue également un outil révolutionnaire pour la recherche génétique fondamentale et l’identification de la fonction de nouveaux gènes.

Un nouveau rétrovirus découvert au Cameroun

La famille des rétrovirus comprend les lentivirus dont fait partie le VIH et les oncovirus. Les oncovirus contiennent trois types de virus lymphotropiques T primates (PTLV). PTLV-1 et 2 incluent des virus humains (HTLV-1 et HTLV-2) et des virus simiens (STLV-1 et STLV-2). Les souches de STLV-3 sont très divergentes d’HTLV-1 et 2. L’hypothèse de la transmission du virus simien aux humains est confortée par un nombre croissant d’observations. Il est donc possible que des souches d’HTLV liées à STLV-3 puissent être retrouvées dans les régions où STLV-3 est présente. Le Cameroun présente une très grande diversité de rétrovirus (HIV, HTLV-1, HTLV-2, STLV-1 et 3) et pouvait permettre une telle recherche [9]. Deux cent quarante patients ont été prélevés dans des régions forestières du Cameroun. Les plasmas ont été testés pour la présence d’anticorps anti-HTLV-1/2 en immunofluorescence, utilisant MT2 et C19, antigènes produits par les cellules infectées par HTLV-1 et 2. Quarante-huit plasmas positifs pour un ou deux antigènes ont été testés en Western blot. Quatre étaient évocateurs d’HTLV-1 et 11 d’HTLV-2, 27 correspondaient à des profils incomplets. Des PCR tax et pol communes aux PTLV ont été réalisées. Ces PCR étaient positives pour les 4 HTLV-1 et les 11 HTLV-2. La PCR tax était négative pour tous les Western blots indéterminés. La PCR pol de l’échantillon du patient Pyl43 montrait une petite bande. Le séquençage de cette souche montre la présence d’un gène pol très proche des souches STLV-3 (86,6 à 99,2 % d’identité nucléotidique). L’amplification de tax par semi-nested PCR pour ce patient s’est avérée positive et très homologue aux souches STLV-3 (92,4 à 99,6 % d’homologie). Les analyses phylogéniques ont montré une forte relation entre la souche Pyl43 et les souches de STLV-3 camerounaises. Le plasma de ce patient était réactif pour MT2 mais non pour C19 en immunofluorescence. Un nouveau rétrovirus humain proche de STLV-3 a donc été mis en évidence. Dans l’hypothèse de transmissions interespèces, HTLV-3 est probablement disséminé en Afrique. HTLV-3 semble correspondre à un profil de Western blot indéterminé, ce qui pose le problème de la mise au point de tests permettant de diagnostiquer une infection par HTLV-3.

Des hépatocytes pour traiter le diabète de type I

La thérapie du diabète juvénile de type I a toujours passionné la recherche académique, et sans doute encore davantage la recherche privée. À l'aube de ce nouveau millénaire, l'approche cellulaire avait fait un pas en avant grâce à la démonstration, par une équipe canadienne, de l'efficacité de l'allotransplantation d'ilôts β-pancréatiques. Cependant, ce protocole, dit d’Edmonton, se heurte toujours à la difficulté d’obtention en quantité suffisante de ces ilôts, puisqu’il faut en moyenne compter quatre donneurs pour un receveur. Foie et pancréas ont une origine embryonnaire endodermique commune. L’expression du facteur de transcription Pdx-1 (pancreatic and duodenal homeobox gene 1), encore appelé Ipf-1 ou Stf-1, oriente les cellules endodermiques progénitrices vers un destin pancréatique à la fois exocrine et endocrine. Partant de ces pré-requis, différentes équipes avaient déjà démontré la possibilité de changer le destin d'une cellule hépatocytaire en cellule productrice d'insuline, par la seule activation ectopique de Pdx-1 [10]. De plus, l’injection d’un vecteur adénoviral (connu pour cibler majoritairement le foie) exprimant pdx-1 dans la circulation sanguine de souris rendues diabétiques expérimentalement permet de faire diminuer significativement leur glycémie [11]. Néanmoins, l'expression de Pdx-1 étant commune au cours du développement aux précurseurs du pancréas endocrine et exocrine, l'expression d'enzymes d'origine exocrine était apparue toxique pour le foie de ces animaux. L'équipe de Sarah Ferber (Israël) vient de démontrer la faisabilité d'une approche de thérapie cellulaire ex vivo par modification d'hépatocytes humains adultes ou foetaux en culture, et réimplantation chez la souris diabétique immunodéprimée sous la capsule rénale [12]. Le facteur Pdx-1, apporté par un vecteur adénoviral, permet d'induire l'expression d'insuline dans environ 30% des hépatocytes. La glycémie des animaux après transplantation reste diminuée pendant au moins 2 mois. Cet effet thérapeutique s'arrête dès lors que le rein greffé est retiré. Le premier résultat étonnant de cette étude est la capacité de faire proliférer efficacement en culture des hépatocytes adultes humains pendant au moins six mois. Le second est que, contrairement aux résultats précédemment obtenus par transfert direct in vivo, les hépatocytes semblent se maintenir sans produire d'enzymes exocrines toxiques, bien que cela n'ait pas été vérifié après réimplantation. Ainsi, pourrait-on mettre à profit la facilité d'accès du foie et l'importante masse hépatocytaire pour proposer à l'avenir une autogreffe d'hépatocytes génétiquement modifiés comme traitement du diabète de type I ! Restent néanmoins à vérifier le devenir de ces cellules à distance de la greffe, le contrôle fin de la sécrétion d'insuline par des tests de tolérance au glucose et la nécessité ou non d'un traitement immunosuppresseur dans cette affection avant tout auto-immune !

Fidélité sous influence… d’un microsatellite

On a montré, ces dernières années, que l’expansion ou la contraction de microsatellites dans des séquences codantes pouvait entraîner des conséquences importantes, qu’il s’agisse de pathologie humaine comme la maladie de Huntington, ou de la forme du museau chez le chien. Le même phénomène au niveau de régions régulatrices pourrait modifier le temps et le site d’expression de certains gènes. Un exemple en est récemment fourni par l’étude des campagnols par une équipe de l’Université Emory à Atlanta (USA) [13]. Alors que l’espèce des prairies est fidèle à sa partenaire tout au long de sa vie et partage le soin des petits, l’espèce montagnarde montre, à l’inverse, une inconstance notoire. Cette différence a pu être rapportée à l’expression du récepteur de la vasopressine (V1aR), et, plus précisément au polymorphisme d’un microsatellite dans la région régulatrice en 5’ du gène (avpr1a). Des séquences répétitives, intercalées avec d’autres qui ne le sont pas, s’observent dans la race des prairies, s’opposant à une version courte chez l’animal des montagnes, créant une différence de 19 pb. La différence d’expression a été montrée en culture cellulaire grâce à un marqueur luciférase. Les auteurs ont ensuite procédé à une observation in vivo, après avoir obtenu des animaux homozygotes pour les formes longues ou courtes par croisements. Les conditions de naissance pour les homozygotes formes longues ou courtes sont similaires. Dans les jours suivants, le comportement des mères est le même dans les deux groupes, mais les mâles porteurs de l’allèle long sont beaucoup plus attentifs au soin de leur progéniture que ceux qui ont un allèle court. Des tests plus « sociaux » ont aussi été employés : préférence pour une odeur du partenaire, choix de ce partenaire au cours d’une cohabitation. Ils se sont tous avérés très significatifs (p < 0,05). On a pu montrer que ces données sont en rapport avec une expression différentielle, en plus ou en moins, du récepteur V1aR dans différentes zones du cerveau (bulbe olfactif, septum latéral, amygdale, hypothalamus), modifiant ainsi des circuits neurologiques. Le polymorphisme du microsatellite représente donc la cause probable des différences observées. Il n’est pas inintéressant de comparer la même région chez l’homme, chez le chimpanzé (Pan troglodytes), et chez le bonobo ou chimpanzé pygmée (Pan paaniscus). Alors qu’une grande délétion du locus s’observe chez le chimpanzé, la séquence du microsatellite chez le bonobo ressemble beaucoup plus à celle de l’homme. Or, le bonobo est connu pour son comportement social de réciprocité sexuelle. D’autres microsatellites, variables par définition, portent-ils une part du secret de la variabilité de nos comportements ?

Arythmies génétiques cardiaques : LQT8 annonce l’entrée en scène des canaux calciques

Entre 1995 et 2005, soit depuis une dizaine d’années, des équipes menant des travaux sur les causes moléculaires des arythmies cardiaques ont identifié plusieurs gènes qui, lorsqu'ils sont défectueux, peuvent induire un allongement de l’intervalle QT sur l’électrocardiogramme. Ces maladies, regroupées sous le vocable de syndromes du QT long congénital (LQT), sont des maladies dominantes autosomiques qui comportent un risque élevé de mort subite. On avait identifié jusqu’ici sept formes génétiques distinctes qui peuvent causer le syndrome LTQ. LQT1-2 et LQT5-7 sont causés par des mutations dans divers canaux ioniques sélectifs aux ions potassiques [14], LQT3 est associé à la mutation du canal sodique NaV1.5 (SCN5A) et LQT4 provient d’une mutation dans la protéine d’ancrage ankyrine [15]. Une huitième forme vient d’être débusquée ; en effet, la collaboration fructueuse des groupes de Timothy (Université de Harvard, USA) et de Keating (Université de l’Utah, USA) a récemment permis de mettre en évidence le rôle du canal calcique cardiaque de type-L CaV1.2 (CACNA1C ) dans le développement du LQT8 [16, 17]. Cette nouvelle forme du QT long est souvent [16], mais pas obligatoirement [17], associée au syndrome de Timothy, qui inclut la syndactylie des mains et/ou des pieds, des déficiences immunitaires et des retards intellectuels similaires à ceux que l’on observe chez les patients autistiques. Dans la cohorte étudiée par les équipes de chercheurs, treize des dix-sept patients qui souffrent du syndrome de Timothy, possèdent une mutation du résidu glycine en arginine (G406R) dans le segment S6, présent dans le domaine I de la sous-unité principale α1 de la protéine-canal CaV1.2, qui est normalement codé par l’exon 8 du gène CACNA1C [16]. Deux individus seulement sont porteurs de la mutation G402S qui est située dans le même segment transmembranaire S6, codé cette fois par l’exon variant 8A [17]. Dans tous les cas cependant, la mutation d’un petit résidu neutre et flexible pour un acide aminé soit polaire (sérine), soit chargé positivement et plus volumineux (arginine) prolonge indûment l’inactivation du canal calcique, ce qui retarde la repolarisation des ventricules et se traduit par un allongement significatif de l’intervalle QT (QTc > 500 ms), tel qu’on peut le mesurer sur l’électrocardiogramme des patients. Ce phénotype évoque incontestablement l’inactivation retardée des canaux sodiques dans LQT3. Il est donc maintenant établi que tout gain de fonction dans les courants entrants portés par des cations soit sodiques, soit calciques pendant le potentiel d’action cardiaque, peut retarder significativement la repolarisation des ventricules et entraîner des arythmies létales.

Les phyto-oestrogènes du soja : effet cardioprotecteur via l’alimentation maternelle

La défaillance cardiaque congestive atteint des proportions quasi épidémiques dans les pays industrialisés. Parmi les nombreux facteurs de risque de morbidité cardiaque, le fait, chez les mammifères, d’être mâle ou femelle apparaît comme une des variables susceptible d’augmenter ou de réduire les risques. Si les mécanismes en cause ne sont pas encore clairement établis, on estime néanmoins que les stéroïdes sexuels pourraient jouer un rôle. À cet égard, les études effectuées sur les rongeurs sont compliquées par le fait que la plupart des aliments commercialisés pour animaux de laboratoire sont préparés avec des protéines de soja contenant des phyto-oestrogènes (PE) en quantité suffisante pour exercer des effets sur la physiologie de plusieurs organes. Une étude récente démontre que les coeurs de rats dont l’alimentation ne contient pas de PE sont composés de cellules cardiaques plus allongées que celles de leurs congénères nourris au soja. Ces rats développent ainsi une hypertrophie cardiaque [18]. De plus, lorsqu’on augmente leur charge de travail cardiaque en créant une fistule entre l’aorte et la veine cave, les rats dont l’alimentation est exempte de PE (mais non ceux dont l’alimentation est à base de soja) évoluent vers la décompensation cardiaque. Fait remarquable : les PE de soja (les principaux étant la dadzéine et la génistéine) préviennent ces diverses manifestations lorsqu’ils sont introduits ou réintroduits dans l’alimentation maternelle pendant la période périnatale (gestation, lactation ou les deux périodes combinées), mais n’exercent pas de tels effets lorsqu’ils sont introduits après le sevrage. Ce phénomène au cours duquel un facteur nutritionnel influence un phénotype adulte par le biais d’une action antérieure pendant une période particulière du développement a récemment été dénommé « programmation foetale ou développementale » [19, 20]. Selon ce concept, la composition de la nutrition des femelles en âge de reproduction pourrait devenir un élément important de prévention de diverses maladies chroniques et, notamment, des affections cardiovasculaires. La concentration plasmatique en isoflavones chez les rates (et/ou leurs petits) nourries avec une alimentation à base de soja est comparable à celle retrouvée dans des populations humaines consommant des produits dérivés de fèves de soja, comme par exemple dans les pays asiatiques.

Un champignon contre la transmission du paludisme

S’attaquer au vecteur est l'une des stratégies de lutte contre le paludisme. On avait, dans cette optique, pulvérisé le DDT dans les maisons et utilisé des moustiquaires imprégnées. Le développement de résistance des moustiques crée le besoin urgent d’une alternative. Deux articles parus récemment dans Science mettent en évidence le contrôle possible par un champignon entomopathogène de la croissance de l’anophèle vecteur. L’un est un travail de laboratoire, coordonné par des chercheurs de l’université d’Edinburgh (Royaume-Uni) [21]. Les auteurs se fondent sur l’usage d’un très petit volume de produit huileux qu’on peut vaporiser là où le moustique marque un temps d’arrêt après avoir piqué un individu infecté. Les champignons agissent par voie externe, les spores germent, traversent la cuticule, et pénètrent dans l’hémocèle. L’étude expérimentale a d’abord porté sur le Plasmodium chabaudi murin, et son vecteur, Anopheles stephensi. Deux champignons ont été utilisés, Beauveria bassiana et Metarhizium anisopliae. Des moustiques femelles, nourries de sang infecté, ont été exposées à des récipients où avait été pulvérisé l’huile contenant le champignon. Une mortalité de 80 % a été constatée à J14. L’expérience a été poursuivie avec B. bassiana qui est utilisé en agriculture comme pesticide. Le repos de l’anophèle, après son repas de sang, est de l’ordre de 24 heures. Différents rythmes simulant les conditions biologiques ont été essayés sans différence significative. Il apparaît que 6 heures d’exposition suffisent et que plus de 90 % des moustiques sont tués au bout de 12 à 15 jours. Ces deux semaines sont le temps avant lequel un moustique ne peut pas transmettre les sporozoïtes. Parallèlement à cette étude expérimentale, un travail, coordonné par des chercheurs hollandais, présente une expérience de terrain faite en Tanzanie [22]. Les auteurs ont utilisé les mêmes champignons, mais leur recherche était ciblée sur le paludisme humain et son vecteur, Anopheles gambiae. Dans 10 maisons d’un village, on a suspendu 3 m2 de cotonnade noire qui, dans 5 de ces maisons, ont été imprégnés de M. anisopliae après une période de 3 semaines de pré-intervention. L’intervention elle-même a duré également 3 semaines. On a recueilli 1 052 moustiques pendant la pré-intervention et 1 887 pendant l’intervention, le tout en 4 lots. Tous ont été nourris par 10 % de glucose jusqu’à leur mort, et l’infection par le champignon a été vérifiée rétrospectivement. Il s’agissait, pour 88,9 % d’A. gambiae. Aucun des animaux de la période de pré-intervention, ni des maisons témoins, n’était infecté. Dans les maisons de l’expérience, en revanche, 132/580 femelles étaient infectées par M. anisopliae. Leur durée de vie, abrégée, avait été majoritairement inférieure à 2 semaines. Des calculs théoriques, par comparaison avec un village voisin, ont permis de conclure à une transmission réduite d’environ 75 % et à une réduction drastique de la proportion de moustiques porteurs de sporozoïtes. On a donc un moyen d’attaquer vecteur et parasite en parallèle. Et, jusqu’à présent, on n’a pas décrit encore de résistance contre les champignons !