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Nociception : un grand rôle pour les petits protonsNociception: a great role for the small protons[Notice]

  • Philippe Séguéla

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  • Philippe Séguéla
    Institut Neurologique de Montréal,
    Département de neurologie et neurochirurgie,
    Université McGill,
    3801, rue University,
    Montréal (Québec),
    H3A 2B4 Canada.
    philippe.seguela@mcgill.ca

Un nombre croissant de preuves expérimentales indiquent que les protons (H+), les plus simples entités matérielles, sont aussi des neurotransmetteurs. Parmi ces preuves figure en bonne place la découverte récente d’une famille de canaux ioniques neuronaux directement activés par les protons, appelés ASIC (acid sensing ion channels), dans le système nerveux central et périphérique [1]. Par leurs propriétés d’activation par les pH acides, ces récepteurs-canaux excitateurs pourraient favoriser le développement des douleurs chroniques induites par les acidoses tissulaires ; de plus, leur activité pourrait aggraver les dommages tissulaires associés aux accidents ischémiques [2, 3]. La perception de la douleur provient initialement de l’excitation d’une population de neurones périphériques qui forment les fibres nerveuses C et/ou Aδ multimodales. Ces nocicepteurs spécialisés dans la détection des stimulus dangereux pour l’intégrité tissulaire sont situés principalement dans les ganglions spinaux et dans les ganglions trijumeaux. Les électrophysiologistes savent depuis longtemps que les neurones centraux et périphériques peuvent répondre à une application de solutions acides par des courants cationiques rapides [4]. Ces courants dépolarisants rapides offrent une grande perméabilité aux ions Na+ et sont sensibles à l’amiloride, deux caractéristiques du rôle des ASIC. Les sous-unités ASIC sont des protéines intégrales à 2 domaines transmembranaires qui appartiennent à la classe génétique des canaux sodiques épithéliaux ENaC et des dégénérines de nématodes [5]. La famille des canaux tétramériques ASIC comprend 4 gènes chez les mammifères : ASIC1-4. ASIC1, 2 et 3 répondent aux protons avec des sensibilités et des cinétiques distinctes ; ASIC4 demeure une sous-unité toujours orpheline à ce jour. La sous-unité ASIC3 a la particularité intéressante d’être exclusivement exprimée dans les neurones sensoriels primaires chez les rongeurs et de produire un canal homomérique à cinétique d’activation biphasique constituée d’une phase rapide suivie d’une composante lente et soutenue [6, 7]. La phase rapide est plus sensible aux protons avec un pH50 = 6,5, donc compatible avec les conditions physiopathologiques observées dans les cas d’ischémie tissulaire. À ce propos, les fibres sensorielles qui innervent le coeur expriment de hauts niveaux de la sous-unité ASIC3 et sont particulièrement sensibles à l’acidose ischémique, ce qui laisse présager qu’ASIC3 contribue aux douleurs cardiaques comme celles de l’angine de poitrine [8]. D’après les expériences d’ablation génétique chez la souris, les ASIC peuvent former des hétéromères contenant ASIC1, ASIC2 et ASIC3 dans les neurones des ganglions spinaux [9]. Nous avons exploité cette capacité d’hétéromérisation entre sous-unités ASIC pour concevoir et développer des souris transgéniques qui expriment la sous-unité ASIC3 mutante à effet dominant négatif (ASIC3dn) dans leurs neurones périphériques et centraux [10]. La mutation G439R, que nous avons découverte par criblage fonctionnel, est située dans un motif extracellulaire très conservé dans la famille des canaux ASIC et rend le canal insensible aux stimulations par les protons (Figure 1). Après avoir vérifié qu’ASIC3dn inhibe bien les courants induits par ASIC1, 2 et 3 sauvages en systèmes d’expression hétérologue, nous avons « construit » une lignée de souris surexprimant ASIC3dn sous contrôle du promoteur neuronal du neurofilament à chaîne légère. Nous avons observé que les neurones des ganglions spinaux de ces souris transgéniques présentent un déficit marqué dans leurs réponses rapides aux pH acides, sans être affectés dans leurs réponses lentes connues pour être médiées par les récepteurs-canaux TRPV1 également activés par la capsaïcine. Donc la sous-unité ASIC3dn joue bien son rôle de suppresseur sélectif des courants ASIC nés dans les neurones sensoriels. Quelle est la conséquence de cette suppression fonctionnelle dans les réponses des animaux à différents tests de nociception ? Nous avons soumis les souris transgéniques homozygotes à des tests thermiques sans pouvoir …

Parties annexes