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Les cellules du système immunitaire inné éliminent les microbes par un processus nommé phagocytose. Des cellules phagocytaires professionnelles, telles que les macrophages, les neutrophiles et les cellules dendritiques peuvent reconnaître, internaliser et détruire les particules étrangères et sont également responsables de la mobilisation de lymphocytes T par présentation des antigènes exogènes. La phagocytose consiste en un remodelage rapide de la membrane plasmique permettant d’encercler la particule, suivi par la formation d’un phagosome, vésicule intracellulaire contenant le pathogène. Bien que ces mécanismes aient été étudiés depuis des décennies, ce n’est que très récemment qu’ils commencent à être élucidés au niveau moléculaire.
L’activation de récepteurs spécifiques exprimés à la surface de ces phagocytes, soit par des motifs particuliers aux micro-organismes, soit par des protéines du système immunitaire, induit une cascade de signalisation conduisant à l’ingestion de ces particules. Par exemple, lors de la phagocytose médiée par les récepteurs Fc, la fixation des immunoglobulines, qui reconnaissent les déterminants antigéniques de ces micro-organismes, déclenche la polymérisation de l’actine autour du site d’attachement, ce qui provoque l’extension de pseudopodes qui vont entourer l’agent pathogène [1] (Figure 1). La fusion de la membrane plasmique au sommet de ces protrusions entraîne la formation d’une vésicule intracellulaire indépendante contenant le microbe. Cette nouvelle vacuole va subir de nombreuses modifications par échange de composants membranaires et luminaux fournis par d’autres organites. Cette maturation a pour but de produire un environnement microbicide, celui-ci est obtenu par acidification progressive, production de dérivés réactifs de l’oxygène, suivies de la libération et l’activation de protéases et de peptides cationiques antimicrobiens. Ces conditions vont promouvoir la dégradation des molécules étrangères en fragments peptidiques antigéniques qui seront chargés sur des molécules de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), provoquant l’activation de lymphocytes T CD4+. Mais ces peptides dérivés du pathogène sont également capables d’activer des cellules T cytotoxiques par insertion dans des molécules du CMH de classe I. Ce dernier phénomène est appelé présentation croisée.
Longtemps, il a été admis que la membrane naissante du phagosome était composée principalement de membrane plasmique et de membrane provenant d’organelles intracellulaires d’origine endocytaire. En 2002, ce paradigme a été écarté pour un nouveau modèle proposant que le réticulum endoplasmique (RE) fusionne avec la membrane plasmique au site de phagocytose, permettant le transfert de la particule, via cette ouverture, résultant dans la formation d’un phagosome constitué majoritairement de RE [2, 3]. Ces conclusions sont fondées sur une analyse protéomique de préparations de phagosomes, complétée par des études cytochimiques en microscopie électronique. Ce nouveau concept s’est révélé attrayant. La capacité des macrophages à ingérer une ou plusieurs larges particules, sans subir de réduction de leur surface, pourrait être ainsi expliquée par le réservoir important de membrane que le RE peut fournir. Mais la majeure partie de l’attention portée à ce modèle était due à sa capacité d’expliquer le mécanisme mal compris de la présentation croisée des antigènes [4, 5].
La participation du RE dans la formation du phagosome a été récemment ré-examinée en utilisant diverses approches biophysiques et biochimiques [6]. Une quantification des composants du phagosome présents au cours de sa formation par microscopie de fluorescence ou électronique, et par une approche biochimique intégrative, n’a indiqué aucune contribution significative du RE. Des tentatives répétées, en utilisant la microscopie de fluorescence par ondes évanescentes (TIRFM) ou la microscopie confocale, pour visualiser le pore putatif établi par la fusion du RE avec la membrane plasmique au niveau du site d’initiation de la phagocytose, ont également échoué. En revanche, ces expériences ont permis de déterminer la contribution précise d’autres sources membranaires nécessaires à la formation des phagosomes, et ont confirmé ce que plus de 30 ans de recherche avaient déjà suggéré : le phagosome naissant est composé en grande partie de membrane plasmique, complété par l’exocytose de vésicules provenant du compartiment endosomique précoce et/ou tardif et lysosomal. Peu de temps après sa fermeture, le phagosome est graduellement enrichi en composants de la voie endocytaire grâce auxquels il acquiert ses propriétés fonctionnelles et microbicides.
En fusionnant avec les phagosomes, les endosomes contribuent de plusieurs manières à leur fonctionnalité. La première est de fournir une source de membrane pour permettre l’ingestion de particules en minimisant tout changement de la superficie de la cellule. Une autre est d’initier l’acidification des phagosomes par insertion d’ATPases à protons vacuolaires dans leur membrane. La présentation, par des molécules du CMH de classe II des peptides antigéniques dérivés des pathogènes, exige également l’interaction des phagosomes avec des composants de la voie endocytaire. Après fusion avec ce compartiment endosomal spécialisé, ces peptides sont chargés sur les molécules CMH de classe II et les complexes sont envoyés à la surface cellulaire, où ils peuvent être reconnus par des récepteurs présents à la surface des lymphocytes CD4+. Toutes ces fonctions sont expliquées par le modèle classique de la phagocytose, plutôt que par le concept de la phagocytose médiée par le RE.
Récemment, un autre exemple du rôle primordial du compartiment endosomique pendant la phagocytose a été découvert par Murray et al. [7]. Ces auteurs ont démontré que les endosomes (positifs pour VAMP3) contenant du TNFα sont activement recrutés au site de la phagocytose. De tels endosomes fusionnent avec la membrane plasmique avant même la complétion du phagosome, libérant ainsi leur contenu dans le milieu extracellulaire. Par ce mécanisme, les endosomes aident non seulement à l’expansion des pseudopodes, mais contribuent également au déclenchement d’une réponse immunitaire en sécrétant rapidement et localement des cytokines proinflammatoires telles que le TNFα.
Selon nous, de nombreux aspects de la formation et de la maturation des phagosomes sont mieux expliqués par le modèle classique de la phagocytose impliquant la membrane plasmique et la voie endocytaire dans la constitution du phagosome. D’autres, comme la présentation croisée d’antigène, sont incomplètement compris, et même si la fusion directe avec le RE reste une explication possible, nous estimons que les preuves disponibles actuellement sont peu concluantes et que d’autres mécanismes sont tout aussi probables et méritent des études supplémentaires.
Parties annexes
Références
- 1. Touret N, Paroutis P, Grinstein S. The nature of the phagosomal membrane : endoplasmic reticulum versus plasmalemma. J Leukoc Biol 2005 ; 77 : 878-85.
- 2. Desjardins M. ER-mediated phagocytosis : a new membrane for new functions. Nat Rev Immunol 2003 ; 3 : 280-91.
- 3. Gagnon E, Duclos S, Rondeau C, et al. Endoplasmic reticulum-mediated phagocytosis is a mechanism of entry into macrophages. Cell 2002 ; 110 : 119-31.
- 4. Guermonprez P, Saveanu L, Kleijmeer M, et al. ER-phagosome fusion defines an MHC class I cross-presentation compartment in dendritic cells. Nature 2003 ; 425 : 397-402.
- 5. Houde M, Bertholet S, Gagnon E, et al. Phagosomes are competent organelles for antigen cross-presentation. Nature 2003 ; 425 : 402-6.
- 6. Touret N, Paroutis P, Terebiznik M, et al. Quantitative and dynamic assessment of the contribution of the ER to phagosome formation. Cell 2005 ; 123 : 157-70.
- 7. Murray RZ, Kay JG, Sangermani DG, Stow JL. A role for the phagosome in cytokine secretion. Science 2005 ; 310 : 1492-5.