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Le riz est un aliment vital pour une grande partie de l’humanité, non seulement en Asie, mais aussi en Amérique Latine et en Afrique. Mais pour satisfaire la demande de riz au cours des trente prochaines années, il est indispensable d’augmenter la production et de rechercher des variétés de riz - on connaît environ 120 000 variétés d’Orysa sativa - dont le rendement soit supérieur aux variétés traditionnelles. Le riz semi-nain développé aux Philippines et les formes hybrides de la Révolution Verte en Chine (qui occupent actuellement environ la moitié de la superficie totale des rizières chinoises) répondent en partie à ce défi. En 40 ans, ces progrès ont permis un doublement de la production. Mais, en Asie, la population augmentant de 56 millions de personnes par an, il est essentiel de trouver encore d’autres moyens pour augmenter la production, qui devrait atteindre 770 millions en 2025 pour faire face aux besoins de ce seul continent.

Le séquençage du génome du riz s’est terminé en 2005. Il laissait espérer de nouveaux progrès. C’est chose faite avec la découverte des gènes permettant une meilleure résistance à l’immersion prolongée. En effet, si le riz doit être cultivé dans des terres irriguées, il ne supporte pas l’anaérobiose par submersion prolongée. Or, il s’agit malheureusement d’un phénomène fréquent pendant les moussons dans les grands deltas d’Asie comme celui du Gange, et au Bangladesh, où chaque année des pluies torrentielles détruisent de nombreuses cultures, un désastre pour des populations parmi les plus pauvres de la planète.

On savait que certains cultivars de O. sativa indica supportaient d’être submergés jusqu’à 15 jours. Des travaux récents avaient montré que cette tolérance à l’immersion était liée à un locus, SubmergenceI (SubI) sur le chromosome 9 [1]. Une étude ultérieure y a mis en évidence trois domaines, SubIA, SubIB et SubIC [2]. Puis, au niveau de ce locus, trois gènes ont été isolés qui codent des facteurs de réponse à l’éthylène (ERF) [3]. Deux de ces gènes sont invariables dans toutes les espèces de riz, seul SubIA varie selon les espèces (et n’existe pas dans le génome du riz japonica). Chez les plantes, les domaines ERF sont connus pour contrôler la réponse à des stress biotiques ou abiotiques. Une induction rapide de l’expression de SubIA au cours de la submersion en faisait un bon candidat en tant que déterminant génétique. Un criblage, mené sur 17 haplotypes indica et 4 haplotypes japonica a permis d’identifier deux allèles SubIA, SubIA-1 chez des espèces tolérantes et SubIA-2 chez les espèces intolérantes. Ces deux allèles différent par un seul nucléotide, responsable de la substitution en position 556 d’une proline par une sérine chez les espèces tolérantes. La phosphorylation de cette sérine stimule ainsi un gène Adh (alcool déshydrogénase) fonctionnel en milieu anaérobie. Le rôle déterminant de SubIA-1 est aussi prouvé par le fait que sa surexpression dans une souche intolérante de O. sativa sp. japonica induit une réaction de tolérance. Comme chez les riz tolérants, il y a alors dépression temporaire de l’expression de SubIC et stimulation de celle de Adh. En utilisant des marqueurs, le locus a été incorporé à des souches largement cultivées en Asie. Fait important, la résistance à la submersion aqueuse ne modifie pas le rendement de la culture. On peut en espérer une sécurisation des récoltes dans les régions périodiquement inondées. Il est intéressant de noter que l’haplotype subIA-1 a été retrouvé au Sri Lanka et dans les régions orientales de l’Inde, ce qui laisse supposer que, venant de plus de 1 000 km, il aurait été introduit dans les variétés locales et s’y serait maintenu, démontrant ainsi sa valeur en agronomie. Au vu de ces résultats, un scientifique japonais rapproche les éléments EFR d’éléments DFR, répondant à un stress de déshydratation, les uns et les autres codant pour le facteur de régulation des plantes AP2 [4]. La tolérance à la submersion induite par SubIA pourrait donc aussi aider à comprendre la résistance à d’autres stress abiotiques. Ainsi, comme on l’escomptait, la connaissance du génome du riz (400 millions de bases d’ADN contenant 37544 gènes localisés sur 12 chromosomes) est source de fécondité.