Recensions

Jeffrey, D. (dir.) (2015). Laïcité et signe religieux à l’école. Québec : Presses de l’Université Laval[Notice]

  • Vincent Beaucher

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  • Vincent Beaucher, Ph.D.
    Université de Sherbrooke

D’entrée de jeu, Micheline Milot nous propose un texte qui se veut une dénonciation à mots découverts de tout ce qui soutient les volontés politiques et populaires visant à éliminer de l’espace public et fonctionnarial québécois les signes religieux de toutes sortes, particulièrement ceux des minorités. Elle souligne que l’exercice d’application d’une laïcité de l’État, qui consiste finalement à promouvoir «l’égalité entre tous les membres de la société» (p. 12), peut engendrer «une crispation identitaire chez ceux qui se voient refuser la reconnaissance de ce qu’ils sont» lorsqu’il y a «interdiction radicale de l’expression des identités, sans motifs valables au regard du droit civil ou criminel» (p. 16). Ce texte, qui se conclut en stipulant que «dans une société démocratique, on ne peut proclamer que la liberté de conscience et de religion est fondamentale tout en l’amputant des formes d’expression religieuses qui irritent certaines sensibilités » (p. 16), donne finalement le ton pour le reste de l’ouvrage, du moins pour une majorité de ses chapitres. C’est ainsi que Jean Baubérot propose un état des lieux historique sur la place de la religion en France, en s’attardant également à ce qu’il est advenu de la présence de la soutane catholique et du foulard musulman dans l’espace public français, deux «cas» séparés par plus d’un siècle. Gérard Bouchard expose lui aussi quelques éléments de contexte, mais cette fois au Québec, et résume la position que nous lui connaissons à l’issue de la commission qu’il a coprésidé. Sur le cas du Québec, Georges Leroux y va d’un contre-argumentaire à l’endroit du républicanisme prôné par son compatriote Guy Rocher, élaborant sur «la question du visage de l’État, ou de la neutralité comme apparence» (p. 33). L’ancienne Charte des valeurs et ses arguments fondateurs fallacieux sont quant à eux décortiqués par Jocelyn Maclure, charte qui servira ensuite de prémisse à Guy Ménard pour nous présenter, opposer et finalement suggérer de juxtaposer deux «matrices», soit celle des droits individuels anglo-saxons et celle du républicanisme français. On retrouvera également la charte dans le texte de Pierre-Luc St-Onge qui réfléchit sur «l’instrumentalisation de la laïcité dans le discours politique québécois» (p. 107). Denis Jeffrey, grand responsable de ce collectif d’auteurs, se commet lui aussi, plus précisément sur le voile musulman, un sujet qui sera également traité dans les textes de Meryem Sellami, David Koussens, Jean-René Milot et Raymonde Vendetti. Dans une orientation plus scolaire, Bruce Maxwell, Kevin McDonough, David Waddington et Marina Schwimmer se penchent longuement sur la question à savoir si «renoncer au port de signes religieux était une question d’éthique professionnelle pour les enseignants?» (p. 117). Le programme québécois d’Éthique et culture religieuse (ECR) et la laïcité qu’il propose sont analysés par Marjorie Paradis, alors que Nancy Bouchard puis Mireille Estivalèzes traitent de la posture professionnelle des enseignants dans ce même programme. Louis LeVasseur et Sivane Hirsh s’intéressent quant à eux plus globalement à la laïcité, respectivement dans notre système scolaire et dans la société québécoise. C’est finalement dans une conclusion à l’avenant que Denis Jeffrey nous propose un dialogue où s’étalent «les arguments prohibitionnistes et les réponses antiprohibitionnistes au sujet des signes religieux ostensibles.» (p. 181) La grande force de cet ouvrage collectif consiste à réunir une vingtaine d’essais qui permettent de cerner une problématique aussi complexe que celle de la laïcité. Ces textes, il faut le souligner, sont pour la plupart très brefs, s’étalant tout au plus sur une dizaine de pages (en format de poche, qui plus est). En ce sens, il est évident que chacune des contributions se doit de prendre une orientation bien précise et être concise dans son propos. Le …