Recensions

Robichaud, A., Tardif, M. et Morales Perlaza, A. (dir.) (2015). Sciences sociales et théories critiques dans la formation des enseignants. Québec : Presses de l’Université Laval[Notice]

  • Caroline Jeanson

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  • Caroline Jeanson
    Doctorante en éducation, Université du Québec à Trois-Rivières

Ce collectif de textes annonce par son titre l’apport et la place des sciences sociales et des théories critiques dans la formation à l’enseignement, et soulève la question de la prise en charge par les programmes actuels de l’essentiel pôle culturel de l’activité enseignante. Les propositions contenues dans cet ouvrage vont toutefois bien au-delà de la formation initiale en enseignement en souhaitant «une formation et une école qui, bénéficiant de l’apport culturel, moral, éthique et humain de la philosophie et des sciences sociales, ne se privent plus des fondements d’une pensée critique vouée à l’émancipation des individus et de la société par l’éducation» (p. 14). Les huit chapitres du collectif sont également partagés en deux parties — «Critiques de la formation et de la profession enseignante» et «Traditions et théories critiques en éducation» — précédées d’une introduction. Dans celle-ci, les directeurs de l’ouvrage tracent d’abord le chemin ayant mené au rétrécissement de l’espace consacré aux sciences sociales, à la philosophie et aux théories critiques dans la formation à l’enseignement et l’éducation en général, et commencent à en argumenter l’importance. Robichaud propose ensuite au premier chapitre une lecture habermassienne de la diminution de la place des sciences sociales dans les programmes de formation initiale à l’enseignement préscolaire et primaire. Dans le second chapitre, Morales Perlaza défend la pertinence de l’éducation comparée dans le développement d’une pensée critique chez les enseignants en formation, et l’expose comme un outil pouvant leur permettre de mieux appréhender les enjeux éducatifs qui les attendent. Tardif établit au troisième chapitre la persistance au Québec de liens forts entre inégalités sociales, inégalités scolaires et inégalités au sein de la profession enseignante, en les mettant en parallèle à travers trois époques. À l’instar de Morales Perlaza, il estime que la compréhension de ces inégalités par les jeunes enseignants peut les aider à naviguer dans la difficile réalité. Au quatrième chapitre, Schwimmer expose son analyse sémiotique du concept phare de «praticien réflexif», analyse l’ayant conduite à la thèse d’une mythologisation de ce concept ayant comme effet son encarcanement dans «une image de la bonne pratique», et risquant de restreindre «la dimension intuitive de la pratique réflexive», de «bloquer ses possibilités émancipatrices» (p. 105). Au cinquième chapitre, Simard réitère l’importance de la dimension culturelle de la profession enseignante, déplore la disparition de savoirs et disciplines qui pourraient appuyer les maîtres en formation en ce sens, et suggère une démarche et des outils pour un enseignement de la philosophie dans les programmes de formation à l’enseignement. Dans le sixième chapitre, LeVasseur défend l’idée qu’il faille émanciper la critique, telle qu’enseignée aux élèves à l’heure actuelle, de la subjectivité vidée de fondements sur laquelle elle s’appuie, et critique par ailleurs l’idée d’émancipation telle qu’aujourd’hui véhiculée dans les écoles comme étant une fausse liberté. Au septième chapitre, Jeffrey nuance le courant anglo-saxon du critical thinking et plaide pour ajouter aux méthodes et démarches cognitives sur lesquelles il repose la connaissance des grandes traditions sociales et critiques ainsi que la connaissance de soi couplée à l’autodiscipline, sans lesquelles la pensée critique ne saurait être impulsée. Au huitième et dernier chapitre, Corcuff apporte, en confrontant et discutant les théories de philosophes et sociologues, une réflexion sur les rapports entre critique et émancipation, et tente de les réconcilier non pas par l’atteinte d’une synthèse à la Hegel, mais bien par une pensée «dans les antinomies» (p. 211), comme le suggère Proudhon. Ce collectif d’écrits offre des textes variés en nature, en niveaux de théorisation, en ton, bref, une lecture «buffet» où chacun — formateurs universitaires, concepteurs de programmes, enseignants futurs ou actuels, penseurs, sociologues et philosophes de …