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1. Introduction

Le «Programme deformation de l'école québécoise» ainsi que la «Politique de l'adaptation scolaire» (Gouvernement du Québec, 1999) ont entraîné ces dernières années des modifications majeures dans l'organisation de l'école: mise en place de cycles d'apprentissage et constitution d'équipes cycles formées d'enseignants de classe ordinaire et d'un orthopédagogue coresponsables de tous les élèves d'un cycle; éducation de la grande majorité des élèves en difficulté[1] en classe ordinaire, faisant de l'enseignant régulier le premier agent de réussite auprès de ces élèves; services éducatifs spécialisés dispensés au sein de la classe ordinaire. La «Politique de l'adaptation scolaire» (Ibid.) insiste par ailleurs sur la nécessité, dans ce contexte, d'adapter l'enseignement à l'intention de l'élève en difficulté selon les modalités établies dans le plan d'intervention rédigé pour lui, ceci afin d'améliorer la qualité des services qui lui sont offerts et promouvoir sa réussite[2] .

Ces orientations adoptées en matière d'éducation au Québec s'inscrivent, à l'échelle internationale, dans un plus vaste mouvement, celui de la pédagogie de l'inclusion, qui vise notamment à gérer les «différences» entre élèves (Vienneau, 2006) et à permettre «la participation optimale de tous» aux activités d'apprentissage du groupe-classe (p. 130). Cette visée implique nécessairement l'instauration de mesures assurant la participation et l'évolution en classe de l'élève en difficulté, mesures dont font partie les «adaptations apportées à un curriculum rendu plus flexible» (Ibid.). Selon Vienneau (2004), la pédagogie de l'inclusion fait par ailleurs appel, d'abord, à des adaptations générales à l'enseignement; ce sont des pratiques communes «pouvant bénéficier à la fois aux élèves en difficulté et à tous les autres élèves» (p. 8). Celles-ci doivent cependant être complétées d'adaptations spécifiques, qui répondent aux besoins éducatifs particuliers de l'élève en difficulté (Ibid.).

2. L'adaptation de l'enseignement à l'intention d'élèves en difficulté d'apprentissage: éléments de problématique

Au cours des quinze dernières années, un certain nombre de travaux ont montré que l'éducation de l'élève en difficulté d'apprentissage[3] en classe ordinaire, sans adaptation minimale de celle-ci, n'est pas efficace (Manset et Semmel, 1997). Ce constat a incité certains chercheurs à proposer des moyens permettant au secteur ordinaire de répondre plus spécifiquement aux besoins de ces élèves. Ceux-ci représentent la population la plus nombreuse et sont en grande majorité éduqués en classe ordinaire (Gouvernement du Québec, 1999), deux considérations rendant pertinente l'étude sur la réussite scolaire de cette population.

De multiples travaux sur l'éducation des élèves en difficulté d'apprentissage en contexte d'inclusion, tels ceux de Zigmond et Baker (1990), de Jenkins, Jewell, Leicester, Jenkins et Troutner (1991), de Slavin, Madden, Karweit, Livermon et Dolan (1990) et de Saint-Laurent, Giasson et al. (1995), ont donné naissance à certains modèles[4] permettant au secteur ordinaire de répondre aux besoins de cette population (Manset et Semmel, 1997). Au départ, ce fut l'adaptation de l'enseignement pour tous les élèves, et non exclusivement pour l'élève en difficulté qui était visée, et ce, par l'exploitation de programmes essentiellement uniques, plutôt qu'adaptés au profil de chaque élève en difficulté. Ces modèles se caractérisaient surtout par l'enseignement direct et explicite. Cet enseignement explicite était par ailleurs centré notamment sur l'entraînement aux compétences de base et sur le développement de stratégies cognitives et métacognitives essentielles à l'apprentissage. D'autres pratiques, telles l'enseignement réciproque, l'enseignement stratégique et la discussion métacognitive, étaient aussi mises de l'avant. Par ailleurs, les services offerts par l'enseignant spécialiste étaient transférés vers la classe ordinaire et en principe offerts à «tous». Il semble cependant que ce type d'organisation ait rarement généré les retombées scolaires et sociales attendues chez l'élève en difficulté, sans l'ajout de services hors de la classe (Ibid.). Ceci a donné lieu à l'actualisation de structures organisationnelles plus souples permettant la mise en place de mesures adaptées aux besoins spécifiques de chaque élève. Certains modèles, dont «Success for All» (Slavin et Madden, 2006), se sont ainsi révélés plus efficaces.

Or, bien que la nécessité d'adapter l'enseignement en classe pour favoriser la réussite des élèves en difficulté en contexte d'inclusion ne fasse plus de doute (Polloway, Epstein et Bursuck, 2003; Vienneau, 2004; Slavin et Madden, 2006), des études antérieures (Switlick, 1997; Vaughn, Hugues, Schumm et Klingner, 1998) ont cependant montré que les enseignants de classe ordinaire tendent à planifier leur enseignement en fonction du groupe-classe, considéré comme un tout, plutôt qu'en fonction de l'élève. Si ces enseignants se montrent généralement ouverts à l'implantation d'adaptations générales destinées à la classe (D. Fuchs, L. S. Fuchs, Hamlett, Phillips et Karns, 1995), ils sont souvent peu enclins à déroger de ces routines (D. Fuchs, L. S. Fuchs et Bishop, 1992) et réalisent peu d'adaptations spécifiques pour répondre aux besoins particuliers de l'élève en difficulté (Vaughn et al., 1998). Celles-ci seraient par ailleurs souvent mineures, peu fréquentes, peu systématiques (Ibid.), peu planifiées (Fuchs et al. , 1992) et reposeraient rarement sur un diagnostic précis des difficultés de l'élève (Ibid.).

Certaines explications à cet état de fait ont été avancées. Ainsi, les enseignants considéreraient manquer de compétences ou de formation pour répondre aux besoins de l'élève en difficulté (Schumm et Vaughn, 1992; Corriveau et Tousignant, 1996; Bélanger, 2006). Ils estimeraient également avoir besoin de plus de temps, de soutien et de ressources matérielles pour planifier et réaliser les adaptations nécessaires (Schumm, Vaughn, Haager, McDowell et al., 1995; Bélanger, 2006). Aussi, si la légitimité de l'inclusion scolaire des élèves en difficulté n'est plus remise en doute (Bélanger, 2006), il semble y avoir, aux dires de McLeskey et Waldron (2002), un« consensus quant au peu de progrès réalisé dans l'éducation des élèves en difficulté au sein des programmes d'inclusion» (p. 41, traduction libre). Même si, tel que mentionné précédemment, plusieurs modèles d'inclusion ont été conçus et expérimentés depuis une vingtaine d'années et que de nombreux travaux se sont intéressés aux programmes à mettre en place, la question des pratiques à implanter en contexte d'inclusion, plus spécifiquement en ce qui a trait aux types d'adaptations de l'enseignement à mettre en place, resterait cependant à peu près inexplorée (Nootens, 2010).

Néanmoins, McLeskey et Waldron (2002) se sont intéressés aux perceptions d'enseignants du primaire quant aux adaptations à l'enseignement à réaliser en contexte d'implantation d'un programme d'inclusion dans six écoles primaires. Au Québec, en 2002, Bélanger (2006) a mené une étude exploratoire faisant état des pratiques instaurées par 22 enseignants à l'intention d'élèves en difficulté éduqués en contexte d'inclusion. Les résultats de ces travaux tendent à montrer que les enseignants se limiteraient encore essentiellement à des adaptations générales de l'enseignement. En effet, outre certaines adaptations plus spécifiques, telles des périodes de récupération et la réduction des tâches et des exigences pour l'élève en difficulté, les enseignants insisteraient surtout sur la diminution du rythme d'enseignement à la classe et de la durée des activités, sur le rappel de stratégies efficaces de travail, sur le modelage lors de l'enseignement d'une notion, sur un enseignement concret avec manipulations, sur le renforcement positif des élèves et sur l'aide des pairs. L'étude de Bélanger (Ibid.) fait néanmoins état des pratiques instaurées dans la foulée d'une réforme majeure de l'éducation au Québec, réforme prescrivant l'instauration de pratiques à l'intention d'élèves en difficulté dorénavant éduqués en contexte d'inclusion. Cependant, rappellent Wilson et Berne (1999 Dans Deaudelin, Desjardins, Dezutter, Thomas, Corriveau, Lavoie, Bousadra et Hébert, 2007), les changements prescrits par un programme n'entraînent pas automatiquement un changement de pratiques. Ceux-ci demandent entre autres du temps et soulèvent inévitablement des résistances (Corriveau et Tousignant, 1996). Les pratiques relatées par Bélanger (2006) ne peuvent donc laisser présumer des pratiques actuelles.

Or, si l'inclusion scolaire est aujourd'hui la voie privilégiée au Québec, et que l'adaptation de l'enseignement est essentielle à la réussite des élèves en difficulté éduqués dans ce contexte, les pratiques d'adaptation à l'intention de ces élèves paraissent impératives. En ce sens, Bru (2002) insiste sur la nécessité des recherches visant à mieux décrire et comprendre les pratiques enseignantes, recherches permettant de «constituer un corps structuré de connaissances» sur les pratiques, pour éventuellement agir sur ces pratiques (p. 67). Il rappelle par ailleurs que« la construction de modèles de la pratique susceptibles de fournir un cadre de lecture [desdites] pratiques» (p. 68) demeure nécessaire pour une description et une compréhension plus poussées des pratiques enseignantes. Or, il n'y aurait pas à l'heure actuelle, à notre connaissance, de cadre conceptuel pouvant soutenir l'analyse des pratiques d'adaptation de l'enseignement en contexte d'inclusion. Certains auteurs (Fuchs et al., 1995; Switlick, 1997; Schumm, 1999; Friend et Bursuck, 1999; Vienneau, 2006) nous semblent néanmoins avoir contribué à l'élaboration d'éléments conceptuels en la matière. Prenant appui sur ces contributions, nous proposons donc un modèle en construction, qui pourrait soutenir cette analyse.

3. Premiers jalons d'un modèle soutenant l'analyse de pratiques d'adaptation de l'enseignement

Dans le but d'expliciter les premiers éléments constitutifs d'un modèle servant à soutenir l'analyse de pratiques, les notions d'inclusion et de pratiques d'adaptation seront brièvement précisées. Les principaux concepts associés à l'adaptation de l'enseignement seront ensuite abordés, puis un mode de classification des pratiques sera proposé. Enfin, un modèle d'analyse en construction sera présenté. Au préalable, il apparaît important de rappeler ce que sont les difficultés d'apprentissage dans le présent cadre.

3.1 Les difficultés d'apprentissage: perspectives de la psychologie cognitive et de la neuropsychologie

Dans le cadre de sa «Politique de l'adaptation scolaire», le MEQ (Gouvernement du Québec, 2000) adoptait en 2000 une approche dite «globale» de catégorisation des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Deux grandes catégories d'élèves étaient dorénavant identifiées: les élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage et les élèves handicapés. La notion d'élève à risque a également été introduite. Le Ministère (Gouvernement du Québec, 2007) définit aujourd'hui les élèves à risque comme ceux qui «présentent des facteurs de vulnérabilité susceptibles d'influer sur leur apprentissage ou leur comportement et peuvent ainsi être à risque, notamment au regard de l'échec scolaire» (p. 24). Ces élèves ne font pas partie de la catégorie des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Le Ministère (Ibid.) définit par ailleurs l'élève en difficulté d'apprentissage au primaire comme celui qui, malgré «les mesures de remédiation mises en place, par[ ... ] l'enseignant ou les autres [ ... ] intervenants durant une période significative» (Ibid., p. 24), n'a pas progressé suffisamment dans ses apprentissages pour répondre aux exigences minimales de réussite de son cycle en français ou en mathématique. L'élève handicapé est défini pour sa part comme celui qui présente des incapacités et des limitations qui découlent d'une déficience ou d'un trouble et qui restreignent ses apprentissages au programme et son développement sur le plan de l'autonomie et de la socialisation.

Au-delà de cette catégorisation, il nous apparaît important de mieux cerner ce que sont les difficultés d'apprentissage, afin de bien situer les différentes composantes du modèle dont il sera question plus loin. Ainsi, les difficultés d'apprentissage se manifestent généralement par des sous-performances et un retard scolaire importants, notamment en langue maternelle (Conseil supérieur de l'éducation, 1996). Elles peuvent par ailleurs être causées par toutes sortes de facteurs, les uns extrinsèques à l'individu, tels des facteurs environnementaux, culturels ou socioéconomiques; les autres, intrinsèques à l'individu, tels les handicaps sensoriels ou moteurs, le retard mental, les problèmes émotionnels ou ce que l'on nomme les troubles d'apprentissage. La psychologie et la neuropsychologie cognitives ont largement contribué à la compréhension des mécanismes sous-jacents à l'apprentissage et à l'explication des troubles d'apprentissage dits «spécifiques» (Mazeau, 1999). Pour ces sciences, la pensée humaine est un système complexe de traitement de l'information, opéré par un ensemble de processus cognitifs (Fayol, 1997). Les troubles d'apprentissage sont ainsi vus comme pouvant être la conséquence «du dysfonctionnement d'un ou de plusieurs processus cognitifs [...] impliqués dans la compréhension ou l'utilisation du langage, parlé ou écrit, qui peut se manifester par un déficit de l'habileté à écouter, parler, lire, écrire, orthographier ou calculer [...]» (Wagner et Garon, 1999, p. 86; traduction libre; Association canadienne des troubles d'apprentissage, 2002)[5]. La dyslexie, la dysorthographie, la dyscalculie sont des exemples de troubles spécifiques d'apprentissage. Ceux-ci sont évidemment à l'origine de difficultés d'apprentissage chez les élèves présentant un tel diagnostic. La plupart des élèves en difficulté d'apprentissage, peu importe l'étiologie de ces difficultés, sont maintenant éduqués en contexte d'inclusion dans lequel se pose justement la problématique de l'adaptation de l'enseignement. Il apparaît ici important de clarifier en quoi consistent l'inclusion scolaire et la pédagogie de l'inclusion.

3.2 L'inclusion scolaire et la pédagogie de l'inclusion

«L'inclusion scolaire est le prolongement naturel du courant d'intégration scolaire amorcé au cours des années 1970 » (Vienneau, 2006, p. 10), qui consiste à placer l'enfant en difficulté dans la classe ordinaire telle qu'elle existe, tout en fournissant à cet enfant le soutien jugé nécessaire en termes de services spécialisés et d'adaptations au programme (Ibid.). Le choix d'intégrer l'enfant dépend alors de la capacité de la structure existante à l'accueillir, et de la capacité de l'enfant à fonctionner dans cet environnement (Thomas, 1997). La pédagogie de l'inclusion, radicalement différente (S. Stainback et W. Stainback, 1992), vise, non pas le placement physique des élèves en difficulté en classe ordinaire, mais également l'intégration dite pédagogique de tous les élèves en difficulté, «indépendamment de leurs capacités intellectuelles ou de leurs particularités de fonctionnement» (Vienneau, 2004, p. 128). Dans ce contexte, la classe ordinaire doit désormais répondre, dans la plus large mesure possible, aux besoins de l'élève en difficulté, peu importe son profil (Vienneau, 2004); le processus d'enseignement-apprentissage doit ainsi s'adapter à cet élève, de façon à lui permettre une participation optimale aux activités de la classe et à soutenir sa réussite dans ce contexte (Vienneau, 2006).

La «Politique de l'adaptation scolaire» (Gouvernement du Québec, 1999), qui promeut la réorganisation des services aux élèves en difficulté et les innovations pédagogiques pour répondre aux besoins diversifiés des élèves, s'inscrit dans cette logique d'inclusion et favorise une pédagogie de l'inclusion, bien qu' elle utilise le terme générique d'intégration. L'adaptation des services éducatifs aux besoins et capacités des élèves constitue d'ailleurs la première préoccupation du MEQ (Gouvernement du Québec, 1999, 2003); cette adaptation doit être «envisagée tout d'abord en fonction des services offerts à l'ensemble des élèves, puis des services adaptés plus spécialisés» (Gouvernement du Québec, 1999, p. 20). Précisons néanmoins que la Politique de l'adaptation scolaire (Ibid.) ouvre la voie à d'autres options que la classe ordinaire dans les cas où ce milieu ne saurait répondre aux besoins particuliers de l'élève en difficulté. Cette perspective est d'ailleurs aussi la nôtre.

3.3 Les pratiques d'adaptation de l'enseignement

Définir ce que sont les pratiques d'adaptation de l'enseignement exige d'abord une clarification du concept de pratique, appliqué au contexte de l'enseignement. Si le concept de pratiques enseignantes est polysémique et réfère à des conceptions théoriques très différentes, la plupart des définitions qu'en relèvent Altet (2006), puis Deaudelin et al. (2007), prennent en considération une composante comportementale, soit les actions observables, et une composante cognitive, soit les choix et les prises de décisions sous-tendant ces actions. Ces dernières sont par ailleurs considérées singulières ou propres à une personne, et situées, c'est-à-dire mises en oeuvre dans une situation ou un contexte donnés (Altet, 2006).

Deaudelin et al. (2007), inspirés d'Altet (2002), opèrent par ailleurs une distinction entre les concepts de pratique enseignante et de pratique d'enseignement. La pratique enseignante comprendrait les pratiques d'enseignement, mais aussi d'autres pratiques liées à la tâche de l'enseignant, telles les rencontres de parents ou les rencontres de travail entre collègues. Deaudelin et al. (2007) définissent par ailleurs les pratiques d'enseignement comme «l'ensemble des actes singuliers et situés [...] d'un professionnel, observables ou non, ainsi que les significations [...] qu'il leur accorde» (p. 30), pratiques qui incluent par ailleurs les actions réalisées tant dans la planification de l'action que lors de l'action en présence des élèves et lors de l'évaluation a posteriori de cette action (Ibid.). C'est cette définition que nous retiendrons ici.

Définir ce que sont les pratiques d'adaptation de l'enseignement exige par ailleurs une clarification de la notion d'adaptation de l'enseignement. Pour Schumm (1999), l'adaptation de l'enseignement consiste en «des ajustements que font les enseignants pour offrir aux élèves le soutien dont ils ont besoin pour réussir en tant qu'apprenants» (p. 1, traduction libre),« ajustements» pouvant être apportés au matériel mis à la disposition des élèves ou aux pratiques d'enseignement utilisées en classe (Ibid.). Legendre (2005) définit pour sa part l'adaptation de l'enseignement comme un «processus qui consiste à prévoir, au moment de la planification, l'ensemble des moyens à prendre pour permettre aux élèves qui manifestent des besoins particuliers de réaliser les apprentissages reliés aux objectifs des programmes d'études officiels» (p. 22). L'adaptation de l'enseignement réfère donc pour nous à une panoplie de moyens visant à ajuster l'enseignement aux besoins particuliers de l'élève en difficulté en contexte d'inclusion. Dans les écrits, le terme générique d'adaptations renvoie à ces moyens.

À la lumière des concepts de pratiques d'enseignement et d'adaptation de l'enseignement, nous définirons les pratiques d'adaptation de l'enseignement comme l'ensemble des actes «situés et singuliers» de l'enseignant, et les significations que celui-ci leur donne, actes posés tant dans la planification, que dans l'intervention et l'évaluation de celle-ci, qui visent l'ajustement de l'enseignement aux besoins particuliers de l'élève en difficulté en contexte d'inclusion. Certains auteurs (Fuchs et al. , 1995; Switlick, 1997; Schumm, 1999; Friend et Bursuck, 1999; Vienneau, 2006), nous l'avons évoqué, ont contribué à l'établissement de bases conceptuelles en matière d'adaptation de l'enseignement en proposant certaines classifications des adaptations possibles en classe. Allant en ce sens, Friend et Bursuck (1999) exposent les environnements de la classe pouvant faire l'objet d'adaptations. Cette classification est pertinente, puisqu'elle regroupe l'ensemble des aspects de l'enseignement pouvant être adaptés.

3.4 Les quatre environnements de la classe, de Friend et Bursuck (1999): quatre composantes permettant l'adaptation de l'enseignement

À la suite de Friend et Bursuck (1999), nous considérons que la réussite scolaire d'un élève résulte de l'interaction entre cet élève et l'environnement. Dans cette perspective, le contexte d'apprentissage peut à maints égards amplifier ou plutôt amoindrir les difficultés que rencontre l'élève. Partant de cette prémisse, Friend et Bursuck (1999) identifient quatre environnements de classe pouvant faire l'objet d'adaptations pour promouvoir la réussite de l'élève en difficulté en contexte d'inclusion: l'organisation de la classe, le groupement des élèves, le matériel de même que les méthodes et stratégies soutenant l'enseignement-apprentissage.

L'organisation de classe inclut l'organisation physique, les routines, le climat de classe et ses règles, ainsi que l'utilisation du temps. Par exemple, l'aménagement de l'espace peut contribuer au soutien de l'élève en difficulté, qui peut être placé avec un autre élève de façon continue. Pour sa part, le groupement des élèves- grand groupe (groupe-classe), petits groupes homogènes ou hétérogènes[6], groupes de coopération, dyades en contexte de tutorat par un pair, enseignement individuel par l'enseignant- constitue une mesure efficace de gestion des différences entre élèves (Vaughn, Bos et Schumm, 2000). Les groupements homogènes permettent un complément d'enseignement auprès d'élèves qui en ont besoin (Ibid.). Le matériel d'enseignement-apprentissage regroupe quant à lui tout outil mis à la disposition des élèves pour soutenir l'apprentissage: manuels scolaires et autres livres, matériel de manipulation, outils technologiques. L'adaptation judicieuse du matériel d'enseignement-apprentissage constitue un élément fondamental d'adaptation de l'enseignement, permettant généralement à l'élève en difficulté de participer pleinement aux activités de la classe (Schumm, 1999). Par exemple, adapter un texte pour en simplifier le format (vocabulaire, syntaxe, etc.), tout en en préservant le contenu essentiel, permet à l'élève en difficulté de lecture l'accès au contenu d'apprentissage ciblé. Enfin, les méthodes et stratégies d'enseignement-apprentissage comprennent, pour Friend et Bursuck (1999), l'enseignement direct du contenu, l'enseignement indirect[7] et l'étayage[8], la pratique indépendante, de même que l'évaluation de la performance de l'élève. L'enseignement direct et explicite, par l'enseignant, de stratégies de compréhension en lecture au groupe-classe est un exemple de stratégie d'enseignement-apprentissage.

En somme, les environnements de classe constituent un contexte qui influence de façon significative l'apprentissage des élèves. En examinant ce contexte et les besoins de l'élève en difficulté d'apprentissage, l'enseignant, en collaboration avec l'orthopédagogue et éventuellement d'autres spécialistes, anticipera les problèmes potentiels de l'élève en classe, décidera des adaptations les plus judicieuses à apporter à ce contexte pour amoindrir ces difficultés, cela en tenant compte des objectifs inscrits au plan d'intervention rédigé à l'intention de cet élève. L'enseignant procédera ensuite, en cours de route et a posteriori, à l'évaluation de l'efficacité des pratiques d'adaptation instaurées.

Fuchs et al. (1995) et Vienneau (2006) soulignent que si certaines adaptations ne peuvent s'adresser qu'à l'élève en difficulté, d'autres peuvent être généralisées à l'ensemble du groupe. C'est donc sous deux perspectives qu'il faut considérer l'adaptation de l'enseignement(Vienneau, 2006).

3.5 Les adaptations générales et les adaptations spécifiques: deux aspects essentiels et complémentaires à l'adaptation de l'enseignement

Les adaptations dites générales s'adressent au groupe-classe et constituent des routines qu'instaure l'enseignant lorsqu'il prévoit l'émergence de besoins diversifiés chez ses élèves (Fuchs et al., 1995; Switlick, 1997), étant donné l'hétérogénéité importante du groupe. Ces adaptations générales constituent« des pratiques communes, pouvant bénéficier à la fois aux élèves en difficulté et à tous les autres élèves de la classe [...] » (Vienneau, 2006, p. 8). Elles réfèrent, à notre sens, à ce que le MELS (Gouvernement du Québec, 2006) nomme la flexibilité pédagogique, qu'il définit comme« la souplesse qui permet d'offrir des choix à l'ensemble des élèves au moment des situations d'apprentissage et d'évaluation» (p. 4). Le niveau de difficulté de la tâche et les critères d'évaluation des compétences demeurent ici inchangés (Ibid.). Pour leur part, les adaptations spécifiques à l'intention de l'élève en difficulté visent le soutien particulier à offrir à ce dernier dans ses difficultés à apprendre, à comprendre, à maîtriser le contenu scolaire (Fuchs et al., 1995; Vienneau, 2006). Le niveau de difficulté de la tâche et les critères d'évaluation des compétences peuvent être modifiés ou non, selon les caractéristiques et besoins de l'élève.

Cette distinction entre adaptations générales et spécifiques nous apparaît primordiale. En effet, une véritable pédagogie de l'inclusion «doit permettre la gestion des différences en classe tout en répondant aux besoins particuliers [...]» des élèves en difficulté (Vienneau, 2006, p. 8). Les adaptations générales à l'enseignement visent la gestion des différences entre élèves; elles servent de structure souple grâce à laquelle les interventions spécifiques peuvent avoir lieu. Cependant, rappelle Vienneau (2006), si la réussite de l'élève en difficulté dépend de la qualité des interventions réalisées à l'intention de l'ensemble de la classe, cette réussite dépend aussi de la pertinence et de l'efficacité des interventions visant à répondre aux besoins particuliers de cet élève. Il semble donc essentiel d'approfondir ici les bases conceptuelles en matière d'adaptations spécifiques. Le modèle de Switlick (1997) paraît en ce sens pertinent.

3.6 Le modèle proposé par Switlick (1997): éléments de hiérarchisation des adaptations spécifiques de l'enseignement

Switlick (1997) propose un modèle qui permet une hiérarchisation des types d'adaptations spécifiques de l'enseignement, en fonction de l'ampleur des adaptations qu'il faut apporter à l'enseignement offert au groupe pour répondre aux besoins spécifiques de l'élève en difficulté d'apprentissage. Ces adaptations concernent notamment le contenu présenté et la difficulté de la tâche. À la lumière du modèle de Switlick ( 1997), nous distinguerons ainsi les accommodements, les ajustements du niveau conceptuel, l'enseignement parallèle et l'enseignement coïncident. Le MELS (Gouvernement du Québec, 2006) retient pour sa part deux types d'adaptations spécifiques de l'enseignement: les adaptations, qui consistent à apporter «un changement dans la façon dont se vit la situation d'apprentissage» (p. 4) pour l'élève en difficulté, changements qui n'affectent cependant pas le niveau de difficulté de la tâche; et les modifications, qui consistent à apporter «un changement dans la nature même de la situation d'apprentissage» (p. 5), modifiant ainsi son niveau de difficulté. Nous conserverons ici le terme générique d'adaptation pour désigner tout type d'adaptation de l'enseignement et référerons à la classification des adaptations spécifiques proposée par Switlick (1997), plus précise.

Ainsi, selon le modèle de Switlick (1997), les accommodements constituent une stratégie de contournement de la difficulté de l'élève qui ne change pas de façon significative le niveau de difficulté de la tâche. Par exemple, l'accès à un contenu notionnel par écoute d'un enregistrement audio plutôt que par la lecture s'avère un accommodement. En revanche, les ajustements du niveau conceptuel constituent, tel que l'indique cette appellation, une adaptation qui change le niveau de difficulté de la tâche. Le recours, en lecture, à du matériel écrit de niveau de complexité moindre (texte plus court et simplifié sur le plan du vocabulaire et de la syntaxe) en est un exemple. L'enseignement parallèle permet, pour sa part, d'incorporer à la classe un programme de type fonctionnel, qui vise le développement de compétences de base nécessaires à la vie en société, pour répondre aux besoins d'un élève présentant une déficience intellectuelle légère ou modérée, par exemple. L'enseignement parallèle permet à l'élève de réaliser une activité sur le même thème que celle qu'effectuent les autres élèves, mais de niveau de difficulté moindre. Par exemple, alors que les élèves lisent une histoire individuellement, l'élève en difficulté y repère des mots. Enfin, l'enseignement coïncident consiste en une adaptation importante de la tâche et des objectifs poursuivis en ce qui a trait au contenu et au niveau de difficulté, en fonction des capacités de l'élève, alors que celui-ci travaille en équipe avec ses pairs. Par exemple, lors d'une expérience scientifique en groupes, l'élève en difficulté doit s'assurer que ses coéquipiers ont le matériel nécessaire (Switlick, 1997).

Switlick (Ibid.) rappelle par ailleurs qu'une adaptation spécifique doit promouvoir l'apprentissage de l'élève en difficulté et s'inscrire dans un plan global de soutien à cet élève, soit un plan d'intervention, élaboré en fonction du profil scolaire de l'élève et de ses besoins.

La figure 1 reprend les diverses composantes abordées précédemment et intégrées à notre modèle en émergence, et confère à ce dernier une certaine structure.

Figure 1

Proposition d'un modèle d'analyse en émergence

Proposition d'un modèle d'analyse en émergence

-> Voir la liste des figures

Comme l'illustre ce modèle, les normes pédagogiques actuelles commandent l'inclusion de l'élève en difficulté et la mise en place de pratiques d'adaptation de l'enseignement pour soutenir la réussite éducative de cet élève, comme celle du groupe classe. Ces pratiques d'adaptation, qui incluent les actions adaptatives réalisées tant dans la planification de l'action, que lors de l'action en présence des élèves et lors de l'évaluation a posteriori de cette action (Deaudelin et al., 2007), se réalisent selon un ensemble de caractéristiques liées à la situation pédagogique à laquelle est soumis l'enseignant. Ces conditions ont trait notamment au profil cognitif et affectif de l'élève en difficulté et du groupe, aux ressources matérielles, mais surtout humaines disponibles. Nous ne saurions en effet perdre de vue la contribution essentielle de l'orthopédagogue, et de l'équipe-cycle, dans la planification et l'instauration d'adaptations à l'enseignement à l'intention de l'élève en difficulté et du groupe inclusif. La «Politique de l'adaptation scolaire» (MEQ, 1999) insiste d'ailleurs sur la responsabilité partagée entre tous les intervenants du milieu, et en particulier sur le rôle de collaboration et de soutien que doivent jouer l'orthopédagogue et l'équipe-cycle auprès de l'enseignant dans l'inclusion.

Par ailleurs, les environnements de classe constituent les éléments influençant l'apprentissage des élèves et pouvant faire l'objet d'adaptations par l'enseignant, en collaboration avec les autres intervenants. Les pratiques d'adaptation planifiées et mises en place peuvent être générales, donc s'adresser à l'ensemble du groupe; elles constituent des structures souples permettant à l'enseignant l'instauration d'adaptations spécifiques, qui visent le soutien particulier à l'élève en difficulté d'apprentissage. Ces mêmes adaptations peuvent constituer des accommodements, des ajustements du niveau conceptuel, un enseignement parallèle ou un enseignement coïncident, selon l'ampleur des changements qui doivent être apportés à l'enseignement offert au groupe, afin de répondre aux besoins particuliers de l'élève en difficulté d'apprentissage.

Nous poserons maintenant un regard réflexif sur les recherches sur les pratiques d'adaptation de l'enseignement qui apparaissent aujourd'hui prioritaires; nous évoquerons aussi certaines limites inhérentes à ces recherches. Nous réitérerons toutefois, au préalable, l'utilité d'un modèle d'analyse pour l'étude des pratiques, mais aussi la nécessaire bonification des assises posées ici.

4. Les pratiques d'adaptation de renseignement: une réflexion quant aux recherches à prioriser ... et quant à leurs limites à considérer

L'adaptation de l'enseignement est reconnue nécessaire à la réussite scolaire de l'élève en difficulté d'apprentissage éduqué en contexte d'inclusion (Bélanger, 2006). Les travaux sur la question, jusqu'ici peu nombreux, tendent cependant à montrer que les pratiques d'adaptation, notamment lorsque celles-ci sont spécifiques, demeureraient fort peu répandues en classe inclusive (McLeskey et Waldron, 2002). Les connaissances sur ces pratiques sont néanmoins incomplètes. En effet, les recherches sur l'adaptation de l'enseignement (McLeskey et Waldron, 2002; Bélanger, 2006) demeurent exploratoires et d'orientation essentiellement inductive, et n'offrent qu'une description superficielle. L'apparente absence de modèle soutenant une analyse rigoureuse des pratiques d'adaptation, donc une meilleure compréhension de celles-ci, semble contribuer à la problématique. C'est dans cette perspective que le présent article a proposé les premiers jalons d'un modèle cherchant à mieux soutenir l'analyse de ces pratiques.

Les futures recherches sur les pratiques d'adaptation de l'enseignement nous semblent donc devoir, à l'aide de certaines assises établies, dresser un portrait rigoureux et plus détaillé desdites pratiques, permettant l'acquisition d'un corps de connaissances suffisant sur la question. Étant donné le modèle proposé précédemment, les pratiques d'adaptation générales et spécifiques ayant trait à l'organisation de classe, au groupement des élèves, au matériel d'enseignement-apprentissage et aux méthodes et stratégies d'enseignement-apprentissage devraient à notre sens être d'abord analysées. Les dispositifs de recherche mis de l'avant pour décrire et comprendre ces pratiques devraient par ailleurs privilégier concurremment le discours sur les pratiques ou «pratiques déclarées», et les matériaux observés ou «pratiques constatées». Le discours sur les pratiques ne constitue pas, en effet, les pratiques elles-mêmes, celles-ci étant en partie constituées d'ajustements successifs dont l'enseignant n'est pas entièrement conscient. En revanche, l'observation seule des pratiques ne donne pas accès aux réflexions ni aux prises de décisions de l'acteur, qui sous-tendent pourtant ces pratiques (Bru, 2002); d'où l'importance d'entretiens explicatifs sur les pratiques.

Les recherches sur l'adaptation de l'enseignement ne pourraient cependant, à notre sens, poursuivre des visées uniquement heuristiques, la problématique exposée dans cet article ne se limitant évidemment pas au manque de connaissances sur lesdites pratiques. Puisque les travaux antérieurs portent à croire que ces pratiques, pourtant essentielles à la réussite de l'élève en difficulté éduqué en classe inclusive, s'avèrent généralement peu adéquates, les recherches devraient viser aussi l'identification des «pratiques exemplaires» d'adaptation. Ces études pourraient elles-mêmes mener en toute logique à des travaux sur la transformation des pratiques, le but ultime étant alors la généralisation de ces pratiques exemplaires, à l'ensemble des milieux scolaires (Bru, 2002).

Mais viser l'identification de ces pratiques n'est pas aussi simple qu'il y paraît, surtout dans la perspective de leur généralisation. En effet, si une pratique exemplaire est avant tout efficace, c'est-à-dire qu'elle permet la progression scolaire de la population à laquelle elle est destinée, l'identification de telles pratiques doit nécessairement être fondée sur des données de recherches probantes rendant compte de cette efficacité (Odom, Brantlinger, Gernsten, Homer, Thompson et Harris, 2005). Le mouvement actuel en faveur d'une éducation fondée sur l'instauration de pratiques enseignantes scientifiquement éprouvées, dite evidence-based education, a maintes fois décrié le peu de données de recherches dites probantes qui permettraient de justifier l'instauration à grande échelle de pratiques pourtant recommandées dans le milieu (Ibid.). La rareté des études sur les pratiques enseignantes et le degré de scientificité jugé insuffisant de ces recherches sont en effet souvent évoqués. La recherche entourant les pratiques d'adaptation de l'enseignement n'échappe pas à cette réalité.

Mesurer scientifiquement l'efficacité ou plus largement l'effet de pratiques enseignantes sur les progrès de l'élève pose cependant certains problèmes (Postic, 1992). Il est certes possible de mesurer l'acquisition de connaissances après une activité d'enseignement-apprentissage, ou le développement d'une compétence au bout d'un certain temps, mais comment attribuer ces changements chez l'élève à une action de l'enseignant (Ibid.)? Cela nécessite en théorie qu'on établisse une relation entre une pratique isolée et l'apprentissage ou le progrès réalisé par l'élève (Postic, 1992; Bru, 2002). Or, si la recherche a montré que le rôle de l'enseignant est important dans la progression de l'élève, elle a aussi montré que ce rôle n'est certes pas exclusif. Nombre de variables peuvent en effet influencer la progression de l'élève dans une situation pédagogique (Ibid.), dont la personnalité de l'enseignant, les caractéristiques de la classe, l'organisation matérielle de la classe et, en matière d'adaptation de l'enseignement, le profil de l'élève (Switlick, 1997). Aussi, tel que le souligne Bru (2002) à propos des pratiques enseignantes en général, les recherches sur l'efficacité des pratiques d'adaptation devront se démarquer des travaux plus traditionnels de type «processus-produit», où l'on cherchait à découvrir des liens directs entre le comportement de l'enseignant et les résultats scolaires de l'élève; il faudra ainsi adopter une approche systémique (Marcel, Orly, Rothier-Bautzer et Sonntag, 2002) prenant en compte l'ensemble des variables de la situation pédagogique pour pouvoir considérer la part de l'action de l'enseignant dans le gain chez l'élève, notamment sur le plan scolaire.

Dans un autre ordre d'idées, une fois une pratique ciblée éprouvée scientifiquement, étant donné un ensemble de variables, il y a fort à parier que cette même pratique n'engendre pas les mêmes résultats dans d'autres environnements éducatifs. De ce fait, si les données de recherches probantes doivent assurément guider l'implantation par l'enseignant de pratiques ciblées, cette preuve d'efficacité ne saurait être substituée à l'expertise et au jugement pratiques de cet enseignant dans la sélection et l'implantation de ces mesures dites éprouvées. La notion de evidence-based education réfère d'ailleurs à l'intégration du jugement professionnel de l'enseignant et des données de recherche les plus probantes dans la prise de décision quant à la façon de dispenser un enseignement (Johnson, 2006). Identifier, uniquement au moyen de la recherche, «les» pratiques d'enseignement exemplaires apparaît en ce sens utopique. Les recherches sur les meilleures pratiques généreront plutôt, à notre avis, des pistes d'intervention guidant le milieu scolaire dans la mise en place de pratiques qui aient un certain potentiel d'efficacité auprès de la population desservie. L'appréhension des pratiques éprouvées, à la lumière des caractéristiques uniques du milieu, permettra peut-être dans une plus large mesure de transformer et de bonifier les pratiques d'adaptation de l'enseignement en classe inclusive, un milieu à la fois.

5. Conclusion

Les travaux sur l'efficacité des pratiques enseignantes revêtent une importance à notre avis capitale, du fait qu'ils visent ultimement à« faire en sorte que l'école apporte à chacun les meilleurs moyens de progresser et de se réaliser» (Bru, 2002, p. 64). Dans le même sens, les recherches sur les pratiques efficaces d'adaptation de l 'enseignement en contexte d 'inclusion paraissent cruciales, dans un contexte où cette inclusion devient la norme, mais que les pratiques adoptées à cet égard n'ont pas toujours généré les effets attendus. L'absence de modèle soutenant l'analyse des pratiques d'adaptation nous semble constituer, à l'heure actuelle, une partie de la problématique. C'est dans cette perspective que le présent article a cherché à proposer les premiers jalons d'un tel modèle, qui pourrait dans le futur mieux soutenir l'analyse de pratiques d'adaptation de l'enseignement en contexte d'inclusion d'élèves en difficulté d'apprentissage en classe primaire.