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Présentation

Cet ouvrage collectif offre des pistes de réflexion au sujet du processus d’apprentissage professionnel des enseignants en formation initiale et, plus particulièrement, au sujet des interactions entre les futurs enseignants et les dispositifs de formation qui contribuent à la construction de savoirs professionnels d’ordre didactique et pédagogique. Les recherches présentées en premier lieu mobilisent le construit d’apprentissage professionnel en mettant en évidence certains aspects contributifs au développement d’une formation professionnalisante. Les études présentées par la suite mettent spécifiquement en exergue le concept de l’alternance en formation initiale comme une condition indispensable pour atteindre les visées de professionnalisation.

Ainsi, concernant l’apprentissage professionnel, Desbiens et ses collègues (chap. 2) proposent des éléments de formation à privilégier durant les cours, les séminaires et les stages en enseignement en se basant sur les résultats de leur recherche empirique ayant porté sur l’efficacité des interventions de stagiaires finissants. Pour sa part, Grangeat (chap. 4) met de l’avant l’importance d’espaces, en formation initiale, où les futurs enseignants puissent bâtir des savoirs professionnels en s’appuyant sur l’expérience collective. Jorro (chap. 5) et Perez-Roux (chap. 8), quant à elles, placent au premier plan les dimensions identitaires et axiologiques dans l’apprentissage professionnel chez des stagiaires en enseignement. Dans un autre ordre d’idées, Pastré (chap. 7) et Buysse (chap. 10) montrent que la formation devrait favoriser le développement de savoirs à la fois conceptuels et empiriques à travers des processus de généralisation et d’abstraction. Enfin, Pelletier (chap. 11) prend l’exemple du programme de doctorat professionnel pour dévoiler des tensions existant au sein de l’instruction universitaire au sujet du développement professionnel.

Pour sa part, le concept d’alternance est d’abord abordé par Boudjoui et Clénet (chap. 1) ainsi que Fraysse et ses collègues (chap. 3) sous l’angle de l’ingénierie de formation. Tandis que les premiers proposent un modèle qui mise sur la réflexivité, l’autonomie relative des apprenants et la prise en compte de leurs expériences comme des facteurs essentiels au développement professionnel, les seconds présentent un dispositif de formation innovant qui vise à engager les apprenants dans un processus de va-et-vient entre les phases de contextualisation, de décontextualisation et de recontextualisation. Sous un angle d’entrée différent, Marcel (chap. 6) met au jour la nécessité de combiner des modalités de formation «proximale» et «distale» en se basant sur des limites rapportées par des enseignants au sujet de la contribution de leur formation initiale à la maîtrise de leur travail. Dans cette veine, Roquet (chap. 9) traite des conditions de l’institutionnalisation de l’alternance, en référant notamment aux rôles des apprenants au sein du dispositif en tant qu’acteurs et auteurs de leur formation.

Point de vue

Certes, la grande variété des perspectives et des contextes compris dans ce symposium est en soi un avantage dans la mesure où les conditions de professionnalisation sont abordées sous différents angles d’approche, considérant ainsi le futur enseignant dans sa globalité à travers la prise en compte des diverses dimensions (collectives, identitaires, temporelles, etc.) contributives de la construction de ses savoirs professionnels. Néanmoins, cette diversité de points de vue et de contextes comporte aussi des inconvénients puisqu’elle rend le fil conducteur de l’ouvrage difficile à suivre. Premièrement, le fait que des liens entre les différents travaux ne soient que peu explicités et le fait qu’il n’y ait de mises en relation entre les écrits et la thématique du symposium qu’à l’intérieur de l’introduction et de la conclusion de l’ouvrage rendent les transitions entre les différents écrits moins fluides et l’ensemble de l’ouvrage collectif moins cohérent. Aussi, à aucun endroit n’est-il possible de repérer les limites que pose la variété des contextes dans lesquels les études colligées ont été menées. Pourtant, entre les formations à l’exercice du métier d’enseignant, de formateur, de formateur d’adultes (chap. 1), de maraîcher (chap. 2), de formateur en enseignement agricole (chap. 6), d’opérateur d’une centrale nucléaire (chap. 7) ou d’infirmière (chap. 9), il existe des différences considérables qui ne sont pas prises en compte, ce qui rend laborieuse la compréhension de l’ensemble de l’ouvrage.

De surcroît, si l’introduction annonce une perspective d’éducation comparée dans une confrontation de recherches nord-américaines et européennes, deux études seulement ont été menées au Québec, la majorité des études présentées ayant été pilotées en France. Aussi, rares sont les auteurs qui confrontent les recherches provenant de l’Europe avec celles d’Amérique du Nord. À notre connaissance, seul Buysse (chap. 10) recense des théories issues de ces deux continents pour appuyer ses propos.

Enfin, sur une note plus positive, l’originalité de l’ouvrage réside certainement dans le rapprochement entre l’épistémologie de formation des adultes et l’épistémologie de formation des enseignants effectué notamment à travers des emprunts de cadres théoriques (ex. la didactique professionnelle, l’ergonomie du travail, etc.) provenant du champ de la formation des adultes, pour analyser le processus d’apprentissage professionnel en contexte de formation initiale. Les réflexions critiques à caractère novateur qui en découlent permettent une mise en perspective des ressources formatives impliquées dans la formation à l’enseignement incitant de ce fait les lecteurs à les penser et à les envisager autrement.