Résumés
Résumé
L’objet de ce texte est de proposer un cadre d’analyse des raisonnements d’élèves dans la résolution de problèmes de partage inéquitable pouvant être utilisés au primaire et au début du secondaire. Ce cadre repose sur la considération des deux dimensions suivantes : 1) le degré d’analycité du raisonnement et 2) la nature du registre de représentation sémiotique (Duval, 1995) des inconnues et des équations. Les fondements épistémologiques de ce cadre d’analyse s’appuient sur une brève analyse de certaines étapes du développement historique de l’algèbre. Ensuite, les différentes catégories de raisonnement sont illustrées au moyen d’exemples prototypiques issus de productions d’élèves.
Mots-clés :
- pensée algébrique,
- enseignement primaire-secondaire,
- raisonnement analytique,
- problèmes de partage inéquitable
Abstract
This text sets forth a framework for analyzing student reasoning in solving unequal sharing problems that can be used in elementary school and early secondary school. The framework is based on a consideration of two dimensions: 1) the degree of analycity of the reasoning and 2) the nature of the register of semiotic representation (Duval, 1995) used for unknowns and equations. The epistemological foundations of this analytical framework are based on a brief analysis of certain stages in the historical development of algebra. Next, the different categories of reasoning are illustrated using prototypical examples drawn from student productions.
Keywords:
- algebraic thinking,
- primary-secondary education,
- analytical reasoning,
- unequal sharing problems
Resumen
El propósito de este texto es proporcionar un marco para analizar el razonamiento de los estudiantes para resolver problemas de reparto no equitativo o reparto desigual que pueden usarse en primaria y al inicio de secundaria. Este marco se basa en la consideración de las dos siguientes dimensiones: 1) el grado de razonamiento analítico y 2) la naturaleza del registro de representación semiótica (Duval, 1995) de las incógnitas y las ecuaciones. Los fundamentos epistemológicos de este marco de análisis se basan en un breve análisis de ciertas etapas en el desarrollo histórico del álgebra. Luego, las diferentes categorías de razonamiento son ilustradas mediante ejemplos prototípicos provenientes de producciones de los alumnos.
Palabras clave:
- algebraico,
- educación primaria-secundaria,
- razonamiento analítico,
- problemas de reparto desigual
Corps de l’article
1. Introduction
Dans la plupart des pays du monde, l’algèbre occupe une place centrale dans les mathématiques du secondaire. Cependant, elle est réputée être, depuis longtemps, un sujet scolaire aride et difficile pour les élèves (voir par exemple Rosnick et Clément, 1980; Küchemann, 1981; Booth, 1984). Jusqu’à la fin des années 1980, la plupart des recherches en didactique de l’algèbre était principalement centrée sur l’étude des difficultés d’apprentissage rencontrées par les élèves lors du passage de l’arithmétique à l’algèbre. Depuis la fin des années 1980, un grand nombre de didacticiens et de didacticiennes des mathématiques s’entendent sur la nécessité de réformer en profondeur les curriculums actuels d’algèbre à l’école. Ainsi, on a vu se multiplier les travaux de recherche à ce sujet (Wheeler, 1989; Lins, 1992; Kieran, 1992; Kaput, 1995, 1998; Bednarz, Kieran et Lee, 1996, etc.). En 2001, à l’issue de la rencontre de préparation de la 12e étude ICMI[1]: «The Future of the Teaching and Learning of Algebra (Chick, Stacey, Vincent et Vincent, 2001), un groupe de travail spécial sur la pensée algébrique est créé sous l’étiquette Early Algebra. Early Algebra désigne à la fois un domaine de recherche, une perspective curriculaire et un domaine de formation des enseignants (Carraher et Schliemann, 2014). Il est basé sur l’idée de favoriser le développement de la pensée algébrique dans une trajectoire continue depuis les premières années du primaire jusqu’à l’introduction formelle de l’algèbre du secondaire.
La perspective du développement précoce de la pensée algébrique, c’est-à-dire bien avant l’avènement de l’algèbre au secondaire, oblige à reconceptualiser l’algèbre et la pensée algébrique: qu’entend-on par algèbre? qu’entend-on par pensée algébrique? quelle relation entre l’arithmétique et l’algèbre?
Si l’arithmétique peut être vue comme la science des nombres, des quantités et des grandeurs (Carraher et Schliemann, 2007), l’algèbre peut, selon nous, être vue comme la science des opérations (Bronner, 2007). Plus précisément, l’algèbre peut être vue comme un ensemble d’activités mathématiques où interviennent des opérations (lois de composition, internes ou externes, binaires ou n-aires) pouvant être de nature quelconque (addition, multiplication, rotation, composition, etc.), mais répétées un nombre fini de fois (Squalli, 2000, 2015). Ces activités sont marquées par une manière de penser, une pensée algébrique. Sur le plan opératoire, la pensée algébrique se déploie au moyen de:
Un ensemble de raisonnements particuliers (comme généraliser, raisonner de manière analytique, symboliser et opérer sur des symboles; exprimer, interpréter, raisonner sur des relations entre variables, en particulier des relations fonctionnelles, raisonner en matière de structures, etc.);
Des manières d’approcher des concepts en jeu dans les activités algébriques (comme voir l’égalité comme une relation d’équivalence, laisser les opérations en suspens; voir une expression numérique comme un objet en soi et non uniquement comme une chaîne de calcul, etc.);
Des modes de représentation et des manières d’opérer sur ces représentations.
Par ailleurs, plusieurs chercheurs soulignent le caractère analytique de la pensée algébrique (Lins, 1992, 1993; Gascon, 1994, Bednarz, Kieran et Lee, 1996; Radford, 2010, 2108; Squalli, 2000). Dans le contexte de la résolution de problèmes, raisonner analytiquement consiste à opérer sur l’inconnue comme si c’était un nombre connu, procédant ainsi de l’inconnu vers le connu. En revanche, la pensée arithmétique est de nature non analytique. Comme le font remarquer Mason et Binns (1993), dans une démarche arithmétique de résolution, on fait simplement une suite de calculs sur des quantités connues, on n’opère jamais sur des inconnues. La distinction entre un mode de raisonnement arithmétique et un mode de raisonnement algébrique réside précisément dans le caractère analytique de ce dernier, non dans l’absence ou la présence de lettres pour représenter les inconnues. Nous étayons cette distinction en nous appuyant sur quelques étapes importantes du développement historique de l’algèbre élémentaire (Squalli, 2000). Le développement du raisonnement analytique est donc au coeur du développement de la pensée algébrique dans le contexte de la résolution de problèmes se ramenant à la recherche de valeurs d’inconnues.
Comme l’explique Kieran (2016), avec les travaux de recherche du courant Early Algebra, les objets de recherche ne sont plus focalisés sur le contenu de l’algèbre, mais sur la pensée algébrique, sur les représentations appropriées pour les jeunes enfants ainsi que sur la nature des premières activités d’algèbre susceptibles de promouvoir leur développement. Cependant, la généralisation est la composante de la pensée algébrique qui domine largement les sujets d’étude de ces recherches (Kieran, 2018). À notre connaissance, très peu de travaux du courant Early Algebra se sont intéressés à la composante analytique de la pensée algébrique. Les travaux importants dans ce sens sont ceux de Bednarz et Janvier mais conduits dans une vision d’introduction à l’algèbre du secondaire sur la base des connaissances arithmétiques des élèves développés au primaire. Cherchant à introduire l’algèbre dans un contexte de résolution de problèmes, Bednarz et Janvier se sont intéressées à définir les types de problèmes qui faciliteraient le passage de l’élève d’un mode arithmétique à un mode algébrique de résolution. Pour analyser les problèmes que l’on retrouve traditionnellement dans des manuels d’arithmétique et dans ceux d’algèbre, de même que pour étudier les types de problèmes qui posent des difficultés aux élèves, elles ont élaboré un cadre d’analyse qui se base sur la nature du «calcul relationnel» (Vergnaud, 1982) dans la représentation et la résolution de tels problèmes: la nature des relations entre les quantités en jeu dans le problème, connues et inconnues, et le lien entre ces relations.
Elles avancent:
En arithmétique, les problèmes qui sont généralement proposés aux élèves sont des problèmes dits «connectés»: une relation peut facilement être établie entre deux données connues; donnant la possibilité de raisonner arithmétiquement (à partir des données connues vers l’inconnue à la fin des calculs) […].
À l’opposé, en algèbre les problèmes qui sont généralement proposés aux élèves sont dits «déconnectés»: aucun chemin direct ne peut être établi entre deux données connues comme c’est le cas des problèmes de la figure 1.
Bednarz et Janvier, 1996, p. 123, traduction libre
La figure suivante illustre la structure de ces deux types de problèmes (Bednarz et Janvier, 1996, p. 123) :
L’analyse des procédures de résolution utilisées par des élèves ne connaissant pas encore l’algèbre dans des problèmes dits déconnectés leur a révélé que ces derniers tentent de rendre ces problèmes connectés en essayant de créer des liens entre les données pour être capables d’opérer sur elles à partir d’une donnée connue. Bednarz et Janvier (1996) ont regroupé les raisonnements utilisés par les élèves en quatre catégories.
Dans la première, on trouve les raisonnements qui prennent comme point de départ de la résolution l’état connu dans le problème. L’élève cherche un état initial connu à partir duquel il peut générer les inconnues du problème et suit une procédure erronée. Un deuxième type de raisonnement consiste à créer un état initial en utilisant un nombre fictif. On trouve ici les procédures du type «essais-erreurs». Un troisième type de raisonnement est celui qui consiste à partager la quantité totale connue en autant de parts égales que le nombre d’inconnues constituant cette totalité, puis de générer à l’aide du nombre obtenu les valeurs des inconnues. Le quatrième et dernier type de raisonnement est d’un niveau plus élevé et consiste à se baser sur la structure du problème. L’élève opère sur les relations entre les quantités et transforme complètement le problème initial en un problème plus global où il est possible de faire les calculs.
Dans la perspective du développement précoce de la pensée algébrique, c’est-à-dire dès le primaire, le développement de la pensée analytique devrait être étudié non pas à la veille de l’introduction de l’algèbre, comme c’est le cas des travaux de Bednarz et Janvier, mais selon une plus longue période. En outre, plusieurs travaux (Adihou, Squalli, Saboya, Tremblay et Lapointe, 2015; Saboya, Besançon, Martin, Adihou, Squalli et Tremblay, 2013; Marchand et Bednarz, 1999, 2000; Bednarz et Janvier, 1994, 1996) montrent que la confrontation des élèves à des problèmes déconnectés avant leur introduction à l’algèbre favorise l’émergence de raisonnements sophistiqués (tels les raisonnements de type fausse position). En revanche, l’introduction de la méthode algébrique de résolution est un obstacle à l’émergence de ce type de raisonnements. Notre postulat est qu’entre la catégorie des raisonnements non analytiques (degré d’analyticité nul) et celle des raisonnements analytiques (degré d’analyticité optimal) existe une autre catégorie de raisonnements riches sur le plan de la pensée mathématique, mais qui ne peuvent être catalogués comme analytiques ou non analytiques (degré d’analyticité non nul mais non optimal). L’objet de ce texte est de proposer un cadre d’analyse qui permet de catégoriser les différents types de raisonnement selon leur degré d’analyticité en prenant en compte la nature du registre de représentation.
Ainsi, notre proposition s’inscrit dans l’axe 1: «Fondements épistémologiques et didactiques» de ce numéro thématique. Plus particulièrement, il apporte des éléments de réponse à la question suivante de cet axe: comment distinguer le raisonnement algébrique du raisonnement arithmétique dans la résolution de problèmes se ramenant à la recherche de valeurs d’inconnues?
2. Un éclairage historique
Selon Hintikka et Remes (1964), l’analyse est une méthode que des géomètres grecs utilisaient dans la recherche de preuves de théorèmes et dans des problèmes de construction. Ils ajoutent: «Dans les deux cas, l’analyse consiste à supposer connu ce qui est recherché pour en tirer des conséquences jusqu’à ce qu’on atteigne une chose déjà connue» (traduction libre)[2]. Le raisonnement analytique apparaît ainsi comme un raisonnement de type hypothéticodéductif. Dans la recherche de la valeur de l’inconnue, on fait comme si cette valeur existait et on opère sur elle comme on opère sur les nombres connus. Nous allons voir que cette méthode analytique a été caractéristique de l’algèbre élémentaire dans plusieurs étapes importantes de son développement historique[3].
2.1 La méthode analytique, fondement de l’algèbre d’al-Khawarizmi
Mohammed ibn Musa al-Khawarizmi composa à Bagdad, entre 813 et 833, son célèbre ouvrage: Le livre concis d’al-jabr et d’al-muqàbala. Dans les pages de ce manuel, on voit surgir l’algèbre, pour la première fois, comme discipline mathématique distincte, indépendante et en possession de son nom (Rashed, 1984). L’algèbre selon al-Khawarizmi se présente comme la théorie des équations linéaires et quadratiques à une seule inconnue et du calcul élémentaire sur les binômes et trinômes associés (calcul algébrique), sans que soit encore formulée l’idée de polynôme en général (Rashed, 1984). Le registre du langage naturel y est essentiel: le calcul est exprimé complètement en mots, les inconnues et leurs carrés sont représentés explicitement par des noms (la chose, le carré de la chose ou màl). Ce que nous écrivons ax2 = bx et ax2 = c sont écrits respectivement, les carrés égalent les choses, les carrés égalent les nombres, les transformations algébriques, soit les règles d’opérations sur les expressions et les équations sont nommées explicitement (al-jabr, al-muqabala, etc.). Le registre géométrique de représentation sémiotique est utilisé pour donner la preuve par figures des algorithmes de solution des équations canoniques. Avec al-Karaji (fin xe siècle et début du xie siècle) et ses successeurs, l’algèbre d’al-Khawarizmi est vue, selon l’expression même de l’époque, comme une «arithmétique des inconnues» et conçue comme étant essentiellement analytique. Selon les termes d’al Samaw’al (1130-1174), il s’agit d’une part «d’opérer sur les inconnues comme les arithméticiens opèrent sur les connues» (Rashed, 1984). La citation suivante d’al-Karaji éclaire la signification de l’algèbre et de la méthode algébrique, essentiellement analytique, que leur donnait cet auteur:
Sache que toute (la science du) calcul consiste à déterminer les inconnues à l’aide des données connues. On ne parvient à cette détermination que grâce à trois choses.
Premièrement, et c’est là la plus difficile: la formulation (tanãwul) du problème à l’aide d’un traitement l’amenant au stade de l’équation, ce à quoi on parvient avec une longue pratique et une connaissance de règles que nous avons exposées dans notre ouvrage intitulé Badi‘.
Deuxièmement: les conditions du problème, parce que ce sont des auxiliaires puissants.
Troisièmement: les opérations de l’algèbre, à savoir l’augmentation, la diminution, la multiplication, la division, l’addition, la soustraction, la proportion, la restauration et la réduction (al-jabr wa’l-muqãbala), enfin la détermination de l’inconnue.
cité dans Sesiano, 1977, p. 301
2.2 Cardan: opérer sur des nombres imaginaires comme on opère sur des nombres connus
La recherche de règles générales pour la résolution algébrique − c’est-à-dire au moyen des opérations d’addition, de soustraction, de multiplication, de division et de l’extraction de racines carrées ou cubiques − de l’équation du troisième degré allait conduire les algébristes italiens du xvie siècle à raisonner sur des nombres dits «imaginaires», une nouvelle catégorie de nombres. Les trois pionniers dans ce domaine sont Scipione del Ferro, Tartaglia et Cardan (Itard, 1977). En langage moderne, la solution trouvée pour l’équation est la suivante:
Cardan a vite compris les difficultés soulevées par cette équation. Lorsque est négatif, la racine carrée de ce nombre ne peut pas être calculée. Cependant, si on écrit le calcul comme si on pouvait l’exécuter, on trouve une valeur bien déterminée qui est une solution de l’équation. Or, dans ce cas, on sait que l’équation possède trois racines, comme Archimède l’avait montré géométriquement dans son livre De la sphère et du cylindre, livre second où un problème de solides est mathématisé par l’équation en question (Itard, 1977). En acceptant de calculer sur des racines carrées de nombres négatifs, Cardan utilisait un artifice de calcul lui permettant de trouver trois racines pour cette équation. Pour lever la difficulté, il introduisit timidement – Bombelli le fera plus nettement en 1572 – de nouveaux nombres dits «impossibles» ou «imaginaires».
À titre d’exemple, pour l’équation x3 − 63x − 162 = 0 (équation dite irréductible) la formule de Cardan donne: laquelle, après simplification aboutit à: .
En acceptant d’appliquer à les opérations de base habituelles et en supposant que les propriétés de ces opérations restent aussi valides pour ces nouveaux «objets», Cardan arrive à trouver une solution réelle de l’équation cubique. Le raisonnement heuristique de Cardan est manifestement de nature «analytique». Cependant, dans ce cas, Cardan n’opère pas sur un objet (un nombre) dont la valeur est non déterminée ni sur une variable dont le domaine de référence est connu, mais plutôt sur des «objets imaginaires».
2.3 Viète: l’algèbre comme art analytique
Il est bien connu que François Viète a introduit, en 1591, l’usage des lettres pour désigner aussi bien les grandeurs inconnues que les grandeurs connues. Pour souligner l’importance de la méthode d’analyse en algèbre, Viète décrivait l’algèbre comme un art analytique. En effet, dans son livre Introduction à l’art analytique, Viète définit l’algèbre comme une méthode d’analyse comportant trois étapes: l’analyse zététique, l’analyse poristique et l’analyse rhétique ou exégétique. L’historien Itard nous explique en langage moderne en quoi consistent les trois types d’analyse dont parle Viète:
La zététique consiste à adopter un symbolisme permettant de noter tant les grandeurs inconnues que les grandeurs connues, à exprimer les liens qui les unissent et à dégager l’équation qui, sous forme abstraite, résume le problème posé. L’analyseporistique étudie, transforme, discute cette équation. Enfin l’exégétique, ou analyse rhétique, revenant au problème concret, résout l’équation, soit par des constructions s’il s’agit de géométrie, ou par des calculs s’il s’agit d’arithmétique.
Itard, 1977, p. 245
Viète disait avoir créé une nouvelle algèbre où le calcul est réalisé sur des «espèces», c’est-à-dire des nombres non spécifiés (logistica speciosa) en opposition à un calcul essentiellement numérique (logistica numerosa) (Boutroux, 1913). Il décrit explicitement les différents types d’espèces et les propriétés des opérations sur elles (Charbonneau et Lefebvre, 1992). Ces deux auteurs précisent:
Dans ses manipulations, contrairement à ses prédécesseurs, il [Viète] ne fait aucune distinction entre les espèces représentant des grandeurs connues et celles représentant des grandeurs inconnues, si ce n’est de représenter celles-là par des consonnes et celles-ci par des voyelles.
Charbonneau et Lefebvre, 1992, p. 13
Avant Viète, le calcul algébrique était un calcul sur des équations et sur les expressions polynomiales correspondantes où, contrairement aux paramètres qui restaient numériques, seule l’inconnue était représentée par un symbole. Ce «symbolisme» n’était pas immédiatement opérationnel; il était toutefois utile parce que sa concision permettait de retenir facilement les étapes de résolution, au moins en ce qui concerne l’inconnue (Charbonneau et Lefebvre, 1992). Avec Viète, le calcul algébrique devenant un calcul littéral (logistica speciosa), c’est-à-dire un calcul avec des lettres, l’algèbre se dote d’une «épaisseur syntaxique».
3. Cadre d’analyse du raisonnement analytique
Après ce détour historique, nous sommes maintenant en mesure de caractériser de manière précise le raisonnement analytique dans le contexte de la résolution de problèmes se ramenant à la recherche de valeurs d’inconnues.
Dans le cadre de la résolution de problèmes à une seule inconnue, en algèbre, nous parlons de raisonnement analytique dans le sens suivant:
On suppose qu’il existe une valeur (éventuellement plusieurs) pour chacune des inconnues répondant aux conditions du problème. On accepte de représenter ces inconnues par un symbole et d’opérer sur eux comme si leur valeur était connue.
À l’aide de ces symboles, on traduit les différentes relations entre les données connues et inconnues du problème ainsi que l’équation mathématisant le problème.
On cherche des conséquences logiques de 1. et 2. en opérant sur les représentations des relations et de l’équation jusqu’à ce que l’on soit en mesure de trouver les valeurs des inconnues. Dans le cas où on aboutit à une conséquence impossible, par exemple 0 = 1, alors on peut conclure que la supposition initiale était fausse, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de valeurs des inconnues répondant aux conditions du problème.
Il va de soi que le symbole utilisé pour représenter une inconnue peut être différent d’une lettre (mot, dessin, une notation non standard comme une simple marque sur le papier), comme chez les algébristes avant Viète. La nature du symbole est secondaire du moment que ce symbole est utilisé comme substitut de l’inconnue que l’on peut manipuler lorsqu’on veut opérer sur l’inconnue.
Par ailleurs, notre cadre d’analyse devrait nous permettre de distinguer le raisonnement algébrique du raisonnement arithmétique dans la résolution de problèmes se ramenant à la recherche de valeurs d’inconnues. À cet effet, nous devons prendre en compte dans notre analyse les deux dimensions suivantes: 1) le caractère analytique ou non du raisonnement et 2) le registre de représentation sémiotique (Duval, 1995) des inconnues et des équations.
3.1 Les catégories de raisonnement selon le degré d’analycité
Nous considérons trois grandes catégories. La première regroupe les raisonnements de nature non analytique (degré d’analycité nul). Une seconde catégorie regroupe les raisonnements analytiques (degré d’analycité optimal). La troisième catégorie regroupe les raisonnements dits à tendance analytique qui respectent partiellement les caractéristiques d’un raisonnement analytique que nous venons de présenter (degré d’analycité non nul mais non optimal). Définissons ces catégories de façon plus précise.
3.1.1 Les raisonnements de nature non analytique
Cette catégorie regroupe les raisonnements qui sont caractéristiques d’une démarche arithmétique de résolution. Pour déterminer les valeurs des inconnues, l’élève opère sur des données et des relations connues. À aucun moment il n’opère sur une inconnue ou sur un nombre non déterminé (par exemple, une variable ou un paramètre). Ces raisonnements sont performants dans la résolution des problèmes de type connecté[4]. En revanche, dans le cas des problèmes déconnectés (Bednarz et Janvier, 1996), ils ne le sont pas à moins de recourir à un raisonnement de type essais-erreurs.
3.1.2 Les raisonnements analytiques
Ce sont les raisonnements qui respectent toutes les caractéristiques du raisonnement analytique défini précédemment. Dans ce type de raisonnement, l’élève considère l’inconnue, la représente par un symbole, utilise cette représentation pour exprimer les relations entre les données connues et les autres inconnues du problème et opère sur ces représentations pour former l’équation et trouver les valeurs des inconnues.
3.1.3 Les raisonnements à tendance analytique
Nous incluons dans cette catégorie trois classes de raisonnements. La première regroupe les raisonnements hypothéticodéductifs où l’élève affecte une valeur déterminée à une inconnue sachant qu’elle est fausse, fait comme si cette inconnue possédait cette valeur, opère sur les relations et génère les valeurs des autres inconnues. Il raisonne ensuite sur les relations et les valeurs produites pour trouver la valeur exacte de l’inconnue de départ. Les raisonnements de type fausse position sont un exemple de tels raisonnements. Dans ce type de raisonnement, le sujet fait comme si la valeur de l’inconnue était connue, mais au lieu d’opérer sur une représentation de cette inconnue, il opère sur une valeur fausse mais déterminée. Pour cette raison, nous considérons que ce type de raisonnement est à tendance analytique mais n’est pas analytique.
La seconde classe regroupe les raisonnements où l’élève considère les inconnues momentanément comme des variables. Pour trouver les valeurs de ces variables qui respectent les conditions du problème, il n’opère pas sur elles – comme dans le cas d’un raisonnement analytique – mais sur leurs instanciations numériques. C’est le cas des raisonnements fonctionnels dont on présente un exemple prototypique plus loin.
La troisième classe regroupe les raisonnements où l’élève considère l’inconnue, la représente explicitement, utilise cette représentation pour traduire les relations entre les inconnues et les connues mais n’opère pas sur ces représentations pour trouver les valeurs des inconnues. C’est pour cette dernière raison que le degré d’analyticité du raisonnement n’est pas jugé optimal.
3.2 Les registres de représentations sémiotiques
Nous avons retenu trois types de registres au sens de Duval (1995) et de Hitt et Passaro (2007): le registre numérique, le registre algébrique conventionnel et le registre intermédiaire. Comme Hitt (2004) ainsi que Hitt et Passaro (2007), en plus de considérer les représentations sémiotiques institutionnalisées, nous nous intéresserons aux mots et aux registres spontanés (diagrammes). À cette fin, il devient nécessaire d’étudier les contraintes du problème, mais aussi celles dont l’élève tient compte dans l’élaboration de sa résolution.
Le registre de représentation est dit «numérique» quand les traces de la résolution de l’élève ne comportent que des nombres déterminés et des opérations sur ces nombres.
Le registre de représentation est dit «algébrique conventionnel» si l’élève recourt au langage algébrique littéral.
Le registre de représentation est dit «intermédiaire» si l’élève recourt à un, ou à plusieurs, mode de représentation non purement numérique ou algébrique conventionnel. Par exemple, l’élève peut représenter une inconnue par un mot, par le dessin d’une ligne, ou par un carré vide. Il peut représenter les relations par un dessin, utiliser une table de valeurs numérique, etc.
4. La grille d’analyse des raisonnements dans la résolution de problèmes de partage inéquitable
Pour opérationnaliser ce cadre d’analyse, nous avons analysé les réponses de 605 élèves de 48 classes de premier cycle du secondaire (âgés entre 12 et 14 ans) ayant participé à une enquête par questionnaire. Le questionnaire comportait 12 problèmes de partage inéquitable à 2 ou 3 inconnues et de niveaux de difficulté variable. Les résultats de cette enquête sont présentés dans «Nature analytique des raisonnements d’élèves au début du secondaire: qu’en est-il lors de la résolution de problème visant le développement de la pensée algébrique?» (Adihou, dans ce numéro). Cette analyse avait un double objectif. Le premier est d’identifier des exemples prototypiques de raisonnements à tendance analytique ou de raisonnement analytique dans un registre non algébrique conventionnel. La production de ce type de raisonnements par des élèves n’ayant pas encore été initiés à la méthode algébrique conventionnelle de résolution montrerait tout l’intérêt du développement précoce de la pensée algébrique. En effet, ces raisonnements sont sophistiqués sur le plan mathématique, mais leur émergence serait contrecarrée par l’introduction de l’algèbre du secondaire. Notre second objectif est de proposer une grille d’analyse des raisonnements des élèves dans la résolution de problèmes de partage inéquitable.
Le tableau 1 présente cette grille qui permet d’analyser les raisonnements de résolutions de problèmes de partage inéquitable selon le degré d’analycité et la nature du registre de représentation.
Les différentes catégories de raisonnement de cette grille seront illustrées par des exemples prototypiques issus de productions d’élèves.
4.1 Raisonnements de type non analytique
4.1.1 Raisonnements basés sur un calcul direct
Cette classe de raisonnements regroupe les raisonnements arithmétiques habituels dans le cas de problèmes connectés. L’élève opère sur les données et les relations connues pour trouver la valeur de l’inconnue.
4.1.2 Raisonnements de type essais-erreurs avec ajustement simple
L’élève donne une valeur spécifique à une des inconnues, génère les valeurs des autres inconnues à l’aide des relations connues. En se basant sur l’écart obtenu entre le nombre total désiré et le nombre total obtenu, il ajuste en conséquence la valeur du nombre de départ sans prise en compte des relations entre les inconnues.
Notons ici que ce raisonnement n’est pas de type hypothéticodéductif. Par ses essais, l’élève tente de «deviner» la valeur juste de l’inconnue en utilisant en actes le théorème des valeurs intermédiaires. Les calculs sont réalisés pour vérifier la justesse de la valeur initiale. Le registre est numérique. La table de valeurs sert ici comme moyen d’organisation des essais numériques.
4.1.3 Essais-erreurs avec ajustement raisonné
Dans ce cas comme précédemment le registre est numérique. La table de valeurs sert comme moyen d’organisation des essais numériques. La première opération 315 − 127 = 188 permet à l’élève de créer un état initial (Bednarz et Janvier, 1996) et pouvoir ainsi opérer sur des données connues. L’élève se comporte ainsi comme dans le schéma d’un raisonnement non analytique. Voyant que le total des valeurs initiales des trois inconnus dépasse le total désiré, il va réduire chacune de ces valeurs du tiers de la différence entre le total obtenu et le total désiré. Cette démarche permet de bien ajuster les valeurs initiales compte tenu de la structure additive du problème[5]. Nous disons que cet ajustement est raisonné, l’élève obtient la valeur recherchée de chacune des inconnues en raisonnant sur le résultat d’un premier essai.
4.2 Raisonnements à tendance analytique
4.2.1 Raisonnements fonctionnels, registre table de valeurs numériques
Le registre utilisé est numérique. Les lettres F, C et S servent comme désignation des variables. La table des valeurs sert comme table des valeurs des différentes relations, implicitement fonctionnelles, entre les variables. Elle permet tout particulièrement de réfléchir sur la règle de la relation fonctionnelle entre la variable nombres d’amis de Carlos et la variable nombre total des amis. Le choix de la valeur 1 pour le nombre d’amis de Carlos montre que le schéma de raisonnement de cet élève est différent des cas des raisonnements non analytiques. En effet, l’élève ne tente pas de deviner la valeur juste de l’inconnue et d’ajuster ensuite son essai. Le nombre d’amis de Carlos ainsi que le total sont momentanément considérés comme variables liées par une relation fonctionnelle. Les valeurs numériques sont des instanciations spécifiques de ces variables. L’élève infère la régularité (la règle de cette relation) à partir de quelques cas spécifiques. Nous sommes ici dans le scénario d’une généralisation arithmétique, car la régularité est obtenue non pas en réfléchissant sur la structure des relations qu’entretiennent les nombres dans la situation, mais sur leur qualité «nombrante» dans le cadre numérique et implicitement fonctionnel. Pour cette raison nous disons que ce raisonnement est à tendance analytique, car son degré d’analycité est non nul, mais non optimal.
4.2.2 Raisonnements de type fausse position, registre numérique
L’élève donne une valeur spécifique à une des inconnues qu’il sait fausse, génère les valeurs des autres inconnues à l’aide des relations connues. En se basant sur l’écart obtenu entre le nombre total désiré et le nombre total obtenu, il ajuste en conséquence la valeur du nombre de départ en prenant en compte les relations entre les inconnues.
Le registre est ici uniquement numérique (voir figure 6). Ce raisonnement est de nature hypothéticodéductif. En affectant la valeur 0 à l’inconnue la plus petite, l’élève fait comme si cette inconnue possédait cette valeur, ce qui lui permet de générer les valeurs des deux autres inconnues. L’élève sait manifestement que cette valeur est fausse, la suite de la résolution montre qu’il sait comment corriger cette valeur initiale après avoir obtenu le total de la somme des trois inconnues. Nous sommes donc bien dans le scénario des raisonnements de type fausse position. Par ailleurs, le choix de 0 comme valeur initiale est judicieux dans les problèmes de partage inéquitable à structure additive. En effet, le total des valeurs fausses correspond au total des écarts entre chacune des deux inconnues et l’inconnue de référence Sophia. En soustrayant ce nombre du total des trois inconnues, on obtient le triple de la valeur réelle de l’inconnue Sophia. Nous voyons que l’élève maîtrise bien l’équation mathématisant le problème bien qu’elle reste implicite. Ce raisonnement peut être interprétée également comme une version additive du cas d’un raisonnement proportionnel avec retour à l’unité, dans le cas des problèmes multiplicatifs.
4.2.3 Raisonnements de type fausse position, registre intermédiaire
Comme dans le cas du raisonnement qui précède celui-ci (voir figure 7, p. 54) est du type fausse position. Mais le registre de représentation est intermédiaire. L’élève utilise des schémas pour représenter les relations entre les différentes inconnues, pour opérer sur ces relations (trouver que l’écart entre canoë et tir à l’arc est de 29), et pour représenter l’équation mathématisant le problème.
4.2.4 Raisonnements à tendance analytique, inconnues explicites, registre algébrique
L’élève représente les inconnues par des lettres, utilise ces lettres pour représenter les relations et l’équation mais n’opère pas sur ces représentations (voir figure 8, p. 55).
Certains élèves utilisent ces représentations à l’aide de signes alphanumériques comme support mémoriel, tandis que le traitement reste arithmétique. L’usage des signes alphanumériques est fait uniquement dans un but de désignation en se donnant des règles de formation et non pas de traitement (Duval, 1995).
L’élève utilise donc de façon correcte le registre algébrique pour former les équations, mais il ne sait pas utiliser les règles de traitement et pour cela il a recours au registre numérique essentiellement mobilisé sous la forme de calculs posés. Dans cette résolution, l’élève utilise les lettres comme désignations des inconnues, il n’opère pas sur ces lettres; et ses raisonnements restent toujours attachés au contexte. Le fait d’avoir choisi l’inconnue C comme inconnue de référence, dont la valeur est la plus petite des trois, fait en sorte que tous les calculs qu’il a réalisés ont une signification dans le contexte. Ce qui n’aurait pas été le cas s’il avait choisi S ou T comme inconnue de référence. En effet, les différences entre les inconnues ne seraient pas toutes positives et cela aurait entraîné l’augmentation du nombre total des jeunes inscrits dans les activités sportives lorsqu’on ramène les inconnues à une seule.
4.3 Raisonnements analytiques
4.3.1 Raisonnements analytiques, inconnues non représentées explicitement, registre numérique
Le registre est uniquement numérique, mais il ne rend pas compte de tout le raisonnement de l’élève qui s’est appuyé sur des représentations mentales non accessibles au chercheur. Dans ce raisonnement, l’inconnue principale nombre d’amis de Carlos n’est pas représentée explicitement ni l’équation mathématisant le problème. Nous dirons alors que l’inconnue et l’équation sont muettes bien qu’elles soient objets de la pensée de l’élève. Nous avons ici un exemple d’un raisonnement analytique alors que le registre de représentation est purement numérique.
4.3.2 Raisonnements analytiques, inconnue intermédiaire, registre numérique
L’élève semble saisir la structure multiplicative du problème et que les trois inconnues sont des multiples de l’inconnue nombre d’amis de Carlos. Le total des nombres d’amis des trois personnes étant le tout, Carlos en a une partie, François le double donc 2 parties et Sophia en a 5 fois plus que François donc 10 parties. Le terme «partie» est un substitut de l’inconnue, il joue le rôle d’inconnue intermédiaire dont il faut calculer sa valeur en nombre d’amis. Le tout est donc constitué de 13 parties qui totalisent 494 amis (ou personnes selon l’élève). Pour trouver la valeur d’une partie en nombre de personnes, l’élève fait la division de 494 par 13. Il en déduit que le nombre d’amis de Carlos est 38 et en déduit ensuite les nombres d’amis de François et de Sophia
Le raisonnement est analytique, l’élève opère sur une inconnue intermédiaire qu’il tient comme substitut à l’inconnue originale. Le registre est numérique.
4.3.3 Raisonnements analytiques, registre de représentation algébrique conventionnel, sans perte de lien avec le contexte
Dans cette classe de raisonnements, l’élève utilise des lettres pour représenter les inconnues, les relations et l’équation. Il opère sur ces représentations sans se détacher du contexte.
L’élève utilise le registre algébrique pour modéliser le problème posé et il utilise une règle de traitement, à savoir la règle de substitution, mais il n’explicite pas les transformations algébriques dans ce registre. Il a recours au registre numérique pour opérer sur les nombres donnés. En ne simplifiant pas l’écriture de l’équation S + (S + 87) + (S + 172) = 496 en 3S + 259 = 496, l’élève laisse visibles les relations entre les différentes inconnues et ainsi garde le lien entre l’équation et le contexte du problème.
4.3.4 Raisonnement analytique, registre de représentation algébrique conventionnel, avec perte de lien avec le contexte
L’élève choisit des représentations explicites des inconnues, des relations et de l’équation. Il opère sur ces représentations sans se rattacher au contexte.
Le registre du langage naturel lui permet de relier les éléments de l’énoncé aux désignations algébriques. Ensuite, c’est le registre algébrique qui est utilisé et le cadre de travail de l’élève est typiquement celui de l’algèbre. L’élève utilise donc ce registre algébrique pour modéliser le problème, mais aussi pour en faire le traitement en se donnant le droit d’oublier le contexte initial. De façon paradoxale, cet élève est arrêté par un traitement dans le registre numérique, car il ne se souvient plus de l’algorithme de la division!
5. Conclusion
Nous avons proposé une grille d’analyse des raisonnements des élèves dans des problèmes de type partage inéquitable. La grille propose d’analyser ces raisonnements selon leur «degré» d’analycité, et selon la nature du registre de représentation sémiotique des inconnues et des relations et équations. Aussi la grille prévoit trois grandes catégories de raisonnement. La catégorie des raisonnements non analytique (degré d’analycité nul), la catégorie des raisonnements à tendance analytique (degré d’analycité non nul, mais non optimal) et la catégorie des raisonnements analytiques (degré d’analycité maximal). Pour fonder épistémologiquement cette manière de catégoriser les raisonnements, nous avons réalisé une brève analyse du rôle qu’a joué la méthode analytique à certaines étapes de l’histoire de l’algèbre élémentaire. Ce cadre d’analyse en trois catégories et selon les deux dimensions susmentionnées peut s’appliquer à l’analyse de raisonnements d’autres types de problèmes algébriques autres que ceux de partage inéquitable. En outre, une utilisation de la grille d’analyse dans un contexte différent que celui du Québec, ou avec d’autres types de problèmes, peut amener à un enrichissement de la liste des sous-catégories de raisonnements que nous avons déterminés après analyses de productions réelles d’élèves.
Par ailleurs, l’application de cette grille illustre bien que l’enjeu du passage d’une démarche de résolution arithmétique de résolution de problèmes à une démarche de résolution algébrique ne réside pas dans le recours aux signes alphanumériques mais dans le caractère analytique du raisonnement mobilisé. La grille d’analyse a bien permis de distinguer des raisonnements d’élèves analytiques mais où le registre est purement numérique ou intermédiaire. Aussi, elle a permis découvrir des raisonnements non analytiques bien qu’ils recourent aux signes alphanumériques.
Notre recherche semble offrir un cadre d’analyse prometteur, que nous mettrons à l’épreuve sur d’autres corpus de données et qui pourra évoluer, pour mieux comprendre ses apports potentiels.
Parties annexes
Notes
-
[1]
International Commission of Mathematical Instruction. Repéré à https://www.mathunion.org/icmi.
-
[2]
«In both cases, analysis apparently consists in assuming what was being sought for, in inquiring where it comes from, and in proceeding further till one reaches something already known» (Hintikka et Remes, 1974, p. 1).
-
[3]
Une analyse plus détaillée des étapes importantes de l’évolution historique de l’algèbre élémentaire est proposée dans Squalli (2000).
-
[4]
Selon Bednarz et Janvier (1996), un problème est dit «connecté» quand une relation peut facilement être établie entre deux données connues; donnant la possibilité de raisonner arithmétiquement (à partir des données connues vers l’inconnue à la fin des calculs). Le problème est dit «déconnecté» si aucun chemin direct ne peut être établi entre deux données connues.
-
[5]
En effet, si x, y et z désignent les valeurs initiales des trois inconnues, t = x + y + z, le total obtenu, T le total réel, r = t − T. Selon les conditions du problème nous avons: x = y + a et x = z + b où a et b sont des nombres déterminés. Alors x − r/3, y − r/3 et z − r/3 sont les solutions du problème. En effet, on peut facilement vérifier que x − r/3 = y − r/3 + a; x − r/3 = z − r/3 + b et que (x − r/3) + (y − r/3) + (z − r/3) = t − r = T.
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