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1. Introduction

La pandémie qui a frappé en mars 2020 a mis en évidence la solitude des personnes âgées. Cette situation a suscité l’élaboration de l’expérimentation décrite ci-après pour explorer de nouvelles voies entre la recherche, la formation et le milieu pratique. Des personnes vivant en résidence pour personnes âgées (RPA) ne présentant pas de pathologies particulières hormis leur grand âge et de jeunes adultes en contexte de formation ont établi une communication intergénérationnelle médiée par la pratique des arts plastiques (AP). La pratique de cette discipline est souvent associée au bien-être (Espinosa, 2018) et à la connaissance de soi, susceptible de soulager des situations de stress, de permettre de s’exprimer autrement que verbalement, de laisser émerger les émotions et l’expression de soi (Hamel et Labrèche, 2019). Il est ici postulé que la conception de situations permettant aux personnes âgées d’être en situation de création artistique devrait aider les futurs enseignants et enseignantes à explorer et étudier leur relation avec la génération aînée et leur permettre d’analyser les savoirs acquis dans un contexte de formation non traditionnel. Il s’agit pour eux de mettre en pratique des stratégies d’apprentissages en regard des principes de la didactique des AP appris en formation (Espinassy, 2019; Gaillot, 1997) adaptés aux participants pour qu’ils puissent apprécier le résultat de leur expérience.

Les fondements pédagogiques de l’éducation artistique s’appuient sur la créativité, l’innovation, l’audace d’agir autrement et sur les principes de l’expérience pratique. Plusieurs recherches démontrent, d’une part, les bienfaits des arts chez les personnes âgées (Tuchowski, 2018) et, d’autre part, la pertinence sociale de favoriser des liens intergénérationnels (Rémillard-Boilard, 2021) notamment par le biais d’activités artistiques partagées. Cette étude permettra d’interroger dans un autre contexte les résultats des recherches démontrant l’importance de l’enseignement des arts et ses bienfaits dans les milieux scolaires (Le Floch et Baeza, 2013; Chaîné et Théberge, 2016) pour se découvrir, mieux se connaître, développer une bonne estime de soi, s’épanouir émotionnellement, psychologiquement et socialement (Mendonça et Savoie, 2017).

Ce projet vise à comprendre ce que l’enseignement artistique, par ses particularités, offre en matière de nouvelles perspectives d’apprentissages en créant une relation entre différentes formes de cultures issues de la société, de l’université et de la formation initiale (Le Floch et Baeza, 2013). Cette interrelation entre ces différentes cultures offre une perspective de recherche permettant de revoir les rapports aux apprentissages selon chacun des contextes. L’étude de cette expérimentation devrait ouvrir des perspectives quant à la formation des enseignants dans d’autres situations que le milieu scolaire traditionnel en présence d’enfants ou d’adolescents dans une classe primaire ou secondaire.

La première section interroge, d’une part, la possibilité de théoriser les savoirs d’expérience des étudiants à partir de la modélisation de Kolb (1984) et, d’autre part, les apprentissages visés par l’expérience décrite, notamment en ce qui a trait aux compétences psychosociales. Le contexte et la méthodologie de la recherche sont décrits dans la section 3, suivis de l’analyse des verbatim recueillis (cf. annexe). La discussion revient sur le cercle des apprentissages de Kolb en regard des observations relevées lors des analyses de corpus, et la conclusion ouvre sur quelques perspectives d’élargissement de la recherche et de pistes pour la formation.

2. Théoriser les savoirs d’expérience

De manière générale, les étudiants de la première à la quatrième année de formation admis dans un programme de formation en enseignement des arts maîtrisent plusieurs acquis techniques: peinture, sculpture, dessin, etc., auxquels ils ajouteront des savoirs du domaine éducatif en didactique, pédagogie et psychopédagogie. La combinaison des savoirs disciplinaires artistiques aux savoirs pédagogiques permet de développer leurs compétences professionnelles de futur enseignant. De plus, dans un modèle de formation par alternance, habituellement, les étudiants effectuent leur stage dit «de pratique accompagnée» par un tuteur «de terrain» (professeur expérimenté) en contexte scolaire et effectuent un retour analytique et réflexif à l’université.

Lors de l’expérimentation ici décrite hors cadre scolaire, les étudiants devaient mobiliser à la fois leurs savoirs d’expérience artistique et leurs acquis professionnels naissants pour accompagner les résidents de la structure d’accueil dans leurs expériences artistiques et esthétiques.

L’apprentissage expérientiel consiste à mettre en pratique les expériences personnelles, les analyser et les transposer dans différents contextes d’enseignement (Charbonneau et Chevrier, 2000). Ici, le futur enseignant fait référence à sa pratique artistique afin de donner un sens à l’expérience vécue pour construire de nouvelles connaissances qui lui seront utiles en contexte scolaire. À ces diverses connaissances, ajoutons que ce contexte pratique lui permet de construire sa future identité professionnelle, de développer des compétences de diverses natures: sociales, psychologiques, émotionnelle. Ainsi, à l’avenir, l’étudiant ou l’étudiante pourra réinvestir, réajuster ces divers apprentissages dans sa future pratique professionnelle, selon sa compréhension des contextes (Akella, 2010) et de son vécu desdits contextes.

2.1 Le cercle d’apprentissages de Kolb

Le cercle d’apprentissages de Kolb (1984) nous apparaît comme un choix scientifique pertinent pour analyser les apprentissages des étudiants au travers de l’expérience vécue avec les personnes âgées.

Kolb, chercheur, psychologue et pédagogue américain a été influencé par les théories de Piaget et de Dewey. Ses principales recherches lui ont permis de développer une théorie des cycles d’apprentissages selon différents types d’apprenants, souvent utilisée auprès d’intervenants en milieu scolaire.

Kolb (1984) décrit le processus d’apprentissage selon quatre phases:

  1. l’expérience concrète,

  2. l’observation réfléchie,

  3. la conceptualisation abstraite,

  4. l’expérimentation active.

Chacune des phases pourrait être vécue selon un ordre établi, mais elles permettent des allers-retours d’une phase à l’autre, ce qui permet d’engendrer un processus réflexif. L’expérience concrète (a) ainsi que la conceptualisation (c) sont les deux moyens pour l’apprenant de comprendre l’expérience vécue. Tandis que l’expérimentation (d) et l’observation/réflexion (b) sont deux moyens pour transformer l’expérience (Kolb, 2015; Long et Gummelt, 2020).

La première phase, «d’expérience concrète», est centrée sur la tâche à réaliser et sa préparation; ce moment sert principalement à mettre en place les éléments dont l’apprenant aura besoin pour effectuer la tâche (dispositif matériel, thème choisi, nécessité de démonstration technique). Les rôles et les tâches de chacun sont déterminés afin que tous les éléments soient prêts pour l’expérimentation.

La seconde phase de «l’observation réfléchie» permet à l’étudiant ou à l’étudiante de revenir sur ce qui a été fait et vécu pendant l’expérimentation (a), et de communiquer ses observations sur le travail effectué. Pendant cette phase, l’étudiant verbalise sur des observations concrètes, des manifestations observables vécues pendant la séance de création. Il réalise les ajustements nécessaires, matériels et techniques. La mise en application de la théorie de Kolb à notre contexte d’expérimentation, montre la pertinence de s’en tenir aux observations factuelles.

La troisième phase de «conceptualisation abstraite» permet d’interpréter l’expérimentation (a) et d’associer la compréhension des situations vécues à des connaissances théoriques (pédagogiques, psychologiques, artistiques). Cette phase conduit à un niveau de réflexion mettant en jeu l’ensemble des savoirs appris en contexte de formation (questionnements et remises en question sur le développement des habiletés techniques, pédagogiques et psychosociales). C’est une phase très importante pour l’étudiant parce qu’elle permet de cibler certaines sphères d’apprentissages à améliorer. Le recul, la réflexion, les rétroactions entre les pairs permettent de faire progresser les apprentissages.

La quatrième phase, celle de «l’expérimentation active», est le moment du réinvestissement des connaissances apprises lors des étapes précédentes pour réajuster certaines tâches (ex: consignes plus claires) dans le but de s’approprier de nouveaux savoirs théoriques et expérientiels. Bien que le questionnement à propos de l’identité professionnelle soit présent tout au long de l’ensemble des phases, la quatrième est celle où il est le plus manifeste.

Figure 1

Cycle d’apprentissage par expérimentation de Kolb

Cycle d’apprentissage par expérimentation de Kolb

-> Voir la liste des figures

La figure précédente inspirée de Kolb (2015) schématise les quatre phases qui caractérisent la théorie des apprentissages. Ce modèle de l’apprentissage expérientiel a démontré la pertinence de relier des savoirs théoriques aux pratiques d’expérimentation.

L’enseignement par expérience est une approche développementale qui postule que la prise de conscience de l’expérience présente, mise en lien avec l’expérience passée et l’environnement, permettrait l’apprentissage à la condition d’une «communication de l’expérience intérieure et subjective» (Côté, 1998, p. 29). Chacune des étapes du cercle d’apprentissages offre l’occasion d’apprendre, de conceptualiser, de réinvestir les connaissances acquises lors des expérimentations afin que l’apprenant assimile et réajuste avec sensibilité et justesse ses actions.

2.2 Quels sont les apprentissages visés?

Dans le cas qui nous intéresse, la réalisation de création artistique a servi d’outil de médiation entre les futurs enseignants et enseignantes et les personnes âgées. Dans ce contexte d’apprentissages, lors des différentes séquences, l’étudiant a pu explorer, étudier, analyser de multiples aspects liés à ses apprentissages professionnels tout en établissant une relation privilégiée avec la génération des aînées.

En offrant des contextes de stage non conventionnels, les apprentissages visés concernent autant les aspects cognitifs et socioculturels qu’identitaires (Lave et Wenger, 1991). Ces aspects ne sont pas négligeables puisqu’ils accompagnent le parcours d’entrée dans la profession et permettent de construire l’identité professionnelle du futur enseignant.

2.2.1 Les compétences psychosociales

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 1993/1997), les compétences psychosociales se définissent chez un individu par sa capacité à composer avec différentes situations de la vie quotidienne. Ces compétences psychosociales sont regroupées en trois catégories: cognitive, émotionnelle, sociale.

Les compétences cognitives touchent la connaissance de soi, et de ses limites (forces et défis). Un contexte de stage permet au futur enseignant de s’interroger sur différentes situations vécues au contact d’un public d’apprenants, sur sa capacité à s’autoévaluer au regard des acquis de sa formation initiale. Le nouveau milieu d’exercice lui fait prendre conscience qu’au-delà des connaissances pédagogiques, la connaissance de soi devient essentielle.

Les compétences émotionnelles sont liées aux émotions et à la gestion du stress. Au cours des stages, le futur enseignant va éprouver le fait que les situations d’apprentissages ne relèvent pas uniquement des contenus disciplinaires; il vivra différentes situations qui lui permettront de nommer certaines émotions et d’identifier la nature de son stress selon le cas. Ces moments s’avèrent nécessaires pour apprendre à réguler ses besoins psychologiques.

Les compétences sociales se manifestent par différentes aptitudes à communiquer de façon à créer des relations positives (apprendre à exprimer sa pensée, sans l’imposer, à écouter le discours de l’autre, sans le juger, tenter de reformuler les propos d’un dialogue ambigu pour favoriser les échanges, etc.). L’ensemble de ces actions deviennent des composantes de la compétence sociale et caractérise les fondements de l’acte d’enseigner.

Pour le futur enseignant ou la future enseignante, la maîtrise de ces compétences est souvent un défi auquel ils doivent faire face de manière solitaire et interpersonnelle, car malgré les discours appelant à des modifications en ce sens, les maquettes de formation initiale ne préparent que rarement au développement des compétences psychosociales au Québec comme en France (Rey, 1996; Morlaix, 2015; Coulet, 2016).

2.2.2 Contribution des arts plastiques au développement des compétences psychosociales

Plusieurs études ont démontré l’importance des arts et de leurs bienfaits chez les participants en contexte scolaire (Eisneir, 2002; Mendoça et Savoie, 2017; Le Floch et Baeza, 2013; Chaîné et Théberge, 2016). Aussi, nous partageons l’avis de l’OCDE (Winner et al., 2014) qui postule que l’enseignement des arts plastiques permet de découvrir le monde autrement parce qu’il ouvre un domaine offrant la possibilité de faire ses propres découvertes et expériences sans stress lié à l’erreur. Selon Robinson (2009), le partage par l’art aide à définir son identité, sa culture, sa communauté.

À l’instar des effets constatés en contexte scolaire, on émet l’hypothèse que les expériences d’apprentissage par l’entremise des arts plastiques offrent aux étudiants en formation et aux participants de tous les milieux le plaisir de se découvrir, de socialiser, d’apprendre à mieux se connaître, de développer une bonne estime de soi, de s’épanouir émotionnellement, psychologiquement et socialement (Espinosa, 2018; Mendonça et Savoie, 2017).

3. Méthodologie et nature des données

3.1 Le contexte de mise en oeuvre

La mise en oeuvre d’un tel projet a nécessité de multiples démarches en amont, notamment le repérage d’un centre d’hébergement pour personnes âgées dans le contexte post-COVID-19 qui accepterait de recevoir des étudiants accompagnés de leur professeur, de la personne responsable de la recherche et d’une personne qui filme les ateliers. Notre équipe a rencontré les responsables de l’établissement pour leur présenter plusieurs documents démontrant la pertinence sociale de notre projet de recherche ainsi que sa faisabilité: horaire planifié, matériel, réservation du local, port du masque, lettre de consentement éclairé, etc.

Cette expérimentation a été réalisée dans une résidence pour personnes âgées (RPA). Un calendrier de quatre séances successives a été établi d’une durée de 120 minutes chacune qui ont mobilisé neuf personnes en tout: trois principales participantes âgées et trois futures enseignantes en arts ont participé à l’expérimentation, auxquelles s’ajoutent une professeure chercheure, une assistante de recherche et une enseignante de niveau secondaire. Concernant les aspects techniques, une salle de travail a été mise à notre disposition et le matériel artistique (support, médiums, outils) a été fourni par les personnes responsables du projet. Plusieurs propositions de travail ont été soumises au choix des participantes: évocation de souvenirs, réalisation d’autoportrait ou de paysage.

3.2 Une recherche qualitative

Il s’agit d’une recherche qualitative pour laquelle les principales méthodologies utilisées pour recueillir les données d’analyse auprès des étudiants ont été le carnet de traces, la retranscription des témoignages filmés et des entretiens semi-directifs réalisés auprès des trois étudiantes avant et après l’atelier artistique afin de recueillir leurs commentaires. «L’entretien semi-directif est une technique de collecte de données qui contribue au développement de connaissances favorisant des approches qualitatives et interprétatives relevant en particulier des paradigmes constructivistes» (Lincoln, 1995). Nous avons rédigé un guide d’entretien dont les questions préparées ont été posées à chacune des personnes étudiantes; les questions et réponses sont en annexe.

Ce choix a permis de faire émerger des informations à partir des notes prises par les étudiantes pendant l’expérimentation (carnet d’observation) et de les croiser avec des éléments constatés par les encadrantes lors des séances de travail (Deslauriers, 1991) et les transcriptions des entretiens semi-directifs filmés.

4. Analyse

Notre analyse se focalise sur la comparaison des propos des deux étudiantes, Lola et Lio, qui sont les plus loquaces lors des entretiens individuels ou de la restitution de groupe; les propos de la troisième étudiante intervenant lors du retour collectif sont également retranscrits. Dans l’analyse qui suit, leurs paroles sont indiquées en italique (verbatim en annexe); notre attention s’est notamment portée sur le repérage des termes employés par les étudiantes pour qualifier: la considération portée aux autres (empathie…), leur relation à la pratique plastique et à la communication verbale, leurs représentations et croyances concernant les bienfaits supposés des arts, les difficultés pédagogiques rencontrées et la projection vers leur futur métier d’enseignantes. Nous nous sommes également intéressées à l’alternance des pronoms personnels (je-tu-nous) et au multi-adressage de leurs discours témoignant de passages de dialogue intrapersonnel à des généralisations de leurs propos.

4.1 Avant la mise en oeuvre de l’expérimentation

Lors des entretiens ante expérimentation, en réponse à la question: «Que connais-tu du public des personnes âgées?», Lola témoigne d’emblée d’une grande empathie envers ce public qu’elle a côtoyé lorsqu’elle travaillait dans une pharmacie et partage immédiatement ses préoccupations personnelles concernant son grand-père atteint d’Alzheimer. Elle exprime son anxiété face à cette situation et pense que cette expérience va l’aider un peu à traverser ça; au-delà de cet effet miroir interpersonnel, elle considère qu’a priori le jeu sera gagnant-gagnant: Je viens faire du bien à une personne âgée, mais je pense que pour moi aussi, ça va faire du bien.

Sa collègue Lio est également habituée à ce public et s’insurge tout de suite contre le fait que ces personnes âgées sont oubliées, qu’on ne leur donne pas assez de visibilité dans la société, alors qu’elles ont du vécu et tellement d’histoires à raconter, avis que partage totalement Lola. 

4.1.1 Projections dans la situation à venir

Lio se projette davantage que sa camarade dans la situation à venir, tant du point de vue pragmatique que du point de vue cognitif; elle se réfère à sa propre expérience de plasticienne: j’ai étudié cinq ans en arts plastiques, et à sa rapidité d’exécution: moi on me demande de peindre, je vais y aller 1-2-3 Go! Elle se doute qu’il faudra s’adapter à la situation: Mais je pense qu’eux, c’est différent dans leur tête, je pense que ça va être un petit peu plus lent. Elle exprime son impatience à débuter l’expérience et sa certitude d’avoir à y apprendre: J’ai vraiment hâte de voir ce qui va se passer, parce que ce sont des gens en perte cognitive […] C’est ça, je vais apprendre…

Lola et Lio semblent profondément persuadées que la pratique des arts plastiques a forcément un effet bénéfique pour celles et ceux qui les pratiquent. Elles en occultent les aspects difficiles et parfois anxiogènes comme en témoignent leurs réponses à la question: «Le dessin et la peinture sont souvent proposés dans les ateliers auprès de personnes âgées puisqu’ils offrent un mode d’expression large. Qu’en penses-tu? Les deux étudiantes sont à l’unisson pour produire un discours laudatif sur les bienfaits supposés de la pratique des arts plastiques.

Lola tient un discours très affirmatif: faire de l’art parce que tu oublies ce qui se passe autour, […] tu te concentres juste sur le moment présent, et généraliste: que ce soient des enfants ou des personnes âgées ou des personnes dans l’âge moyen.

Les affirmations des deux étudiantes sont révélatrices de représentations identitaires disciplinaires concernant les arts plastiques, voire de croyances partagées qu’elles considèrent comme universelles et dont témoigne l’usage et l’alternance des pronoms personnels et l’adressage de leurs discours: Je suis complètement d’accord…, […] tu oublies… tu te concentres…, […] je pense que c’est ça qui est le plus bénéfique dans l’art[…] on comprend… Leurs propos se concluent de part et d’autre par des ouvertures généralistes qui ne laissent pas part au doute. Lola affirme que: Toutes les formes d’arts ont une certaine caractéristique qui aide à se sentir mieux puis à aider et Lio pense vraiment que pour les personnes qui ont de la difficulté à s’exprimer, c’est une porte de sortie extraordinaire vraiment, pour dire ce qu’elles pensent.

Toutefois, Lio fait à nouveau référence à sa propre expérience plastique pour tenter de définir son rapport à la communication non verbale dont elle espère qu’elle sera opérante avec les personnes âgées: Moi quand je suis fâchée ou que j’ai de la peine, première chose que je fais, bien, je sors une feuille puis, je barbouille… Quelquefois on n’a pas les mots… Elle fait aussitôt le parallèle avec ces personnes-là qui sont en perte cognitive et qui souvent n’ont pas les mots: elles savent mais ça ne sort pas. Elle espère que, sans utiliser les mots, ils trouveront une autre façon de communiquer parce que l’art c’est de la communication fois mille! Elle insiste fortement sur cette question langagière: Parfois s’exprimer par le geste au lieu de par les mots… c’est complètement différent. Moi je pense vraiment que ça va faire toute une différence. C’est un autre langage l’art… Elle est persuadée que le langage plastique peut être un équivalent à l’échange verbal et aux mots. Notons à nouveau les formes fortes d’affirmation de ses convictions (moi, je pense vraiment, etc.) et l’autoréférencement de sa réflexion, qu’elle modère toutefois en émettant une supposition: Peut-être qu’avec les gens en perte cognitive c’est ça qui va être le fun (NDLR: intéressant) de voir!

Les deux étudiantes ont le sentiment de partir à l’aventure avec plus ou moins d’appréhension comme l’attestent leurs réponses à la question: «Selon toi, comment l’atelier va-t-il se dérouler?», Lola exprime sa hâte de débuter et de rencontrer les personnes avec qui on va faire l’atelier car elle pense que ça va lui apprendre beaucoup; elle établit un parallèle avec les ateliers qu’elle organise pour ses petites cousines car elle aime beaucoup partager ces activités-là avec le monde. Elle est a priori persuadée qu’il n’y aura pas de choses négatives à en dire. Lio est beaucoup moins affirmative et n’en a aucune idée, elle estime que ça va bien se passer mais qu’il peut y avoir des blocages selon l’état des personnes âgées. Elle est confortée par le fait d’être accompagnée par sa camarade, mais a le sentiment répété plusieurs fois d’être dans l’inconnu.

4.2 Après la mise en oeuvre de l’expérimentation

Nous disposons de deux types de retours sur expérience, d’une part des entretiens individuels semi-directifs et d’un retour collectif mené avec les trois étudiantes. L’analyse de ces verbatim révèle ce qu’elles estiment avoir appris de la situation. Non seulement elles expriment ce qu’elles ont mobilisé de leurs savoirs d’expérience artistique et leurs acquis professionnels naissants, mais elles formulent également ce qui donne un sens à l’expérience vécue du point de vue de la construction de leur identité professionnelle. Ces réflexions révèlent parfois certaines contradictions entre leur discours et la réaction des personnes âgées.

4.2.1 Entretiens post-expérimentation

Il est intéressant de constater qu’entre les discours ante- et post-expérience, la façon de nommer les résidentes de la RPA évolue. Avant de les avoir rencontrées, le registre est impersonnel: Lola les appelle personnes âgées…, personnes âgées avec des symptômes…, ces personnes-là… Quant à Lio, elle leur attribue déjà sans les connaître des qualificatifs: des personnes qui ont tellement d’histoire à raconter…, des gens qui ont une grande histoire…, des belles personnes…, des gens bien intentionnés…, des gens en perte cognitive…, et de façon plus impersonnelle les deux étudiantes utilisent: eux, ils…, les ou la personne(s).

Après l’expérimentation, l’une et l’autre personnalisent leurs rencontres singulières; Lola déclare qu’elle a adoré travailler avec madame D., et Lio rappelle chaleureusement: les deux madames qui étaient avec nous. La rencontre au sein des ateliers et la connaissance des individus accentuent de fait la prise en considération des personnes âgées. En résumé, les étudiantes sont ravies de cette expérience, et une fois le premier registre émotionnel passé, elles parviennent à décrire les situations et à en tirer quelques éléments d’analyse d’une part liés à l’activité des personnes âgées et d’autre part à celle des étudiantes.

À la question: «Comment as-tu aimé l’expérience?», l’une répond qu’elle a adoré et l’autre qu’elle se sent vraiment bien. Pour Lola, Madame D. résidente de la RPA, choisissait plein de couleurs. Elle était juste embarquée vraiment dans l’oeuvre. Puis à un moment donné, on voyait qu’elle était juste partie comme dans sa bulle puis que ça allait bien. Lio qui a observé l’ensemble des productions ajoute qu’on leur parlait, puis tu voyais que quand elles dessinaient, on dirait qu’elles se fermaient complètement, c’était vraiment beau à voir. Ces observations semblent en contradiction avec les attendus présupposés des étudiantes qui pensaient que la pratique plastique permettrait aux personnes âgées de s’ouvrir davantage au monde; à première vue, les résidentes paraissent s’enfermer dans leur bulle et faire résonner un monde interne qui échappe aux observateurs extérieurs. Lio est émue de constater que cela ressemble à sa manière de procéder: on retrouvait un peu comme quand moi je dessine ou que je peins; elle répète que c’était vraiment beau à voir. On peut s’interroger ici sur ce qui est qualifié de «beau»: la capacité de ces personnes à s’approprier la tâche, à l’investir de leur singularité psychologique, technique…?

À la question: «Que retiens-tu de l’expérience?», Lola répond sans hésiter: De voir à quel point, ça faisait du sens pour elle ce qu’elle faisait. Elle n’avait pas besoin de se l’expliquer, elle mettait ses couleurs pis c’est là qu’elles allaient. Ça faisait juste du sens! De la même façon que précédemment au sujet du «beau», on peut questionner ce qui «fait sens» aux yeux des étudiantes qui semblent fascinées par la concentration et le plaisir que prennent les personnes âgées à peindre ou utiliser le pastel sans manifester le besoin de communiquer avec les autres et avec des mots. Lio résume ainsi ses observations:

À chaque fois qu’elles dessinaient, on dirait qu’elles voyaient quelque chose d’autre que nous on ne voyait pas. […] c’est vraiment beau à voir parce que même si on leur parlait, elles ne nous écoutaient pas. Tant qu’il n’y avait pas le pinceau enlevé, elles ne nous regardaient pas, elles n’étaient vraiment pas là.

Par ailleurs, les étudiantes perçoivent chez les personnes âgées une certaine reconnexion au temps, à la durée alors que leur isolement du monde extérieur en RPA leur fait souvent perdre leurs repères temporels. Lola note qu’elles ont hâte de revenir, elles en parlent:«La semaine prochaine ça va être quoi?» et que madame D.: Elle y allait au moment présent.

Manifestement, les étudiantes ont été très attentives à l’état des participantes et aux détails de leur activité. Lola insiste sur les manifestations visibles du bien être: Tu le voyais […]; On le voyait qu’elle était juste partie comme dans sa bulle puis que ça allait bien, alors que Lio développe des capacités d’observation des situations autant d’un point de vue technique que psychologique: Ça c’est vraiment intéressant parce que moi j’ai observé beaucoup. Le pinceau se faisait aller, puis j’avais l’impression qu’elles partaient dans un autre côté de leur tête.

À la question: «Raconte un moment qui t’a le plus étonné ou surpris», à l’unisson, les étudiantes évoquent le partage d’émotions quand les deux se sont mises à rire, parce qu’elles se montraient leur dessin, ça fait chaud au coeur […] un rire sincère… c’est très touchant.

Mais ce moment de partage est aussi celui des premières préoccupations d’ordre pédagogique énoncées par Lio:

Quand la madame avec qui j’étais, c’est mise à comparer avec la madame d’à côté, là j’ai eu de la difficulté parce qu’elle se remettait en question sur tout ce qu’elle faisait. C’était vraiment difficile parce qu’elle disait: «Ce n’est pas beau, ce n’est pas beau, moi je ne fais pas de dessin comme elle…»

L’étudiante paraît déstabilisée par ce comportement enfantin (quoique fréquent chez les adultes) et hormis la promesse de se centrer sur son cas, elle manque d’outillage et évoque à plusieurs reprises le fait que c’était difficile. Elle relate la réponse apportée à la résidente: Mais ce n’est pas grave, on va se concentrer sur vous. Elle avoue avoir été étonnée dans un sens parce que… c’était difficile à ramener, malgré son insistante à répéter à cette dame: On va se concentrer sur votre dessin, sur le vôtre. Rapidement Lio prend du recul sur ce moment délicat de son expérience en se décentrant de sa propre personne et en se mettant à la place de la madame: C’était plus difficile, mais en même temps c’est normal. Elle n’était pas à l’aise, mais à la fin elle était de plus en plus à l’aise, c’est ça qui est le fun. Lio semble dotée d’outils d’évaluation en évoquant l’idée de progression, d’évolution de la situation; elle paraît convaincue qu’un développement est encore possible chez les sujets âgés.

Cette expérience renforce le sentiment d’efficacité et de compétence de l’étudiante: Ça, ça m’a dit: «Lio, elles sont bien avec toi. Elles aiment ça faire ça avec toi» et pour moi c’est comme la plus grande gratitude que j’ai pu avoir, c’est ça que je voulais. C’est ce que j’ai le plus aimé. Lola confirme également avoir appris de ce contexte en relation avec les exigences du métier: J’apprends toute sorte de choses avec eux. Par exemple, être plus précise dans mes consignes. Au-delà de compétences spécifiques, elle pense en avoir développé de transversales: ouverture d’esprit… aucun jugement, et trouve que ça aide beaucoup à s’exprimer. Lio insiste sur son sentiment d’appartenance à la communauté des professeurs d’arts plastiques qu’a confirmé cette expérience: De mon côté, cette expérience me démontre à quel point je veux enseigner les arts plastiques, c’est vraiment une passion de vouloir faire ce métier. La troisième étudiante qui jusqu’alors avait peu participé aux échanges s’exprime également en ce sens lors de l’échange collectif:

Je manque de confiance en moi mais en même temps je me sens valorisée par cette expérience […] je constate que je veux vraiment faire ce métier-là dans la vie. Je suis une future enseignante en arts plastiques. J’aime aider, j’aime enseigner, j’ai confiance en moi et je sais que je suis capable même si je suis gênée. […] Apprendre à communiquer avec ces personnes m’a appris à me faire confiance. C’était un beau moment, une belle expérience qui me confirme que je veux enseigner.

Concernant la construction de l’identité professionnelle de ces futures enseignantes, l’expérience auprès des personnes âgées semble concluante pour construire de nouvelles connaissances et développer des compétences de diverses natures, sociales, psychologiques, émotionnelles, qui leur seront utiles en contexte scolaire.

5. Discussion

Nous revenons sur le cycle des apprentissages de Kolb (1984) pour décrire plus finement ce qu’ont appris les étudiantes du point de vue des compétences psychosociales et pour projeter des retombées possibles pour la formation des enseignants et des enseignantes.

Pour illustrer les quatre phases du cycle, nous prenons exemple sur la proposition d’atelier avec l’utilisation du pastel sec qu’évoquent à plusieurs reprises les étudiantes.

Pour la première phase d’expérience concrète (a), Lio et Lola ont présenté le matériel à utiliser et leur savoir-faire par une brève démonstration de l’utilisation du pastel sec. Les participantes ont choisi des couleurs, fait quelques essais sur une feuille brouillon et elles ont débuté leur travail sans thématique précise.

Pendant la phase de l’observation réfléchie (b), les étudiantes ont constaté que les participantes étaient très concentrées par leur création et absorbées par leur travail, que l’espace-temps semblait suspendu et que le plaisir d’exécuter la tâche dominait. Lio et Lola semblent avoir été touchées par la perception de ce bien-être; elles font le parallèle avec leur propre état lorsqu’elles sont en processus créatif. Comme le dit Lio: on retrouvait un peu comme quand moi je dessine ou que je peins. Cette phase est davantage reliée au développement des compétences psychosociales qui permettent à l’individu de composer avec différentes situations de la vie quotidienne du point de vue cognitif, émotionnel et social. Elles manifestent une meilleure connaissance d’elles-mêmes et de leurs limites, des capacités à s’autoévaluer, une gestion du stress adéquate, des aptitudes à communiquer de façon à créer des relations positives soit autant de composantes de la compétence sociale qui caractérise les fondements de l’acte d’enseigner.

Concernant la phase de la conceptualisation abstraite (c), Lio et Lola se sont interrogées sur le déroulement de l’activité et sur d’autres possibilités d’intervention pédagogiques. Les deux étudiantes partagent le fait qu’elles n’osaient pas intervenir sur les aspects techniques dans l’utilisation du pastel sec. Elles semblent avoir été troublées par ce contexte d’intervention non formel, auprès d’un nombre restreint de participantes, qui leur demande de s’adapter aux personnes et d’être attentives à leurs réactions individuelles. Cela leur paraît plus difficile que d’intervenir auprès d’élèves avec des consignes plus précises. Leur difficulté tient-elle aux caractéristiques de ce public, ou aux routines pédagogiques qu’elles ont apprises, mais qu’elles ne peuvent ici appliquer telles quelles? Sont-elles en mesure de s’autoriser à en modifier le scénario au vu de leur manque d’expérience auprès de publics diversifiés? Dans un contexte de stage formel, dans une classe régulière avec des enfants, leurs interventions pédagogiques seraient sans doute différentes, axées sur la maîtrise des outils et mediums mais surtout adressées collectivement à un grand groupe dans des conditions matérielles et temporelles plus contraintes. Lio et Lola ont voulu respecter le rythme des participantes et les différentes façons dont elles utilisaient le pastel sec et se sont gardées de toute remarque technique. Elles ont été captivées de l’image qui se manifestait sur chacune des feuilles des participantes: C’était beau à voir! Lors de cette phase, ce sont autant des compétences pédagogiques que psychosociales qui ont dominé leurs questionnements, sachant qu’en retour en contexte de classe ordinaire elles devront les mobiliser autrement.

La question de l’identité professionnelle émerge lors de la quatrième phase d’expérimentation active. Lio et Lola confirment qu’après cette expérience elles souhaitent devenir enseignantes spécialistes en arts plastiques.

Pour résumer, ce contexte d’apprentissage expérientiel par la création d’images a établi une communication visuelle et intergénérationnelle, a créé un milieu d’échanges sur des souvenirs, des émotions. Les étudiantes auront témoigné au cours de cette expérience de compétences psychosociales telles que les qualités d’expression, d’écoute et d’empathie: elles ont su travailler en groupe, collaborer, négocier les situations difficiles, gérer leur stress initial. D’autre part, elles ont transposé les fondements didactiques et pédagogiques appris en formation en les adaptant à ce contexte inédit. Finalement, elles s’avèrent capables de s’autoévaluer, de s’estimer légitimes dans leurs choix de parcours d’étude, d’affirmer leur projet professionnel, en ayant confiance en elles.

À nos yeux, la formation initiale des enseignants et enseignantes basée sur l’alternance, entre périodes de stages «de pratique accompagnée» par un tuteur «de terrain» en établissement scolaire et d’enseignement disciplinaire et professionnel à l’université visant à développer des compétences de «praticien réflexif», pourrait s’enrichir des principes d’une telle expérience. Pourquoi ne pas diversifier les contextes de stages, les pratiques d’accompagnement auprès de publics particuliers ou en contexte d’enseignement non formel? Pourquoi ne pas tenter de mettre à l’épreuve ailleurs que dans une classe ce que l’on a appris en formation, pour justement mieux le comprendre?

Certes, les arts plastiques par la création d’images personnelles (dans un contexte d’enseignement ou dans un autre milieu) ont la capacité de permettre aux participants d’apprendre tout en contribuant à leur bien-être. Un futur enseignant, quelle que soit la discipline enseignée, aurait à apprendre des stratégies d’apprentissages et d’évaluation ici mises en oeuvre afin que les participants, les élèves, puissent apprécier le résultat de leur expérience plastique (Kolb, 2015; Morris, 2019); il y aurait également à apprendre de la façon d’établir des liens relationnels avec différents publics et de les accompagner dans leurs expériences artistiques et esthétiques.

Par ailleurs, la formation initiale des enseignants et enseignantes pourrait orienter certains contenus de cours vers l’approfondissement de la connaissance de soi et porter l’accent sur le développement des compétences sociales et comportementales dans le cursus des étudiants qui se traduisent selon Franchini (2017):

[…] en comportements efficaces et appropriés, et se réfèrent aux normes et valeurs du ou des cadres de socialisation de l’individu. Les compétences sociales relèvent à la fois de la gestion de soi, de ses émotions et de la gestion des relations à autrui.

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6. Conclusion

Cette étude, née de la prise de conscience sociétale de l’isolement des personnes âgées lors de la pandémie, peut être considérée comme une phase exploratoire.

Même si l’échantillon est restreint, on peut considérer que l’un des buts de notre expérimentation a été atteint: les trois futures spécialistes en enseignement des arts plastiques ici présentes sont prêtes à s’engager de façon autonome et proactive dans la société; de retour à l’université, elles ont pu partager leur expérience avec leurs camarades étudiants qui eux-mêmes ont fait part de leur expérience dans d’autres contextes. Par ailleurs, un lien intergénérationnel a bien été établi: les participantes ont manifesté le plaisir de découvrir un langage par l’image et les étudiantes ont constaté leur capacité à transmettre des savoirs d’expérience en arts en plus de confirmer leur identité professionnelle.

Dans le cadre de la thématique de ce numéro des NCRÉ, cette expérience intergénérationnelle de pratique des arts plastiques a confronté les étudiantes au dilemme social et culturel de l’isolement des personnes âgées et à celui du respect d’autrui. Elles ont mobilisé des connaissances, des attitudes et des valeurs qui leur ont permis d’agir dans ce contexte inhabituel et de s’imaginer prendre pleinement part au monde en exerçant leur futur métier d’enseignantes. En tant que débutantes, elles ont su adapter leurs méthodes pédagogiques d’apprentissage des et par les arts tout en développant une compréhension plus profonde d’elles-mêmes et des autres, améliorant ainsi leurs interactions avec autrui et leur gestion des émotions. Le développement de leurs compétences transformatives et psychosociales semble les rendre aptes à agir pour répondre aux défis du monde de demain en tant que citoyennes, mais également en tant que professeures qui auront à créer les conditions du développement de ces mêmes compétences chez leurs élèves.

Les premières analyses qualitatives présentées ici pourraient être étendues à un public plus large et approfondies par des méthodologies qui permettraient d’estimer plus finement le développement des acteurs en présence, pour valider ou non ces premières observations. Cette nouvelle phase de recherche pourrait conduire à penser des méthodes innovantes et pertinentes d’un point de vue pédagogique et sociétal, inspirées des principes de la didactique des arts plastiques, adaptables à différents milieux. Ainsi, l’interrelation entre la recherche, la formation et la pratique artistique pourrait sans doute influer sur la conception des modèles d’enseignement.