Échos et débats

Aide à domicile : pour que l’économie sociale demeure de l’économie sociale[Notice]

  • Jacques Fournier

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  • Jacques Fournier
    CLSC Longueuil-Ouest

Ce texte est composé d’extraits d’une conférence  présentée le 3 mai 2000 au Colloque sur le maintien à domicile et le partenariat, organisé par la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière et les Centres d’action bénévole de cette région.

Ce texte traite d’abord de la naissance des entreprises d’économie sociale en aide domestique (EESAD), puis de la mission de celles-ci. Quatre éléments de conjoncture sont ensuite abordés au regard de l’élargissement éventuel de la mission des EESAD. Après avoir énoncé quelques éléments de réflexion quant à la place des organismes communautaires et du secteur privé, la conclusion porte sur le contrat entre la société civile et le gouvernement que constitue la création des EESAD. La mise sur pied des EESAD constitue l’un des grands changements survenus dans le secteur du maintien à domicile au Québec au cours des dernières années. Rappelons que la Marche des femmes de 1995 avait mis de l’avant l’idée de créer un programme d’infrastructures sociales pour fournir des emplois aux femmes, en référence au modèle classique des travaux d’infrastructures qui créent des emplois essentiellement chez les hommes. Le salaire de base visé était minimalement de 8,30 $ de l’heure. Le Sommet socioéconomique tenu à l’automne 1996 a transformé cette idée et a donné naissance au Chantier de l’économie sociale, dont l’un des projets était la création de 6 000 emplois dans les EESAD. Dans ce contexte, à Longueuil – pour prendre cet exemple concret – au printemps 1996, des organismes communautaires et les CLSC Longueuil-Ouest et Longueuil-Est se sont penchés sur la possibilité de transformer les programmes Extra. En effet, depuis sept ans, un organisme de Longueuil, Services-Maison, fournissait des services d’entretien ménager aux personnes âgées grâce au travail de femmes bénéficiaires de l’aide sociale. Celles-ci recevaient 150 $ par mois, en plus de leur prestation de base d’aide sociale, pour 20 heures par semaine de travaux d’entretien ménager. Après neuf mois, ces personnes se retrouvaient le bec à l’eau : leur stage d’insertion était terminé et elles n’avaient pas d’emploi. Les groupes communautaires et les CLSC de Longueuil ont donc souhaité faire disparaître ces programmes Extra et travailler à la mise sur pied d’une coopérative de solidarité en aide domestique. Cette coopérative, nommée Coop Aide Rive-Sud, a obtenu son incorporation au mois d’août 1997 et a depuis créé 47 emplois stables. En 1999, Coop Aide Rive-Sud a généré des revenus de 669 000 $, après seulement 18 mois d’opération. Ce changement de paradigme est remarquable. Aux personnes qui ont de façon légitime et de bonne foi, des réticences et qui s’interrogent au sujet de l’économie sociale, il est important de poser la question suivante : plutôt que de maintenir en place un système qui exploitait littéralement des femmes prestataires d’aide sociale, ne valait-il pas mieux travailler à créer des emplois stables, rémunérés à 8,30 $ de l’heure conformément aux revendications de la Marche des femmes ? Pour faire le lien avec la question des allocations directes, qui sera ultérieurement examinée plus en profondeur, mentionnons que l’organisme Services-Maison, qui s’occupait des programmes Extra à Longueuil, a continué à exister mais en se consacrant au maintien d’une banque de personnes qui acceptent de travailler de gré à gré dans le cadre du chèque emploi-services. Il est à noter que les allocations directes ne sont qu’à 7,71 $ de l’heure en Montérégie, alors qu’elles sont aux environs de 9,75 $ dans la moitié des régions du Québec. Nous considérions donc qu’il ne fallait pas mêler le dossier des allocations directes avec celui des EESAD, car les allocations directes ne couvrent aucunement les coûts de fonctionnement des EESAD. Les EESAD montérégiennes perdraient leur chemise en acceptant de donner des services dans le cadre des allocations directes. Le directeur d’une EESAD de la Montérégie rapportait d’ailleurs que son entreprise perdait des milliers de dollars annuellement en acceptant les allocations …

Parties annexes