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À l’aube de ce millénaire, le livre d’Alex Laine répond à une préoccupation bien contemporaine des individus, soit celle de la quête de sens de la vie. Alex Laine est spécialisé en sciences de l’éducation ; il a enseigné la philosophie et il est actuellement chargé de formation et de recherche au ministère de la Jeunesse et des Sports en France. Comme l’indique le sous-titre, le contenu de ce livre explique les théories et les pratiques de l’histoire de vie en formation, comment les individus forment l’histoire de leur vie ou encore comment ils peuvent faire de leur vie une histoire en formation. Bref, ce livre explique comment mettre en oeuvre une formation avec les adultes qui a pour but de faire une construction de sens de leur vie à partir de leur propre histoire de vie.
Cet ouvrage se divise en quatre parties. En première partie, Laine définit les histoires de vie comme une démarche qui consiste à faire découvrir par le sujet lui-même, à un moment de sa vie, son processus identitaire, ses legs familiaux et sociaux et à lui faire comprendre l’arrimage du déterminisme externe et de son initiative personnelle pour construire le sens de sa vie. L’auteur précise les différentes formes sous lesquelles nous pouvons les rencontrer, les problèmes qu’elles soulèvent et les enjeux idéologiques de leur succès actuel. Il parle principalement du champ de formation des adultes et les attentes dont les formateurs sont porteurs, de l’environnement culturel, social et scientifique des histoires de vie et du processus historique qui a conduit à leur émergence dans une société moderne individualiste.
En deuxième partie, Laine présente les trois principaux courants de pratique des histoires de vie que nous retrouvons dans le domaine de la formation, de la psychothérapie et de la recherche. Laine s’efforce d’identifier les grandes orientations, les courants d’idées, les promoteurs et les principaux animateurs de ces pratiques de formation. Il distingue le récit de vie de l’histoire de vie comme étant seulement un moment dans le processus de production d’un histoire de vie. Il définit l’histoire de vie comme une énonciation structurante qui a sélectionné, trié, classé, hiérarchisé les événements présentés en fonction de la place que le narrateur leur reconnaît et leur donne dans l’histoire de sa vie. En d’autres mots, cet auteur perçoit l’histoire de vie comme une alchimie complexe et singulière qui est identifiée par le sujet afin de mieux s’approprier sa destinée, son évolution et sa croissance personnelle.
En troisième partie, l’auteur traite de l’histoire de vie comme d’un processus d’apprentissage et de formation de soi, des objectifs que l’on peut lui assigner et des conditions préalables pour sa mise en oeuvre. Laine voit l’histoire de vie comme un processus qui s’étend sur une certaine durée, souvent au-delà du dispositif formel de la formation, et qui vise des sujets envisagés dans leur totalité, pas seulement sous l’angle de leurs activités cognitives. Il définit l’intérêt et le sens à donner aux histoires de vie ainsi que les conditions requises pour les mettre en oeuvre, aussi bien en termes de cadre instituant la démarche qu’en termes de méthode d’animation.
En quatrième et dernière partie, il nous présente deux situations de pratique qu’il a expérimentées pour illustrer les effets produits par l’histoire de vie et les bienfaits ressentis par les individus dans leur bricolage identitaire. Il indique les lignes directrices pour mettre en place des séminaires de formation en histoire de vie et insiste sur l’importance et sur les techniques d’un contrat clair et négocié à la pièce avec chacun des participants. Laine conclut en partageant ses interrogations sur la place de l’individu dans sa formation et dans sa vie ainsi que sur l’avenir des histoires de vie.
Faire de sa vie une histoire est un livre qui explique le processus d’apprentissage qui consiste à connaître dans quelle mesure les destins individuels, quelle que soit leur irréductible singularité, sont conditionnés par le champ social dans lequel ils s’inscrivent dans l’histoire du monde. De plus, ce livre fait ressortir l’effet thérapeutique possible de l’histoire de vie en formation en démontrant comment les rapports sociaux, tels qu’ils existent à un moment donné et tels qu’ils ont évolué, vont influencer l’histoire et la vie psychique des individus, c’est-à-dire leurs manières d’être, de penser, leurs choix affectifs, idéologiques, professionnels, économiques et politiques. Ce livre fait réfléchir parce qu’il amène le lecteur à saisir la dialectique existentielle entre l’individu produit de l’histoire et l’individu producteur d’histoire, entre l’individu objet de ses conditions concrètes d’existence et l’individu sujet en devenir qui cherche à se positionner dans sa vie, dans sa propre histoire de vie.
Par respect de la confidentialité, Laine présente sa propre histoire ou encore des histoires publiques comme celles de Sartre, de Genet ou de Flaubert. L’auteur écrit à la première personne du singulier afin de souligner la place de son engagement dans le travail des histoires de vie, ce choix donne un ton plutôt subjectif où le sujet devient l’objet de la démarche de son histoire de vie. Le lecteur est porté à douter de la rigueur scientifique de cette démarche et de la teinter d’une perspective narcissique. Laine présente l’histoire de vie en formation comme une démarche d’analyse clinique personnalisée où la première motivation d’un individu à vouloir faire son histoire de vie sera sans doute le besoin de comprendre l’écart entre ce qu’il a désiré, projeté, et ce qu’il a effectivement réalisé, le besoin d’avoir un effet miroir sur le parcours de sa vie. Il clarifie que l’histoire de vie permet à l’individu de comprendre ce qui relève du déterminisme externe et de l’initiative de ce dernier, de faire une construction de sens entre ses legs reçus, son cheminement parcouru, ses expériences acquises et les influences socio-historiques vécues. Cependant, Laine demeure vague et nébuleux lorsqu’il s’agit de démontrer l’existence de liens entre la théorie et la pratique de l’histoire de vie en formation à partir de son histoire de vie personnelle ou de ses histoires de vie publiques au lieu de celles des participants à ces séminaires de formation.
Faire de sa vie une histoire est un livre compliqué à saisir parce que Laine nous présente l’histoire de vie en formation comme une démarche à la fois sociologique et clinique. Sociologique, parce qu’elle permet de saisir comment la dynamique des contradictions sociales et le poids des régularités objectives du social interviennent sur les destinées individuelles pour en canaliser le sens. Clinique, parce qu’elle permet l’analyse des processus socio-historiques par une vérification scientifique de l’expérience vécue à laquelle on donne un sens et une cohérence. La construction de sens est la possibilité pour les individus de comprendre la chaîne qui relie leur histoire de vie à l’histoire de leur groupe d’appartenance, à l’histoire de leur famille et à leur histoire personnelle. Cette construction de sens amène les individus à comprendre qu’ils sont le produit de cette histoire qu’ils peuvent développer, ce que Laine appelle, leur fonction d’historicité, c’est-à-dire leur capacité d’analyser et de maîtriser les éléments qui les constituent comme sujets historiques. Ainsi, Faire de sa vie une histoire peut constituer une démarche sociologique, parce qu’elle permet de repérer l’évolution des rapports sociaux à travers des histoires individuelles, et une démarche clinique, parce que les individus sont amenés à utiliser cette connaissance pour mieux comprendre leur propre destinée.
En sciences sociales, les histoires de vie sont plutôt perçues comme une tentative de trouver les chaînons manquants entre les approches sociologiques, qui établissent les régularités objectives et les probabilités qui organisent les destinées humaines, et les approches psychologiques, qui cherchent à comprendre les processus psychiques, à analyser les circularités dialectiques qui vont du désir conscient ou inconscient au monde des objets, du narcissisme au statut social, des représentations aux idéologies. Laine n’arrive pas à faire cet arrimage nécessaire entre le sociologique et le psychologique pour laisser le lecteur avec une conception et une vision intégrées de l’histoire de vie en formation. Plutôt, il fait appel à plusieurs auteurs et à plusieurs concepts pour démontrer sa perception tentaculaire de l’histoire de vie en formation, ce qui produit un effet d’éparpillement et de confusion, et le lecteur demeure en attente d’un fil conducteur intégré. De plus, après avoir présenté sa réflexion philosophique et théorique sur les histoires de vie, Laine élabore l’ensemble des techniques à respecter pour une formation sur l’histoire de vie dans la dernière partie de son livre, ce qui nous empêche d’utiliser scientifiquement les histoires de vie dans un cadre de recherche soit quantitatif, soit qualitatif.
Le livre d’Alex Laine présente un intérêt certain pour les professionnels de l’éducation tels que les enseignants, les éducateurs, les étudiants adultes, tous ceux et celles qui désirent reconstruire le sens de leur vie à travers une démarche d’histoire de vie en formation, et pour ceux et celles qui accompagnent ces individus dans cette quête de sens à partir de leur histoire de vie. L’auteur nous donne clairement les consignes à respecter pour mettre en oeuvre cette démarche. Il s’agit d’un livre qui nous fait philosopher sur la vie, notre vie et celle des autres, un livre qui démontre l’interdépendance de l’individu avec son environnement et qui met en relief la nécessité d’une adaptation progressive et mutuelle de l’individu avec son environnement et son temps. En sciences sociales, il y a actuellement un engouement certain pour les histoires de vie comme instrument de thérapie, d’analyse et de recherche. Toutefois, ce livre contribue faiblement à fonder une réflexion et à développer cette avenue. En effet, il parle très peu des enjeux épistémologiques et méthodologiques de cette formation. L’auteur n’indique pas comment faire des histoires de vie des instruments de collecte et d’analyse de données en fonction d’un objet de recherche ; ainsi, les chercheurs en sciences sociales doivent se trouver une autre source de documentation. En conclusion, Faire de sa vie une histoire est plus un instrument d’observation critique et de formation à l’égard de la vie des individus qu’un instrument de recherche pour étudier un individu, un groupe ou une collectivité.