Éditorial

Quel modèle ?[Notice]

  • Gérald Larose

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  • Gérald Larose
    École de travail social
    Université du Québec à Montréal

Et c’est reparti ! Cette fois-ci, nous espérons que ce sera pour un débat de fond. Depuis quelques années, des politiciens soulèvent périodiquement la question du « modèle québécois ». Des intellectuels s’en mêlent, des journalistes-commentateurs s’en moquent ! La question est pourtant majeure. Existe-t-il un modèle québécois ? Quel est-il ? Est-il efficace ? Pour combien de temps ? Dans un point de presse, puis dans un écrit au journal La Presse, Joseph Facal, président du Conseil du Trésor du gouvernement du Québec, s’était exclamé : « Le modèle québécois ne peut être maintenu tel quel ! » La tempête ! Son premier ministre lui a frotté les oreilles. De son côté, appâtant la période électorale, le chef de l’opposition libérale s’est proposé de réviser le modèle québécois en « réinventant le Québec ». Rien de moins. Mario Dumont, lui, n’a pas fait de quartier. Il a même poussé le bouchon : « Moins d’État, plus de privé, les solutions vont venir du marché ! » Or, les opinions ne sont pas toutes aussi tranchées. Par ailleurs, on perçoit une certaine fébrilité. De grands serviteurs de l’État, tel Yves Martin, s’impliquent. Contexte électoral aidant, la question sensible de la place et du rôle de l’État, du privé et, dans une moindre mesure, du social ou du collectif, occupe de plus en plus de place dans le débat public. Et pour cause. Cette question est essentielle au maintien de l’équilibre social. À lire certains propos, le modèle québécois serait apparu au détour des années 1960 pour nous parvenir intact à ce jour. Le seul passage du temps justifierait qu’il soit écarté. Et s’il s’en trouve pour le défendre encore, il ne faut pas leur prêter attention. Leurs horloges se sont arrêtées. D’autres laissent entendre que le modèle québécois né dans la foulée de la Révolution tranquille a produit tous ses fruits et qu’il est maintenant temps de retourner aux règles du marché, les seules qui, dans le nouveau contexte de la mondialisation, peuvent répondre aux besoins des Québécois. Enfin, d’autres estiment que le modèle québécois est un construit social, qu’il a évolué au cours de toutes ces années et qu’il doit encore évoluer pour être plus en mesure de satisfaire les besoins de l’ensemble de la société. Nos conclusions nous amèneront à affirmer que le vrai débat se situe plutôt de ce côté. En faisant sauter les verrous du duplessisme et du cléricalisme, qui les avaient tenues en état d’infériorité économique et sociale, les forces vives du Québec de la Révolution tranquille ont doté ce dernier de puissants instruments économiques, politiques, sociaux et culturels qui l’ont littéralement propulsé dans la modernité. À l’intérieur de ce processus, chaque acteur avait son « idée », son « projet », son « modèle », et c’est dans la confrontation de ces modèles et par le compromis des acteurs qu’a émergé le « modèle québécois ». Ce dernier n’avait rien de normatif, d’abstrait ou de volontariste. Il a été le résultat de la dynamique des rapports entretenus par les groupes et les acteurs de l’époque. Il est devenu « modèle québécois » dans la mesure où il a transcendé le « modèle » de chacun. On dit « modèle » pour évoquer l’ensemble des façons de penser, d’organiser, d’agir et de faire l’économie, le social, le politique et le culturel d’une société. Le modèle s’exprime par des règles et s’articule par le biais d’institutions. Celles de la Révolution tranquille étaient originales et correspondaient bien au Québec ; elles ont été particulièrement efficaces. En quelques années seulement, le Québec moderne s’est mis en place. …

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