L’entrevue

Démocratiser la Ville de Montréal : un projet de transformation socialeEntrevue avec Dimitri Roussopoulos[Notice]

  • Jérôme Messier

…plus d’informations

  • Jérôme Messier
    Étudiant à la maîtrise
    Département de géographie
    Université du Québec à Montréal

Dimitri Roussopoulos est le fondateur de la Société de développement économique communautaire de Montréal (SODECM), un organisme qui intervient essentiellement sur des questions urbaines (www.urbanecology.net). Il a présidé le Chantier démocratie du Sommet de Montréal et est à la tête du Groupe de travail sur la démocratie municipale et la citoyenneté (GTDMC). En plus d’avoir écrit plusieurs livres au cours de sa vie dont The Public Place, Dissidence : Essays Against the Mainstream, L’écologie politique : au-delà de l’environnementalisme et Participatory Democracy, il continue d’oeuvrer pour la démocratie locale, les villes écologiques et la paix mondiale.

La SODECM existe depuis dix ans. L’idée de fonder un organisme comme celui-ci s’appuyait à ce moment-là sur une idée politique. Dans les années 1990, les écologistes et les environnementalistes de différents pays créaient de nouveaux partis politiques, des partis verts. Ces partis étaient une espèce de synthèse des mouvements sociaux de l’époque. C’est-à-dire qu’on y retrouvait la présence du mouvement des femmes, des environnementalistes, des homosexuels, des antimilitaristes, etc. Ces partis constituaient un point de convergence. Aussi, les partis verts, qui sont affiliés entre eux au plan international, avaient, comme formation politique, une structure interne non traditionnelle et non hiérarchique où il y avait notamment des rotations de postes. Par exemple, je me rappelle quand nous avions invité un militant du Parti Vert suédois à l’occasion d’un atelier que nous avions organisé sur la politique écologique et l’expérience en Suède, il a commencé à décrire la campagne électorale qu’il avait connue avec le Parti Vert suédois. Lorsque le Parti s’est lancé dans cette campagne, les médias voulaient parler au leader sur tous les sujets, mais il expliquait aux médias que le Parti n’avait pas de leader ayant la prétention d’être expert sur tous les sujets. Les journalistes devenaient fous parce que ce n’était pas leur mode de fonctionner. C’était la tradition pour les partis verts de ne pas avoir un leader, mais d’avoir différents responsables sur les différents dossiers. Autrement dit, il y a au sein des partis verts différents experts qui sont responsables d’une variété de sujets qui constituent leur programme électoral. Tout cela pour dire qu’à l’origine les partis verts n’avaient pas seulement les caractéristiques que je viens de décrire, mais ils avaient aussi ces formes de structures internes originales, très démocratiques et non bureaucratiques. Ici, à Montréal, dans les années 1980, il y avait au pouvoir un parti politique avec le nom de Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal (RCM) et, en 1988 ou 1989, il y a eu des désaccords assez profonds au sein de ce parti. Il y avait une poignée de conseillers qui étaient soi-disant des dissidents et qui entretenaient un dialogue avec certains mouvements sociaux de l’extérieur, dont les écologistes. Sans trop entrer dans les détails, les écologistes ont décidé de fonder, en 1989, un parti vert municipal en lui donnant le nom de Montréal écologique. Ce parti vert était un peu une réflexion de l’expérience des partis verts qui existaient dans d’autres régions. Aux élections municipales de novembre 1990, nous avions 21 candidats, dont 10 femmes et 11 hommes, car il fallait une égalité entre les sexes. Nous n’avions aucun candidat à la mairie ; on se posait la question suivante : « Pourquoi avoir quelqu’un qui se prétend être à un autre niveau que les autres élus ? » Sans entrer dans les détails encore une fois, à la suite de notre aventure qui a duré de six à huit ans, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il est impossible, avec la culture existante à Montréal, de constituer un parti de gauche quand il existe déjà un parti de centre-gauche, surtout lorsqu’il est au pouvoir. La culture politique montréalaise n’était pas suffisamment mature pour permettre à cette diversité d’émerger surtout en l’absence d’un système électoral proportionnel. C’est vraiment la conclusion à laquelle nous sommes arrivés à cette époque. Nous nous sommes alors dit qu’il fallait créer peu à peu des espaces publics pour enrichir la culture politique montréalaise ; il fallait donc mettre sur pied des organisations qui font essentiellement deux choses : un, entreprendre un programme d’éducation populaire et deux, mettre sur pied des projets pilotes, …