Comptes rendus

Alain Pessin, Un sociologue en liberté : une lecture de Howard S. Becker, Québec, Les Presses de l’Université Laval, collection « Lectures », 2004, 146 p.[Notice]

  • Suzanne Garon

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  • Suzanne Garon
    Département de service social
    Université de Sherbrooke

Le livre écrit par Alain Pessin offre une relecture de Howard Becker à partir de quelques grands thèmes constituant le corpus de ce grand artiste de la sociologie américaine. Artiste et sociologue, puisqu’on y apprend l’importance pour cet auteur de sa condition de musicien de jazz dans l’émergence de sa conception de la sociologie. L’auteur, à la recherche du fil conducteur de l’oeuvre de Becker, relaie l’idée qu’elle se résumerait à l’étude de la manière dont les gens font les choses ensemble. Comment et par quels mécanismes faisons-nous de la musique ou travaillons-nous à une oeuvre d’art ou à une étude sociologique ? Sur un autre registre, mais toujours en continuité avec cette idée du faire ensemble : que se passe-t-il lorsque quelqu’un rejoint un groupe et fume de la marijuana ? Ce faisant, Pessin nous amène à comprendre autrement une série de concepts sociologiques du livre de base tout en nous entraînant à la rencontre de l’auteur The Outsiders. De format réduit, à peine une centaine de pages, il s’agit pourtant à la fois d’un ouvrage sur la manière de faire de la sociologie ou d’un excellent livre d’introduction à la sociologie en général, et d’un point de vue passionnant sur l’un des derniers rejetons de l’École de Chicago. L’ouvrage va donc plus loin qu’une présentation des grands travaux de Becker ou de son parcours sociologique. Dans les faits, la facture de l’ouvrage rappelle la manière de faire de la sociologie de ce dernier. On y retrouve le même préjugé pour l’émotion : « ce qui me passionne dans l’anthropologie sociale n’est pas tellement la théorie, mais plutôt le côté romanesque du terrain de recherche » (cité par Pessin : 15). Il s’agit donc d’un livre à lire et à offrir à ceux qui ont entrepris de se consacrer à la sociologie afin qu’ils maîtrisent un peu mieux Les ficelles du métier. Les six parties du livre dévoilent divers ouvrages ou concepts propres à l’oeuvre de Becker. Reprenons-en quelques-uns. Le premier chapitre, intitulé « Ceux qui planent et les autres », aborde évidemment son célèbre ouvrage sur les fumeurs de marijuana. Pessin remet en contexte la manière originale de traiter la délinquance de Becker. On y apprend que l’articulation de ce concept, sans en être entièrement tributaire, s’appuie ou s’effectue par le biais de la sociologie des professions. On sait que les premiers travaux de Becker étaient largement influencés par cette approche privilégiée par les boys de l’École de Chicago. À cet égard, il avait en compagnie de Geer, Hughes et Strauss participé à la réalisation de la fameuse étude Boys in White : Student Culture in Medical School qui portait sur les résistances des étudiants de médecine à l’égard des demandes et attentes de leurs professeurs et de l’Université à leur égard. Il est dès lors pertinent de considérer la délinquance sous l’angle de la sociologie des professions. On peut subséquemment s’attendre à retrouver les concepts de normes, de règles, de convention, etc. Ce faisant, nous nous retrouvons cependant devant une tout autre lecture. Plutôt que de mettre l’accent sur l’anomie ou sur la désorganisation sociale qui peuvent être considérées comme des facteurs causant la délinquance, le regard de Becker se porte sur la manière de faire ensemble de la délinquance. Il ne cherchera pas à s’attarder aux causes sociales, mais poussera plus loin ce qui était déjà très présent chez ses prédécesseurs de l’École de Chicago, à savoir la recherche sur les mécanismes du microsocial en jeu dans cet univers de la délinquance. Les questions qui guideront alors sa recherche se poseront directement aux sujets …

Parties annexes