Le dossier : Jeunesse et marginalités : faut-il intervenir ?

Être jeune et marginal aujourd’hui[Notice]

  • Annamaria Colombo,
  • Sophie Gilbert et
  • Véronique Lussier

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  • Annamaria Colombo
    Doctorante en études urbaines, Université du Québec à Montréal
    annamscolombo@gmail.com

  • Sophie Gilbert
    Département de psychologie, Université du Québec à Montréal
    gilbert.sophie@uqam.ca

  • Véronique Lussier
    Département de psychologie, Université du Québec à Montréal

« Jeunesse et marginalités : faut-il intervenir ? », la pertinence de cette thématique n’est pas à mettre en doute si l’on en croit la multiplication des colloques, publications, recherches et mentions dans les médias. Malgré ce foisonnement, il reste encore des zones d’ombre, des préjugés moralisants, des généralisations hâtives, des visions oublieuses des enseignements du passé. À l’origine de ce dossier thématique, la volonté de rassembler différents regards ouvrant sur des perspectives à la fois contrastées et nuancées sur ces réalités. En guise d’introduction, l’anecdote suivante illustre à quel point la thématique est d’actualité, jusqu’à s’immiscer dans le processus de constitution de ce dossier. Parmi les textes reçus en figuraient certains… en marge des normes, pour lesquels les comités de lecture sont… intervenus. Si bien que les lecteurs ne les retrouveront pas dans ce dossier, malgré leur créativité, leur intérêt certain et leur illustration des réalités de l’étranger. Cela souligne la tension entre, d’une part, le respect des règles du jeu, la prise en compte des codes et des critères établis et, d’autre part, l’intérêt de faire valoir autre chose, de sortir du cadre, jusqu’à refuser la norme. Au risque d’aboutir à une fin de non-recevoir. Dans l’appel à contribution lancé pour ce dossier, nous relevions que la thématique de la marginalité juvénile appelle un questionnement : qu’est-ce qu’être jeune et marginal aujourd’hui ? Les articles qui composent ce dossier apportent chacun des éléments de réflexion par rapport à ce questionnement. Nous reprendrons successivement ces deux thématiques, pour ensuite décrire leurs implications pour l’intervention. Les articles de Parazelli, Robert et Pelland, ainsi que Piché et Hubert font non seulement ressortir l’allongement et la diversification des parcours d’entrée dans la vie adulte, mais aussi les difficultés associées à ce passage dans le contexte social actuel, marqué par une individualisation du lien social. Ces réflexions peuvent être rattachées à tout un courant de la sociologie de la jeunesse actuelle qui insiste sur la nécessité de penser la jeunesse et la question du passage à l’âge adulte en lien avec les importantes mutations culturelles que vit notre société. Pensons par exemple aux travaux de Bajoit et al. (2000), de Zoll (1992) ou encore aux éléments de compréhension des rites de passage à l’adolescence que nous offrent les travaux s’inscrivant dans la sociologie du risque de Le Breton (Le Breton, 2003 ; Jeffrey, Le Breton et Lévy, 2005). À l’aide d’une mise en perspective historico-sociologique richement documentée, Parazelli rappelle que la jeunesse ou l’adolescence constituent, au-delà d’une étape biologique et naturelle du développement humain, un passage symbolique à l’âge adulte dont le sens et les modalités sont associés au contexte social, politique, historique et culturel d’une société donnée. Or, dans notre société, la quête de sens associée au passage à l’âge adulte serait exacerbée par le brouillage des repères normatifs qui caractérise les sociétés occidentales contemporaines. Comme le rappelle Le Breton (2003 : 23-24), la crise d’adolescence reflète traditionnellement le conflit entre les désirs d’autonomie du jeune et les possibilités de réalisation que lui offre la société : « Lors de l’adolescence se réalise la symbolisation du fait d’exister et l’entrée active, au titre de partenaire à part entière, dans une société où il est possible d’éprouver en soi le goût de vivre. » Mais dans une société de plus en plus individualisée, les normes de participation sociale ne font plus consensus et on en appelle de plus en plus à la responsabilité et à l’autoréalisation individuelles. La fonction socialisatrice d’institutions traditionnelles comme la famille, l’école, l’église, voire le marché du travail s’est affaiblie, ce qui rend plus difficile la transmission des valeurs …

Parties annexes