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André Jacob réussit à nous transporter dans l’arène des enjeux de l’exploitation des enfants, enjeux souvent cachés, car plus lointains des préoccupations occidentales. Bien que la pauvreté des enfants du Canada soit loin de nous réjouir, il y aurait plus de 20 % de jeunes vivant dans des contextes structurels de pauvreté, ce roman nous sensibilise de manière intelligente et nuancée au processus même de l’abus, voire d’un certain esclavage des enfants, dans ce cas-ci du jeune Malien Mamadou, âgé de 10 ans. Comme toutes les familles, celle de Mamadou rêve d’améliorer ses conditions de vie dans son village et surtout en créer de meilleures pour l’avenir et le développement de leurs enfants. Fils de forgeron, métier très respectable dans le village, Mamadou souhaite prendre le relais de son père et oeuvrer dans cette même trajectoire tout en poursuivant des études. Ne possédant pas de manuels scolaires et vivant dans ce village pauvre, les perspectives d’avenir sont généralement faibles, voire nulles. Dans ce contexte, et costaud pour son âge, Mamadou se voit confronté à des choix difficiles. Il est encouragé à suivre un certain cousin qui souhaite offrir à ses parents l’occasion d’étudier dans une école coranique à Bamako (Madrassa) tout en apprenant un métier. Flairant la bonne opportunité, les parents bienveillants décident et encouragent Mamadou à suivre le cousin Touré. Mamadou ne se sent pas à l’aise, s’isole et essaye de donner un sens au geste à poser. Très difficilement, il abonde dans le sens de ses parents et suit le cousin à Bamako. Essentiellement, il acquiesce à cette décision espérant aider ses parents en leur envoyant l’argent gagné et améliorer ainsi les conditions de sa famille. Là commencent les méandres de l’exploitation où Mamadou réalise peu à peu qu’il est « emprisonné » et doit travailler très fort pour survivre. Sujet à des transactions entre exploitants agricoles interafricains, Mamadou se retrouve dans un camp agricole de travail où les règles de fonctionnement s’apparentent plus à de l’esclavage pur et dur.

L’auteur, André Jacob, réussit à dépeindre ce milieu avec des détails des plus vrais et des plus dynamiques. Grâce à une certaine résilience et à une solidarité, Mamadou réussit, envers et contre tout, à trouver la liberté dans ce chaos de violence et d’abus. Le lecteur ne peut qu’accompagner avec enthousiasme le jeune Mamadou qui, avec le soutien de plusieurs acteurs, réussit à mettre le doigt sur ces « bourreaux d’enfants ». Loin d’être une fiction, ce livre est à conseiller, non seulement pour sensibiliser les jeunes adolescents, mais également les enseignants, éducateurs et intervenants qui ont à coeur de rompre ces cycles d’exploitation et de dépendance dans lesquels sont confinés encore des millions de jeunes individus. Fondé donc sur des réalités sociales concrètes de jeunes exploités, ce livre réussit admirablement à nous emporter dans l’imaginaire fictif et réel tout en fournissant de précieuses informations pour que ces pratiques soient choses du passé. En fin de livre, le lecteur est invité à prendre connaissance de certains faits et chiffres en Afrique.

André Jacob, qui a été professeur en travail social à l’UQÀM, a collaboré dans le développement international en Afrique et en Amérique latine, a contribué à mettre sur pied plusieurs programmes de développement et a reçu plusieurs prix dans le cadre de ses travaux pour le respect de la diversité sociale et culturelle au Québec et dans le monde. Bravo ! André Jacob.