La prévention précoce en questionPostface

Quels choix avons-nous en matière d’évaluation précoce et de prévention ?[Notice]

  • Gilbert Levet

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  • Gilbert Levet
    Psychologue psychanalyste

L’évaluation précoce et la prévention sont sur toutes les bouches, dans tous les articles, de toutes les affirmations. Chacun y va de sa vérité souvent assortie d’éléments qualifiés de probants afin de les parer de vertus qu’elles n’ont pas. D’autres interrogent ces « vérités » scientifico-politiques, en constatant que non seulement cela ne fonctionne pas, mais que, de plus, ils ne se reconnaissent pas dans les choix éthiques et épistémologiques qui sont au fondement de ces « vérités » scientifico-politiques. Dans ce numéro de la revue Nouvelles pratiques sociales, nombre d’auteurs interrogent à leur manière les fondements épistémologiques et éthiques des pratiques et concepts reliés à l’évaluation précoce et à la prévention. Pour ma part, psychologue clinicien et psychanalyste, ayant travaillé de nombreuses années tant en bureau privé qu’en service de pédopsychiatrie avec des enfants âgés de quelques mois à l’adolescence, je me suis particulièrement intéressé au TDAH, trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité. Tout m’a intéressé dans ce qui se cache derrière cet acronyme : la soudaine épidémie de cas au point que l’on peut se demander si nos enfants ne sont pas des mutants, la naissance d’un médicament avant même que soit créée la « maladie », l’invasion d’un jargon que personne, jusque-là, n’aurait osé utiliser à propos d’enfants, l’adoption rapide par les psychologues, les enseignants et d’autres professionnels de nouvelles théories qui chosifient, réifient leurs clients, enfin l’adoption d’une idéologie qui vise dorénavant à protéger les biens et non plus les personnes, etc. Je vais donc profiter de la substantifique moelle qu’offre le magnifique travail accompli par mes confrères dans ce numéro pour présenter ma position de clinicien à propos de l’évaluation précoce et de la prévention. Il s’agit d’une réflexion en cours, tant le sujet est vaste et recoupe plusieurs champs épistémiques, réflexion entreprise très tôt dans mon cursus universitaire, qui a été ensuite formalisée par ma thèse de doctorat, puis poursuivie dans mes travaux et mes articles ultérieurs jusqu’à la publication d’un livre (Levet, 2011). Ce livre se veut un livre pour la défense des enfants et de leurs parents. Le privilège qui m’est offert par les responsables du numéro de conclure la somme de travaux ici rassemblée, ce dont je les remercie chaleureusement, donne à ma contribution une forme particulière, mais qui sera cependant, je l’espère, tout autant appréciée des lecteurs. Dans la conclusion de mon livre, je fais remarquer que ce n’est pas la première fois dans l’Histoire que le corps social s’en prend à un sous-ensemble qui le constitue. Ainsi le patriarcat a longtemps et fortement maintenu (et toujours dans de nombreux pays) les femmes dans une position et un statut serviles, elles qui étaient qualifiées de génétiquement et neurologiquement inférieures. Il n’y a pas si longtemps, de brillants esprits estimaient leurs cerveaux inférieurs puisque notamment incomplets. Aujourd’hui, ce sont les enfants qui sont l’objet des bons soins des instances savantes et économiquement puissantes comme ceux de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) du côté français ou comme du Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants (CEDJE) de monsieur Richard Tremblay (2008) du côté québécois, pour ne citer qu’eux. Entendu que ces instances savantes et économiques ne sont que l’expression d’un corps social ici et maintenant. Ma position vis-à-vis de mes confrères psychanalystes est délicate, car pour la psychanalyse, c’est simple : le TDAH n’existe pas. Ils ont raison, mais est-ce une raison pour ne pas dénoncer cette violence qui est faite aux enfants ? Le TDAH est juste un symptôme, rien de plus. Un symptôme de quoi ? Le plus souvent d’angoisse. Mais ce …

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