Regards croisés France-QuébecConférences

Le pouvoir de penser et d’agir des parents… qu’en faisons-nous ?[Notice]

  • Lorraine Doucet

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  • Lorraine Doucet
    Directrice, Centre de promotion communautaire Le Phare
    info@lephare.ca

Depuis de nombreuses années déjà, il existe à travers le Québec des organisations qui accompagnent les familles dans l’expérience de la parentalité. C’est à partir des besoins, désirs, rêves identifiés par les parents eux-mêmes que sont nés les organismes communautaires familles (OCF), dont fait partie le Centre de promotion communautaire Le Phare (ci-après Phare), depuis plus de 35 ans. Donc, ce n’est pas d’hier que les parents trouvent des solutions pour vivre pleinement leur rôle parental et ainsi assurer une bonne vie à leurs enfants. Depuis quelques années, nous assistons à l’intensification des programmes et des projets qui s’adressent aux tout-petits et à leurs parents. Les interventions proposées ciblent prioritairement les jeunes parents, les parents pauvres, les parents immigrants et leurs enfants de moins de cinq ans. Que les subventions proviennent de la Direction de santé publique ou de fondations privées, les critères d’admissibilité demeurent les mêmes, ce sont les familles identifiées avec des facteurs de risques élevés que l’on veut réellement rejoindre. Nous pourrions ici discuter des multiples raisons qui motivent ces choix, qu’elles soient d’ordre économique, politique ou autres mais comme travailleuse communautaire qui côtoient tous les jours les familles, j’aimerais mettre en relief le discours autour de la prévention précoce et les aspects souvent pervers des actions qui l’accompagnent. Lors de nos réunions hebdomadaires d’équipe, nous nous sommes souvent questionnés sur le sentiment d’urgence et d’intensité que dégagent ces propositions. Nous pouvions percevoir qu’il y avait d’énormes malaises avec les familles qu’on voulait rejoindre et qu’on affublait souvent de termes tels que : familles vulnérables, défavorisées, jeunes à risque, comme si elles étaient en dehors du grand NOUS. De plus, les discours nous semblaient terriblement contradictoires, pour ne pas dire en perte totale de sens. D’un côté, ces programmes parlent du parent comme premier responsable de son enfant et, de l’autre, des intervenantes institutionnelles se présentent dans la famille et disent aux parents qu’elles vont leur montrer comment éduquer leurs enfants. D’un côté, on désire par ces activités favoriser le lien d’attachement et, de l’autre, on pousse les parents ciblés à inscrire le plus tôt possible leur bébé à la garderie. On prétend vouloir renforcer l’empowerment des parents et favoriser leur autonomie, mais dès la grossesse on les prend en charge et on ne tient pas compte de leurs forces et de leurs expériences lorsque vient le temps de pondre ces programmes. En aucun temps, ils ne sont réellement consultés ou questionnés sur les solutions ou les réponses à leurs besoins en tant que parent. Ces programmes posent un regard souvent empreint de préjugés défavorables par rapport aux parents ciblés. Plusieurs parents sont très sensibles aux non-dits, car plusieurs sont des « survivants » qui ont développé un sixième sens par rapport à ceux qui prétendent leur vouloir du « bien ». On se demande également si ces différents programmes visent réellement à briser l’isolement des parents, comme l’illustre cet exemple d’une mère qui fréquente notre organisme et qui bénéficie d’un accompagnement d’une travailleuse sociale du Centre local de services communautaires (CLSC), dans le cadre d’un programme de prévention précoce. Dès son arrivée dans le quartier et parce qu’elle était enceinte et mère de deux jeunes enfants, elle n’a pas eu le choix de placer à temps plein ses enfants à la garderie, qu’elle doit conduire matin et soir, en hiver, alors qu’elle vient d’accoucher, sous la « menace » qu’elle risquait de perdre les services de son CLSC. De plus, cette même intervenante vérifie régulièrement le réfrigérateur de madame en espérant y voir des légumes frais. Selon la mère, qui est une immigrante récente à …

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