Comptes rendus

Les formes élémentaires de l’engagement. Une anthropologie du sens, Olivier Bobineau, Paris, Le Temps présent, 2010, 166 p.[Notice]

  • Sylvie Jochems

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« L’engagement est-il dépassé ? » Le temps des grandes causes serait-il fini ? « Les jeunes n’ont plus de valeurs ! » Voilà les affirmations de départ, si (ou trop !) souvent entendues et qui interrogent Olivier Bobineau. Dès l’introduction, on prend acte que l’auteur a choisi un langage simple et accessible pour « sensibiliser » à la question de l’engagement et surtout aux conceptions humaines qui sont mises en jeu. Cet intérêt anthropologique prend racine dans des travaux entrepris par le sociologue notamment à l’Institut du sens politique. Bref, cet essai problématise et théorise le sens de l’engagement exposé en trois chapitres tout en faisant un survol d’auteurs — des incontournables — qui traitent de l’engagement, de l’identité et de l’individualisme, sous des dimensions et angles différents. Une fois ce détour historique établi, Bobineau est prêt à faire face à la question « comment se manifeste l’engagement dans nos sociétés individualistes et pluralistes ? ». Il affirme de suite que « l’individu moderne devient hypermoderne » dans la troisième modernité (p. 15) même s’il ne précisera que plus loin, en page 61, ce qu’il entend par première et deuxième modernités : la première modernité concerne l’individu doué de raison et qui s’émancipe des traditions communautaires ; la seconde est marquée par un individualisme concret où l’individu devient son moyen d’autopromotion, à la fois son skopos et son telos. Ce qui lui importe de porter à notre attention, c’est qu’une révolution anthropologique affecte l’individu dans les années 1980 pendant lesquelles trois crises majeures sévissent : crise économique, crise politique et idéologique puis une crise à la fois religieuse et spirituelle (p. 27-36). Cet individu hypermoderne éprouve dès lors huit mutations dans ses rapports : « rapport à soi, à son corps, aux autres, aux choses, au temps, à l’espace, aux valeurs et idées, au salut et à la transcendance » (p. 37-58). Somme toute, le rapport de l’individu à son identité caractérise l’individu moderne (p. 58). Les transformations de l’engagement dans la troisième modernité se manifestent radicalement à la fois sous leur forme sociale, leur contenu et leur expression. Utilisant la typologie d’Albert O. Hirschman (p. 77-93), Bobineau réitère que l’individu engagé dans la troisième modernité adopte trois postures : Exit (la non-participation : abstention, désobéissance passive, boycottage, rupture), voice (la prise de parole : la prendre et la donner) et loyalty (loyauté et fidélité). Bref : Olivier Bobineau conclut que l’individu est résolument en quête de sens. Il est baigné par l’effervescence globalisée de valeurs. Et il ajoute : « S’il y a perte, c’est celle d’une claire hiérarchisation des valeurs » (p. 159). Si l’engagement ne se fait « plus comme avant », il n’en demeure pas moins que depuis 1980, il s’est transformé pour développer une « morale des pairs » en mode connectif et confinitaire. Or, ce qui nous surprend le plus, c’est que, le temps d’un battement de cils, Bobineau affirme que « ce que l’individu a le plus besoin pour vivre en société » est la reconnaissance (p. 160). À peine deux pages de la conclusion expliquent aux lecteurs et lectrices que : Au bout du compte, malheureusement, l’auteur a failli à la tâche puisqu’il a omis d’articuler rigoureusement ces idées de reconnaissance (Honneth) et du don (Mauss et Caillé). À l’évidence, sa démonstration souffre d’un quatrième chapitre sur la thèse de la reconnaissance. De plus, la démonstration a brossé un large spectre pour définir ce qu’est l’engagement sans pour autant le délimiter à ce qu’il n’est pas. Néanmoins, les herméneutes pourront extraire de ce livre une grille d’analyse pour interpréter à …

Parties annexes